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29 mars 2023

Darmanin : le spectacle du camion qui brûle

Pierre Duriot

Darmanin, tranquillement, explique qu’il y avait un millier de radicaux à Sainte-Soline, dont près de 200 fichés S. Seulement, ce faisant, il avoue deux choses, pourtant inavouables. En premier lieu, que les fichés S peuvent aller et venir sans entrave, rejoindre un lieu stratégique sans être inquiétés et se balader avec du matériel de combat de zadiste. On se demande à quoi ça sert d’être fiché S, si on n’est pas plus surveillé que ça ? En second lieu, sachant que ces types sont ce qu’ils sont, il n’a pas cherché à les empêcher de rallier Sainte-Soline, les a laissés se préparer, s’organiser, se regrouper, avant d’envoyer les fonctionnaires du maintien de l’ordre, au casse-pipe. Le même scénario, exactement que quand Philippe, premier Ministre, avait laissé des centaines d’activistes, dont beaucoup d’étrangers, rallier le site de Notre-Dame-des-Landes, avant d’envoyer, de la même manière, les gendarmes au casse-pipe. Etait-ce si difficile d’alpaguer ces activistes sur les quais de gare, ou les ronds-points, avant qu’ils n’arrivent ? Ces gens ne font pas du maintien de l’ordre, il font du spectacle, pour épater le téléspectateur et se fichent royalement des dégâts collatéraux chez les fonctionnaires. Il y a des pourtant des extincteurs dans chaque véhicule de service, pourquoi ne sont-ils pas utilisés dès le départ du feu ? À croire qu’on laisse les camions bleu-marine brûler pour les caméras. Nos fonctionnaires, en plus d’être blessés, passent pour des glands au niveau international, où on scrute à la loupe nos techniques de maintien de l’ordre. Et les spécialistes doivent nous utiliser pour montrer à leurs élèves gendarmes, ce qu’il ne faut surtout pas faire. Pour les zadistes, ils savent ce qu’ils risquent. On est habitué à ce gouvernement qui a toujours la tentation d’éteindre les incendies en y jetant de l’essence. (...)


France : bientôt des Casques Bleus ?

Gilles La Carbona

Au Maroc, au Chili, en Argentine, en Allemagne, en Grèce, les ambassades de France sont la cible de manifestations contre la répression du régime de Macron, sa politique autoritaire et fasciste. Il n’y a pas encore si longtemps, c’était en France que les ambassades étrangères étaient le théâtre de tels attroupements. Les temps changent et ce qui se dénonçait hier, au pays de Voltaire, l’est aujourd’hui contre la France elle-même, ailleurs. La honte devrait assaillir le moindre journaliste, le plus humble des parlementaires, mais il semble que ce sentiment n’affecte plus les consciences normalement pétries d’humanisme, éprises d’un idéal de liberté, avides de justice et d’équité… mais perfusées aux subventions.

Le monde se réveille, tremblant d’épouvante, en contemplant les images de toutes ces violences, initiées par un pouvoir autoritaire qui falsifie ses actes sous couvert d’un droit qu’il détourne dans son esprit, qu’il bafoue avec la complicité du Conseil d’État et du Conseil Constitutionnel, institutions transformées en blanchisseuses de l’ignoble et du frelaté. Ce n’est pas parce qu’une procédure est inscrite dans la loi, qu’elle est moralement et socialement acceptable. Et c’est cette part d’interprétation qui est devenue si licencieuse, qu’elle permet toutes les perversions et offre les justificatifs à des actes qui cachent des intentions malhonnêtes, perverses, donc condamnables. L’utilisation du 49.3 n’échappe pas à cette analyse, et c’est surtout le 47.1, utilisé pour l’examen de cette loi, qui est l’outil le plus dévoyé. Il n’a pas été utilisé par erreur, il l’a été pour pouvoir mettre en action l’article 49.3, sans quoi le gouvernement ne pouvait plus en faire usage. L’intention d’utiliser le 47.1 était donc malhonnête dès le départ, mais ce n’est pas le mobile qui sera jugé, voilà ou est le crime odieux que se prépare à valider le Conseil Constitutionnel.

