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11 octobre 2023

Pierre Brochand
Ancien DG de la DGSE

[...] Si je refuse de perdre espoir, je ne me nourris pas non plus d’illusions excessives quant à la possibilité d’une reprise en mains “politique” des courants d’immigration. Quand on constate que le programme de l’actuel chef de l’Etat, candidat à sa réélection, continue d’ignorer superbement le sujet, on se prend à réfléchir sur ce que l’Histoire peut comporter d’inéluctable et d’irréversible, même si, ce faisant, elle nous conduit droit vers les plus grands des malheurs.
Pour conclure, tout en essayant d’éviter la paranoïa, j’avoue sans ambages être obsédé par la menace que l’immigration, telle que nous la connaissons, fait peser sur l’avenir de notre pays. Si rien n’est décidé pour la réduire à sa plus simple expression, toute mes expériences accumulées me font prévoir un futur sombre, et même très sombre, pour nos enfants et petits-enfants. Au mieux, s’achemineront-ils vers un effondrement insoupçonné de leur qualité de vie (l’implosion) ; au pire, c’est vers de terribles affrontements que nous les dirigeons (l’explosion). Le plus probable étant une combinaison des deux, dans une confusion croissante.

7 juillet 2023

« Si nous en sommes là, c’est à cause d’une immigration de peuplement massive »

Pierre Brochand : « Le pronostic vital du pays est engagé »

Propos recueillis par Eugénie Bastié
AU COEUR DES ÉMEUTES


« Si nous en sommes arrivés là, c'est aussi, et peut-être surtout, en raison de l'idéologie dominante, qui a justifié et même glorifié l'immigration de peuplement massif, subie depuis un demi-siècle », affirme l'ancien directeur général de la DGSE, qui ajoute : « Toute possibilité de renverser la vapeur passe, d'abord, par la réduction à leur plus simple expression des flux d'accès au territoire et à la nationalité »
Pierre Brochand a été directeur général de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) de 2002 à 2008, ainsi qu'ambassadeur de France, notamment en Hongrie et en Israël. Sa parole est extrêmement rare dans les médias. En exclusivité pour le « Figaro magazine », il livre son regard sur les émeutes, un moment charnière de notre histoire. Selon lui, nous vivons la révolte contre l'État national français d'une partie significative de la jeunesse d'origine extra-européenne présente sur son territoire. Cette explosion est le résultat de décennies d'aveuglement et de propagande envers une immigration de peuplement dont on n'a jamais mesuré les conséquences. Il analyse le cocktail fatal que devait constituer la rencontre entre une société des individus fondée sur l'ouverture et la démocratie et l'arrivée de diasporas entières au bagage culturel totalement différent. Est-il trop tard?
Auteur d'une intervention remarquée à l'Amicale gaulliste du Sénat, l'ancien directeur de la DGSE - qui est intervenu lors d'un colloque de la Fondation Res Publica sur le thème : « Pour une véritable politique de l'immigration » - invite à ne pas commettre les mêmes erreurs que par le passé et livre ses pistes pour sortir de cette crise inédite dans l'histoire de la France.
Dans votre intervention au Sénat en novembre 2022, vous évoquiez plusieurs scénarios provoqués par l'immigration incontrôlée qui sévit dans notre pays depuis des années : interdiction, absorption, négociation, séparation, affrontement. Les émeutes qui se sont produites pendant cinq jours montrent-elles selon vous que c'est le scénario de l'affrontement qui domine?
Au vu de ce qui s'est passé ces jours derniers, j'aurais du mal à vous contredire. Je voudrais aussi indiquer d'entrée de jeu que je n'ai pas l'habitude de commenter l'actualité à chaud, source d'erreurs ou d'à-peu-près. Mais quand les circonstances imposent à l'esprit un événement charnière de cette envergure, il est difficile de résister à la tentation.
Pour en revenir à « l'affrontement », il survient inéluctablement lorsque tout le reste est abandonné, inopérant, dépassé. Car, vous l'avez rappelé, quand un groupe humain cherche à s'installer chez un autre, il n'y a que cinq possibilités. Reprenons-les brièvement, afin de remonter la chaîne des causes qui conduit à nos malheurs d'aujourd'hui.
« L'interdiction », à savoir la fermeture des frontières au nom du principe de précaution (la voie polonaise), n'a jamais été sérieusement envisagée chez nous, les frères jumeaux de l'humanisme et de l'économisme se donnant la main pour y veiller.
De même, l'« assimilation » a été rapidement abandonnée, sans tambour ni trompette, par renoncement à nous-mêmes, mais aussi nécessité, face à des flux trop massifs pour qu'elle puisse fonctionner.
D'où l'enthousiasme pour « l'intégration », sorte de compromis miracle, d'inspiration anglo-saxonne, où chacun fait un pas vers l'autre, tout en gardant son quant-à-soi. Force est de reconnaître que cette démarche n'a que médiocrement réussi en France. D'une part, et à l'inverse de l'assimilation, le contrat minimal qui la sous-tend - « respect des lois » contre « emploi » - fait peser l'essentiel de l'effort sur le pays d'accueil, en matière de débours financiers comme d'entorses à ses principes (mérite et laïcité). D'autre part, l'accès au travail ne peut être que limité, pour des immigrants à très faible qualification et qui, parfois, s'auto-excluent du marché pour des raisons qui leur sont propres. De sorte que les « intégrés », certes plus nombreux que les « assimilés », ne sont pas pour autant majoritaires.
La « séparation » n'est que le résultat de ce bilan insatisfaisant. Ce qui n'est guère surprenant, puisque la partition est la pente naturelle de toute société « multi », où chacun vote avec ses pieds et se recroqueville auprès des siens. Je ne connais pas d'exception à cette règle d'airain, en particulier quand les appartenances relèvent de civilisations différentes. Règle qui se borne, d'ailleurs, à acter l'effondrement de la confiance sociale, proportionnel à la « diversité » ambiante.
C'est ainsi que se constituent les « diasporas », noyaux durs, ni assimilés, ni intégrés, à tendance non coopérative, véritables poches de tiers-monde, où se développe une double dynamique de dissidence, sans corde de rappel. D'un côté, la pression sociale que génèrent ces entités, en faveur des moeurs, croyances et modes de vie d'origine, les écarte de plus en plus de ceux du pays d'accueil : d'où un phénomène de divergence générationnelle, jamais vu auparavant, mais que les troubles actuels valident sans discussion. D'un autre côté, ces enclaves ne cessent de s'auto-engendrer, en « boule de neige », grâce à un taux d'accroissement naturel élevé et un engrenage d'aspiration juridique par le biais, entre autres, du regroupement familial.
Cette marche vers la sécession a tétanisé nos élites, qui en ont vite perçu le potentiel explosif. Mais, au lieu de la bloquer, puis de mener une stratégie patiente de roll back, elles se sont contentées d'un containment à court terme, à coups de subventions et reniements clientélistes, enrobés dans un discours fumeux de dénégation ou d'euphémisation, visant à acheter la paix sociale au jour le jour.
