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3 janvier 2023

Denis Collin

Je ne connais pas Bastien Vivès, je me contente de conseiller la lecture de la chronique de Pierre Jourde dans l'Obs.
Nous sommes en effet confrontés à une offensive des petites fascistes d'extrême-gauche particulièrement inquiétante. Ils ont obtenu la déprogrammation de cet auteur de BD pour outrage à leurs bonnes mœurs. Demain, ils demanderont l'interdiction des œuvres de Sade ou de ses illustrateurs comme Crepax. Et après-demain, ils mettront sur pied la police des mœurs comme à Téhéran. Ces petites frappes ont publié dans Mediapart, l'organe du frère Edwy Plenel, grand défenseur du voile et de l'islamisme. Cela n'a rien d'étonnant. Nouvelle confirmation de la prédiction de Pasolini : le nouveau fascisme s'appellera antifascisme.

- 2/1/2023 - Retraites et transition écologique : ce que veulent les barons-voleurs
Dans quelques jours, les Français sauront tout du plan gouvernemental pour piller leurs caisses de retraite. On le sait et le Comité d’orientation des retraites l’a dit et répété : il n’y a pas problème de financement des retraites. La réserve constituée à l’initiative du gouvernement Jospin et la décrue démographique – les « boomers » ont commencé à quitter la scène, nous permettent d’être serein à horizon prévisible. Mais cela n’empêche pas le gouvernement et ses supplétifs de LR de continuer à mentir comme des arracheurs de dents...

- 2/1/2023 - Aux États-Unis, la période de la fin du XIXe siècle est marquée par la dictature économique et sociale des « barons voleurs » (J.P. Morgan, Rockefeller, Ford, etc.) À l’époque, la présidence, le Congrès, la Cour suprême et les deux principaux partis, tous étroitement liés aux trusts industriels et financiers, avaient dû sévir pour sauver la réputation du système et garantir sa stabilité. (cf. Le Monde diplomatique, sept 2002). Les barons voleurs ont continué de dominer. En Russie, ils s'appellent oligarques et en Ukraine aussi. En France, ils n'ont pas de nom, mais sortent souvent de l'inspection des finances, ils colonisent les cabinets ministériels, ont tous un pied dans le monde des affaires et un pied dans le monde politique, ils jouissent d'une impunité à peu près totale. Ils préparent le casse du siècle en faisant main basse sur les retraites. On peut parler de "nos valeurs"... Éclater de rire ou s'effondrer en sanglots, il ne reste que ça. Allez, bonne année !


1 janvier 2023

Coup d'œil rétrospectif

Denis Collin

Le marxisme est dorénavant mort, comme est mort le « vieux mouvement ouvrier ». Pour la France, il y a deux dates importantes : 1995 et 2018. 1995, c’est le vaste mouvement contre la réforme des régimes de retraites proposée par Alain Juppé. Pendant plusieurs semaines, à l’appel de la CGT et de Force ouvrière, des manifestations de plus en plus importantes sillonnent les rues de France. Les trains sont à l’arrêt. Une partie des médias soutient le mouvement (Canal + dans son « journal des Nuls ») et finalement le gouvernement cède et retire sa réforme. Ce sera la dernière fois. Plus aucune manifestation populaire pour préserver les « acquis sociaux » n’obtiendra gain de cause. 2018 voit l’apparition d’un mouvement totalement nouveau, celui des « Gilets jaunes », un mouvement à peu près totalement indépendant des organisations syndicales et politiques traditionnelles qui regardent ces « GJ » avec un air pour le moins soupçonneux ! Des travailleurs dépendants et indépendants, occupant ensemble des ronds-points, des petits patrons, des retraités, des infirmières « libérales » et des aides à domicile, des Noirs et des Blancs au coude à coude car ils sont tous en jaune et que personne ne s’occupe de ce qui occupe tant la gauche et l’extrême-gauche « décoloniale ». Toute la bonne gauche bien-pensante retrouve les accents des artistes et penseurs « libéraux », voire « socialistes » face à la Commune de Paris : comme les dirigeants « ouvriers », ils sont tous effrayés par ce retour imprévu de la « canaille ». Les Gilets jaunes, avant d’être contraints de reculer face à une répression d’une violence inédite, isolés, divisés par les provocateurs, ont fait trembler le pouvoir – l’évacuation par hélicoptère du président de la République, avait même été prévue. Une telle panique dans les sommets de l’État remontait à 1968.
Ce mouvement des Gilets jaunes ne rentre dans aucun schéma du marxisme. Ni drapeaux rouges, ni Internationale. On défile « pour l’honneur des travailleurs », on se méfie comme de la peste de toute représentation – ce qui sera aussi la faiblesse du mouvement. Pas une classe, mais un rassemblement de « gens ordinaires » qui ne se définissent par aucun des catégories abstraites qu’ont imposées les politiciens socialistes et communistes pendant des décennies.


