Jacques Cotta
-22/7/2025- La loi Duplomb est officiellement censée répondre aux difficultés des agriculteurs français qui s’étaient notamment manifestés dans les mobilisations et blocages de 2024. Le gouvernement alors affolé avait juré ses grands dieux de faire tout ce qu’il faudrait pour « diminuer les normes », « alléger les obligations », « amoindrir les contrôles » des agriculteurs afin de « défendre leur compétitivité » notamment vis-à-vis des productions importées d’autres pays de l’union européenne. Macron en personne s’était engagé. Du coup, Duplomb fait son apparition.
La pétition lancée par une étudiante de 23 ans surprend par le nombre de signatures recueillies en quelques jours. Des centaines de milliers d’abord, puis un million, puis un million cinq cent mille, et plus encore de citoyens de toute la France ont donc signé pour exiger le retrait de cette loi. Et les responsables politiques de tout bord, partisans de la loi ou opposés, s’en sont donné à cœur joie.
Pour les uns, Sandrine Rousseau en tête, à qui on reconnaîtra volontiers de dire tout haut ce que nombreux de ses amis « verts » ou de la FI pensent tout bas, « la rentabilité des agriculteurs je n’en n’ai rien à péter ». En d’autres termes, ce qui reste de paysans en France peut simplement disparaître une bonne fois pour toutes. Ainsi seront réglées les questions de pollution et seront éradiquées les menaces qui pèsent sur la biodiversité et la nature.
Pour les autres, monsieur le sénateur LR Duplomb en tête, accompagné de la plus grande partie des macronistes et du RN, la loi a pour objet « la défense de nos agriculteurs » menacés par la concurrence et abandonnés par la gauche. Ce débat est un débat de dupes, car Monsieur Duplomb et ses partisans n’ont que faire des agriculteurs et paysans. Ce qui compte pour eux, c’est une production agricole le moins cher possible, car toute augmentation poserait le problème des moyens pour se nourrir et donc l’augmentation des salaires et la répartition des richesses.
C’est cette question politique et sociale qui est le cœur du débat que tous prennent bien garde de ne pas aborder, car alors on toucherait vraiment aux questions qui fâchent.
Depuis des décennies, la recherche d’une production agricole à moindre coût est la priorité de tous les gouvernements. Les victimes sont d’abord les paysans eux-mêmes qui vivent souvent dans des conditions que le moindre citadins s’empresserait de fuir sans hésiter. Les secondes victimes sont les citoyens dans leur ensemble, contraints de trouver dans leur assiette des produits qui au nom du prix délaissent la qualité et la sécurité alimentaire. Des OGM aux pesticides en tout genre, la liste des cocktails imposés est longue sans même que le consommateur n’en soit réellement informé. « Il faudrait responsabiliser le consommateur pour qu’il mange mieux et plus sain » entend-on parfois. On omet juste de préciser qu’il ne suffit pas de savoir et vouloir, il faut aussi pouvoir. La question des salaires – ceux des paysans qui souvent survivent en deçà du seuil de pauvreté, et des citoyens dans leur plus grande majorité – est décidément incontournable.
Deux questions émergent du débat :
Faut-il au nom de la survie des agriculteurs accepter comme une évidence une nourriture empoisonnée ?
Évidemment non !
Faut-il au nom de la sécurité alimentaire accepter la liquidation de ce qui reste d’agriculteurs en France, broyés par la concurrence internationale qui utilise tous les produits que nous refusons ici ?
Evidemment là encore non !
Alors ?
La loi Duplomb est une réponse dévoyée aux préoccupations du monde paysan.
Elle vise officiellement « à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » et prévoit notamment de faciliter les projets d’élevages intensifs, de « mégabassines » et la réintroduction à titre dérogatoire et sous conditions de l’acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes. Considéré comme un « tueur d’abeilles », ce pesticide est interdit en France depuis 2018, mais autorisé en Europe jusqu’en 2033. Il est réclamé par les producteurs de betteraves ou de noisettes, qui estiment n’avoir aucune alternative contre les ravageurs et subir une concurrence déloyale face aux agriculteurs européens.
Rien n’est bon dans cette affaire :
• l’élevage intensif: c’est le développement d’une agriculture qui liquide les petits agriculteurs (au nom de la rentabilité justement), qui favorise la nourriture industrielle portée notamment par les responsables de la FNSEA qui n’ont pas grand-chose à voir avec les paysans.
• les mégabassines : c’est la menace sur les nappes phréatiques et sur l’écosystème dans son ensemble.
• l’acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes : menace directe sur la biodiversité, sur la santé des insectes… et des humains.
Il faudrait se soumettre pour être concurrentiel dans le cadre européen car l’union européenne serait incontournable, intouchable. C’est exactement pour la même raison, soumission à l’Union européenne, que Sandrine Rousseau propose la liquidation des agriculteurs. Les agriculteurs savent très bien que c’est l’Union européenne le problème avec la concurrence libre et non faussée qui, dans l’agriculture comme dans l’industrie ou les services, organise régression, misère, liquidation.
Tout cela est inacceptable.
C’est l’Union européenne qui doit être mise en cause pour donner toute sa cohérence à l’opposition à la loi Duplomb sans mettre en danger notre agriculture, en soutenant nos agriculteurs.
L’Union européenne, l’aimer ou la quitter ?
Le sort réservé à nos paysans et à leur production donne le signal. Il est temps de prendre le large et de réfléchir à quelques mesures d’urgence :
• interdire toute importation de productions qui ont « bénéficié » de produits ici interdits, pesticides ou autres.
• mettre en place un système d’aide aux agriculteurs concernés, betterave, noisette ou autres…
• favoriser les petites structures et non l’agriculture industrielle, garantie d’une prise en compte de la biodiversité et d’une gestion de l’eau compatible avec les besoins.
• organiser une conférence salariale pour permettre à chacun de se nourrir en payant le juste prix une nourriture de qualité.
La question est bien politique, sociale et économique… Certains s’interrogent sur les raisons exactes du succès de la pétition contre la loi Duplomb. Il y a sans doute une volonté écologique, mais là n’est pas l’essentiel. Derrière l’initiative de cette pétition, c’est non seulement l’opposition à Duplomb qui s’exprime, mais à Macron pour l’ensemble de son œuvre, à Bayrou et son gouvernement pour la rentrée qu’ils préparent avec un budget synonymes pour les Français « de sang et de larmes ». En réalité avec Duplomb, c’est Macron et Bayrou qui sont en ligne de mire.
À bas la loi Duplomb, Macron l’européiste et Bayrou dehors ! Voilà sans doute ce que dit le succès de cette pétition.