Jean Mizrahi
30/6/2025
Un vrai et un faux problème.
La volonté de François Bayrou d’imposer la proportionnelle, en s’appuyant sur des groupes qui ne le soutiennent même pas à l’Assemblée, n’a rien d’étonnant. Il est coincé avec le Modem : une formation trop petite pour peser seule, et trop dépendante d’alliances avec plus gros qu’elle pour glâner quelques sièges. Bayrou, c’est le vieux routier de la politique politicienne : son seul vrai objectif, c’est de durer. Il a été premier ministre – c’est déjà, pour lui, une sorte de bâton de maréchal. Mais il veut quand même durer.
Au fond, est-ce que le mode de scrutin est vraiment le sujet prioritaire aujourd’hui ?
Le scrutin majoritaire : le levier de la 5e République
C’est le système actuel. Il a permis de forger des majorités solides, souvent dociles, donnant au Président les mains libres pour gouverner. Chirac, Sarkozy, Macron… Tous ont pu faire passer ce qu’ils voulaient – ou presque. Hollande, lui, a découvert que même une majorité écrasante ne garantissait pas l'efficacité.
Mais ce pouvoir concentré a souvent servi à faire… n’importe quoi. Chirac supprime le service militaire. Sarkozy creuse la dette de centaines de milliards. Macron continue dans la même logique.
Le problème n’est donc pas la mécanique électorale, mais la concentration excessive des pouvoirs dans un État hypercentralisé. C’est ça, l’échec flagrant de notre 5e République.
La proportionnelle : un espoir théorique, un chaos probable
En théorie, elle oblige les élus à dialoguer, à trouver des compromis. Mais nous sommes en France.
Un pays où chacun veut avoir raison contre l’autre, pas avec lui. Le consensus n’existe que quand les médias le réclament à grand bruit – et encore, surtout sur des sujets sociétaux. Quant au vrai consensus, celui qui demande du courage politique ? Il est sacrifié sur l’autel de la prochaine élection. Pourquoi prendre le risque de ne pas être réélu quand on est nourri par la politique.
La proportionnelle risque donc d’instaurer un bazar institutionnalisé, sans amélioration réelle du débat ni de l’action publique.
Le vrai problème est ailleurs
Dans tous les cas, c’est la France qui perd. Et ce sont toujours les partis politiques qui gagnent : ils accaparent la vie publique comme sous la IVe République. Rien ne changera tant qu’on pourra faire carrière en politique.
Ce débat sur le mode de scrutin est un faux problème. Le vrai diagnostic est ailleurs. Voilà ce que j’en pense :
Comme l’écrivait Rousseau (Jean-Jacques, pas la folle furieuse) : « Le peuple anglais pense être libre ; il se trompe fort : il ne l’est que pendant l’élection des membres du Parlement ; sitôt qu’ils sont élus, il est esclave. » Nous en sommes là. Ce qu’il faut, c’est associer les citoyens aux grandes décisions. Pas seulement pour choisir s’ils veulent ou non des trottinettes à Paris. Le référendum d’initiative populaire, à la suisse, est la seule voie vers une vraie démocratie.
Quand la survie politique dépend d’une réélection, les décisions courageuses sont toujours repoussées. L’intérêt général passe après l’intérêt électoral. Contre cela, il n’y a qu’une issue : Mandat unique : une seule fois, pas de reconduction possible. Et limitation de durée : pas plus de 10 ans cumulés de divers mandats électifs dans une vie (hors mandats dans des petites communes).
Et fin du statut refuge : un fonctionnaire qui veut se présenter doit démissionner. Il est trop facile de jouer avec l’argent public quand on reste abrité derrière un statut.
Tant qu’on ne s’attaquera pas à ces racines du marasme politique, rien ne changera. On ne fera que modifier l’emballage des mêmes entourloupes.