L’étranger n’est pas dupe, il voit, il comprend, et des voix s’élèvent à présent partout, pour dénoncer la tyrannie macroniste. Une prise de conscience internationale se fait jour, et Macron apparaît pour ce qu’il est, un fourbe manipulateur, qui refuse le jeu équitable de la démocratie, cherchant à tous les instants les moyens de contourner les textes. Le monde est choqué que l’on puisse à ce point, en France, gouverner avec une telle violence, au point d’oser prétendre, en pleine tourmente, comme le fait Borne, que « le gouvernement a fait ce que les Français attendaient », quand ce même peuple est massivement dans la rue. L’indécence de la formule est plus qu’un simple mépris, qu’une insulte, il est la marque du césarisme de ce régime qui vient, sans sourciller, affirmer qu’il tend la main aux syndicats, après leur avoir fermé la porte au nez. Le monde gronde, inquiet que la 5ème puissance nucléaire bascule dans le totalitarisme. Et voilà nos ambassades prises pour cible. Impensable il y a encore quelques mois. Pour corroborer ces actions, Amnesty International, Reporters sans frontières et le Conseil de l’Europe, l’ONG Human Right Watch dénoncent l’usage excessif de la force en France. Le Washington Post s’en émeut également. Ce n’est plus une simple plainte locale, c’est un fait avéré internationalement, mais ignoré de la macronie, puisqu’un ministre de ce gouvernement affirme sur une radio, que ces violences n’existent pas ! Il est uniquement dans son rôle, mentir et nier la réalité.

Le chef du gouvernement israélien, après seulement une nuit de forte mobilisation, a ajourné son projet de loi… une nuit seulement. Alors que chez nous l’insurrection couve depuis bientôt deux semaines et rien ne se passe, si ce n’est que notre président est obligé d’annuler une visite à Toulon. Quel contraste, entre un homme d’État prenant la mesure de la colère de la rue, et un autre contraint de se terrer dans ses appartements, isolé, jouant les fanfarons, mais incapable de pouvoir mettre un pied dehors sans trembler, sans se sentir à ce point esseulé et faible. Le grand Macron annule un déplacement dans son propre pays.

En réalité, on a très bien compris sa technique. Il laisse pourrir la situation dans la rue. Il laisse aussi pourrir la situation à Sainte-Soline, envoie les forces de l’ordre au feu de manière dangereuse, fait frapper indifféremment casseurs et populations laborieuses. Il tente de justifier ainsi d’un état d’exception pour apparaître comme un homme fort, avant de dissoudre et de retrouver, espère-t-il, une légitimité d’homme d’État. Ca ne marchera plus. Non seulement, il nous a déjà fait le coup, mais en plus, il est allé trop loin dans l’insulte, le mépris et le mensonge, il est grillé.

Les représentants des États siégeant à l’ONU devraient se pencher sur le cas de la France, exiger des explications, et pourquoi pas, cela s’est fait pour d’autres pays, demander que cette crise politique se règle dans les urnes. Et l’international de se faire un devoir de porter assistance à ce peuple, mis en danger par la faute de son dirigeant.

28 mars 2023

Yann Bizien

La vraie France d'en bas, celle du réel, sur Tweeter ce matin. Le ton est plutôt révolutionnaire :

" Le Roi Macron est confiné."
 
"Le père fouettard reste dans son bunker."

"Macron a tellement peur du pays réel qu'il a annulé un déplacement à Toulon."

"Le tyran est calfeutré à l'Élysée. Il est plus facile d'injurier la foule à la télé que de faire face à elle."

"Aujourd’hui encore, à Marseille, une foule immense défile contre Macron et son pillage autoritaire."

"La jeunesse en force dans le cortège. La jeunesse unie pour défaire le monde de Macron. Même si Macron ne veut pas, toute la France est là."

"Des milliers de personnes défilent au Havre contre Macron, son 49-3 et sa réforme des retraites. Le mouvement a du souffle, dans l'ex pays des droits de l'homme."
 
"Le cauchemar du Gouvernement est lancé."

"Macron est traqué partout par le peuple en colère."

"C’est pas lui qui faisait le fanfaron avec son « qu’il vienne me chercher »? Aujourd’hui il rase les murs et flippe même d’annoncer à l’avance son agenda présidentiel. S’il ne peut plus exercer ses fonctions, qu’il dégage."

"Il paraît que le dictateur vient d'appeler à la rescousse son allié magique : le fameux "covid" ! Miraculeusement et opportunément "réactivé", le virus-fantôme se chargera de stopper la vague insurrectionnelle."

