1/9/2025
Aymeric Caron m’épate.
Voilà quelqu’un qu’il m’a été donné de croiser deux ou trois fois (il ne doit pas s’en souvenir), me permettant de constater qu’il était à la fois sympathique et cohérent dans ses prises de positions animalistes. Lesquelles positions me paraissaient peut-être insuffisantes pour justifier une élection à l’Assemblée nationale. Eh bien j’avais tort.
Depuis octobre 2023 il a mis intelligence et énergie au service de la lutte contre ce qu’Israël inflige au peuple palestinien. Comme moi, il considère que l’on est en présence d’un génocide. Et dans ce combat, avec un incontestable courage, il affronte à la fois les militants acharnés de la cause israélienne et les relais dont ils disposent dans les institutions. Et il affiche cette fermeté depuis maintenant près de deux ans, s’exposant ainsi quotidiennement aux pressions, manœuvres, insultes et quolibets de ceux pour lesquels le massacre de 20 000 enfants est tout à fait justifiable. Il existe dans le langage populaire une expression pour qualifier l’absence de courage d’une personne : « je ne partirai pas à la guerre avec lui ». Eh bien en ce qui me concerne j’y partirai en confiance avec Aymeric Caron.
Les soutiens de ce que fait Israël à Gaza sont bien décidés à le faire taire. Fort heureusement, outre sa rigueur, il est aussi protégé par son statut de parlementaire. Grace à l’immunité qu’il procure, prévue pour protéger les élus du peuple des empiétements du pouvoir exécutif. Mais cela n’a pas découragé ses adversaires et il est aujourd’hui confronté à une procédure judiciaire destinée à le bâillonner. Et une fois de plus la justice démontre que sur certains sujets, elle a complètement jeté son impartialité par-dessus bord. Apparaissant une fois de plus comme un des éléments essentiels de la fascisation rampante du système macronien.
Aymeric Caron vient de publier un tweet sur X, et je propose d’en reprendre les termes et de les commenter.
« Il y a un an environ j’ai fait un tweet pour dénoncer le soutien d’Europe 1 au génocide en cours à Gaza, avec des intervenants multiples qui tous s’en prenaient à la demande d’Emmanuel Macron d’un cessez-le-feu.
J’ai donc comparé Europe 1 à Radio 1000 collines, radio tristement célèbre pour avoir encouragé et soutenu le génocide au Rwanda. »
Effectivement, quiconque connaît un peu l’histoire du génocide des Tutsis au Rwanda sait le rôle criminel de cette radio. C’est donc bien, et de façon lapidaire, une comparaison entre le rôle de ce média et celui que joue (pour Aymeric Caron), Europe numéro 1. Pour cette dernière c’est évidemment une imputation lourde, qu’elle aurait pu éventuellement considérer comme injurieuse. Mais le formalisme de la loi sur la presse et la jurisprudence sur les limites du débat politique, l’on fort normalement dissuadée. Et elle s’est bien gardée de le faire. Alors, les amis de Netanyahou ont pensé à une astuce. Qui permette de contourner ces deux obstacles. Voyons comment.
« Rachel Khan, soutien actif du génocide des Palestiniens, figurait dans le tweet d’Europe 1 que j’ai relayé puisqu’elle est l’une de ces voix pro-génocide. Encouragée par l’avocate pro-Netanyahou Muriel Ouaknine Melki, collègue de la chaîne pro-Netanyahou CNews, Kahn décide de porter plainte pour injure raciste. Pourquoi, alors que mon tweet parle d’une radio (laquelle n’a évidemment pas porté plainte) ? Parce qu’elle est sur la photo et que c’est sa citation qui illustre la position d’Europe1 ».
La voilà l’astuce. Normalement tout ce qui relève de l’exercice de la liberté d’expression et de la répression de ses éventuels abus relève de « la loi de 1881 sur la presse » au formalisme protecteur du droit garanti par l’article 11 de la déclaration française des Droits de l’Homme et du Citoyen. Sauf que la haine de cette liberté et la passion répressive du système ont permis d’inventer des infractions qui utilisent le racisme et la discrimination comme circonstance spécifique et aggravante. Alors on va utiliser la couleur de peau de Rachel Khan (?) pour prétendre que c’est elle et non pas Europe 1 qui a été mise en cause, et que c’était une injure raciste (!).
C’est tout à fait grossier, cela nécessite la complicité de l’appareil judiciaire, mais pourquoi se gêner ? Si on se rappelle le zèle déployé après la honteuse circulaire Dupond-Moretti sur « l’apologie du terrorisme », qui a vu des centaines de condamnations… mais dans un seul sens.