"L'affaire Quatenens"

Denis Collin

De "l'affaire Quatenens" on peut tirer quelques leçons. Les pétitionnaires du Monde qui demandent la démission du député Quatenens sont plutôt puants. Heureusement que ces gens n'auront jamais le pouvoir, car ils sont évidemment pires que la droite en matière d'inquisition des bonnes mœurs et de politique pénale. En second lieu, Mélenchon et Quatenens, reçoivent sur la figure toute la m... qu'ils ont lancée en l'air. Pour conquérir les bonnes grâces de la mouvance "woke" et des guépéoutistes du genre Sandrine R., ils n'ont jamais hésité à faire de la surenchère en politisant autant que possible la vie privée, prêts qu'ils étaient à transformer de banales affaires de disputes de couples en voie de séparation en tragédies d'État.
Dans toute cette affaire, on mesure combien nos mœurs politiques se sont dégradées et combien on a perdu tout sens de la nuance. Une gifle n'est pas un "féminicide" comme on dit aujourd'hui ! De plates excuses et le remords de n'avoir pas su se maitriser devraient être une punition suffisante... Mais non ! Une seule solution : qu'on lui coupe la tête ! Comment faire confiance à des gens comme ça ?


31 décembre 2022

Denis Collin

Faire rentrer à tout prix la vie dans les catégories abstraites et les généralités creuses, voilà ce qui interdit de comprendre le monde dans lequel nous vivons. Libéralisme, conservatisme, socialisme, fascisme, antifascisme, ce ne sont plus que des étiquettes dont on affuble ce qu'on ne comprend pas. Le pire, cependant, est de continuer de se raconter des histoires. Ceux qui regrettent l'époque "glorieuse" du PC puissant et de la CGT "révolutionnaire" racontent des histoires merveilleuses pour les enfants. Les "acquis sociaux" dont on déplore la perte étaient le fruit d'une époque historique particulière et correspondaient aussi à la réflexion d'un certain nombre de patrons - ainsi les congés payés étaient-ils dans les tuyaux de certaines fractions du patronat avant la grande grève de juin 1936. Jamais ces acquis sociaux n'ont mis en cause le capital en tant que tel. Les terribles "révolutionnaires" de la CGT n'ont jamais été que des bons réformistes (dans le meilleur des cas)... Et quand la survie du capital est en jeu, plus rien de tout cela ne peut encore fonctionner. Comme dirait Marx, "Hic Rhodus, hic salta !"
Pour ceux qui se pensent en officiers planifiant la révolution ou la prochaine grève générale, rappelons que les grands mouvements sociaux sont toujours partis sans les dirigeants syndicaux et sans les chefs autoproclamés du prolétariat. 1939, 1953, 1968, 1995, 2018... Même la récente grève de contrôleurs de la SNCF est le fait d'un collectif qui n'a été soutenu par les syndicats (CGT et SUD inclus) que du bout des lèvres.
La révolte, celle qui exprime tout simplement la poussée de la vie, se contrefiche des spéculations des politiciens et de leurs positionnements tactiques. Les soignants qui ont refusé le vaccin, qu'ils aient tort ou raison, exprimaient aussi cette révolte, ce refus d'être asservi en tout à la "société-personne" que dénonçait déjà Marx. Les palinodies de la LFI à l'Assemblée, refusant de défendre son propre texte au motif qu'il est repris par le RN montrent à quel point tous ces gens sont loin, très loin, des gens ordinaires et de leurs pensées.
Toutes ces considérations pourraient conduire à tenir l'action politique pour vaine. Je n'en suis pas là. Mais il faut reconsidérer, radicalement, ses formes et les limites qu'elle doit fixer à ses ambitions.


