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19 juin 2025

Kuzmanovic Georges
19/6/2025

Un missile iranien a frappé et partiellement endommagé l’hôpital Soroka de Beer Sheva. Il y a de nombreuses victimes civiles.
C’est un crime de guerre.
Tout comme les attaques répétées sur les hôpitaux palestiniens.
Sur les 36 hôpitaux existants à Gaza en octobre 2023, seuls 17 restent partiellement fonctionnels en juin 2025.
19 hôpitaux sont totalement hors service – soit détruits, soit gravement endommagés.
Selon l’OMS, entre le 7 octobre 2023 et septembre 2024, 492 attaques ont ciblé des établissements de santé à Gaza. Depuis, la situation est si critique qu’elle n’est même plus comptabilisée.
85 % des centres de santé de la bande de Gaza sont affectés.
Le système hospitalier est en état d’effondrement total, avec des conséquences humaines dramatiques : soins interrompus, maternités à l’arrêt, patients privés de dialyse, de chimiothérapie ou de chirurgie urgente – aggravé par les pénuries de carburant, de médicaments, d’eau et d’électricité.
Après l’attaque de Beer Sheva, Netanyahu s’est empressé de visiter l’hôpital et a promis de « faire payer un lourd tribut aux tyrans de Téhéran »…
Mais alors, quel prix les Gazaouis devraient-ils faire payer au gouvernement d’extrême droite israélien, responsable de la destruction systématique de leur système de santé ?
Netanyahu s'offusque, mais il récolte les conséquences d'une guerre qu’il a lui-même déclenchée et dont le prix fort est payé principalement par des civils israéliens et iraniens.
L’hôpital Soroka n’aurait jamais dû être visé.
Et pas plus que les hôpitaux Al-Shifa, Al-Nasser ou Kamal Adwan à Gaza.
Le droit humanitaire n’a pas de géométrie variable. Les hôpitaux sont des lieux protégés, quels que soient le pays ou le drapeau. Ceux qui les ciblent sont des criminels – qu’ils soient à Téhéran, Tel-Aviv ou ailleurs.

9 juin 2025

Roxane Borde / Diapason
6/6/2025

Michael Barenboim ne jouera pas en Israël

© DR
Le violoniste allemand, fils du maestro Daniel Barenboim, a une nouvelle fois exprimé son soutien aux Palestiniens.

Après avoir créé le collectif « Make Freedom Ring » destiné à récolter des fonds pour les Palestiniens grâce à des concerts organisés dans différentes villes d’Europe, Michael Barenboim continue de condamner la guerre menée par Israël à Gaza. Violon solo du West-Eastern Divan Orchestra et professeur à l’Académie Barenboim Saïd, deux institutions fondées par son père Daniel Barenboim afin de réunir des instrumentistes israéliens et des pays arabes voisins, le musicien juif allemand a une nouvelle fois explicité son opinion sur la situation au Proche-Orient. Il a ainsi déclaré au média musical VAN Magazin qu’il ne comptait pas remettre les pieds en Israël avant longtemps, que ce soit pour un concert avec l’Israel Philharmonic ou avec tout autre ensemble du pays, même non financé par l’État : « Je ne peux pas savoir ce que l’avenir nous réserve d’ici dix à vingt ans, mais je ne me vois pas voyager là-bas », confie-t-il sans équivoque, glissant à cette occasion qu’il n’avait pas non plus l’intention de se rendre aux États-Unis de sitôt.

Contre les agissements de l'Etat hébreu

Depuis le début de la guerre lancée par Israël dans la bande de Gaza après les attentats du 7 octobre 2023 menés par le Hamas, Michael Barenboim s’est exprimé à plusieurs reprises sur le sujet, critiquant notamment l’attitude de son pays, l’Allemagne, qui refuse toujours de condamner les agissements de l’État hébreu : « Il n’y a aucune raison que les Palestiniens souffrent de quelque chose que les Allemands ont fait il y a 80 ans », s’insurgeait-il au média The Times of Israel. Le musicien fait d’ailleurs partie des signataires d’une lettre ouverte adressée le mois dernier au ministre allemand des Affaires étrangères, Johann Wadephul, alors que son homologue israélien Gideon Sa’ar s’apprêtait à le rencontrer à Berlin. Dans cette tribune, les auteurs demandaient à leurs dirigeants d’arrêter de livrer des armes à Israël et de prendre au sérieux la menace de génocide. « Nombre de citoyennes et de citoyens de ce pays ont profondément honte de la position de l’Allemagne concernant le conflit au Proche-Orient », expliquent-ils.

De son côté, Michael Barenboim s’attache à rappeler qu’Israël n’est pas « la seule représentation du judaïsme » : « Je suis juif, n’est-ce pas ? […] Mais je ne veux pas être représenté par Israël », affirmait-il, toujours au journal The Times of Israel. Outre les concerts du collectif « Make Freedom Ring », Michael Barenboim, qui a aussi étudié la philosophie, organise une série de conférences sous le titre « Kilmé » (« mot » en arabe), au cours desquelles il laisse la parole à des artistes, intellectuels et universitaires palestiniens. Il a également fondé l’ensemble de musique de chambre Nasmé aux côtés de cinq instrumentistes palestiniens.

René Chiche

-9/6/2025- Inutile d'ajouter au bruit autour de la "flottille de la liberté". On rappellera seulement que flottille prend deux t et désigne une flotte de plusieurs petits bâtiments.
Pour le reste, étant professeur et non psychiatre, je m'abstiens de commenter ce nouveau délire collectif et souhaite force et courage aux habitants de la place de la République à Paris que j'ai quittée sans regret depuis une vingtaine d'années alors qu'elle n'était pas encore régulièrement inondée par les drapeaux du Hamas.

8 juin 2025

NOTRE FOLIE, NOTRE VÉRITÉ

Benoît Girard

-8/6/2025- Le conflit israélo-palestinien n'est pas un conflit périphérique que nous aurions à arbitrer du haut de notre supériorité morale, en fonction de nos attachements historiques ou de nos colères personnelles.
C'est un enjeu qui se déploie dans les profondeurs de l'anthropologie occidentale, un catalyseur conjoncturel de ce "tout est permis" qui creuse tout au long de notre histoire un sillon sanglant.
La même génération qui s'est structurée autour du "plus jamais ça" réactive en toute bonne conscience la rhétorique de Mein Kampf : l'illusion de l'être collectif et du péril existentiel qui justifie tout ; la négation du conflit et de ses rites au nom d'une position "défensive" qui voit dans toute altérité une menace à éradiquer. Les tabous ne protègent de rien : ils ne font que transporter dans le temps le souvenir fasciné de leur propre violation.
La bêtise joviale de nos "élites" médiatiques, la tranquillité et la bonne conscience avec lesquelles elles en appellent au meurtre... toutes ces postures dégoulinantes d'imbécilité satisfaite ont donc quelque chose de prophétique par quoi nous devons nous laisser éclairer plutôt que scandaliser. En effet, ce ne sont pas ces personnes qui parlent et nous n'avons pas, sauf à laisser contaminer notre propre cause par les miasmes de leur racisme et de leur ressentiment, à en faire nos boucs émissaires : elles sont parlées par les ressorts profonds de notre identité collective, trop longtemps occultés, et qui s'offrent désormais en spectacle. Ils ne résisteront pas à la lumière mais ça ne les empêchera pas, tels les derniers soubresauts d'un monstre blessé, de causer beaucoup d'horreurs et de souffrances. Seule notre compréhension de l'intérieur est capable d'infléchir le cours de l'inévitable.

