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26 juin 2025

Denis COLLIN
18/6/2025

La haine des boomers…
ou comment se débarrasser des vieux

La haine des boomers est un passage obligé dans toutes sortes de milieux. Les charlatans (souvent jeunes ou friqués, ou les deux) qui veulent sauver le capital moribond ont trouvé le pelé et le galeux responsable de tous nos maux. C’est le boomer (« Ok, boomer ? »), celui qui appartient aux cohortes nombreuses nées entre 1941-42 et 1963-64, ce boomer qui bénéficie d’une grasse retraite qui serait la cause de la faiblesse des salaires nets et pomperait le pognon des « actifs » (principalement le pognon de tous les parasites qui font dans le management, le marketing, la com et autres plaies de notre monde).

Pour se débarrasser des boomers, on vient de voter une loi légalisant l’euthanasie : les vieux n’encombreront plus les hôpitaux et les cabinets médicaux, ils céderont la place de bonne grâce en avalant la pilule « mourir dans la dignité ». Dans Un bonheur insoutenable, une excellente dystopie, Ira Levin imagine une société où on pique les vieux à 64 ans, afin qu’ils ne connaissent pas les souffrances de la vieillesse…

Je vais commencer par rassurer tous les anxieux de nous voir six pieds sous terre – car, pour sauver la planète on évitera la crémation. Les boomers sont en train de mourir. Chose curieuse : en janvier 2025, il y a plus de morts qu’en janvier 2021, au plus fort du COVID. Comment se fait-ce ? Les classes nombreuses arrivent à l’instant fatal. C’est aussi bête que ça. Mais la nouvelle n’a pas fait beaucoup de bruit. Et le mouvement ne pourra que continuer. Les discours sur les retraites insoutenables sont de purs mensonges. C’est en ce moment que les retraites coûtent cher, mais à moyen terme, ce coût va baisser et même sérieusement.

Les boomers sont censés rouler sur l’or. Exemple : le montant minimal de retraite avoisinait les 749 € nets/mois en 2024 pour une carrière complète à temps plein au Smic… Je vous le disais, le boomer est un gros plein de fric. Passons aux plus riches : en 2025, la retraite moyenne en France s’établit autour de 1 661 euros bruts par mois (1 545 euros nets) avec des inégalités persistantes entre les genres et les régimes et les secteurs. Malgré les revalorisations, le pouvoir d’achat des retraités reste insuffisant pour faire face au coût de la vie. En gros la retraite de la Sécu, c’est un bon SMIC. Il y a les retraites complémentaires qui peuvent augmenter sérieusement cette maigre pitance. Mais l’idée de riches retraités est parfaitement fallacieuse.

On nous dit : « oui, mais les boomers ont du patrimoine, notamment immobilier, bien plus que les jeunes de moins de 25 ans. » La belle affaire ! Rassurez vous, à 25 ans les boomers n’avait pas non plus de patrimoine immobilier. En fait ce patrimoine tombe et tombera encore plus demain dans les mains des générations suivantes qui seront les plus riches que la France ait connues ! Loin de laisser une génération de pauvres derrière eux, les boomers laissent une génération de nantis.

Les boomers dit-on se sont gavés et laissent des dettes… Nouvelle erreur ! Dans leur grande masse, les boomers n’ont pas fait de longues études, ils sont souvent allés au boulot à l’âge de 14 ans. Les plus vieux des boomers avaient commencé leur vie aux tickets de rationnement, dans des logements insalubres. Ce qui ne les a pas empêchés d’avoir des enfants. En revanche les post-boomers, qui font peu d’enfants (c’est encombrant) et ont fait de longues études ont eu une vie bien meilleure et ont joui tôt de tous les gadgets de la société de consommation inventée… par les boomers.

Toutes ces arguties haineuses que l’on peut entendre sur France Cul ou lire dans le Figaro (la bêtise des salauds est bien partagée) n’ont pas d’autre but que raboter les salaires et préparer des ponctions sur les retraites (à la sauce grecque, version « troïka » des années 2010). Ponction sur les salaires : on diminuerait les cotisations de retraite qui sont du salaire différé et ponction sur les retraites pour accélérer le ruissellement de l’argent dans la poche des riches – 250 milliards d’aide annuelle aux entreprises, c’est-à-dire d’aide aux dividendes versés à ceux qui s’enrichissent en dormant.

Derrière cette opération d’intoxication sur les « boomers », il y a beaucoup plus grave. Non seulement il s’agit de pousser les jeunes à se débarrasser des vieux, mais encore de refuser la dette, c’est-à-dire le principe généalogique lui-même : les jeunes naissent avec une dette envers leurs parents. Les parents doivent éduquer leurs enfants avec amour et travailler pour subvenir à leurs besoins. En prenant soin des plus âgés, en les respectant et parfois même en les écoutant, les jeunes devenus adultes tentent de s’acquitter d’une dette, que leurs propres enfants contracteront à leur tour. La haine de la dette des jeunes envers les plus âgés, c’est rien d’autre que la haine de la vie. « No kid » qu’ils disent maintenant. Une fois de plus se vérifie que le mode de production capitaliste n’est que la pulsion de mort.