Mais tant va la cruche à l'eau qu'elle se casse. Quand les diasporas, en gonflant démesurément (au bas mot 5 millions d'admissions supplémentaires depuis 2005), atteignent une masse critique qui les rend confusément conscientes de leur force irrésistible, quand les compromissions et les concessions unilatérales deviennent autant d'aveux de faiblesse appelant à la transgression, quand ces contre-sociétés portent l'audace à s'ériger en souverainetés concurrentes sur un même espace « un et indivisible », eh bien, le couvercle de la Cocotte-Minute finit par sauter, dès que l'occasion se présente.
En 2005, une première éruption en chaîne avait servi d'avertissement. Hors la tentative d'apaisement budgétaire par la « politique de la ville », il n'en a été tenu aucun compte. Le déchaînement des jours derniers, d'une tout autre envergure, n'est que l'aboutissement de cet aveuglement.
Qu'est-ce qui vous semble différent par rapport au scénario de 2005?
Je veux être honnête avec vos lecteurs. Je ne possède aucune information qu'ils n'ont pas. Je m'efforce seulement d'analyser les choses, selon deux principes très simples : d'une part, les causes entraînent des conséquences (« ce qui doit arriver arrive »), d'autre part, le seul critère décisif pour évaluer une situation de conflit est le rapport de force. Il n'est pas inutile de rappeler, d'abord, que des émeutes isolées sont monnaie courante depuis quarante ans, aux quatre coins du pays, sous l'étiquette technocratique de « violences urbaines ». Au point que plus personne ne leur prête attention, comme si elles faisaient partie du paysage. Erreur fatale.
L'embrasement de 2005 nous a enseigné qu'il suffisait d'une étincelle pour mettre le feu à la plaine. On a donc retrouvé ces jours-ci plusieurs traits de ce qui s'est passé il y a dix-huit ans.
Même démarrage, consécutif à une présumée « bavure » policière. Même violence polymorphe à triple finalité : « métapolitique » (contre tout ce qui représente la France et son État), utilitaire (pillages d'envergure), gratuite (vandalisme nihiliste). Mêmes auteurs quasi-exclusifs : les jeunes hommes de banlieue, où ils font régner la loi du plus fort. Même ressemblance apparente avec les flambées racialisées des « ghettos » américains. Même prédilection pour la nuit, à l'instar de toutes les guérillas du monde. Même cadre exclusivement urbain. Même restriction, de part et d'autre, quant à l'usage des armes les plus létales, à la différence, cette fois, des États-Unis. Mais, aussi, même impuissance des forces de l'ordre, pourtant mobilisées à leur maximum, à calmer une mer démontée. On veut également croire au caractère pareillement spontané de cette explosion « façon puzzle », sans coordinateur national, ni encadrement militant : on ne discerne toujours pas de comité central, de « shura » islamique ou de syndicat de dealers, à la manoeuvre derrière les « casseurs ». On ne discerne pas non plus l'émergence d'un mouvement ayant le retentissement et la pérennité de « Black Lives Matter », la tentative de récupération initiale par le clan Traoré relevant de la parodie.
Mais, au-delà de ces similitudes avec le passé, les différences sont éclatantes et vont toutes dans le sens d'une exceptionnelle aggravation de « quantité », mais aussi de « qualité ».
En termes d'amplitude, les statistiques officielles donnent à penser - aux historiens de le vérifier - que rien de comparable ne s'est produit dans les villes françaises depuis la Révolution de 1789 ou, au minimum, les semaines ayant suivi la Libération. En particulier, on ne peut être qu'effaré par l'extraordinaire prolifération de la dimension délinquante, sorte de jaillissement paroxystique de la surcriminalité endémique des diasporas. Malheureusement, ces informations taisent le nombre de protagonistes, que l'on peut évaluer très approximativement entre 100 000 et 200 000 personnes (en appliquant le ratio optimiste de 1 % aux effectifs appréhendés chaque nuit). Estimation au doigt mouillé, mais qui permet, au moins, de mettre en doute le cliché rassurant de « l'infime minorité ».
Quels sont les changements de nature de ces émeutes?
Ils sont, à mon avis, de trois sortes.
Le premier tient au rôle décuplé des réseaux sociaux, devenus à la fois des accélérateurs de concurrence mimétique et des multiplicateurs de transparence en temps réel. Impact malaisé à mesurer, mais probablement majeur.
Un deuxième caractère inédit est la propagation des troubles dans les très petites villes de province, jusque-là tranquilles, reflet inquiétant de la dissémination de l'immigration sur l'ensemble du territoire, parfois à l'instigation des pouvoirs publics.
Dernière spécificité, la plus sacrilège, les razzias ont pénétré les centres des métropoles, y compris Paris, jusqu'aux Champs-Elysées, soit, mutadis mutandis, l'homologue de la « zone verte » hyperprotégée de Bagdad.
On pourrait ajouter à cette liste de nouveautés l'entrée en lice, çà et là, de casseurs politisés d'origine européenne. Néanmoins, nul ne perçoit une « conjonction des luttes » entre ces probables black blocks, à la poursuite du Grand Soir, et les masses juvéniles déchaînées, sans projet de lendemain. Sinon que tous surchargent pareillement le travail de la police.
Il reste que ces innovations s'avèrent un formidable réveil en fanfare, pour tous ceux qui ne se sentaient pas concernés ou se voulaient choqués, par les avertissements des lanceurs d'alerte, décrétés intouchables par les médias. Là aussi, il va falloir se résigner à admettre que certains ont eu tort et d'autres raison, et que faire litière des « fantasmes d'extrême droite » serait une preuve d'honnêteté intellectuelle.
Lorsque la fièvre retombera - car elle retombe toujours, après une montée aux extrêmes -, la roue crantée de l'Histoire aura fait un tour supplémentaire, et l'effet de cliquet nous aura portés à un niveau d'hostilité sociale encore plus intense que celui à l'origine de la déflagration. Il y a peu encore, des esprits malicieux voyaient dans le jeu du chat et de la souris, pratiqué dans les banlieues, une simple réédition en farce des tragédies coloniales : je crains que la condescendance de cette raillerie de Marx ne soit plus de saison.
En tirera-t-on les leçons qui s'imposent, à savoir que le pronostic vital du pays est engagé? Envisagera-t-on d'autres remèdes qu'un énième « plan banlieue »? Les choses étant ce qu'elles sont, j'en doute fort. Mais je pense que nous reviendrons sur ce point capital.
Certains parlent de « guerre civile ». Est-ce un terme approprié pour décrire les événements?
