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13 décembre 2022

Mort imminente de l’école. On ne peut plus attendre pour agir

Denis COLLIN

Les unes après les autres, les enquê­tes sta­tis­ti­ques sur le niveau des élèves fran­çais confir­ment l’effroya­ble dégra­da­tion de l’ins­truc­tion dans notre pays. Que l’on com­pare les élèves fran­çais d’aujourd’hui à ceux d’hier (comme la der­nière enquête sur l’ortho­gra­phe en CM2) ou qu’on les com­pare aux élèves d’autres pays, comme dans les sta­tis­ti­ques PISA, par exem­ple, tous les chif­fres vont dans le même sens. Les consé­quen­ces en sont connues : la majo­rité des étudiants dans l’ensei­gne­ment supé­rieur sont inca­pa­bles d’écrire dans un fran­çais cor­rect. Même dans le sanc­tuaire de l’ensei­gne­ment qu’est l’École nor­male supé­rieure, on voit se mul­ti­plier les fautes de gram­maire, de syn­taxe et sim­ple­ment de voca­bu­laire. Le niveau en mathé­ma­ti­ques ne vaut pas mieux. Les pro­fes­seurs des clas­ses pré­pa­ra­toi­res qui le savent ont dû sérieu­se­ment revoir à la baisse leurs ambi­tions, ce qui se réper­cute sur les écoles d’ingé­nieurs.

Cette situa­tion cala­mi­teuse résulte de la conjonc­tion de très nom­breu­ses causes qui toutes vont dans le même sens. La pre­mière de ces causes est une orien­ta­tion poli­ti­que déjà ancienne, mais rare­ment avouée, camou­flée sous les expres­sions trom­peu­ses d’école de la réus­site et d’économie de la connais­sance et autres calem­bre­dai­nes de la même farine. On a décidé de par­quer les jeunes dans des études lon­gues dont on sait par ailleurs qu’elles sont par­fai­te­ment inu­ti­les. Les rap­ports de l’OCDE de la fin des années 1990 le disaient déjà. Dans le Manifeste de la Sociale, publié en 2016, nous écrivions :

Les réfor­mes suc­ces­si­ves qui ont été impo­sées à l’école, au col­lège pour arri­ver au lycée, les réfor­mes de l’ensei­gne­ment supé­rieur vont à l’opposé des objec­tifs que nous déga­geons ici. Un grand net­toyage s’impose qui remette en cause tous les effets nocifs de ces réfor­mes suc­ces­si­ves. Toutes s’ins­cri­vent en effet dans la tra­jec­toire indi­quée par l’OCDE à la fin des années 90 et au début des années 2000, ou encore par l’Union euro­péenne ou la Commission : modi­fier l’école et l’ensei­gne­ment pour le plus grand nombre des­tiné à des « petits bou­lots » (que les experts de l’OCDE sur la base d’un rap­port issu des USA lis­tent sans ver­go­gne, « ven­deurs », « gar­dien­nage », « agents d’entre­tien », « assis­tants sani­tai­res », « conduc­teurs de camions », « rem­plis­seurs de dis­tri­bu­teurs de bois­sons ou d’ali­ments »), prôner « l’adap­ta­tion au marché de l’emploi et à sa pré­ca­rité », pro­mou­voir « la for­ma­tion sur le tas » ou encore « l’adap­ta­bi­lité de la main-d’œuvre », faire ainsi des économies sub­stan­tiel­les et déve­lop­per les com­pé­ten­ces du petit nombre (notam­ment dans des for­ma­tions pri­vées) qui sera chargé d’enca­drer et de faire mar­cher au pas les plus nom­breux ! Cela est aussi écrit clai­re­ment dans Centre de déve­lop­pe­ment de l’OCDE – cahier de poli­ti­que économique n° 13-1996 :

« Si l’on dimi­nue les dépen­ses de fonc­tion­ne­ment, il faut veiller à ne pas dimi­nuer la quan­tité de ser­vice, quitte à ce que la qua­lité baisse. On peut réduire, par exem­ple, les cré­dits de fonc­tion­ne­ment aux écoles ou aux uni­ver­si­tés, mais il serait dan­ge­reux de res­trein­dre le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les famil­les réa­gi­ront vio­lem­ment à un refus d’ins­crip­tion de leurs enfants, mais non à une baisse gra­duelle de la qua­lité de l’ensei­gne­ment. »

Ce pro­gramme se réa­lise gra­duel­le­ment à tra­vers toutes les réfor­mes de l’éducation. »

Rien ne s’est arrangé au cours des six der­niè­res années. Bien au contraire. De Blanquer en N’Diaye, des dis­cours idéo­lo­gi­que­ment dif­fé­rents condui­sent aux mêmes résul­tats. Toujours pire ! Ce qui s’est ajouté au cons­tat que l’on pou­vait faire voici quel­ques années, c’est la péné­tra­tion de l’idéo­lo­gie « woke » et l’inva­sion dès l’école pri­maire du dis­cours pro-trans.