30 mai 2025

Barbara Lefebvre

-30/5/2025- Le talent d'Emmanuel Macron est de pouvoir toujours surprendre par la vacuité de sa pensée et la détermination de son verbe.
Petit bonhomme rêve d'un monde où il serait Prix Nobel de la paix, libérateur de l'Ukraine, sauveur de Gaza et d'Israël "en même temps", prophète fédéraliste de l'Union européenne.
Petit bonhomme rêve, mais il ne rêve pas grand comme Martin Luther King qui avait compris qu'il gagnerait son combat par la fraternité et la grandeur d'âme. Macron rêve petit. La France a rapetissé depuis 2017, la dette publique a grandi, l'image de la France à l'international s'est effondrée.
Petit bonhomme veut maintenant récompenser le Hamas en "reconnaissant" un État de Palestine qui n'a aucune chance de voir le jour : pas de frontière, pas de leader, pas d'élection démocratique depuis 20 ans, pas de société civile palestinienne favorable à la solution à 2 États.
Petit bonhomme ment aux Palestiniens et à tous ceux qui militent pour cet État. Après le 7 octobre, après la monstruosité des crimes commis par le Hamas et le Djihad islamique, après la démonstration depuis 600 jours de la détermination fanatique du Hamas, après le soutien évident d'une majorité de civils palestiniens à cette stratégie mortifère de sacrifice collectif, qui peut croire sérieusement qu'un État palestinien puisse exister en paix à côté d'Israël ?
Petit bonhomme se fiche du réel, il vit sur sa planète (qui hélas n'est pas celle du Petit Prince qui avait mieux compris que lui l'espèce humaine !)
En attendant, ce triste personnage est en train d'attiser la haine antijuive en France, il gargarise les islamogauchistes "Free Palestine" from the river to the see.
Pour rappel, aucun de leurs chers pays-frères arabes ne veut accueillir les Palestiniens. Depuis 600 jours l'Egypte verrouille sa frontière, comme la Jordanie.
Ces mêmes pays qui ont poussé les Palestiniens à refuser TOUTES LES PROPOSITIONS D'ÉTAT SOUVERAIN DEPUIS 1937 :
- commission Peel 1937 : NON
- plan de partage ONU 1947 : NON
- Camp David 2000 : NON
- Sommet de Taba 2001 : NON
- plan Olmert 2008 : NON
Petit Bonhomme va donc être celui qui imposera à des Palestiniens qui n'en ont jamais voulu un État qui vivrait à côté d'Israël ???
MACRON SE FOUT DU MONDE,
LE MONDE SE FOUT DE LA FRANCE,
ET LES JUIFS SERONT ENCORE ACCUSÉS D'ÊTRE RESPONSABLES DU DÉSASTRE ANNONCÉ.

25 mai 2025

Stéphane Rozès

-25/5/2025- La petite bourgeoisie intellectuelle occidentale se fait son cinéma sur Gaza.
Les émotions et les mobilisations face à la situation dramatique des Gazaouis sont légitimes, nécessaires et urgentes.
Ce qui ne l’est pas, c’est la responsabilité univoque imputée à Israël.
Quid des faits ? De la responsabilité du Hamas ? De la misère entretenue par le Hamas à Gaza par ses détournements colossaux de fonds à des fins militaires ; de sa politique de terreur à l’égard de ses opposants palestiniens ; du fait que tout a commencé par le pogrom et les enlèvements du 7 octobre ; de son usage cynique et revendiqué de la population civile comme bouclier humain ; de sa non-libération des derniers otages.
Le paradoxe apparent est que c’est en Occident – parmi la petite bourgeoisie intellectuelle wokisée, qui abrite les islamo-gauchistes sur les campus, dans certains médias et au sein d’une gauche dite « progressiste » – que ce procès univoque est instruit avec le plus de constance et de tapage, à grand renfort de termes inappropriés et révisionnistes comme « génocide », alors qu’il s’agit de crimes de guerre, et que l’on devine la dimension révisionniste et antisémite de l’usage de cette terminologie.
Comment expliquer cela ?
La petite bourgeoisie intellectuelle occidentale, dans le moment néolibéral actuel, a perdu sa vocation traditionnelle, politique et symbolique, de porte-parole de la classe ouvrière et des catégories populaires.
Elle est par ailleurs fragilisée socialement, tout en s’étendant du fait de la massification de l’enseignement supérieur.
Son statut est doublement atteint – en termes de capital social et symbolique – de sorte que son ressentiment trouve dans la figure d’Israël, y compris dans sa capacité à se défendre, l’exutoire politique de sa propre obsolescence.
Dans le Hamas, elle projette une figure de résistance – bien éloignée de la réalité théologico-politique islamiste de cette organisation terroriste.
Des manifestations de Gazaouis contre le Hamas, ou des attitudes des régimes arabo-musulmans vis-à-vis de Gaza et du Hamas, elle ne veut surtout rien voir ni savoir.
La petite bourgeoisie intellectuelle occidentale se fait son petit cinéma, comme en parlait Debord :
« La petite bourgeoisie est la classe la plus spectatrice de toutes. »
Ils voudraient en singer les acteurs, porter le keffieh le jour, et retrouver leur confort occidental dès la nuit tombée.
Et Debord d’ajouter :
« Le spectacle ne veut en venir à rien d’autre que lui-même. »

23 mai 2025

Gilles Deleuze

Les Indiens de Palestine

« Le sionisme, puis l’État d’Israël exigeront que les Palestiniens les reconnaissent en droit. Mais lui, l’État d’Israël, il ne cessera de nier le fait même d’un peuple palestinien. On ne parlera jamais de Palestiniens, mais d’Arabes de Palestine, comme s’ils s’étaient trouvés là par hasard ou par erreur. Et plus tard, on fera comme si les Palestiniens expulsés venaient du dehors, on ne parlera pas de la première guerre de résistance qu’ils ont menée tout seuls. On en fera les descendants d’Hitler, puisqu’ils ne reconnaissaient pas le droit d’Israël. Mais Israël se réserve le droit de nier leur existence de fait. C’est là que commence une fiction qui devait s’étendre de plus en plus, et peser sur tous ceux qui défendaient la cause palestinienne. Cette fiction, ce pari d’Israël, c’était de faire passer pour antisémites tous ceux qui contesteraient les conditions de fait et les actions de l’État sioniste. Cette opération trouve sa source dans la froide politique d’Israël à l’égard des Palestiniens.

Israël n’a jamais caché son but, dès le début : faire le vide dans le territoire palestinien. Et bien mieux, faire comme si le territoire palestinien était vide, destiné depuis toujours aux sionistes. Il s’agissait bien de colonisation, mais pas au sens européen du XIX° siècle : on n’exploiterait pas les habitants du pays, on les ferait partir. Ceux qui resteraient, on n’en ferait pas une main-d’oeuvre dépendant du territoire, mais plutôt une main-d’oeuvre volante et détachée, comme si c’étaient des immigrés mis en ghetto. Dès le début, c’est l’achat des terres sous la condition qu’elles soient vides d’occupants, ou vidables. C’est un génocide, mais où l’extermination physique reste subordonnée à l’évacuation géographique : n’étant que des Arabes en général, les Palestiniens survivants doivent aller se fondre avec les autres Arabes. L’extermination physique, qu’elle soit ou non confiée à des mercenaires, est parfaitement présente. Mais ce n’est pas un génocide, dit-on, puisqu’elle n’est pas le « but final » : en effet, c’est un moyen parmi d’autres.

La complicité des États-Unis avec Israël ne vient pas seulement de la puissance d’un lobby sioniste. Elias Sanbar a bien montré comment les États-Unis retrouvaient dans Israël un aspect de leur histoire : l’extermination des Indiens, qui, là aussi, ne fut qu’en partie directement physique. il s’agissait de faire le vide, et comme s’il n’y avait jamais eu d’Indiens, sauf dans des ghettos qui en feraient autant d’immigrés du dedans. A beaucoup d’égards, les Palestiniens sont les nouveaux Indiens, les Indiens d’Israël. L’analyse marxiste indique les deux mouvements complémentaires du capitalisme : s’imposer constamment des limites, à l’intérieur desquelles il aménage et exploite son propre système ; repousser toujours plus loin ces limites, les dépasser pour recommencer en plus grand ou en plus intense sa propre fondation. Repousser les limites, c’était l’acte du capitalisme américain, du rêve américain, repris par Israël et le rêve du Grand Israël sur territoire arabe, sur le dos des Arabes. »

« Les Indiens de Palestine », paru dans le recueil Deux régimes de fous en 1983, Editions de Minuit

