Jean-Claude Delhez
28/6/2025
NON-SENS : LES 5% DE L'OTAN
Lors du récent sommet de l'OTAN, tous les pays, sauf l'Espagne, se sont engagés à porter leur budget de la Défense à 5% du PIB en 2035. Actuellement, il gravite autour des 2%, parfois plus, parfois moins, et il est déjà en augmentation depuis quelques années. Il faut comprendre qu'il s'agit d'un pourcentage du PIB (produit intérieur brut) et non du budget de l'État, le PIB étant plus élevé. Deux exemples. Le PIB de la France est de 3.000 milliards. 5% de ce PIB, c'est 150 milliards. À dépenser chaque année pour la défense. Le PIB de la Belgique s'élève à 650 milliards. La dépense promise dépasse donc ici les 30 milliards annuels.
LE CHIFFRE
D'où vient ce chiffre de 5% ? De nulle part. C'est une requête de Donald Trump. Il ne correspond à rien. Jusqu'ici, les pays de l'OTAN devaient consacrer 2% de leur PIB à leur budget militaire. Trump considère que ces montants doivent augmenter et il a sorti le chiffre de 5% comme il aurait dit 3 ou 7. C'est la moitié de 10, il aime bien les chiffres ronds. Ce montant ne résulte pas d'une pensée stratégique nouvelle ou d'une étude qui aurait découvert des carences dans l'appareil militaire et aurait chiffré le coût de remédiation à ces carences. C'est sorti du chapeau, à la grosse louche, au pif ; mais un pourcent de plus ou un pourcent de moins, ça représente, au niveau de l'OTAN, des centaines de milliards par an, qu'il faut bien aller chercher quelque part.
LE FINANCEMENT
Cette annonce de l'OTAN intervient au moment même où, en France, l'Insee actualise le chiffre de la dette publique. Elle atteint désormais les 3.345 milliards. Elle était de 2.000 milliards à l'arrivée de Macron au pouvoir. Plus généralement, tous les pays d'Europe sont endettés et cette dette a tendance à augmenter. Cet endettement massif et croissant a deux conséquences néfastes : il place les pays sous la menace des marchés financiers, avec éventuelles dégradation de la note et crise financière à la grecque ; il impose des choix budgétaires car les intérêts de la dette et ses tranches de remboursement sont tellement élevés qu'il faut réduire des dépenses publiques ou augmenter les impôts pour y satisfaire. La forte augmentation des budgets de la Défense va évidemment encore accroître ce phénomène.
LA SOUVERAINETÉ
Un budget de la Défense, ce sont des dépenses de fonctionnement (les salaires des militaires) et un budget d'investissement (les achats d'armements). Les médias focalisent (à tort ou à raison) sur le second. Or, actuellement, les États européens achètent la majorité de leur armement hors d'Europe, en particulier aux USA. En l'état, accroître le budget de la Défense, c'est prendre des milliards supplémentaires dans les poches des citoyens européens pour les transférer dans celles des actionnaires américains. C'est, de la sorte, financer l'industrie américaine, l'emploi et l'innovation technologique aux USA, en endettant les États européens. C'est participer à la vieille politique américaine qui consiste à distancer technologiquement le reste du monde afin de se retrouver en position de monopole pour certains équipement Ainsi les USA entretiennent-ils leur domination technologique, leur domination militaire, mais aussi leur domination politique qui consiste à choisir les pays qui pourront acheter tel ou tel armement, puis à se réserver un droit de veto sur leur usage.
Depuis l'élection de Trump, on ne cesse de nous dire que l'Europe doit se prendre en main, assurer son indépendance vis-à-vis des USA et sa souveraineté en matière militaire. Les conséquences de ce budget otanesque de 5%, c'est exactement l'inverse (faut-il s'en étonner quand on sait que les politiciens européens vont chercher leur programme politique chez McKinsey ou à l'ambassade US ?).
LA MENACE RUSSE
Une manière de justifier les 5% otanesques n'est pas de rappeler qu'ils sont sortis du cerveau de Trump pour faire cracher les Européens au bassinet, mais qu'ils répondent à une menace (existentielle, évidemment), la future invasion russe, celle qu'on nous promet depuis des années. Où en est-on dans cette invasion ? Varsovie ou Riga sont-elles tombées aux mains de l'envahisseur ? En trois ans et demi, l'armée russe, partie du Donbass, est parvenue jusque dans le... Donbass. L'armée russe aligne un million de soldats, les armées européennes (sans les USA) un million et demi. La France et le Royaume-Uni ont l'arme nucléaire. La menace russe contre l'OTAN est une invention de la propagande occidentale. En sorte qu'ils justifient leur politique militariste par leurs propres bobards. Ainsi l'Europe est-elle en train de sortir un 18e train de sanctions contre Moscou et fait-elle tout pour saboter un accord de paix qui mettrait enfin un terme à cette guerre russo-ukrainienne qui n'a que trop duré. Tant qu'elle dure, ils peuvent dire au peuple : vous devez accepter des sacrifices sans quoi vous finirez écrabouillé par un char russe. Notez en passant que les mêmes politiciens européens, qui livrent discrètement des armes servant à génocider à Gaza, et qui ne reculent pas devant le viol du droit international, vous expliquent chaque jour que les méchants, ce sont les Russes.
LE DÉLAI
La dépense militaire portée à 5% du PIB, c'est un objectif. Il devra être atteint en 2035. C'est dans 10 ans. Où en seront-nous à cette date ? Que va-t-il se passer dans les 10 années qui viennent ? Nul ne le sait. Ce qui est à peu près sûr, par contre, c'est que tous les politiciens qui viennent de signer cette promesse ne seront plus là. Les budgets militaires de 2035 atteindront-ils les 5% du PIB ? J'attends de voir.