"Plus personnes ne va croire ce menteur pathologique."

"Ça ne prend plus, une fois mais pas deux, la colère est à sont paroxysme, il n'y a pas que la réforme des retraites c'est un ensemble, et accumulation de toute la maltraitance de la macronie. Qu'ils dégagent !!!"

"@EmmanuelMacron est affaibli , il est K-O sur le plan psychique et politique, il use de sa dernière carte « La Matraque » et c’est le moment où jamais de le faire dégager, il ne faut pas le laisser respirer."

"Le peuple Français doit exiger la démission ou la destitution de Macron. Il est grand temps de faire du ménage dans ce Gouvernement."

"Ce guignols n'a plus de place comme président de France il devrait partir pour que ce pays retrouve ses couleur."

François Asselineau :
VOMI PAR LES FRANÇAIS, LE MOZART DU BORDEL GÉNÉRAL EST COINCÉ À L'ÉLYSÉE
Traqué partout par le peuple en colère, Macron ne peut plus :
- accueillir Charles III
- dîner à Versailles
- aller au Stade de France
- se rendre à Toulon
- exercer ses fonctions
IL FAUT LANCER LA DESTITUTION

De l'autre côté de la Manche :
"Macron is learning what it means to go against The People."

Médecin à Sainte-Soline, je témoigne de la répression

Agathe, médecin urgentiste présente à la manifestation à Sainte-Soline
- Reporterre -


Alors que le pronostic vital d’un opposant aux mégabassines de Sainte-Soline est toujours engagé, une médecin urgentiste lui ayant porté secours témoigne. Elle pointe la responsabilité de la préfecture pour le retard de sa prise en charge par les urgences.

Le week-end de mobilisation contre les mégabassines à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) a été marqué par de nombreuses violences policières et des blessures très graves, avec une personne encore entre la vie et la mort.

En attendant de plus amples informations, Reporterre publie d’ores et déjà le témoignage d’Agathe, médecin urgentiste présente à la manifestation, qui a suivi et s’est occupée de cette personne toujours dans le coma et au pronostic vital engagé. Elle pointe la gravité des faits et la responsabilité de la préfecture pour le retard de sa prise en charge par les urgences.

• La marche de printemps

Départ du camp vers 11 h. Trois cortèges marchent à travers champs. Le premier cortège nous annonce qu’il n’y a aucun barrage des forces de l’ordre sur le parcours. Ils gardent la bassine. Un vulgaire trou recouvert de béton. Ils la gardent comme une forteresse. Ils auraient même creusé une tranchée de huit mètres de profondeur et un talus de plusieurs mètres de hauteur sur tout le tour de la bassine pour la rendre inaccessible. Les douves du château-fort. Le cortège au sein duquel je me trouve est joyeux, les manifestants marchent dans la boue, un champ de colza, premières fleurs du printemps.

• Arrivée à proximité de la mégabassine

Les cortèges se retrouvent. Ils fusionnent. Une marée humaine. La victoire d’être si nombreux. 20 000, 25 000, 30 000 personnes, impossible d’estimer. On aperçoit les forces de l’ordre soigneusement disposées autour du bassin, enceinte de camions de gardes mobiles, plusieurs blindés. Une colonne de quads avec un binôme de gardes mobiles dessus. Certains auraient vu la cavalerie. Personne n’est inquiet à cet instant. Que peuvent-ils faire contre cette foule hétéroclite et déterminée ?

Un instant je me demande pourquoi les forces de l’ordre sont là. Ils ont creusé une tranchée de huit mètres de profondeur et un énorme talus. La bassine nous est inaccessible. Je me demande pourquoi la présence de toute cette artillerie est nécessaire. Qu’aurions-nous fait en leur absence ? J’en discute avec un·e ami·e, on se dit qu’ils font de la lutte contre les mégabassines un symbole de l’autorité de l’État.

• Premiers gaz

Je suis venue manifester avec une bande d’ami·es, je marche avec une copine. Dans mon sac à dos des compresses, du désinfectant, des antalgiques, des bandes, des pommades anti-inflammatoires, quelques kits de sutures si nécessaires pour l’après. Nos expériences de manifestations des dernières années nous ont appris qu’il fallait s’équiper en matériel de secourisme. Je ne me suis pas identifiée comme « medic » officiel. Mais il me semble évident d’avoir un minimum de matériel, au moins pour les copin·es.