13 décembre 2022

Mort imminente de l’école. On ne peut plus attendre pour agir

Denis COLLIN

Les unes après les autres, les enquê­tes sta­tis­ti­ques sur le niveau des élèves fran­çais confir­ment l’effroya­ble dégra­da­tion de l’ins­truc­tion dans notre pays. Que l’on com­pare les élèves fran­çais d’aujourd’hui à ceux d’hier (comme la der­nière enquête sur l’ortho­gra­phe en CM2) ou qu’on les com­pare aux élèves d’autres pays, comme dans les sta­tis­ti­ques PISA, par exem­ple, tous les chif­fres vont dans le même sens. Les consé­quen­ces en sont connues : la majo­rité des étudiants dans l’ensei­gne­ment supé­rieur sont inca­pa­bles d’écrire dans un fran­çais cor­rect. Même dans le sanc­tuaire de l’ensei­gne­ment qu’est l’École nor­male supé­rieure, on voit se mul­ti­plier les fautes de gram­maire, de syn­taxe et sim­ple­ment de voca­bu­laire. Le niveau en mathé­ma­ti­ques ne vaut pas mieux. Les pro­fes­seurs des clas­ses pré­pa­ra­toi­res qui le savent ont dû sérieu­se­ment revoir à la baisse leurs ambi­tions, ce qui se réper­cute sur les écoles d’ingé­nieurs.

Cette situa­tion cala­mi­teuse résulte de la conjonc­tion de très nom­breu­ses causes qui toutes vont dans le même sens. La pre­mière de ces causes est une orien­ta­tion poli­ti­que déjà ancienne, mais rare­ment avouée, camou­flée sous les expres­sions trom­peu­ses d’école de la réus­site et d’économie de la connais­sance et autres calem­bre­dai­nes de la même farine. On a décidé de par­quer les jeunes dans des études lon­gues dont on sait par ailleurs qu’elles sont par­fai­te­ment inu­ti­les. Les rap­ports de l’OCDE de la fin des années 1990 le disaient déjà. Dans le Manifeste de la Sociale, publié en 2016, nous écrivions :

Les réfor­mes suc­ces­si­ves qui ont été impo­sées à l’école, au col­lège pour arri­ver au lycée, les réfor­mes de l’ensei­gne­ment supé­rieur vont à l’opposé des objec­tifs que nous déga­geons ici. Un grand net­toyage s’impose qui remette en cause tous les effets nocifs de ces réfor­mes suc­ces­si­ves. Toutes s’ins­cri­vent en effet dans la tra­jec­toire indi­quée par l’OCDE à la fin des années 90 et au début des années 2000, ou encore par l’Union euro­péenne ou la Commission : modi­fier l’école et l’ensei­gne­ment pour le plus grand nombre des­tiné à des « petits bou­lots » (que les experts de l’OCDE sur la base d’un rap­port issu des USA lis­tent sans ver­go­gne, « ven­deurs », « gar­dien­nage », « agents d’entre­tien », « assis­tants sani­tai­res », « conduc­teurs de camions », « rem­plis­seurs de dis­tri­bu­teurs de bois­sons ou d’ali­ments »), prôner « l’adap­ta­tion au marché de l’emploi et à sa pré­ca­rité », pro­mou­voir « la for­ma­tion sur le tas » ou encore « l’adap­ta­bi­lité de la main-d’œuvre », faire ainsi des économies sub­stan­tiel­les et déve­lop­per les com­pé­ten­ces du petit nombre (notam­ment dans des for­ma­tions pri­vées) qui sera chargé d’enca­drer et de faire mar­cher au pas les plus nom­breux ! Cela est aussi écrit clai­re­ment dans Centre de déve­lop­pe­ment de l’OCDE – cahier de poli­ti­que économique n° 13-1996 :