ISRAËL, LE LEVANT AU CRÉPUSCULE

Gabriel Nerciat

-23/5/2025- Dans tout ce que l'on publie ces derniers jours à propos d'Israël et du conflit de Gaza, trois faits majeurs, que j'avais déjà évoqués ou entrevus ici même ces derniers mois, semblent curieusement être minorés ou occultés par les uns et par les autres, alors qu'ils me semblent être d'une portée assez considérable :
1) La nouvelle humiliation, cette fois tout à fait publiquement assumée, de Donald Trump envers Netanyahou : le président des États-Unis a ostensiblement refusé de s'arrêter à Tel-Aviv lors de la grande tournée qu'il a effectuée ces derniers jours au Proche-Orient, tournée au cours de laquelle il s'est longuement entretenu avec le prince régent d'Arabie saoudite et l'émir du Qatar, avant de marquer son hostilité, elle aussi publique puisque énoncée sur son propre réseau social, à la poursuite du massacre des Gazaouis par le gouvernement israélien lors de son retour à Washington.
2) L'annonce officielle faite par les Houthis, alors même que vont commencer les négociations entre Washington et Téhéran sur le nucléaire iranien, de suspendre toute agression en Mer rouge contre des navires militaires ou civils américains, tout en poursuivant les attaques à longue distance sur le territoire de l'État juif. Réaction plutôt positive de la Maison Blanche.
3) La volonté du Premier ministre israélien de conclure un accord de partenariat avec le nouveau dirigeant islamiste (ex-djihadiste Al Qaida) de Damas, Ahmed Al Charaa, en échange de la reconnaissance par la Syrie de la légitimité de l'État d'Israël ainsi que de l'annexion du Golan par Tel-Aviv.
Seuls les ignares et les sots seront surpris par cette initiative, que j'avais anticipée il y a peu sur ce mur, sous les risées habituelles de ceux qui croient encore (ou font semblant de croire) que le sionisme est l'ennemi naturel de l'islamisme.
À cela s'ajoutent bien sûr les menaces proférées par les dirigeants israéliens contre les diplomaties européennes, visées par des tirs de soldats à Jénine et accusées par les ministres de Netanyahou d'avoir contribué à provoquer l'attentat antisémite de Washington il y a deux jours (rien que ça).
La France se trouve particulièrement en ligne de mire puisque le gouvernement israélien conteste désormais officiellement, avec une vigueur aussi violente que vulgaire, la souveraineté de Paris sur les tombeaux des rois de la porte de Damas dans la vieille ville de Jérusalem, occupée par Tsahal depuis 1967.
Même s'il est peu probable que Macron se montre plus courageux avec Bibi qu'avec le président Tebboune, les conséquences de cette nouvelle posture agressive laisseront une empreinte durable.
Si l'on relie entre eux ces quatre ou cinq évènements, on voit se dessiner assez clairement le faisceau de relations qui explique à la fois la violence des décisions meurtrières et erratiques prises par Netanyahou ces derniers jours et l'approfondissement croissant de l'hostilité de l'ensemble des puissances occidentales à l'encontre d'Israël.
Je sais une fois de plus que ce statut va me valoir quelques acrimonies venimeuses de la part de certains doctrinaires communautaires ou seulement partiaux.
Mais ce n'est pas grave.
Il faut seulement qu'ils sachent une chose : leurs soucis ne font que commencer, car désormais ils ne pourront plus arguer ni d'un prétendu patriotisme (républicain ou non) ni de la lutte contre l'antisémitisme pour continuer à justifier ce qui ne pourra plus être justifiable.

21 mai 2025

Kuzmanovic Georges

-20/5/2025- Yaïr Golan – général de l’armée israélienne, héros de guerre, blessé face au Hezbollah, vétéran des deux intifada, président du parti Démocrates (opposition) et "sioniste de gauche" – lâche une bombe en direct sur la radio publique Kan Reshet Bet :
"Israël est en train de devenir un État paria, comme l’Afrique du Sud de l’apartheid.
Un État rationnel ne mène pas la guerre contre des civils, ne tue pas des bébés pour le plaisir, et ne fait pas de l’expulsion d’un peuple un objectif politique."
Ses propos sont un séisme politique. Ce n’est pas un militant, ce n’est pas un pacifiste naïf – c’est un général, un homme de guerre, un patriote, qui dénonce ouvertement la dérive criminelle de son propre gouvernement.
C’est le cri d’alarme d’un soldat qui aime son pays, mais refuse de le voir sombrer dans la barbarie. Et il n’est pas seul : une partie croissante de la société israélienne – civils, soldats, familles de victimes – ne veut plus être complice d’un nettoyage ethnique génocidaire à Gaza.
Le monde ne peut plus détourner le regard. Il faut reconnaître l’État de Palestine, garantir son existence, et isoler les extrémistes qui transforment Israël en machine à tuer et en cauchemar pour les siens comme pour les autres.
Le temps des demi-mesures est terminé.
Place à la justice.
Place à l’humanité.

15 mai 2025

Régis de Castelnau
12/5/2025

Rubrique : calculette

Ruffin : « Le "plan" de Netanyahou est simple : raser Gaza. Ses hôpitaux. Ses écoles. Ses vies. Son peuple. Son histoire. Sa culture. Dans le bruit des bombes et le silence du monde. »
Éradiquer un peuple ça s'appelle un génocide pauvre misérable ! Qui avez refusé d'utiliser le terme parce que sortant votre calculette vous avez fait vos additions et vos soustractions, et considéré qu'il n'y avait pas assez de morts palestiniens pour parler de génocide. 20 000 enfants morts ce n'était pas assez ?
Vous faites semblant de vous réveiller aujourd'hui parce que vous sentez le vent tourner. Confortablement à la remorque des Horvilleur, Sfar et autres Sinclair qui versent aujourd'hui des larmes de crocodile sur un massacre qui a commencé il y a un an et demi, aujourd'hui vous prenez la pose.
Mais c'est trop tard, on a compris qui vous êtes.

9 mai 2025

Vincent Verschoore
Ze Rhubarbe Blog

-9/5/2025- Le Financial Times publie un éditorial condamnant le silence occidental sur le massacre perpétré à Gaza par les judéo-fascistes.
Extrait :
"Après 19 mois d'un conflit qui a tué des dizaines de milliers de Palestiniens et suscité des accusations de crimes de guerre à l'encontre d'Israël, Benjamin Netanyahu se prépare une fois de plus à intensifier l'offensive israélienne à Gaza. Le dernier plan en date met Israël sur la voie d'une occupation totale du territoire palestinien et repousse les habitants de Gaza dans des poches de plus en plus étroites de la bande de Gaza en ruines. Il conduirait à des bombardements plus intensifs et à la libération et au maintien du territoire par les forces israéliennes, tout en détruisant les quelques structures qui subsistent à Gaza.
Ce serait un désastre pour les 2,2 millions d'habitants de Gaza qui ont déjà enduré des souffrances insondables. À chaque nouvelle offensive, il est plus difficile de ne pas soupçonner que l'objectif ultime de la coalition d'extrême droite de M. Netanyahou est de rendre Gaza inhabitable et de chasser les Palestiniens de leur terre. Depuis deux mois, Israël bloque l'acheminement de toute aide dans la bande de Gaza. Les taux de malnutrition infantile augmentent, les rares hôpitaux qui fonctionnent sont à court de médicaments et les alertes à la famine et à la maladie se font de plus en plus pressantes.
Pourtant, les États-Unis et les pays européens qui présentent Israël comme un allié partageant leurs valeurs ont à peine prononcé un mot de condamnation. Ils devraient avoir honte de leur silence et cesser de permettre à Netanyahou d'agir en toute impunité."

En même temps, Macron reçoit en grande pompe le tueur islamiste al-Jawlani, dont la tête valait un temps dix millions de dollars, aujourd'hui de facto patron de la Syrie sous le nom de Ahmed al-Charaa.
Macron et les manipulateurs de masse ont parfaitement compris que l'absurde et l'outrance permanente ont un effet de sidération sur les populations, que la sidération éteint l'action, et que c'est donc un excellent moyen pour faire passer n'importe quoi.

20 février 2025

LE GRAND DÉPLACEMENT

Nicolas Maxime

- 18/2/2025 - Sous nos yeux se prépare l'un des plus grands plans de déplacement forcé d'une population depuis la Seconde Guerre mondiale : l'expulsion progressive et systématique des Palestiniens vers les pays arabes. Il s'agit du plan Trump soutenu par Netanyahu. Ce projet, qui vise à redessiner la carte du Proche-Orient au détriment du peuple palestinien, s’inscrit dans une continuité idéologique illustrant la brutalité d’une politique néoconservatrice qui, sous couvert de "paix", légitime l’annexion, la dépossession et la fragmentation du territoire palestinien.
Dire que certains ont cru naïvement que Trump représentait une alternative pacifiste dans ce conflit... Loin de rompre avec l'impérialisme interventionniste de ses prédécesseurs, il en a été le prolongement exacerbé, offrant à Israël un boulevard pour intensifier sa politique de colonisation et d’apartheid. Trump a même poussé le cynisme à son paroxysme en envisageant de transformer Gaza en une "Riviera" où l’enclave ravagée par la guerre deviendrait un projet touristique lucratif, livré aux spéculateurs immobiliers et aux grands groupes hôteliers.
L’Histoire jugera sévèrement cette complicité active dans le démantèlement des droits d’un peuple et dans l’établissement d’un ordre fondé sur le nettoyage ethnique et l'expulsion.