J'apprécie votre question, car définir les choses, ce n'est pas ratiociner, mais tenter de mieux les comprendre. Il y a incontestablement des prémices de « guerre civile » dans ce que nous vivons. Mais j'écarterai l'expression, à deux titres. La guerre désigne une lutte « armée » et « sanglante » entre « groupes organisés » : nous n'en sommes là sous aucun de ces trois rapports, même s'il serait indécent d'oublier que la police compte de nombreux blessés. Quant à l'adjectif « civil », il se réfère aux citoyens d'un même État : s'il me semble inapproprié, c'est, d'une part, parce que les étrangers sont sans doute nombreux à s'activer, d'autre part, parce qu'au risque de choquer, je tiens les binationaux et ressortissants qui s'attaquent aux représentations de la France comme s'excluant de la communauté nationale. Sans compter que la grande majorité de la population, silencieuse et attentiste, reste absente, en position de simple spectateur. Le seul lien commun à tous étant celui du désir de consommation, vu à travers le pouvoir d'achat pour les uns, la « prise sur le tas » pour les autres.
Plusieurs autres dénominations ont fleuri ces derniers jours. Faute de davantage de renseignements, je ne peux retenir la « sédition », laquelle suppose une action concertée et préparée, bien que - je ne le nie pas - on puisse aisément déceler plusieurs strates d'intervenants, depuis de très jeunes adolescents hilares, à la limite de la débilité, jusqu'à des « hommes en noir », beaucoup plus professionnels, qui semblent savoir ce qu'ils font.
Quant à l'« insurrection », qui vise à renverser un pouvoir établi, elle me paraît également inadéquate, puisque le tumulte se borne à « détruire et voler » (ce pourrait être sa devise), sans proposer la moindre solution de remplacement : nous restons dans une contestation radicale, mais qui ne voit pas au-delà du bout de son nez.
Les notions de guérilla ou d'émeute seraient pertinentes, mais désignent de simples modes d'action, à l'instar du terrorisme.
Pour ma part, je qualifierai la présente catastrophe de « soulèvement ou révolte contre l'État national français, d'une partie significative de la jeunesse d'origine extra-européenne présente sur son territoire ». Avec, pour enjeu principal, le monopole de la violence légitime sur ce même espace. Formulation certes alambiquée, mais qui me paraît décrire, au plus près, le stade de décomposition auquel nous sommes parvenus. En attendant mieux.
« Il y a deux préconditions à l'action : la transparence statistique et le rejet du discours intimidant », disiez-vous au Sénat. Que signifie « rejeter le discours intimidant »?
Je rappelle à vos lecteurs que le « discours intimidant », auquel vous faites allusion, ne s'adresse nullement aux émeutiers, que rien n'impressionne, mais à ceux qui, à l'approche de la tempête, ont voulu sonner le tocsin et que l'on a cherché à faire taire par ce moyen.
Cela dit, je vais devoir prendre un détour pour vous répondre.
Si nous en sommes arrivés là, c'est aussi, et peut-être surtout, en raison de l'idéologie dominante, qui a justifié et même glorifié, l'immigration de peuplement massif, subie depuis un demi-siècle.
On ne saurait, en effet, expliquer les développements actuels, sans en revenir au changement de modèle de société, survenu dans les années 1970. À mon sens, tout part de là.
Nous avons, à l'époque, cru franchir un nouveau pas dans l'émancipation humaine en passant de l'État national moderne à la Société des individus (SDI), soit de l'autodétermination collective à sa version individuelle : transition avalisée sans remords par tous nos « dirigeants » depuis lors. Mais nous avons, en même temps, suscité un gigantesque « effet de ciseau », en déclenchant simultanément deux évolutions absolument incompatibles.
D'une part, en effet, la SDI a mis de nouvelles priorités à l'ordre du jour, l'une positive (le droit au bonheur privé d'êtres libres et égaux, sans attaches fixes, au sein d'un espace mondial indifférencié), l'autre négative (la déconstruction du paradigme de l'État régalien, porteur de l'intérêt public dans un espace cloisonné par des frontières, dernier obstacle sur la voie de l'idéal). Soit un conte de fées, reposant sur un postulat insensé, où tout serait commensurable et, donc, procédural, entre des êtres interchangeables, vides d'identités collectives, oublieux des inimitiés qu'elles engendrent, dont le seul horizon serait une planète sans rivages. C'est-à-dire, en pratique, une construction postpolitique, en permanence sur le fil du rasoir, génétiquement menacée par la « guerre de tous contre tous », et surtout hautement vulnérable à quiconque ne serait pas un « bobo » hédoniste, doux et accommodant, revenu de tout. Bref, une société « ouverte », mais ne pouvant survivre qu'au prix d'une homogénéité et d'un conformisme d'acier, c'est-à-dire en restant « fermée »!
D'autant que, d'autre part, dans un véritable élan suicidaire, cette même SDI a fait rentrer par la fenêtre les identités collectives qu'elle était censée avoir mises à la porte. Sous deux aspects.
D'abord, en remplaçant le « gentil bobo » par le « méchant wokiste », qui considère la nouvelle donne moins comme une opportunité d'épanouissement qu'une occasion de réparation rétrospective pour les minorités « opprimées », animées de ressentiment. Ensuite, et à ce titre, en ouvrant grand les portes à ces victimes superlatives que sont les « damnés de la terre », en provenance du tiers-monde, entrant chez nous au nom de droits individuels et s'y installant comme des « communautés » hétéronomes et endogamiques, en rupture orthogonale avec les codes ayant justifié leur venue.
D'où cette seconde quadrature du cercle : une société liquide, bienveillante et accueillante, volontairement délestée des moyens d'autodéfense légués par l'Histoire, qui se voit télescopée par un gigantesque météorite de sa fabrication. Du « plein, venu d'hier et d'ailleurs » s'engouffrant dans l'anomie d'un « vide, d'ici et maintenant ».
Comment les gardiens de ce nouveau temple - juges, journalistes, experts, universitaires, assistés du choeur antique des artistes et footballeurs - ont-ils manoeuvré pour repousser l'échéance de son écroulement?
Le logos a fait long feu, à force d'incohérences : « l'immigration n'existe pas; elle a toujours existé; elle n'a pas commencé; c'est une fatalité, non pardon un devoir moral, non encore pardon un impératif économique; il suffit d'y mettre les moyens; de toute façon, ils sont déjà là; on n'y peut plus rien; ils sont français comme vous et moi, etc. ».
L' ethos s'est pareillement ridiculisé au contact du réel : les injonctions au « vivre ensemble » et à la « mixité sociale », le refrain de la « riche diversité », le « principe de fraternité », cher au Conseil constitutionnel, sont devenus autant de vaines incantations ou même d'oxymores, motifs à ricanements. Quant à l'appel lancinant aux « valeurs républicaines », sa vacuité a fini par lasser les mieux disposés, dont j'aurais pu être. À vrai dire, tout ce que la nation avait réussi à inculquer, en matière de « décence commune », à force d'épreuves partagées, n'est plus vécu que comme un rituel orchestré.
