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30 mai 2025

Jean Mizrahi
30/5/2025

À propos du terme « Gwer » et des vidéos de Mustapha el Atrassi

Depuis quelques jours circulent des vidéos de "l’humoriste" Mustapha el Atrassi, émaillées de propos désobligeants à l’égard des « Gwers », terme d’argot péjoratif employé en Afrique du Nord pour désigner les personnes blanches ou non-musulmanes. Ce mot, hérité du turc "gavur" – qui signifie « infidèle » – trouve ses racines dans l’arabe "kāfir" et le persan "gabr", autrefois utilisé pour désigner les zoroastriens, perçus comme non-croyants dans l’univers musulman médiéval.
Cette situation soulève des interrogations profondes. La société française s’est efforcée, depuis des décennies, d’extirper du langage public les insultes ethniques ou confessionnelles qui blessent : « nègre », « bicot », « youpin »... Ces mots sont sortis de l’usage non par hasard, mais par choix moral collectif. Cette évolution salutaire est le fruit d’un effort collectif, largement porté par la société française elle-même, souvent au prix d’une introspection douloureuse.
Ce progrès, cependant, n’a de sens que s’il vaut pour tous. Il ne saurait y avoir de hiérarchie dans la dignité humaine. Aussi est-il important que ceux qui, à juste titre, rejettent les discours stigmatisants envers leurs communautés, refusent également que d’autres soient tournés en dérision ou désignés comme indignes en raison de leur origine ou de leur croyance. La responsabilité morale est partagée. Et elle implique de dénoncer, avec la même exigence, tous les propos qui minent l'harmonie sociale, d’où qu’ils viennent.
Ce que véhicule Mustapha el Atrassi n’a rien d'amusant. C’est un discours qui divise, attise les ressentiments, et affaiblit la confiance entre citoyens. Il faut en finir avec cette manière de jouer avec les tensions identitaires sous couvert de provocation pseudo-humoristique. La concorde nationale n’est pas un acquis ; elle se construit chaque jour, dans les mots que nous choisissons comme dans les silences que nous refusons de garder.