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20 août 2025

Paul Dupert

-20/8/2025- L'affaire Permanove c'est vraiment la fin du rêve internet. Au début des années 2000, on imaginait un monde kantien de webonautes curieux, se transmettant des papiers scientifiques en un clic, lisant des papiers de philosophie sur des blogs spécialisés, bénéficiant d'un accès incommensurable au meilleur de la culture, aux films d'Eisenstein et aux livres du 19ème siècle en pdf.
Résultat : trois sadiques ahuris bolossent en live deux baptous fragiles, dont un handicapé.
Et personne n'échappe au Zeitgeist, à l'esprit sadique du temps, car ceux qui, compréhensiblement choqués, s'indignent de l'affaire, appellent à commettre les pires sévices sur les trois streamers, et espèrent, évidemment, qu'ils ramasseront la savonnette le plus tôt possible.
C'est la leçon d'Orange mécanique : les individus violents sont les produits du monde violent, et quand, confronté à ce qu'il peut produire de plus spectaculaire, il croit s'en tirer en désignant et en appelant à l'extermination des monstres, il dévoile sa propre violence, latente, souvent, explosive, parfois.
500 000 abonnés à leur chaîne : les streamers, qui manifestement, n'avaient pas que l'amour à s'offrir en partage, ne sont que la face immergée de l'iceberg. L'écume de l'utilisation d'internet.
Ça manque d'un Victor Hugo naïf et "social" dans le débat, pour rappeler que les monstres d'une société sont le produit de la société.
Bien sûr, l'immense majorité des gens seraient bien incapables de pareilles séances de sadisme. Mais qu'on leur donne l'occasion de gagner 10 000 euros par mois pour se faire, et on en reparle !
Banalité du mal. Elle avait pas tort, Arendt. Il avait pas tort, Kubrick.