9 février 2025

UN GEORGE DANDIN ISRAÉLIEN

Gabriel Nerciat

- 9/2/2025 - Ce qui est énorme, dans la proposition de Trump sur l'occupation de Gaza par l'armée américaine comme préalable à une seconde Nakba palestinienne en direction de l'Egypte et de la Jordanie, c'est moins son caractère évidemment et volontairement grotesque que le fait de voir pas mal de gens, a priori considérés comme intelligents ou rationnels, la prendre vraiment au sérieux.
Avec des arguments du reste assez ahurissants, dont ils ne semblent pas se rendre compte qu'ils achèvent de discréditer le projet sioniste en même temps qu'eux-mêmes.
Du genre : Atatürk a bien expulsé plus d'un million et demi de Grecs de Smyrne et d'Anatolie sans que cela pose trop de problème (sic). Pourquoi ne pas faire la même chose aujourd'hui (ou plutôt à nouveau) avec les Arabes palestiniens ?
Est-il vraiment nécessaire de leur rappeler qu'en 1922 Atatürk avait infligé une défaite militaire cuisante à l'armée grecque, ainsi qu'aux troupes britanniques et françaises présentes dans la région, et que l'expulsion des Grecs de Turquie fut accompagnée d'une expulsion réciproque des populations musulmanes de Grèce en direction de la Turquie ?
On ne sache pas ni que le Hamas ait été détruit par Tsahal (c'est même tout le contraire, comme Netanyahou lui-même a été obligé de le reconnaître) ni que le rapatriement des colons juifs de Cisjordanie ou de Jérusalem Est vers Israël fasse partie du programme des réjouissances.
Ce qui est confondant, en fait, avec la plupart des partisans d'Israël, ce n'est pas tellement leur parti pris (tout le monde en a ; moi aussi), mais surtout le peu de cas qu'il font du sens commun.
Même quelqu'un d'assez peu subtil ou informé verrait tout de suite, a fortiori s'il regarde les images de la conférence de presse sur la Toile, que Trump se fout gaillardement de la gueule de Bibi, lequel paraît d'autant plus estomaqué, au fur et à mesure que parle Trump, qu'il n'était visiblement pas du tout au courant de la sortie baroque du président.
Car en bon ruffian qui est aussi un assez piètre tacticien, Netanyahou lui a tout de suite compris que Trump le roulait dans la farine.
Ne serait-ce que parce que sa proposition burlesque à la fois achève de désolidariser les alliés arabes de l'Amérique de l'État juif, et surtout empêche de facto une improbable future occupation militaire de Gaza par Israël.
Bien sûr, une fois retourné à Tel-Aviv, le mauvais bougre, qui avait cru pouvoir revenir en vainqueur en dépit des échanges de prisonniers auxquels il avait déjà dû consentir, a essayé de rattraper le coup, mais c'était trop tard.
Israël n'est plus qu'un protectorat inutile de la puissance américaine en déclin, à peine moins encombrant que la Pologne ou les pays baltes, et au Levant comme ailleurs quand George Dandin a compris qu'il est devenu le prisonnier du mauvais mariage que par présomption il avait cru pouvoir exploiter, il n'a plus que l'expression de sa colère ou de sa confusion pour tenter de se consoler.

19 décembre 2024

SYRIE, ISRAËL, UKRAINE... Confidences d'un ancien ambassadeur suisse, Jean-Daniel Ruch

Ze Rhubarbe Blog

L'ancien ambassadeur suisse Jean-Daniel Ruth, dans un éclairant entretien sur Antithèse. Ayant œuvré en Serbie, en Israël et en Turquie il a une expérience directe de la réalité politique derrière le show médiatique, et c'est loin d'être propre.
Il était notamment en Turquie lors de l'établissement de l'accord de cessez-le-feu entre l'Ukraine et la Russie, en mars 2022, et il confirme que le sabotage de cet accord est bien le fait des Américains et des Britanniques, qui ont désormais quelques centaines de milliers de morts ukrainiens sur la conscience, en échange d'une perte de territoire et d'un désastre pour l'Ukraine bien pire que ne l'était la situation à ce moment là.
Cependant, pour ces gens-là et leurs vassaux euro-atlantistes, peu importe tant que ça rapporte.

Jean-Daniel Ruch a été en poste en Serbie (2012-2016), en Israël (2016-2021) puis en Turquie jusqu'en 2023. Dès 2008, il a conduit la politique suisse au Proche-Orient, à un moment où la Confédération helvétique était fortement impliquée dans la recherche d'une solution à deux États pour résoudre le conflit israélo-palestinien. Il a aussi été membre de la délégation suisse de l'OSCE en Europe de l'Est puis en poste à Belgrade avant de rejoindre comme conseiller politique la procureure Carla Del Ponte au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
Il est l'auteur de "Crimes et tremblements, d'une guerre froide à l'autre au service de la paix et de la justice", paru chez Favre en mai 2024.
 
Liste des sources mentionnées: https://www.antithese.info/resume?vid...

Sommaire:
00:00 Intro
02:39 Présentation
04:15 Poussé à la démission
11:35 Les enjeux en Syrie
23:22 Le Hamas
25:40 En Palestine, la solution à deux États
31:35 Messianisme, nationalisme et militarisme en Israël
35:38 Gaza et nettoyage ethnique
41:36 Cisjordanie et colonisation
48:51 L'Iran
52:45 Les États-Unis au Proche-Orient
58:17 Port de Tartous et intérêts russes
1:00:35 La CPI et la justice internationale
1:10:38 Géorgie, Slovaquie et Roumanie
1:18:01 Les révolutions de couleurs
1:20:25 Ukraine: l'échec des négociations d'Istanbul
1:28:50 La Suisse et l'OTAN
1:43:28 Carte blanche - La neutralité suisse
 
Cet entretien a été enregistré le 9 décembre 2024.

Cliquer sur l'image ↴

30 novembre 2024

Pascal Boniface
27/11/2024

La France et l'immunité de Netanyahou

Cliquer sur l'image ↴

19 octobre 2024

Anne-Sophie Chazaud

Edouard Husson :
Israël/Palestine, contre le choc des millénarismes, pour une compréhension et une solution politiques au conflit.


[Extraits]

PRESENTATION/PARCOURS

Je me définirais comme un « spectateur engagé », pour reprendre la formule de mon grand aîné à l’Ecole Normale Supérieure, Raymond Aron. Je suis universitaire, historien, et comme je travaille sur l’histoire contemporaine, l’interrogation sur le présent n’est jamais loin.

Mes travaux de recherche ont porté sur l’histoire de la Shoah. J’ai étudié de près le processus de décision qui, dans l’appareil totalitaire nazi, mène à la décision du génocide des Juifs. J’ai aussi accompagné, au milieu des années 2000, les enquêtes de terrain, en Ukraine, du Père Patrick Desbois sur la « Shoah par balles » : il s’agissait de recueillir les témoignages d’Ukrainiens ordinaires, dans les villages et les petites villes, qui avaient été témoins des massacres commis par des commandos de la SS et de la police allemande (avec d’éventuels auxiliaires locaux).

Si je devais désigner une originalité – modeste – à mes travaux : j’ai compris en travaillant sur les massacres commis par les nazis, et en travaillant en général sur les violences de masse au XXe siècle, que la violence progresse selon des paliers. Lorsqu’un certain seuil est atteint, la violence fait un bond d’intensité, jusqu’au palier suivant. Un génocide ne sort pas de nulle part. Il se déroule dans le cadre d’une guerre, internationale ou civile. Nous aurons sans doute à expliciter ce point. [...]

Le judaïsme orthodoxe est fondé sur la même loi d’amour que le christianisme. Ce qui nous sépare, nous chrétiens, du judaïsme orthodoxe, c’est l’identité du Messie – comme nos frères juifs orthodoxes nous attendons pour fin des temps une manifestation du Messie qu’il ne faut pas précipiter ; à la différence d’eux, nous affirmons connaître ce Messie, Jésus de Nazareth, qui est déjà venu pour nous et qui reviendra. Mais nous avons, nous les catholiques, une pensée commune, théoriquement, avec le judaïsme orthodoxe, et qui nous met en opposition spirituelle avec le sionisme : c’est l’idée qu’il faudrait hâter la venue du Messie, par un projet temporel et, au besoin par des guerres, car le Messie se manifestera au cœur d’une catastrophe. Notons que certains chrétiens évangélistes américains pensent comme les sionistes.

