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24 août 2023

René Chiche

22/8/2017 - Il ne m’a pas échappé que le ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer affiche une entente cordiale et une collaboration efficace avec son homologue de la culture, ce qui est une excellente chose à tout point de vue. Aussi voudrais-je en profiter pour les interpeller conjointement et leur soumettre une proposition qui, sans être onéreuse d’un point de vue budgétaire, serait néanmoins susceptible de produire des effets très positifs dans le quotidien de l’école, et à plus long terme dans celui de la nation. On a trop souvent l’impression, quand on entre dans un établissement scolaire, de mettre le pied dans l’antichambre de Pôle emploi, tant les bâtiments, à l’exception de rares écoles implantées dans des monuments classés ou dignes de figurer à l’inventaire des monuments historiques, sont en général sans âme et n’inspirent aucun sentiment particulier, alors que la disposition des affects et la préparation de l’imagination sont si indispensables à l’activité intellectuelle. Il faudrait que, dès qu’on pénètre dans un établissement scolaire, on sache immédiatement qu’on se trouve dans un lieu de culture et même, à vrai dire, de haute culture. Le moyen en est fort simple : il suffirait d’orner les couloirs et les salles de classes de belles reproductions d’œuvres, de citations bien choisies et à la typographie soignée, afin que partout où le regard se pose, ce dernier y trouve quelque chose à admirer. Ainsi, même dans la mémoire de l’élève le plus distrait cessant d’écouter le maître viendrait s’inscrire une de ces formules que des générations d’admirateurs ont conservées tant parce qu’elles ont enrichi la langue commune en donnant aux mots usuels une nouvelle profondeur que parce qu’elles sont elles-mêmes un trésor de nouvelles pensées. Les salles de classes également devraient être toutes baptisées, à l’instar des célèbres amphi Descartes et salle Cavaillès de la Sorbonne, du nom d’un de ces grands hommes et femmes dont le legs nous nourrit à chaque instant, qu’on le veuille ou non et qu’on le sache ou non, comme le philosophe Comte, en inventant la sociologie, l’a si justement remarqué, en identifiant la société au Grand-Etre c'est-à-dire à l’Humanité. Suivre un cours de mathématique en salle Euclide ou Fermat et un cours d’histoire en salle Michelet ou Thucydide, c’est tout de même autre chose qu’aller en 118 ou en 203 ! Laisser négligemment ses yeux errer sur le système géocentrique de Ptolémée en cours de physique, c’est tout de même mieux que plonger un regard vide sur les dalles froides et préfabriquées de murs et de plafonds qui sont communs aux écoles, aux hôpitaux et aux services administratifs des préfectures de province ! Et s’il faut des mécènes pour en équiper tous les établissements de France et de Navarre, gageons que Vinci ou Bouygues se précipiteront, quitte à vouloir apposer leur logo au bas des panneaux, lesquels seront éclipsés par les merveilles qui y occuperont malgré eux la plus belle place ! Faire des écoles d’ostentatoires établissements de culture, ce serait, Madame et Monsieur les Ministres, en faire les premiers remparts contre la folie fanatique qui se revendique de ce que bon lui semble et prospère comme le chiendent dans les esprits qu'on laisse en jachère !

21 juillet 2023

René Chiche

La jeunesse des quartiers populaires mérite mieux que la convergence des idioties. Elle mérite mieux que les éléments de langage de la fausse gauche assaisonnés aux points médians. Elle mérite mieux que Médiapart et Libération. Elle mérite mieux que la sollicitude méprisante des Plenel et de Lagasnerie.
Elle mérite le latin, le grec, la géométrie, la philosophie, Montesquieu et Verdi.
Elle mérite ce que toute jeunesse mérite.
Elle mérite le meilleur.
Point final.

