Michèle Venard
J'avais relevé ceci : "Pour celui qui aime écrire le français, je rappelle que le vocable « écrivain » est un mot dont le masculin et le féminin a la même orthographe. La maison du quai Conti a donné son avis sur la féminisation des noms de métiers, fonctions, grades et titres. Cette maison, fidèle à la mission que lui assignent ses statuts depuis 1635, fit publier une déclaration rappelant le rôle des genres grammaticaux en français. Les professeurs Georges Dumézil et Claude Lévi-Strauss auxquels la Compagnie avait confié la rédaction de ce texte, concluaient ainsi :
« En français, la marque du féminin ne sert qu’accessoirement à rendre la distinction entre mâle et femelle. La distribution des substantifs en deux genres institue, dans la totalité du lexique, un principe de classification permettant éventuellement de distinguer des homonymes, de souligner des orthographes différentes, de classer des suffixes, d’indiquer des grandeurs relatives, des rapports de dérivation, et, favorisant la variété des constructions nominales par le jeu de l’accord des adjectifs ... Tous ces emplois du genre grammatical constituent un réseau complexe où la désignation contrastée des sexes ne joue qu’un rôle mineur. Des changements, faits de propos délibéré dans un secteur, peuvent avoir sur les autres des répercussions insoupçonnées. »
Je déplore les dommages que l’ignorance de cette règle inflige à la langue française et l’illusion selon laquelle une grammaire « féminisée » renforcerait la place réelle des femmes dans la société. Il est inutile, pour désigner un groupe de personnes composé d’hommes et de femmes, de répéter le même substantif ou le même pronom au féminin puis au masculin. « Les électrices et les électeurs », « les informaticiennes et les informaticiens », « toutes celles et tous ceux » sont des tours qui ne disent rien de plus que « les électeurs », « les informaticiens », « tous ceux ». On évitera également d’indiquer entre parenthèses ou après une barre oblique la marque du féminin : « les adhérent(e)s », « les animateurs/trices », etc. De même au singulier, lorsque le masculin revêt un sens générique, de telles surcharges (« recrutement d’un/une technicien(ne) diplômé(e) », etc.) n’apportent aucune information supplémentaire et gênent considérablement la lecture. Au surplus, elles s’opposent à la règle, très générale en français, de l’accord du pluriel au masculin. Il est impossible d’écrire : « Le fauteuil et la table sont blanc(he)s. »
Il convient de rappeler que les seuls féminins français en -eure (prieure, supérieure...) sont ceux qui proviennent de comparatifs latins en -or. Aussi faut-il éviter absolument des néologismes tels que "professeure", "ingénieure", "auteure", "docteure", "proviseure", "procureure", "rapporteure", "réviseure", etc. Certaines formes, parfois rencontrées, sont d’autant plus absurdes que les féminins réguliers correspondants sont parfaitement attestés. Ainsi "chercheure" à la place de "chercheuse", "instituteure" à la place d' "institutrice". On se gardera de même d’user de néologismes comme "agente", "cheffe", "maîtresse de conférences", "écrivaine", "autrice"... L’oreille autant que l’intelligence grammaticale devraient prévenir contre de telles aberrations lexicales.
Déclaration de l'Académie Française du 13 octobre 2014, sur "La féminisation des noms de métiers, fonctions, grades ou titres" - Mise au point de l’Académie française visible sur la toile.