Je pourrais aller plus vite en disant que je suis Français et que je fais mienne la précaution du grand Cardinal de Richelieu, qui disait se méfier de « ceux qui arrivaient avec un chapelet dans une main et une épée dans l’autre ». Tout mon parcours m’a appris à me méfier de ceux qui pensent que la religion peut apporter une solution politique au conflit du Proche-Orient. Je me méfie des « chrétiens sionistes » américains et du gouvernement Netanyahu autant que des islamistes. Je refuse de confondre critique au gouvernement Netanyahu et antisionisme mais aussi antisionisme et antisémitisme. Il y a des Juifs antisionistes, jusqu’en Israël ! Et il y a des sionistes qui détestent Netanyahu et son gouvernement. Plus profondément, malgré tout, je pense que l’exacerbation du sionisme par Netanyahu est l’aboutissement quasi-inéluctable d’un projet enraciné dans une métaphysique gnostique. Il n’y a pas d’autre avenir, pour l’Etat d’Israël qu’un nouveau modus vivendi entre Juifs, chrétiens et musulmans en Terre Sainte. Il ne sera possible que si l’on neutralise les trois messianismes exacerbés (exceptionnalisme américain, sionisme et islamisme) et si l’on revient à un dialogue réaliste et fondé sur le respect mutuel, entre les trois lignées issues d’Abraham.

RETOUR SUR LES FAITS

Vers l’Orient compliqué, j’essaierai d’exposer les choses, sinon simplement, du moins clairement.

Il faut toujours repartir du droit international. Les résolutions de l’ONU doivent être notre boussole. En novembre 1947, l’ONU avait voté un plan de partage de la Palestine, qui a été refusé par la partie arabe, parce que la communauté internationale avait fait la part trop importante, selon eux, aux Juifs de Palestine. J’insiste sur ce dernier point : il est souvent traité cavalièrement. Nous n’avons pas à prendre partie aujourd’hui. Mais à comprendre que la création d’un État juif en Palestine n’allait pas de soi pour de nombreux contemporains, à commencer par les Arabes du Proche-Orient.

En novembre 1967 d'ailleurs, dans une célèbre conférence de presse, le Général de Gaulle se faisait encore l’écho de l’émotion suscitée dans le monde arabe par l’installation d’Israël vingt ans plus tôt.

S’en est suivie la guerre de 1948-49, qui a abouti à quelques gains de territoires supplémentaires par Israël mais laissait la bande de Gaza et la Cisjordanie en dehors d’Israël et fixait une frontière avec le Liban que l’on appelle « ligne bleue » et qui sépare Israël du « Sud-Liban », aujourd’hui lieu d’affrontement avec le Hezbollah.

S’il n’y avait eu que des combats entre Israël et les États arabes environnants, la situation n’aurait pas évolué de manière trop dramatique. Mais le problème vient de ce qu’avant et après la proclamation de l’État d’Israël (en mai 1948), les chefs d’Israël en émergence ont provoqué, par la violence, un exode massif des populations arabes (palestiniennes). Près de 750 000 Arabes palestiniens sur les 900 000 qui vivaient dans les territoires qui allaient devenir l’État d’Israël, fuient vers la Cisjordanie, la bande de Gaza, en Jordanie, au Liban et en Syrie. C’est ce que les Palestiniens appellent la Nakba, « la catastrophe ». Aujourd’hui, on parlerait de « nettoyage ethnique ». Leurs descendants représentent désormais 5 millions de réfugiés palestiniens, à Gaza, en Cisjordanie ou dans les États environnants.

Dans le contexte de l’après-guerre, les violences étaient nombreuses ; et puis le monde avait une sympathie naturelle pour les Juifs d’Europe survivants de la Shoah qui venaient s’installer dans le nouvel État d’Israël. Les chefs sionistes ont clairement abusé de cette sympathie. Je sais qu’il y a jusqu’à aujourd’hui un débat entre historiens, certains considérant qu’il n’y avait pas, dès le départ, de projet d’expulsion des Palestiniens d’un certain nombre de territoires de la part des fondateurs de l’État d’Israël. Je trouve plus cohérente et mieux fondée dans les sources l’école historique qui voit l'expulsion des Palestiniens comme faisant partie intégrante du projet. Il faut avoir cet épisode en tête pour comprendre les haines inexpiables qui se mettent en place à cette époque. Sans compter le fait que l’exode des Palestiniens a déstabilisé profondément les États voisins.

Peut-être les choses auraient-elles pu se stabiliser avec le temps. Mais, de facto, Israël a toujours pratiqué le raid préventif et dissuasif, comme en témoignent les résolutions de l’ONU des années 1950 et 1960, qui condamnent le nouvel État après des attaques contre la Syrie, le Liban, Gaza, la Cisjordanie… Il n’est pas question de nier que les États arabes misaient sur le caractère éphémère de l’État d’Israël. Cela ne doit pas occulter pour autant le fait que les Israéliens n’ont jamais accepté la création d’un État palestinien comme le voulait l’ONU.

La guerre des Six Jours, en 1967, représente une escalade, Israël passant du raid préventif à une véritable guerre d’annexion de nouveaux territoires. On se rappelle les critiques du Général de Gaulle envers Israël, en novembre 1967 ; il ne faisait que dire le soutien de la France à la fameuse résolution 242 des Nations Unies, qui dénonçait les annexions réalisées par Israël lors de la Guerre des Six Jours : la Cisjordanie, le plateau syrien du Golan, Gaza et le Sinaï, Jérusalem-Est. Les frontières d’avant la Guerre des Six Jours sont encore aujourd’hui pour la communauté internationale, la référence. C’est sur elles que s’appuie la quasi-totalité des pays de la planète pour proposer les frontières d’un futur État palestinien, qui coexisterait avec l’État d’Israël. Il y a des Israéliens qui acceptent un État palestinien mais même eux ne veulent pas entendre parler des frontières de 1967.

Il faut citer l’avertissement prémonitoire du Général de Gaulle à l’État d’Israël :

« Israël ayant attaqué, s’est emparé, en six jours de combat, des objectifs qu’il voulait atteindre. Maintenant, il organise, sur les territoires qu’il a pris, l’occupation qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsions, et il s’y manifeste contre lui une résistance, qu’à son tour, il qualifie de terrorisme ».

Depuis 1967, Tel-Aviv est dans un état de tension permanente avec son environnement géopolitique, ponctué de guerres régulières. Les tentatives diplomatiques échouent toutes parce qu’à un moment ou un autre, la question de l’avenir des Palestiniens revient comme un boomerang. Plus les Israéliens espèrent en avoir fini avec la perspective d’un État palestinien (plus ils lancent loin le boomerang, pourrait-on dire), plus la question du respect du droit international revient, avec une force déstabilisatrice pour eux.

Israël a toujours refusé la résolution 242, comme les nombreuses résolutions du Conseil de Sécurité ou de l’Assemblée Générale qui ont suivi. L’attitude de défi à l’ONU, caricaturale chez Netanyahu, est permanente, tout au long de l’histoire d’Israël. Elle est devenue aujourd’hui outrancière dans son expression.

À partir de 1967, on a une triple évolution :

1. une radicalisation terroriste des mouvements palestiniens, qui se sentent de plus en plus impuissants.

2. un réalisme croissant des voisins d’Israël, qui aspirent à la paix avec Tel-Aviv.

3. une radicalisation du sionisme qui, de laïc, devient de plus en plus religieux, à partir de la fin des années 1970.

La fin de la Guerre froide produit un relatif apaisement, malgré la révolte des Palestiniens (Intifada de la fin des années 1980). L’OLP abandonne le terrorisme. Et le réalisme revient à Tel-Aviv, dans la première moitié des années 1990, en la personne de Rabin, qui faisait un constat simple : confronté à un environnement géopolitique devenu incertain du fait de la révolution iranienne, il fallait trouver un accord avec les Palestiniens.

Ce furent les accords d’Oslo, entre 1993 et 1995. Je me rappelle mon sentiment à l’époque : d’un côté, ma culture politique française se révoltait, à constater la manière dont, sous le patronage américain, Israël « octroyait » l’autonomie aux Palestiniens de Cisjordanie, avec des zones différenciées de contrôle israélien. Politiquement, nous autres Français sommes des « Romains », et nous ne pouvons pas envisager autre chose qu’une paix fondée sur l’égalité des peuples. D’un autre côté, je me disais qu’il ne fallait pas insulter l’avenir. Il y a eu à cette époque un formidable espoir, dans le sillage de la chute du communisme soviétique et de la fin de l’apartheid sud-africain : il semblait que l’on allait voir aussi la paix s’installer au Proche-Orient.

Visiblement les accords d’Oslo ont fait suffisamment peur à une partie de la classe politique israélienne pour qu’ils soient sabotés immédiatement par une intensification de la colonisation juive des terres palestiniennes, autour de Jérusalem et en Cisjordanie. L’assassinat de Rabin enterra les accords d’Oslo avec lui.