Les cortèges se rejoignent à proximité de la bassine. Le cortège à notre droite est déjà noyé par les gaz alors que nous sommes encore à plusieurs centaines de mètres. Ils remontent vers nous, alors que nous continuons à avancer, heureux de se retrouver après ces nombreux kilomètres parcourus à travers champ.

30 000 personnes ont manifesté contre la mégabassine de Sainte-Soline, le 25 mars 2023. © Caroline Delboy / Reporterre

Les manifestants s’approchent des gardes mobiles avec leurs banderoles. On avance ensemble. Nous apercevons les visages familiers de quelques vieilles amitiés. À peine le temps de se retourner. Il pleut des grenades lacrymogènes, et d’autres, assourdissantes ou désencerclantes. Nous reculons. Je vois une femme faire demi-tour et repartir en arrière. Énorme détonation entre ses jambes. Elle boite. Nous reculons pour l’accompagner, la soutenir. Ça commence fort. On constate les blessures, un bel hématome sur la cuisse, un peu de gel anti-inflammatoire, deux gorgées d’eau. On se retourne, les manifestants crient « medic » de tous les côtés. On vient à peine d’arriver.

« Derrière nous, un deuxième blessé est transporté par des manifestants »

C’est un homme jeune avec une plaie délabrante de la main. Grenade de désencerclement. Je nettoie, une compresse, une bande, un antalgique. « Tu devras refaire le point sur la base medic arrière, être sûr qu’il n’y ait pas de corps étrangers. » D’autres « medic » s’affairent. On continue. On entend dire que quelqu’un serait inconscient au sol à proximité d’une banderole devant. On cherche cette personne. Impossible de la trouver. Un ami nous arrête, il s’est pris un Flash-Ball à l’arrière de la tête. On s’assoit pour l’examiner derrière une haie. On remonte sur un chemin en terre.

• Le chemin des blessés

Le niveau d’intensité a été maximal d’emblée. Pas de demi-mesure. Tous ces blessés qui reculent. Allongé dans un champ. Assis dans un fossé. La haine monte contre les forces de l’ordre. Que font-ils, que défendent-ils, quelques mètres cubes de béton valent-ils tous ces corps mutilés ?

Quelqu’un nous attrape par le bras. Un infirmier avec lequel j’ai discuté un peu plus tôt dans la journée. Il nous emmène à proximité d’un homme allongé à côté d’un fossé. « Fracture ouverte de fémur », me dit-il. Un pansement est déjà installé, je ne vois pas la plaie. Je vois un hématome de cuisse volumineux. Il n’y a pas d’extériorisation de sang. Je sens son pouls. Il est conscient. La première chose à faire : le mettre en sécurité. Un antalgique. À huit personnes, on le déplace plus loin. Quelqu’un prend des constantes. La fréquence cardiaque est normale. Je suis rassurée, il n’est pas en train de se vider de son sang. Pour une fracture ouverte de fémur, le risque hémorragique est majeur. Je demande à ce que quelqu’un appelle le Samu pour une évacuation.

Derrière nous, un deuxième blessé est transporté par des manifestants. Une plaie délabrante de la fesse gauche. La plaie n’est pas hémorragique. Elle est douloureuse. Il ne peut pas marcher.

Selon les organisateurs, 200 manifestants ont été blessés – dont 40 grièvement – durant ces affrontements. © Bertrand Sinssaine

On aperçoit une nouvelle charge de la police. Des quads ? Des lacrymos ? Je ne sais pas, je n’ai pas le temps de lever le nez des blessés. Il va falloir qu’on recule de nouveau pour mettre les blessés en sécurité. On fait un portage sur le chemin en terre pour s’éloigner vraiment définitivement des zones d’agressions.

On arrive à un croisement. Je demande à ce que les constantes des blessés soient prises de nouveau pour s’assurer de leur stabilité. Je demande à ce qu’on rappelle le Samu pour qu’il nous envoie des secours. Je vois que sur le chemin d’autres blessés continuent d’affluer.