Reste le bon vieux pathos, cet ultime et éternel levier des régimes peu assurés d'eux-mêmes. C'est dans cette perspective que s'inscrit - j'y arrive - le « discours intimidant ». Faute de pouvoir contraindre les corps, on a voulu emprisonner les esprits par le verrouillage des affects. À savoir l'intériorisation de la culpabilité, d'une part, et la diversion par la peur, d'autre part, somnifères traditionnellement prescrits aux peuples dont on craint le réveil.
C'est pourquoi l'accusation de « racisme », à la confluence de ces deux « passions négatives », est la clé de voûte du système, lequel se ramène à la mise en examen permanente du peuple français, que des « indices graves et concordants » chargent de tous les malheurs de la terre : guerres mondiales, colonisation, génocide juif, réchauffement climatique, indifférence aux noyades, etc.
Le but est de confiner les mentalités dans le très étroit couloir de pensée, défini par l'État de droit (autre appellation de la SDI), dont il est la condition nécessaire, encore qu'insuffisante, de la viabilité. Ainsi, pour empêcher les « dérapages » et les franchissements de lignes jaune ou rouge, hors du corridor, a été mise en place une peine de mort sociale, moins douloureuse que celle physique mais tout aussi effective, infligée aux seuls réfractaires à la xénophilie obligatoire.
Car, nous en sommes là, pris au piège d'un simple mot - « racisme » -, détourné de son sens originel, pour englober tous ceux qui se posent la question de savoir si l'idéologie, que je viens de décrire, ne nous précipite pas dans un gouffre.
Reconnaissons que le chantage a admirablement réussi jusqu'ici. Va-t-il, cette fois encore, résister au formidable désaveu de la réalité, quand celle-ci vient nous démontrer que les plus haineux, ou les plus « racistes », si l'on préfère, ne sont pas ceux qu'on croit?
Après les premières heures de sidération, on est hélas obligé de constater que le psittacisme, très rapidement de retour sur les ondes et les écrans, a la vie dure. En revanche, en eussé-je douté que je n'ai plus beaucoup d'hésitation à imaginer ce que la majorité des Français « pense tout bas ».
Peut-on selon vous récupérer ces territoires perdus de la République? N'est-il pas trop tard?
Il est vraiment très tard pour revenir sur des décennies d'abdications cumulées.
C'est pourquoi on ne dénoncera jamais assez ceux qui ont laissé s'installer la machine infernale, en ont vu venir les conséquences potentielles, mais n'ont rien fait pour les éviter, se bornant à mettre la tête dans le sable, ou à ne la sortir que pour des mesures sans effet, voire contre-productives. Des dizaines de lois « fermes et humaines », des centaines de milliards engloutis pour en arriver à un pays moribond, dont l'existence est désormais en jeu.
Incompétence? Hypocrisie? Arrogance? Naïveté? Entre-soi? Je mettrai au premier plan le manque de courage, face à la peur panique d'être qualifié de « raciste », signe d'une carrière aussitôt terminée. J'en veux pour preuve le double discours de ces mêmes politiques, qui, en visite à l'étranger, loin de leurs bases, se laissent aller, devant des diplomates, comme je le fus, à des confidences peu amènes sur les réalités de leurs fiefs électoraux, avant de rentrer en France pour y entonner derechef l'hymne aux « valeurs républicaines ».
Néanmoins, mon caractère, aussi bien que mes antécédents professionnels, m'imposent de ne pas baisser les bras. Étant entendu que, désormais, toute réaction ne peut être que brutale, voire féroce, si l'on veut lui donner une chance de remonter le courant.
En premier lieu, il convient de rétablir une hiérarchie rationnelle des priorités : l'accès aux toilettes en fonction du genre ou les dangers du pétainisme renaissant sont certes des préoccupations honorables, mais ce que nous vivons recommande de les remplacer par d'autres, plus impérieuses. De même a-t-on le droit de suggérer que le « réchauffement climatique », présenté comme le péril des périls, à prévenir de toute urgence et par tous les moyens, vient de se faire rattraper par celui, autrement plus rapide, de nos banlieues? Le principe de précaution serait-il à géométrie variable?
En deuxième lieu, un élève moyen de CE1 nous le conseillerait : pour sortir d'un trou, il convient, d'abord, d'arrêter de le creuser. Combien de fois faudra-t-il répéter que toute possibilité de renverser la vapeur passe, d'abord, par la réduction à leur plus simple expression des flux d'accès au territoire et à la nationalité? C'est faisable, les voies en sont connues, il suffit d'avoir le cran de s'en donner les moyens juridiques et matériels.
Enfin, pour s'en tenir à l'essentiel et au plus pressé, il convient de combattre, sans merci ni relâche, le sentiment d'impunité, dont l'omniprésence semble avoir nourri la désinhibition tous azimuts de ces jours derniers. En d'autres termes, s'impose un changement de pied radical en matière pénale, par abaissement de l'âge de la majorité pertinente et en rétablissant, pour tous, des peines de prison fermes et effectives, suivies d'incarcérations immédiates, fussent-elles de courte durée, en cas d'atteinte aux biens publics et aux forces de l'ordre, de vol en bande organisée, de trafic de drogues, de violences sur les personnes, etc. Et surtout, punir la récidive par des peines exponentielles. On peut aussi imaginer de transformer en prisons pour courtes peines des bâtiments pouvant s'y prêter. N'étant pas juriste, je m'en tiendrai là, mais je suis convaincu que les Français auront du mal à ratifier un laïus à la Hugo, du type « une école qui ouvre, c'est une prison qu'on ferme », surtout quand font brûler les écoles ceux-là mêmes qui devraient être en prison...
À plus long terme, ce sont évidemment l'Éducation nationale et l'État providence, qui devraient faire l'objet d'une remise en question, du sol au plafond. Mais pourquoi ne pas frapper les esprits tout de suite par des décisions spectaculaires, en décrétant, par exemple, le port obligatoire de l'uniforme en primaire et au collège dès janvier ou la revalorisation substantielle des allocations familiales, en les limitant à l'avenir à trois enfants?
Mais, par pitié, que l'on ne ressorte surtout pas du magasin des accessoires une relance de la politique de la ville : personne - en tout cas, pas moi - ne croit plus à l'efficacité du « borlooisme », ce matérialisme intégral qui croit pouvoir éteindre par l'argent et l'urbanisme des incendies dont le combustible est religieux, historique et ethnique. Cette réponse pourrait même s'avérer la pire, puisqu'elle reviendrait, comme déjà dans le passé, à récompenser la révolte.
Nos gouvernants ont une opportunité unique de s'extraire du carcan dans lequel ils se sont eux-mêmes engoncés, et de bénéficier, en prime, de l'approbation d'au moins trois quarts des Français. Ce qui n'arrive pas tous les jours. Saisiront-ils l'occasion? Auront-ils la détermination de sortir de la pensée mécanique et de l'approche centriste et balancée, qu'ils affectionnent, mais qui ne fait que prolonger un immobilisme désastreux? Retrouveront-ils, par un coup de baguette magique, la capacité politique de dire non? Le souhaiter, c'est faire le pari risqué de leur conversion au réel.