18 juillet 2023

Dominique Lelys

Lorsque Milan Kundera nous parlait, dans la Revue des Deux Mondes, de la disparition de notre civilisation…

« Une chose me paraît évidente : l'Europe nous a quittés. Son départ vers le néant s'est passé devant nos yeux. Et nous faisons semblant de n'avoir rien vu. Peut-être n'avons-nous vraiment rien vu. Cet incroyable événement n’a donc été ni médité, ni analysé, ni même décrit, ni même constaté, parce que le monde tel qu'il s'est formé dans les dernières décennies est devenu indifférent à l'œuvre de Goethe, à celle de Fichte, d’Heidegger, de Fellini, donc à leur présence et à leur absence. Si un vieil oncle que personne n'a fréquenté meurt, on pourra facilement ne pas s'apercevoir de sa disparition. Qui d'ailleurs est vraiment bouleversé, atteint, abîmé par l'effacement de la culture européenne ? Il y a malgré tout deux victimes qui doivent en souffrir : d'abord, bien sûr, la philosophie et l'art eux-mêmes. Et puis, la France. Car l'autorité exceptionnelle de la France dans les deux, trois derniers siècles était due à la place privilégiée que les œuvres culturelles occupaient dans la vie de l'Europe. Je parle à partir de mon expérience personnelle : l'ambiance spirituelle de toute ma jeunesse tchèque fut marquée par une francophilie passionnée. C'était juste après la guerre; ce qui signifie que l'amour de la France a plus ou moins facilement survécu au choc de Munich (pourtant vécu douloureusement comme une trahison). Comment a-t-il pu y survivre? Parce que l'amour de la France ne résidait jamais dans une admiration des hommes d'État français, jamais dans une identification à la politique française ; il résidait exclusivement dans la passion pour la culture de la France : pour sa pensée, pour sa littérature, pour son art (l'art moderne en particulier). Quand la culture pour un Européen ne représente plus grand-chose, c'est par une logique fatale que le monde devient indifférent à la France.
Et puisqu'on rejette le passé toujours avec une certaine passion, cette indifférence prend souvent le caractère d'une aversion, et l'indifférence à la France devient francophobie (une raison de plus pour moi d'aimer la France, sans euphorie, d'un amour angoissé, têtu, nostalgique). »

21 février 2023

Le niveau d’ignorance et de bêtise des gens aujourd’hui

Marc Alpozzo

[...] La stupidité a gagné presque tout le monde (sauf vous lecteurs qui me lisez, forcément parce vous me lisez, hé hé !) dans une époque américanisée jusqu’à la moelle, qui ne comprend même plus ce que veut dire lire un livre. Dans mon cours de prépa Science Po d’hier, les élèves tiraient une drôle de tronche lorsque je leur ai dit qu’ils seraient obligés de lire beaucoup (presse et livres) s’ils voulaient intégrer la Jérusalem Céleste (bien que Science Po Paris me fasse plus penser à un dépotoir qu’à une grande école mais là c’est encore une autre histoire). Bref, à quel moment reverrons-nous un philosophe de la taille de Deleuze à la télé et chouchou des lecteurs comme ce fut le cas jusqu’à la fin du siècle dernier ? That’s the question ! Pour l’instant, il semble que le divertissement et l’argent l’aient emporté dans les têtes de presque tout le monde, que les schtroumpfs brouillons l’aient emporté sur l’intelligence académique et les hauteurs de pensée. Il reste quelques bons philosophes mais on n’en parle plus car pas assez lus ni suivis. Cette époque n’a plus le respect de l’intelligence, de la culture et de l’esprit, encore moins des grandes œuvres, car cette époque se regarde trop le nombril pour ça.
(Photo prise à la bibliothèque du Collège de France mercredi dernier).