Je refais le point sur la suspicion de fracture ouverte du fémur. Je déballe la plaie. La plaie est profonde. Il y a quelque chose de dur et de blanc qui ressort en son sein. Ce n’est pas de l’os. C’est un corps étranger en plastique blanc, une part cylindrique, une part plate. Je laisse le corps étranger en place. Il doit être retiré dans un bloc opératoire au cas où il existe une plaie vasculaire sous-jacente. Je rectifie le diagnostic à la régulation du Samu.

À ce croisement de routes où se retrouvent de nombreux blessés, des élus et des observateurs de la Ligue des droits de l’Homme sont présents.

« Mon petit matériel ne va pas suffire. Quelle impuissance… »

Un homme est installé par des manifestants juste à ma gauche. Il a le visage déformé. Il s’est pris une grenade dans le visage. Je l’examine. Il a une plaie de la paupière hémorragique. L’œdème de la paupière ne me permet pas d’examiner l’œil, sa vision, sa motricité. Il a une très probable fracture du maxillaire gauche, je ne peux rien dire pour son œil.

Des personnes viennent me voir pour me dire que les ambulances sont bloquées par les gardes mobiles en amont. Je commence à m’énerver. Je transmets : « Nous avons appelé le Samu, nous avons des blessés graves. Ils doivent laisser passer les ambulances. Nos appels sont enregistrés sur les bandes de la régulation du Samu. S’ils entravent le passage des ambulances, ils seront pleinement responsables du retard de soins. On ne se laissera pas faire. Y compris sur plan juridique. » « Mettez-leur la pression, c’est pas possible autrement. »

D’autres blessés arrivent entre-temps, ils ont l’air stables. Je n’ai pas le temps de les voir. Certaines personnes s’occupent d’eux. Des complicités de bord de route.

• L’« urgence absolue »

Quelqu’un vient me chercher pour me demander d’intervenir plus en amont sur le chemin. Mon amie reste avec les blessés.

Je remonte vers la zone où un homme est au sol. Du monde autour de lui. Je m’approche de sa tête. Un « medic » réalise une compression du cuir chevelu. Des gens essayent de le faire parler. Du sang coule sur le chemin. Il est en position latérale de sécurité. Je me présente auprès des autres personnes qui prennent soin de lui. « Je suis médecin urgentiste, est-ce qu’il a déjà été évalué par un médecin ? Est-ce que quelqu’un a déjà appelé le Samu ? » Le Samu est prévenu. Pour l’instant aucun moyen ne semble engagé. Je l’évalue rapidement. L’histoire rapporte un tir tendu de grenade au niveau temporal droit (juste en arrière de l’oreille). Il se serait effondré. Extrait par des manifestants. Au début il aurait été agité. Là, il est en position latérale de sécurité. Il est trop calme.

« Le coma est de plus en plus profond »

Je fais un bilan de débrouillage :

- une plaie du scalp de plusieurs centimètres en arrière de l’oreille. La plaie est hémorragique ;

- un traumatisme crânien grave avec un score de Glasgow initial à 9 (M6 Y1 V2), une otorragie qui fait suspecter une fracture du rocher ;

- pupilles en myosis aréactives ;

- vomissement de sang avec inhalation ;

- les premières constantes qu’on me transmet sont très inquiétantes. La fréquence cardiaque serait à 160, la tension artérielle systolique à 85. Le shock index est à presque 2.

Je demande à ce qu’on rappelle la régulation du 15 et qu’on me les passe au téléphone. Mon petit matériel ne va pas suffire. Quelle impuissance…

Je prends la régulation du 15 au téléphone. Je demande à parler au médecin. Je me présente en tant que médecin urgentiste : je demande un Smur [service d’aide médicale urgente] d’emblée pour un patient traumatisé crânien grave, avec une plaie du scalp hémorragique, et des constantes faisant redouter un choc hémorragique. Le médecin me répond que la zone ne semble pas sécurisée et qu’il est impossible pour eux d’intervenir au milieu des affrontements. J’explique que nous sommes à distance des zones d’affrontement. Qu’il y a des champs autour où il est possible de faire atterrir un hélicoptère. Il me dit qu’un point de rassemblement des victimes (PRV) est en cours d’organisation, qu’il va nous envoyer des pompiers pour extraire les victimes. J’insiste sur le fait que cet homme a besoin d’un Smur d’emblée, qu’il s’agit d’une urgence vitale immédiate et qu’il n’est pas en état d’être transporté vers un PRV. L’appel téléphonique prend fin, je n’ai pas l’impression que ma demande ait été entendue.