« Si l’on dimi­nue les dépen­ses de fonc­tion­ne­ment, il faut veiller à ne pas dimi­nuer la quan­tité de ser­vice, quitte à ce que la qua­lité baisse. On peut réduire, par exem­ple, les cré­dits de fonc­tion­ne­ment aux écoles ou aux uni­ver­si­tés, mais il serait dan­ge­reux de res­trein­dre le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les famil­les réa­gi­ront vio­lem­ment à un refus d’ins­crip­tion de leurs enfants, mais non à une baisse gra­duelle de la qua­lité de l’ensei­gne­ment. »

Ce pro­gramme se réa­lise gra­duel­le­ment à tra­vers toutes les réfor­mes de l’éducation. »

Rien ne s’est arrangé au cours des six der­niè­res années. Bien au contraire. De Blanquer en N’Diaye, des dis­cours idéo­lo­gi­que­ment dif­fé­rents condui­sent aux mêmes résul­tats. Toujours pire ! Ce qui s’est ajouté au cons­tat que l’on pou­vait faire voici quel­ques années, c’est la péné­tra­tion de l’idéo­lo­gie « woke » et l’inva­sion dès l’école pri­maire du dis­cours pro-trans.

Il y a là une affaire d’une extrême impor­tance puisqu’il s’agit de rien moins que l’avenir de la nation. On devrait voir les prin­ci­paux partis poli­ti­que s’en saisir. Mais il n’en est rien. De LFI aux LR, tous ont par­ti­cipé, lors que leur pas­sage « aux affai­res » à cette entre­prise de démo­li­tion de l’école et tous par­ti­ci­pent peu ou prou de l’idéo­lo­gie délé­tère qui ins­pire les « réfor­mes » qui se suc­cè­dent à un rythme infer­nal. Voici donc quel­ques pro­po­si­tions pour res­tau­rer l’école.

1. Avoir le cou­rage de regar­der la réa­lité en face. Pas un jour qui n’apporte de nou­vel­les preu­ves de cette dégra­da­tion. Donc le dire, le redire, sonner le tocsin sans relâ­che !

2. Quand on s’est trompé de voie, il est sou­vent bon de faire marche arrière pour en emprun­ter une autre. Toutes les réfor­mes depuis 1968 (pour fixer les idées) ont été de mau­vai­ses réfor­mes. Y com­pris le fameux col­lège unique de M. Haby et la loi Jospin de 1989.

3. Il faut bâtir une école de l’exi­gence pour tous ! Définir les prio­ri­tés : lire et écrire. L’ensei­gne­ment de l’his­toire par exem­ple est une bonne occa­sion de lire (pas seu­le­ment regar­der des images !) et d’écrire (la leçon que le maître dicte, par exem­ple). Les mathé­ma­ti­ques sont aussi une occa­sion de faire du fran­çais (voir les livres déjà anciens de Stella Baruk). Etc. Revaloriser aussi la mémo­ri­sa­tion : réci­ta­tion, règles de gram­maire, etc. L’école n’a qu’une tâche : ins­truire, en trans­met­tant des savoirs objec­tifs, en trans­met­tant les règles de la gram­maire ou des mathé­ma­ti­ques.

4. Cesser de faire des maî­tres des pro­fes­seurs de morale « bien­veillante », de phobie des pho­bies ; de théo­rie du genre et d’accueil des trans, des petits ani­maux et des robots. La morale à l’école est rudi­men­taire : hon­nê­teté, rigueur, tra­vail, res­pect. Le reste, ça regarde les parents. Nettoyer les pro­gram­mes de toutes les pré­ten­dues heures d’éveil à ceci ou cela pour en reve­nir aux fon­da­men­taux : la langue mater­nelle, celle de la répu­bli­que, et des lan­gues étrangères à partir du col­lège, les mathé­ma­ti­ques, l’his­toire, la géo­gra­phie (for­cé­ment rudi­men­taire à l’école élémentaire) et les « scien­ces natu­rel­les (avant de saou­ler les élèves avec la défense de l’envi­ron­ne­ment, appren­dre à reconnaî­tre les choses de la nature).