10 février 2023

Culture et censure

Anne-Sophie Chazaud

La Ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, a proféré hier des menaces de censure à l’encontre des chaines CNews et C8.
Ces menaces (de privation de séquence) au motif que l’Arcom a adressé plusieurs avertissements aux chaînes concernées depuis 2019, sachant que l’Arcom, comme je le rappelle dans mon travail sur la censure, n’est en rien indépendante idéologiquement et politiquement, ont déclenché le tollé qu’elles méritent depuis hier.
Je voudrais juste, en passant et sans m’attarder trop, faire une petite observation et attirer l’attention sur un point qui, telle la lettre écarlate, n’est pas beaucoup relevé : autrefois, la censure était le fait des ministres de l’Intérieur et de l’Information. On se souvient des ciseaux d’Anasthasie maniés avec détermination, dextérité et sans hésitation par Alain Peyrefitte par exemple.
Le fait que ces menaces émanent à présent du Ministère de la Culture en dit long sur ce qu’est devenue ladite Culture, certes flanquée dans le portefeuille de son double communicationnel.
Loin de l’esprit de liberté et de confrontation des opinions/visions contradictoires qui seul peut garantir une créativité digne de ce nom, la Culture est donc ramenée à ce que décrit Gramsci : un outil de conquête et, depuis des décennies, comme je le dis là aussi dans mon travail, un outil de maintien au pouvoir.
Elle est objectivement ramenée sans même s‘en cacher au rang de simple propagande.
Nous le dénonçons depuis longtemps, mais cette perversion opérait de manière sournoise, par l’infiltration/contamination idéologique des messages encouragés (subventionnés).
Désormais donc, grâce au volet « Communication », la culture est revendiquée comme n’étant plus, comme le disait Gilles Deleuze dans une magnifique conférence à la Fémis en 1987 portant sur l’acte créatif, qu’un acte de mise en forme (« informer ») de « mots d’ordre ».
Pour tout vous dire, c’est bien cette dénaturation vicieuse de la notion de Culture qui devrait nous préoccuper, davantage que la volonté de censure dont on sait que les enfants de la gauche post-socialiste extrême-centriste raffolent car elle seule leur permet d’exister et de continuer de raffler la mise.
Il s’agit bien d’une guerre culturelle, et, sur ce point au moins, nous serons tout à fait d’accord avec ceux qui la mènent contre les tenants de la liberté.
Il faudrait finalement remercier la Ministre pour avoir manifesté la réalité de la situation sinistrée de la Culture avec autant de clarté.

16 janvier 2023

La « grande culture »

Denis Collin

La « grande culture » ne pouvait exister et n’existait que comme une critique du règne de la bourgeoisie. Elle était, certes, portée par la bourgeoisie qui en faisait son supplément d’âme et un facteur de cohésion (respect des maîtres, respect du savoir, respect de ce qui dépasse l’homme ordinaire). Mais en même temps, elle valorisait le désintéressement, critiquait la vénalité, exaltait les valeurs les plus élevées, elle était spiritualiste par essence – même si elle récitait Lucrèce ou les grands philosophes matérialistes. La culture de la « société avancée » n’a plus rien de critique : elle s’insère dans les industries culturelles et produit selon les normes de l’industrie. Là où la « grande culture » s’évertuait à instituer des hiérarchies, la culture « désublimée » méprise ces hiérarchies. Elle est radicalement démocratique. Tout se vaut. Tout le monde a le droit d’être un artiste et, pour tout dire, tout le monde est artiste et tout est art. Avec la désublimation, il n’y a plus de place pour le sublime ni pour le tragique. Place à la fête ! Place à la foire ! La « grande culture » était la mauvaise conscience de la bourgeoisie : de Balzac à Thomas Mann. Sous le règne de la désublimation, il n’y a plus de place pour la mauvaise conscience. La littérature est normalisée – les États-Unis, toujours en avance, montrent la voie avec les écoles d’écriture : on peut devenir un bon romancier comme on devenait un bon tourneur-ajusteur. Cette désacralisation de la culture, cette perte de l’aura de l’œuvre d’art dont parlait Walter Benjamin, a pu être vécue comme une libération des anciennes disciplines – tout le mouvement de l’art moderne se présente comme un effort d’émancipation de la tyrannie des règles de l’art. Mais c’est aussi une conséquence du poids croissant de la technoscience dans la vie de tous les jours, qui participe du « désenchantement du monde » et des tendances les plus profondes de « l’esprit du capitalisme », ses tendances égalisatrices dès lors que l’unique mesure devient l’équivalent général, l’argent. Mais, dans le même temps, cette tendance égalisatrice produit, comme l’avait déjà soutenu Tocqueville, un conformisme étouffant.