Les émeutes sont très commentées à l'étranger. En tant qu'ancien diplomate, comment évaluez vous l'image qu'elles renvoient de notre pays?
C'est un crève-coeur. Avec mes anciens collègues, nous avons passé nos vies à défendre et promouvoir l'image de la France dans le monde. C'est un travail de Sisyphe : les gains y prennent des siècles, les chutes quelques jours et parfois quelques heures. Ayant commencé ma carrière sous le général de Gaulle, je peux comparer ce que fut notre réputation et ce qu'elle est devenue. L'abîme donne le vertige.
Pour les avoir pratiqués abondamment, je sais exactement ce qui se passe dans la tête de nos interlocuteurs étrangers, quand ils notent que, pour la deuxième fois en très peu de temps, la France a dû annuler, au motif de troubles intérieurs, des événements aussi longuement préparés que les visites du roi d'Angleterre en France, puis du président de la République en Allemagne. En outre, les innombrables vidéos qui leur parviennent, en continu et à la vitesse de l'éclair, leur donnent une vision infiniment plus précise et humiliante de nos malheurs que par le passé.
Les mieux intentionnés portent un regard navré sur un pays qui fut grand, mais qui n'est plus, pour eux, que le laboratoire avancé des folies migratoires européennes. D'autres, en Pologne et en Hongrie, se réjouissent sur le mode « je vous l'avais bien dit » : j'ai représenté notre pays à Budapest, combien de fois n'y ai-je entendu « Nous avons le privilège de voir, en avant-première, les dégâts que l'immigration non européenne cause chez vous, nous ne voulons surtout pas vous imiter ». En Algérie ou au Mali, d'où viennent nombre des familles de « jeunes révoltés », les tenants du régime rient sous cape du bon tour joué à l'ex-colonisateur. L'Iran et la Russie nous renvoient ironiquement nos critiques en matière de maintien de l'ordre public. Mais, aux yeux de tous, nous sommes désormais « l'homme malade » du continent, du Conseil de sécurité, du G7 et du G20.
S'il ne faut pas sous-estimer notre discrédit auprès des investisseurs et des touristes, dont le rapport risque/bénéfice guide les comportements, le plus alarmant demeure qu'un État, qui ne « tient » pas son territoire, n'est plus crédible, ni même audible sur la scène internationale.
C'est pourquoi je me permets de conseiller humblement à nos dirigeants d'observer une période de sobriété sur ce terrain, afin de pouvoir se consacrer pleinement à l'immense tâche de remise en ordre intérieure. Ce qui ne devrait évidemment pas interdire de réagir avec une vigueur, dont nos partenaires ont perdu l'habitude, aux provocations de ceux qui profiteraient du désarroi pour nous manquer encore davantage de respect. L'absence totale de réaction publique à l'ahurissante note de la diplomatie algérienne du 29 juin, s'inquiétant du sort de ses ressortissants « dans l'épreuve », alors que nombre d'entre eux y contribuent, montre combien notre faiblesse au-dedans est couplée avec celle au-dehors. J'en veux pour autre preuve la diatribe du grotesque Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, accusant de « racisme » et de « discrimination » notre police, laissée elle aussi sans riposte apparente.
En un mot comme en mille, moi aussi, « j'ai mal à ma France ».

7 décembre 2022

Immigration

Pierre Brochand
Ex-patron de la DGSE et ancien ambassadeur de France

Discours prononcé le 15 novembre 2022 devant l'Amicale gaulliste

Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Président de l'Amicale gaulliste,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,

Je vous remercie de votre invitation. Elle est un grand honneur, pour quelqu'un qui a commencé à servir la France sous le Général de Gaulle et en garde, évidemment, une admiration inconditionnelle.
Vous m'avez demandé de parler d'immigration et j'ai suggéré qu'on ajoute « enjeu central ». J'aurais pu aussi bien proposer « enjeu principal ».
Pour deux raisons :
- D'un côté, j'estime que, de tous les défis qu'affronte notre pays, l'immigration est le seul qui menace la paix civile et, à ce titre, j'y vois un préalable à tous les autres.
- D'un autre côté, l'immigration exerce sur l'ensemble de notre vie collective un impact transversal, que je tiens pour globalement négatif.
Mais, faute de temps, je négligerai ce second aspect, qui se traduit concrètement par une tiers-mondisation rampante de la société française et sa régression continue dans des domaines clés, tels que l'éducation, la productivité, les services publics, la sécurité, la civilité, etc.
En d'autres termes, si tout ce qui va mal en France n'est pas la faute de l'immigration, loin s'en faut, elle y participe dans une mesure, à mon avis, très sous-estimée.
Disant cela, je précise aussitôt que mon sujet n'est pas l'immigration en général, laquelle n'est pas du tout un mal en soi, mais bien l'immigration très particulière que nous subissons depuis 50 ans.
Qui suis-je pour sonner le tocsin ?
A priori, je n'y étais pas destiné, puisque j'ai suivi un parcours exclusivement extérieur. Mais, avec le temps, je me suis aperçu, non sans angoisse, que les dures leçons, tirées de mes expériences au-dehors, s'avéraient de plus en plus pertinentes au-dedans, dès lors que, par le jeu de l'immigration, ce « dehors » était devenu notre « dedans ».
Quels sont ces enseignements ou ces vérités pas toujours bonnes à dire ?
D'abord, que le réel du monde n'est ni joli, ni joyeux, et qu'il est suicidaire de l'insulter, car, tel un boomerang, il se venge au centuple. Ensuite, que, dans l'action, le pire des péchés est de prendre ses désirs pour des réalités. Que, si le pire n'est pas toujours sûr, il vaut mieux le prévoir pour le prévenir. Que les sociétés « multi » sont toutes vouées à se déchirer. Que nous ne sommes pas plus « malins » que les Libanais ou les Yougoslaves, pour faire « vivre ensemble » des gens qui ne le souhaitent pas. Et, enfin, surtout, que, dans les relations entre groupes humains, personne ne fait de cadeaux à personne, que les conseilleurs - fussent-ils le New York Times ou SOS Méditerranée - ne sont jamais les payeurs et que, si nous ne prenons pas en charge nos intérêts vitaux, nul ne le fera à notre place.
Deux indications complémentaires :
D'une part, je ne m'embourberai pas dans les chiffres. Car, avec près d'un demi-million d'entrées annuelles et un taux de 40% d'enfants de 0 à 4 ans d'origine immigrée, la cause me paraît entendue sur ce plan.
