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19 juin 2025

TRUMP OU FALSTAFF QUI DANSE EN FACE DE L'ABÎME

Gabriel Nerciat
19/6/2025

Au-dessus de l'abîme, les choses s'accélèrent et pas favorablement.
Tout le monde est à la fois éberlué et consterné par l'attitude erratique, brutale et hésitante de Trump, mais elle est suffisamment symptomatique dans son irrationalité et son incohérence pour que la gravité de l'heure (qui semble échapper pourtant à pas mal de fanatiques et d'imbéciles) ne puisse plus faire débat.
Si l'on regarde les choses froidement, il n'y a absolument aucune raison qui puisse justifier une entrée en guerre des Etats-Unis contre l'Iran.
Non seulement, comme l'a dit un député républicain du Kentucky (Thomas Massie), "Israël n'a pas besoin de l'argent des contribuables américains pour sa défense s'il en a assez pour lancer des guerres offensives", mais de surcroît l'intervention directe de l'armée américaine dans le conflit constituerait une trahison flagrante des électeurs MAGA par le président qu'ils ont élu sur la promesse qu'il n'engagerait plus aucune guerre américaine au Moyen-Orient.
Tucker Carlson l'a dit sans ménagement au président (qui l'a évidemment mal pris) : une telle trahison, aussi irrationnelle qu'aventureuse, lui aliènerait durablement une écrasante majorité de sa base électorale, le priverait de toute chance de victoire aux élections de mi-term et mènerait très vite à une implosion de son gouvernement, déjà fragilisé par la non moins délirante rupture avec Musk.
À cela s'ajoute le fait que la directrice des renseignements américains (évidemment présentée par les néo-cons comme un agent de Moscou) a démenti catégoriquement que Téhéran soit à quelques mois de l'obtention de la bombe nucléaire, rendant ainsi manifeste la volonté de Netanyahou de rouler Trump, depuis le début de cette affaire et des négociations d'Oman, dans la farine sanglante et douteuse avec laquelle on ne peut plus faire de pain à Gaza.
Je le redis ici encore une fois, même si ça déplaît aux ânes et aux ataviques bouffeurs de turbans : rigoureusement rien ne peut justifier ou excuser l'attaque insensée et criminelle d'Israël contre l'Iran.
Ni la bombe nucléaire, ni la légitimité d'un énième "regime change" catastrophique, ni les roquettes du Hezbollah, ni les habituelles salades hypocrites ou indigestes sur la liberté des femmes iraniennes et/ou le droit des homosexuels persans de se marier (on aimerait en rire).
Le bombardement d'un hôpital sur Tel-Aviv de ce matin démontre encore s'il en était besoin le fiasco complet de l'opération décidée par le ruffian likoudiste, l'inefficacité du Dôme de Fer de même que la résilience, comme on dit maintenant, manifeste de la capacité d'agression balistique iranienne, que la propagande toujours aussi massive prétendait neutralisée.
Dès lors, c'est un peu tard maintenant pour appeler Papa Trump à l'aide, comme disait l'autre jour le colonel MacGregor.
Espérons que Poutine, Erdogan et son ami le prince Mohammed Ben Salmane, pour ne rien dire des représentants du dirigeant chinois, ont su trouver les mots pour lui faire comprendre dans quel gouffre il risque de glisser (et nous avec lui).
Car je ne crois pas deux minutes que la Russie et la Chine resteraient sans réagir si l'Amérique entamait une guerre totale ayant pour but, non seulement d'assassiner Khamenei et les principaux dirigeants religieux ou militaires de l'Iran, mais de renverser le régime islamique (ce qui ne se fera pas seulement par des bombardements aériens et ne provoquera que la prolifération du chaos initié en 1991).
Dans la bande pestilentielle des néo-cons, Bibi, l'assassin d'Yitzhak Rabin, a toujours fait figure de cancre mal dégrossi et quelque peu emprunté, à la traîne derrière Bush, Wolfowitz, Hillary Clinton ou Tony Blair.
Mais on sait que la revanche des cancres est la meilleure carte du Diable quand il n'en a plus d'autres à jouer. Le pire vient toujours sous une apparence grotesque ou inoffensive.