Jean-Claude Delhez
-27/5/2025- En 2008, au sommet de Bucarest, l'OTAN prend une décision lourde de sens : l'Ukraine et la Géorgie ont vocation à rejoindre le pacte militaire atlantique. L'ancien ministre Pierre Lellouche a révélé récemment que cette adhésion était le projet du président Georges Bush junior et des néo-conservateurs américains. Ce sont les Européens (d'alors) qui l'ont réfréné en lui faisant voir qu'une adhésion immédiate de ces deux anciennes républiques soviétiques pourrait conduire à un conflit avec Moscou.
Quatre mois seulement après cette décision de l'OTAN, en août 2008, la Géorgie voit arriver un jeune conseiller français de 28 ans, Raphaël Glucksmann. Cornaqué par Bernard Henri Lévy, Glucksmann vient se mettre au service du président géorgien Mikael Saakachvili. Saakachvili est un politicien néo-libéral, favorable à l'OTAN. Les liens du jeune Français avec le régime géorgien ne se démentent pas puisque, quatre ans plus tard, Glucksmann épouse la ministre de l'Intérieur de Saakachvili, Eka Zgouladze. Peu après, le couple quitte la Géorgie pour s'installer en Ukraine. A la fin de l'année 2013, ils sont à Kiev pour participer aux manifestations de Maïdan, des manifestations qui vont renverser le président ukrainien quelques mois plus tard. Ou du moins sera-t-il renversé par un coup d'Etat ourdi par les USA, le parti de Ioulia Tymochenko et des milices nationalistes. Glucksmann se présente alors lui-même comme « conseiller en révolutions ».
Avec la mise en place d'un gouvernement pro-américain à Kiev en 2014, on y voit arriver une série de Géorgiens. Il y a l'ancien président Saakachvili, qui a perdu les élections en 2013. Surtout, il est recherché par la justice de son pays. Il s'enfuit d'abord aux USA puis arrive en Ukraine. Il troque sa nationalité géorgienne contre la nationalité ukrainienne ce qui lui ouvre la place de gouverneur d'Odessa. Madame Glucksmann fait de même : elle abandonne sa nationalité géorgienne pour devenir ukrainienne et fait ainsi sont entrée parmi le gouvernement de Kiev, en décembre 2014, comme ministre de l'Intérieur. Elle aura ainsi été successivement ministre de l'Intérieur de deux pays différents, ceux visés par la décision de l'OTAN en 2008. Quant à son mari français, il poursuit ce qu'il avait commencé en Géorgie ; il conseille les politiciens ukrainiens : le maire de Kiev et ancien boxeur Vitali Klitchko et l'ancienne première ministre Ioulia Tymochenko (voir photo). En 2016, Eka Zgouladze abandonne son poste ministériel au sein du gouvernement ukrainien. Elle est divorcée depuis peu de Raphaël Glucksmann. Mikael Saakachvili, lui, quitte ses fonctions ukrainiennes au même moment et, après de multiples péripéties, finit en prison en Géorgie où il croupit toujours actuellement.
Revenons-en au parcours de Raphaël Glucksmann et à ses motivations. Il faut savoir qu'avant de se découvrir récemment socialiste, il avait commencé sa carrière du côté de la droite libérale et atlantiste ; il est d'ailleurs le fils du philosophe libéral André Glucksmann. Avant son arrivée en Géorgie en 2008, il était collaborateur d'une revue française néo-conservatrice et pro-américaine (« Le meilleur des mondes »).
Est-ce le hasard qui explique la présence de ce néo-conservateur atlantiste dans les deux pays ciblés par les néo-conservateurs américains de Georges Bush à partir de 2008 ? Par quel concours de circonstances arrive-t-il à Kiev avec toute une colonie géorgienne au moment même où Washington y prépare le coup d'Etat de Maïdan ? Quel rôle joue-t-il dans cette affaire de Maïdan dont on sait aujourd'hui que Washington et l'opposition ukrainienne y ont fait tirer sur la foule, sous faux drapeau, afin de renverser le pouvoir ? Cette opposition est justement celle de Ioulia Tymochenko, dont Raphaël Glucksmann devient ensuite le conseiller. Glucksmann est-il un naïf embarqué dans un événement qui le dépasse, ou un complice des sanglantes ingérences américaines ? En tout cas, le temps qui passe ne l'a pas changé puisqu'il demeure aujourd'hui un partisan acharné de la guerre en Ukraine et de l'ingérence en Géorgie.