Un traumatisme crânien grave peut aboutir à la mort cérébrale, ou à la présence de séquelles extrêmement lourdes.

Je retourne auprès de la victime. Je la réévalue. Son score de Glasgow est tombé à 7. Le coma est de plus en plus profond. Une équipe de médecins infirmiers des gardes mobiles arrive. Je suis en colère. Ils viennent apporter les bons soins à ceux qu’ils ont presque tués. Je ravale ma colère, il faut penser à cet homme, à ce qu’il y a de mieux pour lui. Je fais une transmission médicale. Je propose que le médecin rappelle la régulation pour appuyer ma demande de Smur dans le cadre d’une urgence vitale immédiate. En attendant, j’aide l’infirmier à poser une perfusion. Traitement de l’hypertension intracrânienne. Traitement pour l’hémorragie. Le médecin des gardes mobiles me demande si j’ai de l’oxygène. Je ris nerveusement. Non, moi j’ai des compresses et de la biseptine, j’étais là pour manifester initialement.

Leur matériel est limité. Ils n’ont pas de quoi faire des soins de réanimation. Je ressens leur stress. Nous sommes dépendants du Smur.

Des pompiers en pick-up arrivent, ils nous demandent pourquoi le Smur et les VSAV [véhicules de secours et d’assistance aux victimes] ne sont pas là. Je craque et leur hurle dessus, je dis que les ambulances sont bloquées par les GM [gardes mobiles] en amont.

Combien de temps s’est écoulé ? Depuis combien de temps était-il au sol avant mon arrivée ? Comment peuvent-ils assumer un tel niveau de violence pour quelques mètres cubes de béton ?

Je pense à Rémi Fraisse.

Le Smur arrive. J’aide à son installation sur le brancard du Samu. Le médecin du Smur prépare de quoi l’intuber dans le camion. Je quitte les lieux pour rejoindre les autres blessés.

Je pense à cet homme. À ses amis. Aux miens. Je me demande où ils sont. Y en a-t-il d’autres comme lui ? Je pense à tous ceux qui ont été blessés ces dernières années par les armes de la police. À la zad, au Chefresne, au Testet, pendant la loi Travail, les Gilets jaunes. À ceux qui ont perdu des doigts, une main. Un œil. Ceux qui ont perdu la vie. À lui.

https://reporterre.net/Medecin-a-Sainte-Soline-je-temoigne-de-la-repression?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=nl_quotidienne

27 mars 2023

Un révolutionnaire calme ?

Eric Vial

Je suis un vrai militant. J’ai 52 ans. Le désir d’un monde plus juste et plus équitable coule dans mes veines. J’ai été de toutes les manifestations, de toutes les causes, de toutes les colères.
À 14 ans j’ai bloqué mon collège. Plus tard, avec les copains alsaciens on a investi des ponts et des routes ; avec les camarades on a participé à des blocages ou des actions de solidarité. J’ai fait des manifs autorisées ou pas. Je ne compte plus mes participations, elles sont innombrables.
Mais JAMAIS durant toutes ces années je n’ai reçu un coup de la part des forces de l’ordre ; je n’ai rien cassé non plus, ni dégradé (pour être sincère cela ne m’est pas venu à l’esprit).
Je n’ai jamais été arrêté. Je n’ai pas provoqué ni insulté.
J’ai toujours respecté les consignes de sécurité, surtout je n’ai jamais mis en danger ceux qui m’accompagnaient dans mes luttes.
Quand on nous disait : « c’est bon on vous a vu vous pouvez rentrer maintenant », on appliquait.
Oserais-je dire que toutes ces luttes se sont déroulées dans une relative bonne ambiance (et parfois de franches rigolades) malgré un contexte parfois tendu, que la plupart du temps nous recevons des paroles de solidarité des forces de l’ordre qui comprennent nos actions ?
Et pourtant, je peux l’assurer, sans violence nous avons beaucoup obtenu pour le progrès humain : nos victoires sont inombrables.
La pression sociale pour l’emporter ne se gagne pas avec des poings, elle se gagne avec la tête ! Un peuple qui réfléchit est invincible.
La violence c’est le chaos. Derrière il n’y a rien. Cela vaut pour tous les protagonistes.