D'autre part, il est clair qu'à ce niveau-là, nous ne sommes plus dans l'addition de cas individuels - tous singuliers -, mais bien dans la réactivation de puissantes forces collectives, ancrées dans l'Histoire. Si bien que procéder à des généralisations raisonnables - ce que l'on conspue en général sous le nom d'amalgame - n'a en fait, pour moi, rien de scandaleux.
Ceci posé, je diviserai mon intervention en trois parties :
- D'où venons-nous ?
- Où en sommes-nous ?
- Où allons-nous ?
1. D'où venons-nous, ou, si l'on préfère, de quelle immigration est-il question ?
Commençons par tordre le cou au « canard », selon lequel la France aurait toujours été un pays d'immigration. Pendant 1000 ans, des Carolingiens à Napoléon III, rien ne s'est produit.
Depuis 1850, en revanche, nous avons connu trois vagues :
- La première a duré un siècle. D'origine euro-chrétienne, discrète, laborieuse, reconnaissante, régulée par l'économique et le politique, elle a représenté un modèle indépassable de fusion réussie.
- La deuxième a commencé dans les années 1970 et n'a fait que s'amplifier depuis. Elle est l'exact contraire de la première. C'est une immigration de peuplement irréversible, qui n'est calibrée ni par l'emploi, ni par le politique, mais engendrée par des droits individuels, soumis au seul juge national ou supranational. Nous sommes, donc, submergés par des flux en pilotage automatique, « en roue libre », dont les Français n'ont jamais explicitement décidé. Mais, surtout, l'écart identitaire qui nous sépare des arrivants n'a aucun équivalent dans notre Histoire. Tous viennent du «tiers-monde», de sociétés hautement défaillantes, et la majorité est de religion musulmane, ainsi qu'originaire de nos anciennes colonies. De plus, tous sont, comme on le dit aujourd'hui, « racisés ».
- La troisième lame a été déclenchée, il y a 10 ans, par le soi-disant « Printemps arabe », dont elle est une des conséquences néfastes. C'est pourquoi elle a d'abord pris la forme d'une crise d'urgence, rapidement devenue permanente, sous l'impulsion d'un nouveau dévoiement du droit, cette fois le droit d'asile, au besoin conforté par le droit de la mer et celui des mineurs.
2. Où en sommes-nous ou « l'état des lieux » ?
Comme pour tout phénomène social, je vais, d'abord essayer d'en prendre une photographie, avant d'en dérouler la dynamique.
On n'a pas compris grand-chose à l'immigration actuelle si l'on n'a pas perçu d'emblée qu'elle était virtuellement conflictuelle, que ces conflits n'étaient pas quantitatifs mais qualitatifs - donc insolubles - et qu'ils s'inscrivaient, in fine, dans le très douloureux retour de bâton anti-occidental, déclenché par la globalisation.
En feignant d'ignorer ce déterminisme, nous avons été assez fous pour réinjecter chez nous les ingrédients des trois tragédies qui ont causé nos pires malheurs dans le passé :
- La discorde religieuse, théoriquement enterrée en 1905.
- L’antagonisme colonial, en principe clos en 1962.
- Le fléau du racialisme, dont nous pensions être libérés depuis 1945.
S'agissant du religieux, c'est-à-dire l'islam, aucune « méthode Coué » ne me convaincra que cette confession, entièrement et fraîchement importée par l'immigration, ait pu soudain se transformer en homologue du christianisme, enraciné chez nous il y a quinze siècles et depuis longtemps domestiqué par une laïcité, taillée à sa mesure.
D'une part, en tant que croyance, l'islam est une religion « à l'ancienne », un bloc d'hétéronomie, un code englobant de pratiques ostensibles, un pavé de certitudes communautaires, brutalement tombé du ciel dans la mare d'une société post-moderne, qui ne croyant plus à rien, est complètement prise à contrepied par cette effraction foudroyante (il y a aujourd'hui, en France, 25 fois plus de musulmans que dans les années 1960).
D'autre part, en tant que civilisation totale, fière, guerrière, offensive, militante, l'Islam a très mal vécu son humiliation par l'Occident depuis deux siècles. Dès que la globalisation lui en a offert l'opportunité, il s'est réveillé tel un volcan.
De cette éruption, nous connaissons les manifestations : djihadisme, salafisme, islamisme, réislamisation culturelle. Tous symptômes désormais présents sur notre sol, comme autant d'expressions crisogènes de l'insatisfaction d'un agent historique « anti-statu quo », qui aspire à l'hégémonie là où il est présent, et, quand il y parvient, ne partage pas notre déférence pour les minorités.
C'est pourquoi, il faut avoir une « cervelle de colibri » - de Gaulle dixit - pour oublier que musulmans et européens n'ont cessé de se disputer, depuis 13 siècles, le contrôle des rives Nord et Sud de la Méditerranée et il faut être bien naïf pour ne pas percevoir, dans les courants de population d'aujourd'hui, une résurgence de cette rivalité millénaire, qui, il convient de le rappeler, a toujours mal fini.
Si, pour sa part, l'antagonisme colonial ne s'est pas estompé 60 ans après, c'est que, là aussi, nous avons été assez stupides pour imaginer, qu'en reconstituant, sous le même toit métropolitain, le face-à-face de gens qui venaient de divorcer outre-mer, on parviendrait à les rabibocher. Erreur fatale, car pas plus que les croyances, certaines mémoires ne sont conciliables.
D'où le fait, jamais vu nulle part, d'une immigration à tendance victimaire et revendicative, portée autant au ressentiment qu'à l'ingratitude et qui, consciemment ou non, se présente en créancière d'un passé qui ne passe pas.
Quant au clivage racial, il tient à la visibilité des nouveaux venus dans l'espace public, elle aussi sans antécédent. Ce qui conduit, hélas, à instiller dans les esprits, « à notre insu, de notre plein gré », une grille de lecture ethnique des rapports sociaux, où, par contamination, chacun finit par être jugé sur sa mine. Ce qui conduit aussi, deux fois hélas, à inoculer chez nous le virus mortel du modèle américain et, pire encore, de son hystérisation wokiste.
Glissement ô combien frauduleux et scandaleux, puisqu'il donne à penser à nos immigrés qu'ils sont, eux aussi, des descendants d'esclaves. De là, ce que l'on pourrait appeler le « syndrome Traoré », dont il ne faut surtout pas minimiser les ravages.
Mais, non contents d'avoir ranimé ces trois incendies mal éteints (religieux, colonial, racial), nous avons réussi l'exploit d'en allumer trois nouveaux, inconnus de notre histoire récente :
- Le premier tient à l'intrusion incongrue de mœurs communautaires d'un autre temps, héritées des pays d'origine et perpendiculaires à notre mode de vie : primauté des liens de sang, système de parenté patrilinéaire, contrôle des femmes, surveillance sociale de la sexualité, endogamie, culture de l'honneur et ses corollaires (justice privée, loi du talion, omerta), hypertrophie de l'amour-propre, inaptitude à l'autocritique. Sans oublier polygamie, excision, voire sorcellerie, etc.