Il y a là une affaire d’une extrême impor­tance puisqu’il s’agit de rien moins que l’avenir de la nation. On devrait voir les prin­ci­paux partis poli­ti­que s’en saisir. Mais il n’en est rien. De LFI aux LR, tous ont par­ti­cipé, lors que leur pas­sage « aux affai­res » à cette entre­prise de démo­li­tion de l’école et tous par­ti­ci­pent peu ou prou de l’idéo­lo­gie délé­tère qui ins­pire les « réfor­mes » qui se suc­cè­dent à un rythme infer­nal. Voici donc quel­ques pro­po­si­tions pour res­tau­rer l’école.

1. Avoir le cou­rage de regar­der la réa­lité en face. Pas un jour qui n’apporte de nou­vel­les preu­ves de cette dégra­da­tion. Donc le dire, le redire, sonner le tocsin sans relâ­che !

2. Quand on s’est trompé de voie, il est sou­vent bon de faire marche arrière pour en emprun­ter une autre. Toutes les réfor­mes depuis 1968 (pour fixer les idées) ont été de mau­vai­ses réfor­mes. Y com­pris le fameux col­lège unique de M. Haby et la loi Jospin de 1989.

3. Il faut bâtir une école de l’exi­gence pour tous ! Définir les prio­ri­tés : lire et écrire. L’ensei­gne­ment de l’his­toire par exem­ple est une bonne occa­sion de lire (pas seu­le­ment regar­der des images !) et d’écrire (la leçon que le maître dicte, par exem­ple). Les mathé­ma­ti­ques sont aussi une occa­sion de faire du fran­çais (voir les livres déjà anciens de Stella Baruk). Etc. Revaloriser aussi la mémo­ri­sa­tion : réci­ta­tion, règles de gram­maire, etc. L’école n’a qu’une tâche : ins­truire, en trans­met­tant des savoirs objec­tifs, en trans­met­tant les règles de la gram­maire ou des mathé­ma­ti­ques.

4. Cesser de faire des maî­tres des pro­fes­seurs de morale « bien­veillante », de phobie des pho­bies ; de théo­rie du genre et d’accueil des trans, des petits ani­maux et des robots. La morale à l’école est rudi­men­taire : hon­nê­teté, rigueur, tra­vail, res­pect. Le reste, ça regarde les parents. Nettoyer les pro­gram­mes de toutes les pré­ten­dues heures d’éveil à ceci ou cela pour en reve­nir aux fon­da­men­taux : la langue mater­nelle, celle de la répu­bli­que, et des lan­gues étrangères à partir du col­lège, les mathé­ma­ti­ques, l’his­toire, la géo­gra­phie (for­cé­ment rudi­men­taire à l’école élémentaire) et les « scien­ces natu­rel­les (avant de saou­ler les élèves avec la défense de l’envi­ron­ne­ment, appren­dre à reconnaî­tre les choses de la nature).

5. Pour que tout cela marche, il faut chan­ger un cer­tain nombre de mau­vai­ses habi­tu­des : virer les gad­gets (tablet­tes, cal­cu­let­tes, etc.) de l’école. Tant pis pour les mar­chands de quin­caille­rie. Rétablir la dis­tance élèves/maî­tres. La maî­tresse s’appelle « madame » ou « maî­tresse » mais pas « Carole » ou « Léa » comme la copine. On vou­voie les maî­tres. Il fau­drait aussi, sinon un uni­forme, du moins un code ves­ti­men­taire, même si c’est sur­tout à partir du col­lège que les pro­blè­mes se posent : pas de ventre à l’air, pas de jeans dépe­naillés et fort coû­teux cepen­dant, pas de tennis (sauf pour sport), pas de sur­vê­te­ment (sauf pour le sport, l’hiver), pas de cla­quet­tes ou de tongs (on n’est pas à la plage)...

Un mot d’ordre : res­tau­ra­tion de l’école de la répu­bli­que.

Si on ne veut pas de tout cela parce que ce n’est pas « cool », alors il ne faudra pas se plain­dre. Dieu se rit des hommes qui déplo­rent les effets dont ils ché­ris­sent les causes, disait à peu près Bossuet.