Surveillance biométrique, insécurité et JO 2024 : ça va très bien se passer

H16

Alors que le pays tout entier semble cristallisé sur des questions de retraite, la vie parlementaire continue son train-train législatif dont les rails passent consciencieusement sur nos libertés : dans un vote qui n’a déclenché aucune inquiétude de la part des journalistes et des chroniqueurs habituels, les députés viennent d’autoriser l’utilisation de la vidéosurveillance algorithmique.

Derrière ces mots compliqués se cache en réalité l’étape suivante de la surveillance de masse que le gouvernement entend imposer aux turbulents citoyens dont il s’estime avoir la charge : il s’agit d’autoriser l’analyse automatique des quantités massives d’images de caméras de surveillance dont les principales agglomérations du pays sont maintenant saupoudrées, afin d’y retrouver tel délinquant, tel fuyard ou tel terroriste qui croiraient trouver un refuge dans la foule et, dans quelques années, tel contribuable qui a quelques jours de retard sur ses impôts puis tel individu qui a osé rouler en voiture thermique ou manger deux fois de la viande la même semaine…

Bien évidemment, pour arriver à faire passer la mise en place de ces nouveaux miradors numériques, le ministère de l’Intérieur n’a pas hésité à (sur)jouer la carte des Jeux Olympiques : selon l’actuel détenteur du maroquin correspondant, cette nouvelle loi se justifie car « À situation exceptionnelle, moyens exceptionnels »… Alors même que la mise en œuvre de cette technique ne concernera pas que ces Jeux et s’appliquera en réalité à toutes les “manifestations sportives, récréatives ou culturelles” en général, qui “par leur ampleur ou leurs circonstances, sont particulièrement exposées à des risques d’actes de terrorisme ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes” (définition dont le flou a l’avantage d’englober tout et n’importe quoi).

En substance, toute personne ayant un “comportement anormal” pourra se faire épingler par ce type de surveillance, charge au décret à venir de définir tout ça précisément (promis juré).

Peu de députés et peu d’associations ou de militants se sont émus des dérives possibles, occupés qu’étaient la plupart à recompter fébrilement leurs annuités pour leur retraite, à l’exception de la Quadrature du Net qui note avec justesse que les moyens mis en place n’offrent aucune preuve d’efficacité, introduisent en force la biométrie la plus invasive possible au contraire des mensonges soutenus par le gouvernement et ne donnent absolument aucune garantie contre les dérives pourtant énormes que ces technologies permettent pour des politiciens toujours plus avides de pouvoir.

En pratique, la France se retrouve être maintenant le premier pays européen à avoir autorisé l’utilisation massive de la surveillance biométrique (car il ne s’agit que de ça, en réalité) sur sa propre population.


Ceci est déjà largement inquiétant alors même que les forces de l’ordre ne font la démonstration d’aucune retenue sur les manifestants pacifiques, et montrent une nonchalance voire un déni particulièrement puissant face aux éternels agitateurs et autres casseurs gauchistes. On comprend qu’avec ces technologies, la répression trouvera de nouvelles façons, encore plus rapides et plus efficaces, d’obtenir les excellents résultats qu’elle décroche présentement.

En outre, l’empressement du gouvernement à pousser cette surveillance biométrique sur sa population cache mal le grave problème de ressources humaines qui taraude les autorités françaises à mesure que les Jeux Olympiques se rapprochent.

Tout indique en effet qu’on court droit à de gros soucis de sécurité et les événements actuels, couplés à la gestion assez catastrophique de certaines rencontres footballistiques internationales dont les Anglais ont un souvenir cuisant, ne laissent guère présager d’une amélioration. Ainsi, des dizaines de milliers de vigiles manquent encore à l’appel pour ces Jeux, et les autorités en charge ont bien du mal à remplir leurs équipes au point que le gouvernement envisage à présent de faire appel aux “forces de sécurité intérieure” (à savoir la police et la gendarmerie) pour compléter les déficiences observées : tous comptes faits, il manquerait 22.000 vigiles ce qui, à un an des festivités, devrait laisser pas mal de monde perplexe…

Les clowns actuellement en poste espèrent-ils vraiment que des grappes de caméras reliées à de grosses fermes de serveurs capables d’analyser leurs images en temps réel permettront de remplacer une partie des ressources humaines sur le terrain ? Espèrent-ils que ces caméras viendront à l’aide des touristes lorsque des nuées de supporters anglais viendront les délester de leurs biens ?

