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3 mai 2025

L'AVENIR INCERTAIN DU PEUPLE UKRAINIEN

Jean-Claude Delhez

3/5/2025- À l'exception de l'accord minier qui vient d'être signé entre Trump et Zelensky, l'Occident s'intéresse peu au sort de la population ukrainienne sur le long terme. Ça n'est pas vendeur comme sujet, moins que la guerre du moment. Voyons cela.
Quand l'URSS a disparu, l'Ukraine était la 2e puissance économique de l'Union soviétique. La population atteignait les 50 millions d'habitants. Comme toutes les anciennes républiques soviétiques, elle a alors été frappée par le déclin économique. Un déclin qui s'est accompagné, en Ukraine, d'un départ massif de populations. Des millions d'habitants, les jeunes en âge de travailler, ont migré vers l'ouest. Beaucoup se sont installés en Pologne, où ils ont remplacé les ouvriers polonais partis trouver un meilleur salaire en Angleterre. Avec l'invasion russe de 2022, nouvel exode massif de population : des millions de femmes, d'enfants, de jeunes hommes quittent l'Ukraine pour l'Union européenne et la Russie. En sorte qu'aujourd'hui, la peuplement du pays s'est effondré, et surtout, la pyramide des âges s'est inversée : l'Ukraine est une nation de personnes mûres et âgées. C'est pour cela que Kiev, contrairement à l'habitude, mobilise des soldats de 40 ans et non des jeunes de 20 ans. Plus les années vont passer, plus l'Ukraine va voir sa population en âge de travailler diminuer et, face à elle, des millions de retraités et de victimes de guerre (handicapés, traumatisés). Ce qui est périlleux pour le financement des retraites et des soins de santé.
À cela s'ajoute un pays en ruines. Tout le front de guerre, sur 1000 km de long, est rasé par les bombardements. C'est Verdun, la zone rouge. Il est aussi durablement pollué par les obus, les mines et les substances chimiques diffusées dans l'environnement par les munitions modernes. À l'intérieur du pays, de nombreuses infrastructures ont été détruites. Le réseau de production et de transport de l'électricité a particulièrement souffert. Pour y palier, l'Europe a raccordé l'Ukraine au réseau européen et lui livre de l'électricité. Du matériel européen est aussi envoyé régulièrement vers l'Ukraine pour tenter de réparer le réseau électrique. Par ailleurs la plus grosse centrale nucléaire du pays (et d'Europe) est aux mains des Russes depuis 3 ans (ainsi que les mines de charbon du Donbass). Le barrage hydro-électrique de Kakhovka, sur le Dniepr, a sauté. Le coût de reconstruction de tout cela est considérable et il est probable que beaucoup de plaies ne seront jamais cautérisées.
L'État ukrainien est en quasi faillite. Une guerre, c'est toujours une crise économique. Il faut financer le coût des opérations militaires, des armements, la solde des combattants ; l'économie est désorganisée par la mobilisation des travailleurs, les destructions, la coupure des relations économiques, etc. En sorte que l'Ukraine ne survit que grâce à l'aide occidentale. L'aide européenne, en particulier, consiste en grande partie en matériel civil et en financement pour garantir le fonctionnement des services publics ukrainiens et en payer les fonctionnaires. Cette aide européenne, c'est de la dette. Il n'y pas un centime de côté dans le moindre pays européen. Ils sont tous déjà lourdement endettés. Et l'argent qui part alimenter l'Ukraine, ce sont des dettes supplémentaires. On peut se demander si, la paix revenue, il restera encore beaucoup de généreux donateurs prêts à aligner les milliards pompés sur la dette pour reconstruire les cités sinistrées du lointain orient de l'Europe.
Sauf à s'engager dans une dérive autoritaire, le jour où la guerre prendra fin, parce que ça finira bien un jour, le pouvoir ukrainien sera obligé de rendre la parole à la population, en levant les restrictions à la liberté de presse et au pluralisme politique. Et en organisant des élections. Or, l'Ukraine va alors se retrouver dans la situation qu'avait connue l'Italie (ou la Hongrie et l'Allemagne) après 1918 : un pays qui sort d'une guerre de tranchées de 3 ans, dans laquelle il a consenti de lourds sacrifices, pour des résultats décevants, et avec une société civile grossie par les centaines de milliers d'hommes qui ont subi l'expérience brutale du front. Ce sont ces circonstances historiques qui ont conduit au pouvoir Benito Mussolini et un nouveau type de régime politique appelé à connaître un franc succès.