Avec la fin des années 1990, commence l’ère dominée politiquement par Benjamin Netanyahu. Puissante personnalité politique, il est devenu, de mon point de vue, le mauvais génie d’Israël. Netanyahu est héritier, par son père, du courant qu’on appelle le « sionisme révisionniste », fondé dans l’entre-deux-guerres par Jabotinsky (le père de Benjamin, Bension Netanyahu était son secrétaire particulier). Le « sionisme révisionniste » n’est prêt à aucune concession. Louis Massignon, d’abord plein de sympathie pour le sionisme, avait averti, dans les années 1930, du danger que représentait le courant de Jabotinsky pour la stabilité de la région.

Netanyahu, depuis le début de sa carrière politique, a suivi quelques principes simples :

- Empêcher à tout prix qu’existe un État palestinien ; il s’est allié pour cela aux partisans du Grand Israël et partage leur radicalité même s’il est infiniment plus souple tactiquement.

- D’autre part, Netanyahu a toujours considéré qu’il ne pouvait pas exister d’État souverain puissant à proximité d’Israël. D’où son appui à la politique néoconservatrice américaine qui a détruit l’Irak, échoué à détruire la Syrie et rêve de renverser le régime iranien pour ramener ce pays au temps du Shah, quand il était un protectorat américain.

- Netanyahu est un pur machiavélien. La fin justifie toujours les moyens. La fin, c’est la survie et l’installation durable de l’État d’Israël dans un environnement hostile.
 
On ne prête qu’aux riches : certains affirment que Netanyahu a été prêt à saboter de toutes les manières la légitimité de l’Autorité Palestinienne issue des accords d’Oslo et à faire monter à Gaza un mouvement musulman radical, le Hamas, qui est au départ une simple branche des Frères musulmans. Ce point de vue, qu’on entend souvent, est exagéré. Il suffit, selon moi, de constater que l’intransigeance du « sionisme révisionniste » de Netanyahu a nourri un mouvement palestinien radical. Abandonner la bande de Gaza au Hamas, autoriser les financements extérieurs envoyés au mouvement, ne rien faire pour stopper la contrebande d’armes alors que l’Égypte, réconciliée avec Israël depuis la fin des années 1970, attendrait que l’on combatte fermement les Frères musulmans de Gaza : tout cela me semble avoir été largement subi par les gouvernements israéliens successifs depuis vingt ans...
 
À ceux qui ont pu dire que le Hamas était, en quelque sorte la « créature » de Netanyahu, je réponds : en ce cas, la créature a, depuis longtemps, échappé à son « créateur ». D’abord, le Hamas s’est acquis une réelle popularité dans la population gazaouie en prouvant que ses cadres et ses membres parvenaient à administrer de facto un territoire exigu où vivent presque 2 millions et demi de personnes ; ensuite, le Hamas, sous l’impulsion du stratège iranien Qassem Soleimani (assassiné sur ordre de Donald Trump en janvier 2020), s’est transformé en un mouvement combattant nationaliste, formé à mener une guerre asymétrique (incluant des modes d'action terroristes dont personne ne saurait bien évidemment faire l'apologie), et faisant passer la cause palestinienne avant celle de l’Islam.
 
C’est ainsi que le 7 octobre, Israël s’est retrouvé non pas face au seul Hamas mais face à une dizaine de mouvements combattants palestiniens, réconciliés entre eux : sunnites, chiites, chrétiens, marxistes, nationalistes, pour combattre l’État d’Israël.
 
Qassem Soleimani était bien un adversaire redoutable pour l’État d’Israël puisque, quatre ans après sa mort, ce qu’on appelle « Axe de la Résistance », c’est-à-dire la création ou le renforcement de milices dotées d’une grande efficacité au combat, au Liban (le Hezbollah), en Syrie et en Irak (pour défendre le régime d’Assad) , à Gaza et en Cisjordanie, au Yémen (les Houthis d’Ansarallah), a été capable d’entraîner Israël dans une guerre d’attrition : un an après l'effroyable razzia d’otages et les tueries du 7 octobre, le Hamas et ses alliés, ne sont toujours pas vaincus et ont causé la mort, selon mes estimations de 5000 soldats israéliens durant les combats de Gaza (je fais ce calcul selon un ratio ¼ à partir du nombre connu, lui, de blessés graves israéliens, qui est de 20 000 au moins) ; le Hezbollah met en échec l'offensive israélienne au Liban - malgré la décapitation spectaculaire de la direction du Hezbollah, l'appareil militaire a rapidement repris le combat, quels que soient les obstacles- et il a provoqué, par ses bombardements permanents, la fuite de 70 000 habitants du nord d’Israël, qui se sont dirigés vers le centre et le sud du pays. Les milices chiites irakiennes parviennent à viser des objectifs dans le port de Haïfa sans que les boucliers anti-missiles israéliens les arrêtent. Ansarallah est en mesure de tenir en respect la marine américaine et de bloquer le trafic commercial de la Mer Rouge vers Eilat. Les Yéménites ont aussi atteint Tel-Aviv ou les environs avec des drones et quelques missiles. Quant à l’Iran, il a riposté deux fois à des opérations israéliennes (bombardement de son consulat à Damas par l’aviation israélienne début avril; assassinat du chef du Hamas par des agents israéliens, fin juillet, à Téhéran) avec des salves de missiles qui ont saturé et déjoué les défenses israéliennes.
 
L’intérêt d’Israël serait de trouver un arrangement avec les Palestiniens et avec les États voisins. Il est clair, désormais, que ce qui a déclenché l’attaque du 7 octobre, c’est l’imminence d’un accord entre l’Arabie Saoudite et Israël, dans la lancée des accords d’Abraham, que Donald Trump avait réussi à faire signer entre Israël, d’un côté, les Émirats Arabes Unis et Bahreïn de l’autre. Le Hamas et les autres mouvements combattants palestiniens ont supposé qu’un accord d’Israël avec le royaume saoudien enterrait à tout jamais la question palestinienne. C’est le motif profond de l’opération du 7 octobre 2023.

LA CAUSE PALESTINIENNE ABANDONNEE AU GAUCHISME ?

C’est l’un des grands drames du moment politique que nous vivons en Europe et en Amérique du Nord. L’absence quasi-totale des droites de la défense de la cause palestinienne. Sauf des voix isolées qui ont encore conscience que les Palestiniens sont la face défigurée, écrasée, martyrisée des nations que l’ordre américain cherche à écraser.

Rien de nouveau depuis trente ans : l’Irak, la Serbie, l’Afghanistan, la Libye, la Syrie ont été broyés par les bombes américaines avec l’assentiment de l’immense majorité de notre classe politique. Nous parlons de millions de morts. Ces morts-là ont-ils moins d’importance que les victimes de la barbarie nazie ou des massacres communistes ? Est-ce que l’Occident aurait le droit de commettre des tueries de masse sans que ce soit répréhensible ?

Aujourd’hui, c’est le tour de la Palestine et du Liban.

Je pose la question sans précaution rhétorique à mes compatriotes qui aiment la France : comment pouvez-vous, une fois de plus, accepter que les États-Unis et Israël cherchent à monter les communautés du Liban les unes contre les autres ? N’avez-vous toujours pas appris la leçon des guerres qui ensanglantent ce pays depuis 1975 ? Comment pouvez-vous assister avec indifférence au massacre des Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie ? Ne voyez-vous pas que la Palestine est la face écrasée de cette réalité, les peuples, les nations, qui n’ont pas leur place dans l’ordre occidental de 2024 ? Ne voyez-vous pas qu’en refusant de proclamer, à temps et à contretemps, les droits inaliénables du peuple palestinien et la nécessité, pour Israël, de respecter toutes les résolutions de l’ONU – et non de prendre celles qui lui servent et d’ignorer ou piétiner les autres –, vous acceptez non seulement que soit bafoué l’ordre international, mais vous exposez également notre nation à être elle-même écrasée par le désordre que vous soutenez ?

Je m’adresse en particulier à tous ces Français qui se plaignent de ce que notre souveraineté est piétinée par l’Otan et par l’Union Européenne mais qui pourtant expliquent qu’il faut être aligné derrière Israël. Les derniers mois ont montré qu’Israël ne se comporte pas un État souverain, ne mène pas une politique indépendante. Sans les bombes américaines, Tel-Aviv aurait dû négocier un cessez-le-feu à Gaza. Sans le soutien des États-Unis et ses vétos au Conseil de Sécurité des Nations Unies, le gouvernement de Benjamin Netanyahu aurait été renversé et un nouveau gouvernement israélien n’aurait pas eu d’autre choix que de négocier une paix régionale faisant sa place à un État palestinien. Le Général de Gaulle rappelait souvent que la souveraineté, c’était l’exercice responsable de l’indépendance nationale. [...]

ET LES CHRÉTIENS DANS TOUT ÇA ?