Alors qu’on apprend que le roi Charles III a, fort sagement, repoussé sine die sa visite d’État en France en espérant probablement des jours moins agités, on doit s’interroger sur la solidité des administrations françaises notamment en matière de maintien de l’ordre : la situation particulière qui occupe le pays actuellement peut certes être vue comme temporaire, on peut néanmoins noter qu’elle est en partie la résultante de problèmes sociétaux qui se sont développés depuis des décennies et qu’on voit mal résolus en une douzaine de mois.

Dès lors, ces troubles ont de fortes chances de recommencer, et pourquoi pas, d’amoindrir durablement (pour le dire gentiment) la capacité de la ville de Paris à faire face à un événement international de l’ampleur des Jeux Olympiques.

Un an, cela peut paraître suffisant lorsqu’on est dans une situation normale, avec des entreprises prêtes à relever le défi et un peuple entier tendu vers l’excellence ; mais c’est une période extrêmement courte lorsque tout, ou presque, reste à faire. Et c’est une période critique qui vire au cauchemar lorsqu’on prend en compte le passif assez consternant de l’équipe municipale en place, infoutue de traiter même vaguement l’empilement de problèmes que la capitale connaît, depuis l’insécurité jusqu’à l’insalubrité en passant par les bouchons de circulation et la pollution…

Les Jeux Olympiques vont-ils vraiment avoir lieu en 2024 ? Et si oui, dans quelles conditions dégradées ?

On peut raisonnablement se poser la question.


Macron : « intelligence avec des puissances étrangères »

Pierre Duriot

L’entreprise Segault, fondé en 1921, est sensible dans la mesure où elle fait partie de la base industrielle et technologique de défense : BITD. Elle conçoit et fabrique, depuis 1950, une robinetterie répondant à des situations d’utilisations extrêmes, pour le nucléaire et l’aéronautique. Basée dans l’Essonne près de Paris, elle équipe les chaufferies nucléaires embarquées sur la totalité des sous-marins nucléaires français et du porte-avions Charles de Gaulle et figure dans la liste des fournisseurs critiques de Naval Group. Segault fournit également la robinetterie dans les bâtiments des réacteurs à un quart des centrales nucléaires en service dans le monde.

La multinationale américaine Flowserve a racheté, en février, le canadien Velan, maison-mère de Segault. Cette boîte américaine met donc la main sur Segault. La PME française avait été elle-même rachetée en 2007 par Velan, qui fournit ce même matériel aux navires de guerre américains. La texane Flowserve, ayant racheté Velan pour 245 millions de dollars, dans une opération doit être finalisée d’ici à la fin du deuxième trimestre 2023, va donc hériter de nos secrets et techniques de fabrication, mais aussi de maintenance, sauf si l’État français se réveille et bloque ces transferts de technologies, comme il en a les moyens. Ce même État qui a déjà laissé partir Photonis, les turbines Arabelle de nos centrales et s’est fait flouer sur les sous-marin australiens.

Comme un malheur de vient jamais seul, Ursula von der Leyen a rappelé que l’Union européenne n’allait pas soutenir outre-mesure l’énergie nucléaire, dans le cadre du règlement concernant la production domestique de technologies propres. En ligne de mire, la France et son réseau de centrales, qui ne bénéficiera donc pas du soutien européen, pour son ambitieux programme de construction de nouveaux réacteurs, soit 15 à 18 milliards d’Euros de financements publics. Tout en continuant à payer gros une Europe obèse, mais aussi corrompue, qui se permet en plus, de bloquer les enquêtes sur ses malversations.

En résumé, Macron laisse partir notre indépendance militaire vers les Américains, on ne peut plus douter du fait qu’il le fasse exprès. Mais il se fait flouer par l’Europe également, alors qu’il adhère, avec notre argent, à la guerre en Ukraine, à la voiture électrique et au tarif prohibitif de l’électricité ARENH. Là où les Allemands et quelques pays, sauvent leurs industries liées à la voiture thermique, Macron se voue au tout électrique, se fait enfler par l’Europe sur le nucléaire et sera donc privé de la production nécessaire pour alimenter ses fameuses voitures. Comprendre qu’il cherche sciemment à couler notre pays devient une évidence, il faudrait seulement qu’il nous dise en échange de quoi ?