5. Pour que tout cela marche, il faut chan­ger un cer­tain nombre de mau­vai­ses habi­tu­des : virer les gad­gets (tablet­tes, cal­cu­let­tes, etc.) de l’école. Tant pis pour les mar­chands de quin­caille­rie. Rétablir la dis­tance élèves/maî­tres. La maî­tresse s’appelle « madame » ou « maî­tresse » mais pas « Carole » ou « Léa » comme la copine. On vou­voie les maî­tres. Il fau­drait aussi, sinon un uni­forme, du moins un code ves­ti­men­taire, même si c’est sur­tout à partir du col­lège que les pro­blè­mes se posent : pas de ventre à l’air, pas de jeans dépe­naillés et fort coû­teux cepen­dant, pas de tennis (sauf pour sport), pas de sur­vê­te­ment (sauf pour le sport, l’hiver), pas de cla­quet­tes ou de tongs (on n’est pas à la plage)...

Un mot d’ordre : res­tau­ra­tion de l’école de la répu­bli­que.

Si on ne veut pas de tout cela parce que ce n’est pas « cool », alors il ne faudra pas se plain­dre. Dieu se rit des hommes qui déplo­rent les effets dont ils ché­ris­sent les causes, disait à peu près Bossuet.


19 novembre 2022

Dieu : le retour

Denis Collin

La démarche philosophique est essentiellement zététique, elle ne tient rien pour vrai qui n’ait reçu des preuves discutées contradictoirement. La science devrait suivre la même démarche. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas ! Il y a peu encore, un scientifique et essayiste prodigue, Richard Dawkins, publiait God Delusion, traduit en français sous le titre En finir avec Dieu. Dawkins était affirmatif : la science prouvait que Dieu n’existe pas ! Et voilà que sort, au moment où ces lignes sont écrites, un ouvrage intitulé Dieu – la science, les preuves qui soutient avec la même assurance que Dawkins que la science permet de prouver aujourd’hui l’existence de Dieu ! Si l’on en croit ces essayistes de bords opposés, la science est vraiment bonne fille et soutient sans sourciller les points de vue les plus contradictoires. La science expliquerait tout et son contraire. Évidemment, ce n’est pas de la science. Nous avons affaire à des croyances, objets d’affrontements sans fin, ces croyances qui transforment la philosophie en « Kampfplatz », en champ de bataille, comme le notait déjà Kant. Kant, justement, qui montre de manière décisive qu’il ne peut y avoir de preuve scientifique de l’existence de Dieu, puisque Dieu n’est pas l’objet d’une expérience possible.


29 septembre 2022

Italie : délires « antifascistes » et réalité européenne

Denis COLLIN

Ainsi donc, les électeurs ita­liens ont permis qu’arrive au pou­voir une coa­li­tion de droite dont désor­mais le prin­ci­pal parti est Fratelli d’Italia (FdI), secondé par le parti de Berlusconi (Forza Italia) et le parti de Matteo Salvini, la Lega. Immédiatement, les gran­des orgues de l’anti­fas­cisme se sont déclen­chées notam­ment en France, les divas de la NUPES bat­tant tous les records du ridi­cule et de la bêtise, talon­nées de près par quel­ques ténors macro­nis­tes, la pre­mière minis­tre incluse. Mme Rousseau, la plus bête, la plus inculte et la plus méchante de la bande, nous invi­tait même à enton­ner « les loups sont entrés en Italie », alors que la louve est le sym­bole de Rome et de Sienne.

Laissons la bêtise des bêtes de côté. La réa­lité est que FdI réa­lise le score somme toute modeste de 26 % des voix et que l’ensem­ble de droite est en des­sous de 45 %. Donc une majo­rité d’électeurs ita­liens ont voté contre eux, notam­ment pour le PD de Letta et les « Cinq étoiles » de Conte. Toutes les études mon­trent que c’est l’éparpillement des voix du « centro sinis­tra » qui a pemis à la Meloni d’obte­nir la majo­rité. Notamment le sec­ta­risme d’Enrico Letta qui voyait déjà le M5S à terre à sou­vent permis l’élection d’un can­di­dat de droite là où un PD ou un M5S pou­vait gagner. Pas de raz-de-marée, ni même de trans­for­ma­tion pro­fonde des rap­ports de force électoraux. En revan­che deux phé­no­mè­nes sont à noter : d’une part, les dépla­ce­ments au sein de la « droite » en direc­tion de Meloni, d’autre part l’éparpillement façon puzzle de la « gauche ».