« La plainte est surréaliste, pourtant je vais être convoqué par la police avant l’été, pour répondre de mon tweet – c’est une obligation légale lorsqu’une plainte est déposée pour injure aggravée. Je suis obligé d’annuler le matin même le premier rendez-vous que j’avais accepté pour cause de maladie : l’officier de police demande à mon avocat que je fournisse un certificat médical, ce que nous refusons bien sûr. Nous comprenons que nous aurons le droit à un traitement particulier. »
Cette demande de justification par certificat médical de la part d’un officier de police est simplement sidérante ! Pour qui se prend-il ? Un député est protégé par son immunité et c’est lui qui décide s’il vient et quand il vient à une convocation de police. Sauf si ce flic zélé obtient une mainlevée de l’immunité parlementaire prononcée par le bureau de l’Assemblée nationale sur la demande d’un juge. Et nous verrons dans la description que fait Aymeric Caron de l’entretien, à laquelle s’ajoutent tous les témoignages de ceux qui y ont eu affaire, le service de police spécialisé créé pour la mise en œuvre de cette répression de la liberté d’expression, fonctionne de manière totalement partiale.
« Nous décalons le rdv et je me rends à la seconde convocation de la police il y a quelques mois. Je vais alors répondre pendant près de deux heures à des questions plus qu’étranges. Le policier me demande par exemple pourquoi j’ai posté un tweet le jour où j’ai décalé le premier rdv avec lui, alors que j’étais malade. Je suis ensuite interrogé longuement sur ma connaissance du génocide du Rwanda et sur ses différents acteurs. En revanche pas une seule question sur Rachel Khan. Pas une. »
Les commentaires sont inutiles. Sauf peut-être concernant la connaissance du génocide du Rwanda. Histoire de fournir au procureur la possibilité d’un réquisitoire supplétif pour contestation de crimes contre l’humanité ?
« Il y a quelques jours, mon avocat apprend que suite à mon audition par la police, le procureur adjoint de Nanterre, Jean-Pascal Oualid, a décidé de me poursuivre. Qui est Jean-Pascal Oualid ? Pour le savoir il suffit d’aller sur son compte LinkedIn. On découvre qu’il reposte Caroline Yadan, qu’il dénonce l’emploi du mot « génocide » pour qualifier les massacres de Gaza, qu’il s’en prend aux étudiants de Sciences Po qui dénoncent le génocide, qu’il déteste LFI et Blanche Gardin ou encore qu’il louange Richard Malka. »
De nouveau, on bascule dans la sidération. Que signifie l’intervention d’un procureur militant déclaré d’une cause directement politique. Sa mission n’est-elle pas celle d’une autorité de poursuite qui agit au nom de la République, dans la défense des intérêts de celle-ci, sous l’autorité hiérarchique du pouvoir exécutif français légitime ? Et sûrement pas pour le compte du gouvernement d’un État étranger.
Et le devoir de réserve alors ? Celui prévu par l’Ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et précisé par « La Charte de déontologie des magistrats » selon laquelle : « Le devoir de réserve impose au magistrat de faire preuve de retenue dans l’expression publique de ses opinions, de manière à ne pas nuire à l’image d’impartialité, d’indépendance et de dignité de l’institution judiciaire. » Toutes les interventions sur les réseaux sociaux, citées par Aymeric Caron sont autant de violations du devoir de réserve. Mais bien sûr dans le système macronien on sait très bien qu’elles ne subiront pas la moindre remontrance. Pas plus que ne va en encourir Rachel Khan pour son appel à « une solution finale pour le palestinisme », formule génocidaire tout à fait élégante qui ne provoquera évidemment aucun froncement de sourcils ni du parquet ni de l’ARCOM. Doit-on comprendre que dans la France macronienne, comme pour l’opposition aux massacres de Gaza entraîne l’accusation immédiate d’antisémitisme, la couleur de peau de Madame Khan est un totem d’immunité qui lui permet de proférer des horreurs ?
« Évidemment tout cela est parfaitement cousu de fil blanc. Depuis près de deux ans les pro-génocide cherchent une brèche pour m’atteindre. Il fallait les alliés, il fallait inventer le motif, ça y est la combine est en route. Mon avocat et moi avons hâte de ce procès. Nous aurons beaucoup, beaucoup de choses à raconter et de témoins à convoquer. »
Aymeric Caron repart au combat.
Respect.