Translate

Affichage des articles dont le libellé est grèves. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est grèves. Afficher tous les articles

25 mai 2025

La grève des taxis, symptôme d’un pays qui déraille

Jean Mizrahi

-25/5/2025- La grève des taxis qui paralyse depuis plusieurs jours les grandes gares françaises et certains axes routiers n’est pas un simple conflit de secteur. Elle cristallise, à elle seule, plusieurs pathologies profondes de la société française : addiction à la dépense publique, abdication de l’autorité régalienne, et refus obstiné d’affronter l’avenir.
Au cœur du litige : la réforme de la tarification des transports médicaux, que l’Assurance maladie souhaite rationaliser. Aujourd’hui, les taxis conventionnés représentent une charge annuelle de plusieurs milliards d’euros. Pour beaucoup d’entre eux, cette manne publique est devenue vitale : sans elle, leur activité serait moins rentable. Cette grève révèle donc une vérité crue : une part non négligeable de ces chauffeurs ne vit plus d’un marché libre, mais d’un système de redistribution artificiel. Ils sont les enfants gâtés d’un État-nounou, devenus dépendants d’une économie d’appoint financée par la collectivité.
Mais l’essentiel est aussi ailleurs : cette dépendance individuelle est devenue un levier de blocage collectif. Que des accès à des gares soient restés inaccessibles pendant plus d’une semaine, que des axes entiers soient neutralisés sans réaction de l’État, en dit long sur le degré de décomposition de l’autorité publique. Parti un mardi pour Paris depuis Marseille, je suis revenu le jeudi par la même gare : toujours bloquée. Même scène absurde. Même impuissance. La France est aujourd’hui un pays où des intérêts très minoritaires peuvent faire plier la logistique nationale, sans rencontrer la moindre opposition sérieuse. Et où l’État, au lieu de rétablir l’ordre, entame une énième “concertation”.
À cette logique de rente et de blocage s’ajoute une surdité stratégique. Au lieu de repenser en profondeur leur métier, les taxis s’accrochent à des subventions appelées à disparaître. Car la vraie révolution approche, et elle ne viendra ni des VTC ni du ministère : elle viendra des véhicules autonomes. D’ici cinq à dix ans, une large part du métier de taxi sera automatisée. La profession de chauffeur, dans sa forme actuelle, est condamnée. L’énergie investie à défendre une rente de court terme serait mieux employée à anticiper, à se reconvertir, à exiger de l’État non pas des aides, mais des moyens d’adaptation.
Il est temps que la France sorte de cette logique infantile dans laquelle chacun réclame sa part du gâteau public, tout en piétinant les droits des autres. La liberté ne consiste pas à bloquer les gares, mais à bâtir un avenir dans un cadre commun, respecté par tous. Ce pays crève de ne plus savoir dire non. Il est grand temps qu’il réapprenne.