Au sein de la droite, Meloni rafle la mise au détri­ment prin­ci­pa­le­ment de la Lega qui se fait étriller dans ses bas­tions du Nord, notam­ment en Vénétie, pas­sant natio­na­le­ment de 34 % à 9 %. Ici les régle­ments de comp­tes ont déjà com­mencé. Bossi, l’ancien chef de la Lega, écarté un temps pour quel­ques indé­li­ca­tes­ses finan­ciè­res, et Roberto Maroni, ancien pré­si­dent de la Lombardie, deman­dent la démis­sion de Salvini. Berlusconi avec son maigre score de 8 % (sans chan­ge­ment) est mal parti pour finir au Quirinal, quand l’heure du rem­pla­ce­ment du pré­si­dent Mattarella aura sonné. En vérité, Meloni tire les mar­rons du feu parce que ses deux aco­ly­tes étaient mem­bres du gou­ver­ne­ment pré­cé­dent de Draghi, aux côtés du PD ! C’est aussi simple que cela.

À « gauche », c’est-à-dire du côté des équivalents ita­liens de Macron et de quel­ques autres grou­pes et grou­pus­cu­les, c’est parti dans tous les sens. Le M5S limite la casse à 15 % alors qu’il était concur­rencé par le groupe de l’ancien minis­tre M5S di Maio qui a pris une raclée. C’est sur­tout dans le Sud que le M5S défend et conforte ses posi­tions. Les divers grou­pes annexes du PD comme le groupe de Matteo Renzi végè­tent. Le PD est en baisse à 19 % à peine et Letta est sur un siège éjectable. Ceux qui dis­pa­rais­sent corps et biens, ce sont les amis ita­liens de Mélenchon, l’Unione Popolare, ras­sem­blant Rifondazione, le PCI et diver­ses autres cabi­nes télé­pho­ni­ques d’extrême gauche — les son­da­ges en font à peine men­tion. Ils récol­tent 1,43 % des voix !

Sur le fond, les Italiens sem­blent tota­le­ment indif­fé­rents à cette élection. Ils ont fai­ble­ment voté : 64 %, ce qui est peu pour des Italiens ! La cam­pa­gne a été de facto inexis­tante. Elle a agité les réseaux sociaux, les poli­ti­ciens pro­fes­sion­nels, et c’est à peu près tout. L’élection de Meloni a pas été saluée par des défi­lés de vic­toire ni par des ras­sem­ble­ments de pro­tes­ta­tion. La majo­rité du peuple com­prend que, comme le titrait le Fatto Quotidiano, « on vote en Italie, mais on décide ailleurs ». Cette élection est donc fon­da­men­ta­le­ment une gui­gno­lade, un spec­ta­cle, car rien ne chan­gera. L’étrange atte­lage Conte-Salvini de 2018 avait pro­duit quel­ques débuts de chan­ge­ment, mais là il n’y aura rien. Meloni a donné des gages à l’UE et à l’OTAN. Elle s’est enga­gée à pour­sui­vre la poli­ti­que d’aus­té­rité de Letta. Elle a la béné­dic­tion de Washington et conti­nuera la contri­bu­tion ita­lienne en Ukraine. D’ailleurs Zélensky a salué la vic­toire de Meloni, espé­rant qu’elle allait ren­for­cer sa col­la­bo­ra­tion..

Comment peut-on parler de fas­cisme ? Le fas­cisme est un parti révo­lu­tion­naire. Mme Meloni est sur­tout conser­va­trice. Le fas­cisme s’appuie sur des bandes armées en vue d’écraser le mou­ve­ment ouvrier. Mme Meloni n’a aucune bande armée et, de toute façon, il n’y a aucun mou­ve­ment ouvrier mena­çant à écraser. Le fas­cisme est sou­tenu par le grand capi­tal. Certes, celui-ci, ras­suré, accepte la vic­toire de Meloni, mais Letta lui allait très bien ! Enfin le fas­cisme a un projet tota­li­taire, reven­di­qué par Mussolini en son temps. Meloni ne veut rien chan­ger sur le fond. Son pro­gramme inclut la trans­for­ma­tion de la République ita­lienne en pré­si­den­tia­lisme « à la fran­çaise ». Pour le reste, elle est catho­li­que et conser­va­trice en matière socié­tale. Une Boutin qui aurait réussi ?

