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2 juillet 2025

QUELQUES ASTUCES MANIPULATOIRES

Jean-Claude Delhez

-2/7/2025- Toute lutte se gagne, d'une manière ou d'une autre, dans les cerveaux, là où se loge la volonté des individus. Là se joue la guerre pour le contrôle des esprits ; contrôle des esprits qui entraîne l'adhésion du peuple au pouvoir et à sa politique. Dans ce qui pourrait être le petit guide pratique de la propagande médiatique occidentale, voici quelques méthodes expliquées par l'exemple.
La réalité est complexe. Pour bien la faire comprendre au public, il faut la réduire à l'un ou l'autre élément simple. Cela sera d'autant plus parlant que la chose s'incarnera dans une personne, un être humain, dont le visage sera bien reconnaissable et suscitera d'emblée un sentiment puissant. Une collectivité, une notion théorique, des liens de causalité, c'est complexe, et ça n'a pas de visage. D'où l'intérêt de la personnification. Elle renforcera le message de diabolisation ou de dédiabolisation, selon ce que le média entend diffuser.
Prenons le cas du personnage de la photo de gauche. Quand il est question de son pays, les médias pourraient citer ledit pays, sa population, le parlement, le premier ministre, le ministre des Affaires étrangères. En général, ils optent pour le président. En sorte de lui faire porter toute la responsabilité du message qu'ils diffusent. C'est l'équivalent de la tête de gondole des supermarchés. Cet homme, ils pourraient l'appeler le président russe ou Vladimir Poutine. Ils préfèrent dire Poutine. A la manière de la méthode pavlovienne, à force de répétitions, ils provoquent dans l'esprit de leurs auditeurs, à la seule écoute de ces seuls syllabes, le dégoût ou la haine. Preuve de l'efficacité de la manip : chacun dit rarement « La Russie » ou « Les Russes », mais plutôt « Poutine ».
Prenons le cas du personnage sur la photo de droite. Quand il est question de son pays, pour un motif militaire comme le précédent, en général, on ne le cite pas. Les médias disent Israël ou l'armée israélienne. Comme s'il n'y avait pas de lien entre eux. Ils ont même coutume d'employer la tournure passive : Gaza a été bombardée ; ou la tournure impersonnelle : On a tiré sur des civils. Dès lors, l'auteur n'est pas identifié, la responsabilité se dilue, disparaît. C'est le destin, la fatalité, la faute à pas de chance. Conclusion de celui qui entend ce discours : on ne peut rien y faire. C'est tout juste si on n'en arrive pas à : C'est Dieu qui l'a voulu. Alors que la conclusion est toute différente pour le premier cas, pour le personnage sur la photo de gauche. Elle donne le ressenti suivant : il faut tuer ce salaud.
A titre de comparaison factuelle, vous noterez que le second personnage porte la responsabilité de 50 à 100 civils tués volontairement chaque jour, alors qu'il s'agit de 2 ou 3 civils de temps à autre pour le premier ; et encore, pour le premier, ne fait-on jamais mention des victimes civiles de son propre pays. Ce qui donne une sorte de barème médiatique de la mort : il y a les morts qui n'existent pas, les morts de peu de valeur et les morts dramatiques. Une étude statistique intéressante consisterait à comparer l'espace médiatique accordé à une victime civile selon qu'elle meurt à Kiev ou à Gaza (pour ne rien dire de Téhéran ou d'une quelconque bourgade russe).
Quittons les hommes pour les moyens. Voyons la nationalité des armes. La Russie est l'un des rares pays à produire la quasi totalité de son arsenal. Malgré tout, la Russie s'est trouvé, à un moment donné, un appoint du côté de l'Iran et de la Corée. Vous ne pouvez manquer d'en avoir entendu parler, tant les médias ont tartiné sur le sujet, avec l'habituelle connotation péjorative. C'est le diable qui emploie les armes du diable. Cette gloutonnerie médiatique pour la nationalité des armes disparaît totalement dès qu'on change de pays. A l'inverse de la Russie, Israël ne produit qu'une minorité de son armement. Il y aurait donc matière à s'intéresser à l'origine de ces armes. Et pourtant, les médias ne veulent pas le savoir. Alors qu'il leur serait très facile de le faire puisque les livraisons d'armes partent de chez eux, de leur camp (Rheinmetall, Fabrique Nationale, etc.). Mais ce n'est pas de ça dont il faut parler. Il faut nourrir le cerveau du citoyen des munitions russes venues d'Iran ou de Corée, avec la connotation péjorative qui convient, tout en évitant surtout qu'il fasse le lien entre les civils qui tombent à Gaza et les contrats d'armement signés par les USA (surtout) ou l'Europe.
Je vous laisse sur une question philosophique : la balle de calibre 5,56mm OTAN est-elle plus démocratique que la balle de Kalachnikov ?