Un des arguments entendus fréquemment – en tout cas au début du conflit – est l’identité entre le combat d’Israël – en tout cas du gouvernement Netanyahu – et le nôtre face au danger de l’immigration, en particulier arabo-musulmane. Je me souviens même avoir entendu un militant de la droite identitaire s’écrier, lors d’un débat, « la Judée aux Judéens ! », comme il aurait dit « la France aux Français ! ». J’ai du mal à comprendre ce qui motive ce genre d’argumentation absurde. Encore une fois, regardons le réel. Commençons par les grandes vagues de migrations vers l’Europe venues du Proche-Orient ou d’Afrique du Nord ces vingt dernières années : elles sont largement le résultat de la destruction des États et de la multiplication des guerres par les États-Unis. Il y a un paradoxe, pour dire le moins, à approuver les guerres américaines ou israéliennes et à ensuite redouter les afflux de réfugiés. Selon la célèbre formule attribuée à Bossuet : Dieu se rit des hommes qui maudissent les effets dont ils chérissent les causes. [...]

Encore une fois, il faut le dire et le redire : la coexistence entre Juifs, chrétiens et musulmans en Terre Sainte fut une réalité pendant plusieurs siècles avant la création de l’État d’Israël et elle doit nous servir de boussole. Malheureusement, ce à quoi nous avons assisté depuis les années 1980, c’est à une surenchère des millénarismes : avec un sionisme juif qui s’est toujours plus radicalisé, encouragé par ce qui s’auto-désigne comme « sionisme chrétien », – en fait un mouvement évangéliste américain convaincu que la création de l’État d’Israël est un préalable à la conversion des Juifs et au retour du Christ. Ils interprètent les conflits du Proche-Orient comme le prélude de « l’Apocalypse », de la grande bataille finale qui précèdera le Jugement dernier.

J’ai souvent entendu des gens redouter le millénarisme musulman, que l’on appelle islamisme, et qui s’est exprimé, depuis la révolution iranienne, aussi bien dans le monde sunnite que dans le monde chiite. Remarquons que, au plan géopolitique global, ce millénarisme est en recul, ce que la succession d'attentats et d'agressions islamistes souvent "low cost" en Europe ne permet pas forcément de comprendre : la révolution iranienne s’est apaisée, quels qu'en soient les aspects rebutants – notamment pour les femmes – et, politiquement, Téhéran est désormais l’un des grands acteurs des relations internationales. La fin d’Al-Qaïda, la destruction de Daech par la Russie semblent avoir découragé le millénarisme sunnite. Regardons comme les grands États du Golfe – longtemps financeurs de l’islamisme – sont désormais désireux de l’avènement d’un monde multipolaire. Avant le 7 octobre 2023, ils étaient prêts à signer des accords avec Israël, même au prix du sacrifice des Palestiniens. Regardons comme le Hamas lui-même, sous l’impulsion de Yahya Sinwar, s’éloigne de son origine « Frères musulmans » et tend de plus en plus à grouper autour de soi l’ensemble des mouvements combattants palestiniens (avec les encouragements publics de la Russie et de la Chine), dans une optique nationale.

Sans forcer le trait, je dirais que nous avons autant à craindre désormais la dynamique explosive des millénarismes évangéliste et sioniste, – qui semblent prêts à poursuivre jusqu’au bout leur rêve apocalyptique – que l'accélération du millénarisme islamiste.

Pour finir de répondre à votre question, il est vital de préserver et développer l’esprit de la déclaration « Nostra Aetate » du Concile Vatican II.

Dans ce document officiel, les Pères du Concile adressaient aux religions non chrétiennes un message de paix. Les deux autres descendances spirituelles d’Abraham (le judaïsme et l’Islam) y sont particulièrement considérées. En particulier, le passage consacré aux relations avec les Juifs et insistant sur la nécessité de renoncer à tout antijudaïsme chrétien.

Le message est le fruit de l’expérience concrète du sauvetage des Juifs persécutés par des chrétiens durant la Seconde Guerre mondiale). Nous devons cultiver l’esprit de Nostra Aetate. Mais il ne faut pas se tromper d’interlocuteurs dans le monde juif. Je pense qu’on a imprudemment laissé, ces vingt dernières années, un discours de légitimation de la politique israélienne, quelle qu’elle soit, s’immiscer dans le dialogue judéo-chrétien. C’est à cela que j’attribue le silence de nos évêques, en France : ils n’ont pas les bons interlocuteurs dans le monde juif, auxquels ils pourraient s’adresser pour prendre une initiative de paix. J’ai senti, aussi, ces dernières années, se glisser une teinte « d’islamophobie » dans certaines prises de position (au moins officieuses) de responsables catholiques. C’est oublier que « Nostra Aetate » comprend une recommandation chaleureuse de dialogue avec les musulmans :

« L’Église regarde aussi avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu unique, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes. Ils cherchent à se soumettre de toute leur âme aux décrets de Dieu, même s’ils sont cachés, comme s’est soumis à Dieu Abraham, auquel la foi islamique se réfère volontiers. Bien qu’ils ne reconnaissent pas Jésus comme Dieu, ils le vénèrent comme prophète ; ils honorent sa Mère virginale, Marie, et parfois même l’invoquent avec piété. De plus, ils attendent le jour du jugement, où Dieu rétribuera tous les hommes après les avoir ressuscités. Aussi ont-ils en estime la vie morale et rendent-ils un culte à Dieu, surtout par la prière, l’aumône et le jeûne.
Même si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens et les musulmans, le saint Concile les exhorte tous à oublier le passé et à s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu’à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté. »

Nous avons notre boussole. Nous devons chérir les relations paisibles entre les trois descendances d’Abraham. Nous devons refuser et combattre tous les millénarismes et toutes les gnoses qui dressent les enfants d’Abraham les uns contre les autres.

RÔLE DE LA FRANCE SUR LE PLAN DIPLOMATIQUE ?

La politique de la France s’est malheureusement réduite progressivement à l’insignifiance. La France de Richelieu, de Jaurès, du Général de Gaulle n’aurait jamais accepté que le Liban soit maltraité comme il l’est depuis 1975. En ce qui concerne Israël, notre pays n’aurait jamais dû abandonner les lignes directrices formulées par le Général dans sa célèbre conférence de presse du 27 novembre 1967 :

« Il est bien évident que le conflit n’est que suspendu et qu’il ne peut y avoir de solution, sauf par la voie internationale. Mais un règlement dans cette voie, à moins que les Nations Unies ne déchirent elles-mêmes leur propre Charte, un règlement doit avoir pour base l’évacuation des territoires qui ont été pris par la force, la fin de toute belligérance et la reconnaissance réciproque de chacun des États en cause par tous les autres. Après quoi, par des décisions des Nations Unies, en présence et sous la garantie de leurs forces, il serait probablement possible d’arrêter le tracé précis des frontières, les conditions de la vie et de la sécurité des deux côtés, le sort des réfugiés et des minorités, et les modalités de la libre navigation pour tous, notamment dans le golfe d’Akaba et dans le canal de Suez. Suivant la France, dans cette hypothèse, Jérusalem devrait recevoir un statut international.
Pour qu’un tel règlement puisse être mis en œuvre, il faudrait qu’il y eût l’accord des grandes puissances (qui entraînerait ipso facto celui des Nations Unies) et, si un tel accord voyait le jour, la France est d’avance disposée à prêter sur place son concours politique, économique et militaire, pour que cet accord soit effectivement appliqué. »

Adaptons la pensée du Général de Gaulle à notre époque. La situation est bien plus détériorée que dans les mois qui ont suivi la Guerre des Six Jours. J’imagine un gouvernement français digne de ce nom. Il aurait envoyé notre flotte, non pas en Mer Rouge, pour menacer Ansarallah, mais en mer Méditerranée, à la tête d’une force mandatée par l’ONU où l’on trouverait les puissances riveraines, pour imposer un cessez-le-feu à Gaza. Paris aurait assuré, par le débarquement d’une force internationale sous commandement français, l’acheminement de l’aide alimentaire aux Gazaouis. Des volontaires médecins et infirmiers protégés par les flottes coalisées prendraient soin des victimes des bombardements. La France serait force active à l’ONU pour faire voter des cessez-le-feu à Gaza, en Cisjordanie et au Liban et imposer une négociation qui aboutisse à l’application des résolutions de l’ONU, en particulier la création d’un État palestinien.

La Russie est occupée par la Guerre d’Ukraine. La Chine est loin. La Grande-Bretagne a depuis longtemps oublié qu’elle a été expulsée de Palestine par le terrorisme des sionistes révisionnistes et elle est impliquée jusqu’au cou dans le soutien militaire à Israël. Les États-Unis considèrent Israël comme leur 51e État. Seule la France aurait, si elle le voulait, l’autorité nécessaire, l’enracinement géographique en Méditerranée, les liens millénaires avec la région, pour organiser le secours des Gazaouis et des Libanais et amener toutes les puissances de la région à une négociation de paix.