- Autre dissension inouïe : l'alter nationalisme des arrivants, qui à la différence de leurs prédécesseurs, entendent conserver la nationalité juridique et affective de la patrie d'origine, très largement mythifiée. Avec tous les dégâts que peut causer cette dissociation rare entre passeport et allégeance.
Souvenons-nous, tous les jours, du coup de tonnerre fondateur que fut le match de football France/Algérie en 2001, tristement révélateur de l'émergence surréaliste de « français anti-français ».
- Enfin, « cerise sur le gâteau », ces communautés venues d'ailleurs n'ont pas seulement des contentieux avec la France, mais aussi entre elles : maghrébins/sub-sahariens ; algériens/marocains ; turcs/kurdes et arméniens ; afghans, tchétchènes, soudanais, érythréens, somaliens, pakistanais, prêts à en découdre, chacun de leur côté ; roms rejetés par tous. Sans omettre l'effrayant parachutage d'un antisémitisme de type oriental.
Ainsi, sorte de « cadeau bonus », nous assistons au spectacle peu commun d'un territoire, transformé en champ clos de toutes les querelles de la planète, qui ne nous concernent pas.
Voilà pour la photo, pas très réjouissante, je le reconnais.
J'en viens à la « dynamique », qui ne l'est guère davantage.
Elle se résume à trois théorèmes très simples :
Un. Les courants d'immigration sont cumulatifs. Aux effets de flux s'ajoutent des effets de stock, qui à leur tour, génèrent de nouveaux flux.
Deux. Ces courants obéissent aussi à des effets de seuil. Au-delà d'un certain volume, ils changent de nature et de signe. D'éventuellement positifs, ils passent à négatifs.
Trois. Ce seuil de saturation est d'autant plus vite atteint que le fossé entre société de départ et d'arrivée est profond.
Tentons d'appliquer ces formules dans le concret. Quand un groupe humain projette d'emménager chez un autre, il n'y a que cinq possibilités :
- (1) L'interdiction
- (2) L'absorption
- (3) La négociation
- (4) La séparation
- (5) L'affrontement
L'interdiction est tout simplement la mise en œuvre du « principe de précaution », que l'on invoque, à satiété, dans quasiment tous les domaines. Sauf apparemment celui de l'immigration, où il aurait pourtant consisté à bâtir une digue avant que n'arrive le tsunami. Autant dire qu'un projet aussi volontariste ne nous a même pas traversé l'esprit.
L'absorption ou assimilation, par ralliement asymétrique et sans retour à la culture d'accueil, fut longtemps notre paradigme. Nous l'avons abandonné en rase campagne, par renoncement à nous-mêmes, mais aussi par nécessité, car les volumes que nous avons admis ont très vite excédé ce seuil très exigeant.
C'est pourquoi, nous avons cru pouvoir nous rabattre sur l'option 3.*
La négociation ou l'intégration est, en effet, une position intermédiaire, où chacun fait un pas vers l'autre, mais où les immigrés gardent leur quant à soi : un pied dedans, un pied dehors. En bref, un compromis qui n'efface pas les divisions, mais espère les transcender par accord tacite sur une plateforme minimale : le respect des lois et l'accès à l'emploi.
Cependant, en pratique, il s'avère que le plus gros des efforts est à la charge du groupe qui reçoit - c'est-à-dire nous -, aussi bien en termes financiers (politique de la ville, protection sociale), que de dérogations à nos principes (discrimination positive, mixité imposée, quotas).
Au final, certes, les intégrés sont plus nombreux que les assimilés, car le seuil de tolérance est plus élevé dans leur cas. Pour autant, ils ne sont pas majoritaires et je crains, surtout, que le contrat implicite, passé avec eux, ne soit qu'un CDD, susceptible de ne pas être renouvelé à échéance, si les circonstances changent et, notamment, si les immigrés et descendants franchissent - ce qui est inéluctable en prolongeant les tendances actuelles - la barre des 50% de la population.
Ainsi, ces résultats, pour le moins mitigés et ambigus, ont ouvert un boulevard à l'option 4 : la séparation, qui, dans les faits, est la preuve par neuf de l'échec des trois précédentes. Car, au fond, le scénario sécessionniste est la pente la plus naturelle d'une société « multi ».
Quand des groupes répugnent à vivre ensemble, ils votent avec leurs pieds, se fuient, se recroquevillent, comme autant de répliques du séisme initial qu'est la migration. Se constituent, alors, ce qu'on appelle des diasporas, soit des noyaux durs introvertis, formés de populations extra-européennes, ni assimilées, ni intégrées et à tendance non coopérative.
Ces isolats territoriaux vont inéluctablement développer une double logique de partition et d'accélération.
Partition, par inversion de la pression sociale, dans le sens de la conservation et de la transmission des codes culturels d'origine, y compris - ce qui est stupéfiant - à travers la réislamisation des jeunes. Soit une espèce de contre-colonisation, par le bas, qui ne dit pas son nom.
Accélération, car les diasporas, dont le taux d'accroissement naturel est déjà très supérieur à la moyenne nationale, deviennent, à leur tour, génératrices d'immigration par aspiration juridique et aide à l'accueil.
D'où, en fin de compte, deux évolutions effarantes, là encore, jamais observées :
- Une immigration, qui diverge au fil des générations
- Une immigration, qui s'autoproduit en boule de neige
Immigration: «Cafouillage organisé» :
De sorte qu'entre cet « archipel » et le reste du pays, s'effondre la confiance sociale, fondement même des sociétés heureuses.
Là où la défiance devient système, ne tarde pas à disparaître l'altruisme au-delà des liens de parenté, c'est-à-dire la solidarité nationale. À commencer par son navire amiral : l'État providence, dont la perpétuation exige un minimum d'empathie entre cotisants et bénéficiaires. L'économiste Milton Friedman avait coutume de dire, à mon avis fort justement, que l'État providence n'était pas compatible avec la libre circulation des individus.
Or, face à ces micro-contre-sociétés, nous sommes comme tétanisés. Nous y repérons, non sans raison, autant de cocottes-minute, dont nous redoutons avant tout qu'elles n'explosent en même temps. Et pour l'éviter, nous sommes prêts à passer du compromis aux compromissions, en surenchérissant sur les concessions déjà consenties pour promouvoir l'intégration. C'est ce que l'on appelle, par antiphrase, les « accommodements raisonnables », lesquels ne sont rien d'autre que des reniements en matière de liberté d'expression, de justice pénale, d'ordre public, de fraude sociale et de laïcité ou sous forme de clientélisme subventionné.
Tous ces arrangements au quotidien ont beau se multiplier, ils ne suffisent pas à acheter la paix sociale et c'est alors que « ce qui doit arriver arrive » : quand plusieurs pouvoirs sont en concurrence ouverte, sur un même espace, pour y obtenir le monopole de la violence mais aussi des cœurs et des esprits, c'est le 5e cas de figure qui se réalise.
