Kuzmanovic Georges
-20/7/2025- "L’Église chez elle et l’État chez lui", écrivait Victor Hugo, énonçant l’un des principes les plus profonds de l’équilibre républicain entre foi et politique.
Cette maxime a été reprise, à sa manière, par un imam d’importance, en réaction à la prière de rue controversée organisée Place de la République à Paris.
Ce rappel, venu d’un homme de foi, donne d’autant plus de force à ce fondement de la laïcité française.
Aujourd’hui, une grande majorité de nos concitoyens se disent lassés – voire exaspérés – par l’instrumentalisation de l’islam dans le débat public. Lassés de voir des groupes islamistes détourner la religion pour imposer des normes politiques contraires aux lois de la République. Lassés également de ces faux défenseurs de l’islam, qui prétendent protéger la foi musulmane, mais ne font en réalité que l’exploiter à des fins électorales, clientélistes ou communautaires. Et lassés, enfin, de ceux qui, stigmatisent les musulmans, en les essentialisant et en les accusant collectivement de tous les maux.
Cette confusion permanente affaiblit le pacte républicain et fracture la communauté nationale. Il est donc urgent de rappeler ce que signifie réellement la laïcité à la française : ce n’est ni le rejet des religions, ni leur invisibilisation, mais la garantie d’un espace commun neutre, où chaque citoyen peut croire ou ne pas croire, pratiquer librement sa foi ou s’en détourner, sans craindre la pression d’un groupe, la discrimination ou l’exclusion.
La République française, en son article premier, proclame être "indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion et respecte toutes les croyances". C’est dans ce cadre protecteur que la liberté religieuse peut pleinement s’épanouir.
Mais cette liberté implique aussi des devoirs : ne pas transformer l’espace public en lieu de culte, ne pas imposer des pratiques religieuses à la collectivité, et ne pas chercher à peser politiquement au nom d’une foi particulière.
Autrement dit, la religion doit demeurer dans le champ privé ou dans les lieux prévus à cet effet. Dès lors qu’elle sort de ce cadre pour s’exprimer dans la rue ou pour tenter d’influencer les décisions politiques, elle cesse d’être un facteur d’élévation spirituelle pour devenir un outil de division, voire de domination.
Dans cette perspective, aucune instrumentalisation de la religion – qu’elle soit "positive" ou "négative" – n’est acceptable en République. La foi ne doit pas devenir un levier de pouvoir, ni une cible de haine. C’est à cette condition seulement que la laïcité, pilier de notre contrat social, peut continuer à garantir la paix civile, la liberté de conscience et l’unité nationale.
Ci-dessous, le message du Sheikh Mahammad Mehdizade sur son compte X :
"En tant qu’imam, porteur de la tradition spirituelle de l’islam et citoyen profondément attaché aux principes de la République, je me sens dans l’obligation morale et religieuse de prendre la parole.
Depuis quelque temps, nous assistons à des comportements qui, bien que présentés comme des actes de foi, provoquent davantage de tensions qu’ils n’apportent de paix. Or, l’islam que j’enseigne et que je vis n’est pas celui de la démonstration ostentatoire ou de la provocation publique, mais celui du silence intérieur, de la droiture, et du respect du cadre dans lequel nous vivons.
La prière, dans notre religion, est un acte sacré. Elle est l’un des piliers de l’islam, un moment de soumission volontaire, de purification du cœur, de connexion intime avec Dieu. Mais lorsque cet acte profond est utilisé dans un espace public de manière non encadrée, sans autorisation, et sans raison justifiée, cela n’a plus rien à voir avec la spiritualité sincère. Ce n’est plus de la foi, c’est de l’instrumentalisation. Ce n’est plus un acte d’adoration, c’est une mise en scène — parfois même une provocation.
La Place de la République, symbole des valeurs communes de la nation, n’est pas un lieu de culte improvisé. La transformer en « mosquée à ciel ouvert » n’est pas un acte religieux légitime, surtout lorsqu’il existe des mosquées ouvertes à proximité, ou des alternatives respectueuses du cadre républicain. Une telle action brouille les lignes, alimente la confusion, et fournit des armes idéales à ceux qui veulent affaiblir l’image des musulmans dans ce pays.
Nous devons avoir le courage de le dire clairement : ce type de comportement dessert l’islam bien plus qu’il ne le sert. Il alimente les peurs, renforce les amalgames, et donne du crédit à ceux qui prétendent que les musulmans ne respectent ni les lois, ni les espaces communs, ni les valeurs de la République. Pire encore, cela fait passer des millions de musulmans paisibles, travailleurs, loyaux, pour des extrémistes qu’ils ne sont pas.
Oui, la liberté de culte est un droit fondamental. Et nous devons la défendre. Mais cette liberté ne nous autorise pas à faire tout, partout, au nom de Dieu. Le Prophète Mohammed (paix et salut sur lui) priait avec humilité, dans le respect du contexte et des gens autour de lui. L’imam Ali (as) nous enseigne la mesure, la sagesse, et la discrétion dans l’acte de foi. Nos modèles ne sont pas ceux qui défient les lois pour faire du bruit, mais ceux qui apaisent les cœurs et donnent de la noblesse à la religion par leur comportement.
Je condamne donc avec clarté ces prières-spectacles qui détournent l’essence même de la spiritualité islamique. L’intention religieuse ne justifie pas tout. Ce n’est pas ainsi que nous transmettons la beauté de notre foi. Ce n’est pas ainsi que nous gagnons le respect ou que nous construisons des ponts avec la société. La force du musulman n’est pas dans la confrontation, mais dans la sagesse, dans la patience, dans le bon comportement.
Aujourd’hui, notre responsabilité est immense. Dans un monde fragilisé par les divisions, les préjugés et les polarisations, nous avons le devoir de donner le meilleur témoignage de notre foi. Par notre éthique. Par notre respect des autres. Par notre présence positive, apaisante et constructive dans la société.
Que Dieu nous accorde la lucidité, la sincérité et le sens des responsabilités.
Et qu’Il nous éloigne de tout ce qui salit Son Nom au lieu de L’honorer".