Ce que j’énonce n’est pas seulement une utopie. C’est parce qu’elle n’agit pas ainsi que la France est divisée intérieurement et affaiblie internationalement.

VERS UNE CRIMINALISATION DE TOUTE CRITIQUE DE L'ACTION D'ISRAËL ?

C’est un des développements les plus inquiétants. Je l’attribue à la situation difficile dans laquelle se trouve Israël. La presse israélienne elle-même nous permet d’évaluer à 20 000 le nombre des soldats israéliens grièvement blessés dans le conflit de Gaza. Le ratio habituel des pertes tués/blessés graves est entre 1/4 et 1/3. Imaginez-vous si le grand public prend conscience que l’armée israélienne a perdu environ autant d’hommes que le Hamas et les autres mouvements combattants palestiniens dans la bande de Gaza ?

Personne ne conteste les 1200 morts israéliennes du 7 octobre 2023 – dont la moitié sont des militaires, des policiers ou des colons armés. En face, il y a désormais, officiellement, un peu plus de 40 000 morts, dont un tiers sont des enfants ! Certains contestent ces chiffres en disant que ce sont « les chiffres du Hamas ». Mais les estimations indépendantes sont plus élevées : en se fondant sur les suites des bombardements, les personnes non retrouvées sous les décombres, la destruction de 60% du bâti, les conditions de vie insalubres des gens déplacés d’un point à un autre, la destruction des hôpitaux et donc d’une grande partie des possibilités de soin, la diffusion d’épidémies, la sous-alimentation etc…, la revue The Lancet a publié une estimation qui monte jusqu’à 180 000 morts. L’Afrique du Sud demande à Israël de rendre compte de son non-respect de la Convention sur les génocides dont Tel-Aviv est signataire. Nous finirons par tout savoir. Mais nous en savons déjà beaucoup : on n’avait jamais eu une violence de masse ainsi exposée sur internet, sur différents réseaux sociaux. Et ce que nous voyons est terrifiant.

Difficultés militaires indéniables et désir de cacher l’étendue et la nature des violences commises contre les Gazaouis. Nous en savons beaucoup grâce aux journalistes qui sont sur place. Eh bien, l’armée israélienne a ciblé et tué 175 journalistes depuis le début de son opération à Gaza !

La mise en place de lois répressives envers toute personne critiquant le gouvernement Netanyahu et l’armée israélienne, en France ou en Europe, est un volet d’un dispositif général que Tel-Aviv rêverait de mettre en place : censure militaire totale à Gaza et au Liban, y compris en éliminant les journalistes ; censure des réseaux sociaux et lois contre la liberté d’expression dans les autres pays. Pour ceux qui douteraient de ce qui est en jeu, demandons-nous pourquoi Benjamin Netanyahu vient de menacer le Liban de connaître le sort de Gaza s’il ne rejetait pas le Hezbollah… On ne menace pas avec des fleurs.

Nous parlions de la Loi Gayssot. C’était il y a une génération. Elle était pleine de bonnes intentions : il s’agissait de pénaliser le négationnisme. Je commençais seulement mes études sur la Shoah ; mais je sais que j’avais été d’emblée mal à l’aise lors du vote de la loi. Pourquoi transformer un enjeu de recherche historique, d’analyse scientifique des preuves et des documents dont nous disposons, en vérité officielle ? La vérité n’a pas besoin de l’appui du Pouvoir pour devenir « plus vraie ». Je n’ai pas eu besoin de la Loi Gayssot pour faire mon travail de chercheur et établir l’étendue du génocide des Juifs d’Europe entre 1939 et 1945. Il en est ainsi de toutes les lois dites « mémorielles ». Elles sont pesantes, inutiles. Ou plutôt elles ne servent qu’à souligner les œillères de ceux qui les promulguent : aujourd’hui on voudrait nous interdire de parler de tel ou tel massacre pour ne pas nuire à tel ou tel État.

UN SUJET INTERDIT, UNE DIALECTIQUE IMPOSSIBLE ?

[...] Progressivement, le sens de la nuance, la complexité des points de vue, ont laissé la place à un discours médiatique simpliste, consistant à diviser le monde en deux camps, celui du bien et celui du mal. L’américanisation a pu progresser à pas de géants, sans rencontrer de résistance. Connaissez-vous région plus complexe que le berceau de la civilisation qu’est le Proche et Moyen-Orient ? Y a-t-il région où les simplismes américains soient moins appropriés ? [...]

N’y a-t-il pas chez les défenseurs de la cause palestinienne une cécité quant à un antisémitisme bien réel ainsi qu’une forme de négationnisme concernant les actions et objectifs des différentes mouvances islamistes ? Le réalisme géopolitique ne trouve-t-il pas sa limite face à des ennemis déclarés de l’Occident ? [...]

Être l’héritier de la civilisation romaine, pour moi, c’est cultiver précieusement le droit international, qui rend possible une paix durable en la fondant sur les accords passés entre États souverains dont les frontières sont stables et reconnues par tous. Je ne demande qu’une chose à Israël : c’est le respect des résolutions de l’ONU ! J’avoue qu’il y a un paradoxe à dire cela lorsque l’on voit Benjamin Netanyahu faire bombarder la force d’interposition des Nations-Unies au Liban et exiger son départ.

Assumer l’héritage de la civilisation romaine, comme nous devons le faire, nous autres Français, c’est bien entendu refuser le mélange du spirituel et du temporel. Bien entendu, nous devons combattre un millénarisme musulman quand il nous menace ou tente de s’imposer à nous. Je constate simplement que nous ne pourrons pas combattre efficacement ce millénarisme-là si nous prenons fait et cause pour les deux autres millénarismes qui mettent en danger la paix : celui des évangélistes américains et celui d’une bonne moitié de la société israélienne.

Tout Français qui veut être pris au sérieux quand il réclame l’assimilation des musulmans dans notre pays doit rester loin des guerres menées par des messianismes, américain ou israélien, qui ont fait des musulmans et des Arabes (y compris chrétiens) leur cible favorite.

Comment un gouvernement français peut-il être crédible si, aussitôt après avoir dénoncé une agression antisémite en France, il prend fait et cause pour le gouvernement Netanyahu?

Au contraire, nos gouvernants ont une responsabilité immense : un pays qui accueille la première communauté juive d’Europe et la première communauté musulmane du continent, en effectifs, se doit d’être prudent, de conserver sa neutralité, pour bannir à tout prix la guerre civile.

Édouard Husson est professeur à CY Université Paris-Cergy.
Il est co-fondateur de l'Institut Brennus.
Il est aussi directeur de la publication du Courrier des Stratèges.
Il a notamment publié :
Comprendre Hitler et la Shoah, Paris, Presses Universitaires de France, 2001
(avec Bruno Cabanes), Sociétés en guerre.1914-1945, Paris, Armand Colin, 2003
Heydrich et la "solution finale" (pref. Ian Kershaw; postface Jean-Paul Bled), Paris, Perrin, 2008
(avec Norman Palma), Le capitalisme malade de sa monnaie. Essai sur l'origine monétaire des crises économiques, Paris, François-Xavier de Guibert, 2009.
Paris-Berlin. La survie de l'Europe, Paris, Gallimard, 2019

photo Sipa/Fatima Shbair

Le texte intégral  ici 

18 octobre 2024

À propos de la mort de Sinwar

Michel Collon

18/10/2024 – La résistance palestinienne, ce n’est pas un dirigeant. C’est tout un peuple qui refuse le colonialisme.
Certes Israël et les États-Unis parviennent à porter de sérieux coups à leurs adversaires. Les assassinats ciblés et l’extermination de masse, à Gaza, au Liban, et aussi les pogroms en Cisjordanie (où il n’y a pas de Hamas) peuvent donner l’illusion d’une victoire proche. Personne ne peut prévoir le timing et les formes que prendra le conflit, mais la résistance palestinienne ne mourra jamais.
Comme l’a reconnu le contre-amiral israélien Hagari : « Le Hamas est une idée, le Hamas est un parti. C’est enraciné dans le cœur des gens : quiconque pense que nous pouvons éliminer le Hamas a tort. »
Le peuple palestinien n’a cessé de résister depuis 1948. Israël a déjà assassiné de nombreux dirigeants palestiniens, mais la résistance n’a jamais disparu. La guerre cessera seulement le jour où, tous ensemble, nous aurons mis fin au colonialisme israélien qui est en réalité un colonialisme de l’Occident. Le dernier colonialisme.