Il est vrai qu’elle récolte une partie du vote popu­laire. Pourquoi ? Tout sim­ple­ment parce qu’elle fait mine de pren­dre au sérieux la ques­tion de l’immi­gra­tion. Elle veut repren­dre la ques­tion là où le gou­ver­ne­ment Salvini-Conte l’avait lais­sée. Pour des rai­sons géo­gra­phi­ques faci­les à com­pren­dre, l’Italie est le point d’arri­vée pri­vi­lé­gié des pas­seurs qui s’enri­chis­sent sur le dos des migrants. Avec les pau­vres et les réfu­giés s’agglu­ti­nent la lie de la société, toutes sortes de mafias. Ainsi la petite sta­tion chic de Castel Volturno, au nord de Naples, est tombée entre les mains d’une mafia nigé­rienne qui s’en sert comme point d’appui pour le trafic de drogue et de chair de frai­che. Mais Meloni pointe sur­tout l’immi­gra­tion musul­mane. Elle veut défen­dre l’Italie contre la sub­mer­sion et dit aux immi­grés que ceux qui n’aiment pas la croix peu­vent retour­ner les eux. Les clas­ses moyen­nes supé­rieu­res peu­vent rire de ces dis­cours. Mais les gens d’en bas, qui tirent le diable par la queue, enten­dent Meloni, parce que, sur ce plan, elle dit ce qu’ils pen­sent.

Il y a une deuxième chose que Meloni prend au sérieux, quand elle défend « la famille natu­relle » : à part dans les cou­ches supé­rieu­res, tous les déli­res fémi­nis­tes nou­velle mode, LGB et trans sont mas­si­ve­ment reje­tés. Les gens en ont assez qu’on leur casse les pieds avec les his­toi­res de cul des petits bour­geois. L’Italie n’a jamais été into­lé­rante vis-à-vis des homo­sexuels, loin de là, mais les gens du peuple défen­dent la famille. Et ici encore Meloni vise juste.

Enfin Meloni est « nata­liste ». Elle veut encou­ra­ger les Italiennes à faire des enfants et pro­pose des mesu­res socia­les dans ce sens, mesu­res tota­le­ment incom­pa­ti­bles avec l’aus­té­rité et les direc­ti­ves de Madame UvL, la nou­velle dic­ta­trice en chef de l’Europe. Mais il y a pour les Italiens un vrai pro­blème, un pro­blème de survie. Avec un taux de fécondité de 1,35 enfants par femme, l’Italie perdra un quart de sa popu­la­tion d’ici trente ans. Il y a déjà beau­coup de mai­sons vides, de maga­sins fermés, même sur les gran­des ave­nues de Rome. On sait bien que les mesu­res nata­lis­tes ne peu­vent pas grand-chose face à la perte de confiance dans l’avenir. Mais la posi­tion de Meloni n’est pas scan­da­leuse, ni fas­ciste.

On nous fait encore tout un tin­touin sur l’IVG. Meloni est hos­tile à l’IVG – c’est tout de même son droit – mais ne pro­pose pas d’en remet­tre en cause le droit. Pour nos bons gau­chis­tes, disons qu’elle est ici sur la posi­tion de Pier Paolo Pasolini…

La seule chose qu’on peut vrai­ment repro­cher à Meloni, c’est qu’elle a cons­truit son succès sur une escro­que­rie. Beaucoup d’Italiens ont voté pour elle en croyant voter pour briser le carcan euro­péiste qui les étrangle. Mais ils vont devoir dès demain déchan­ter. Tous les partis les ont trom­pés et Meloni aussi ! Comme ils auront tout essayé, peut-être seront-ils tentés par d’autres voies moins res­pec­tueu­ses des ins­ti­tu­tions, des « gilets jaunes » à l’ita­lienne ou autre. L’avenir le dira.