L'affrontement. Ce que l'on désigne pudiquement par l'expression « violences urbaines » et dont on connaît bien la gamme ascendante.
Au plus bas, les incivilités courantes qui, parce qu'impunies, incitent à aller plus loin. Un cran au-dessus, une sur délinquance, vécue in petto, comme une juste compensation. Puis, des manifestations de protestations ou même de célébrations, qui s'achèvent en razzia ou en vandalisme. Un degré plus haut, des émeutes qui s'en prennent à tout ce qui incarne la France, y compris pompiers et médecins.
Émeutes qui dégénèrent désormais en guérillas de basse intensité, sorte d'intifada à la française ou de « remake » en mineur des guerres coloniales. Avec comme point culminant de ce continuum, le terrorisme djihadiste, dont notre pays est la principale cible en Europe.
Au vu de ce bilan, mon sentiment est que, si nous restons les bras croisés, nous allons au-devant de grandes infortunes et de terribles déconvenues.
3- Où allons-nous ? Que faire ?
Il y a deux préconditions à l'action : la transparence statistique et le rejet du discours intimidant.
Si l'on veut s'attaquer à un problème, il est indispensable d'en cerner la dimension réelle. Or l'appareil statistique, centré sur le critère de la nationalité, ne permet pas d'évaluer toutes les répercussions d'un phénomène qui lui échappe largement. C'est pourquoi, il est impératif de nous orienter vers des statistiques et projections dites «ethniques», dont l'interdiction n'est qu'une hypocrisie et une coupable préférence pour l'ignorance, donc le statu quo.
Quant au discours intimidant, c'est l'incroyable prêchi-prêcha que nous servent les médias, les ONG, les « people », et dont la seule finalité est d'organiser l'impuissance publique.
Ces éléments de langage, que l'on nomme à tort « État de droit », ne sont, à mes yeux, que le reflet d'une idéologie qui, à l'instar de toutes les idéologies, n'a rien de sacré. À ceci près qu'elle est dominante depuis 50 ans.
Son dogme central, nous le savons tous, est de faire prévaloir, partout et toujours, les droits individuels et universels d'êtres humains présumés interchangeables, amovibles à volonté, dans un monde sans frontières, où tout serait parfait, sans l'obstacle anachronique de l'État national, « ce pelé, ce galeux d'où vient tout le mal », car seul théoriquement capable de dire non à cette chienlit. Raison pour laquelle on s'est très soigneusement employé à le rééduquer, en l'amputant de ses bras régaliens pour le conformer au nouvel idéal : laisser aller, laisser courir, laisser tomber.
Le plus grave est que cette utopie ne se préserve des assauts du réel qu'en usant d'un moyen méprisable : le chantage. Le chantage au racisme, qui, à coups de fatwas, promet la mort sociale à tous ceux qui s'aviseraient de sortir la tête de la tranchée. Or, cette doxa, en forme de conte de fées, il ne faut pas craindre de proclamer qu'elle est fausse et incohérente.
Fausse, car, s'il est vrai que les immigrés entrent comme des individus, il est non moins effectif qu'ils s'implantent comme des peuples. Et c'est précisément cette évidence limpide que le narratif officiel nous interdit de voir.
Incohérente, car ladite doxa ne cesse de se contredire. On nous raconte simultanément que l'immigration n'existe pas, qu'elle existe et que c'est une bénédiction, qu'elle a toujours existé et que c'est une fatalité, que l'accueillir est un devoir moral, mais qu'elle va payer nos retraites et pourvoir aux emplois dont les Français ne veulent pas, que si elle cause la moindre difficulté, c'est parce qu'elle est mal répartie dans l'espace ou que l'on n'y consacre pas assez de moyens budgétaires, car ce n'est qu'un problème de pauvreté, d'urbanisme ou, au pire, d'immigration irrégulière.
Mais, en bout de course, on finit toujours par se heurter au même argument massue : « ne mettez pas d'huile sur le feu, car vous faites le jeu d'un tel ou d'un tel ». Argument qui est, sans doute, le plus extravagant de tous, en ce qu'il reconnaît qu'il y a bien un incendie en cours, mais qu'il est préférable de le taire pour des raisons qui n'ont rien à voir.
Rendus à un tel niveau d'absurdité, nous nous retrouvons face à une trifurcation :
- Soit on prend au sérieux ces fariboles et on laisse tout filer : on roule vers l'abîme, en appuyant sur l'accélérateur,
- Soit on reste benoîtement dans les clous et on se borne à accompagner le phénomène, en votant, tous les 3 ou 4 ans, des lois qui font semblant de traiter de l'immigration, mais qui, en fait, relèvent de sa gestion administrative et technocratique. Ce n'est que reculer pour mieux sauter,
- Soit on réussit à se dépêtrer de notre camisole et à reprendre, en faisant enfin preuve de volonté politique, le volant du camion fou qui roule tout seul depuis 50 ans.
Vous avez deviné que mon choix est évidemment le dernier. Mais plus précisément ?
L'immigration - il est facile de le comprendre - fonctionne comme une pompe qui refoule d'un lieu et aspire vers un autre. Nous ne pouvons rien, ou presque, pour empêcher le départ. Nous pouvons tout, ou presque, pour décourager l'arrivée.
D'où 6 grands axes :
- Envoyer, urbi et orbi, le message que le vent a tourné à 180°, en s'attaquant bille en tête à l'immigration légale, qu'il convient de diviser au moins par 10.
- Trancher à la même hauteur l'accès à la nationalité, qui doit cesser d'être automatique.
- Contenir l'immigration irrégulière, en divisant par 20 ou 30 les visas, y compris étudiants, accordés aux pays à risques, en n'acceptant plus aucune demande d'asile sur notre territoire, en abolissant toutes les récompenses à la tricherie (aide médicale d'Etat, hébergement, régularisations, débarquement de navires « sauveteurs »).
- Atténuer l'attractivité sociale de la France, en supprimant toutes les prestations non contributives aux étrangers, HLM compris, et en limitant à 3 enfants, par famille française, des allocations familiales, revalorisées sans conditions de revenus.
- Dégonfler les diasporas, en réduisant les types, durées et nombres de titres de séjour et en excluant les renouvellements quasi-automatiques.
- Muscler notre laïcité « chrétienne » pour l'adapter au défi très différent de l'islam, en ne neutralisant plus seulement l'Etat et l'école, mais aussi l'espace public, les universités et le monde de l'entreprise.
Si ces propositions s'inscrivent dans le cadre du droit existant, tant mieux, sinon il faudra le changer, quel qu'en soit le prix. Car le retournement proposé relevant désormais du salut public, sa férocité n'est que la contrepartie du temps perdu.
Je viens de vous présenter un diagnostic. À savoir que, si nous persistons dans notre aveuglement, nous allons vers un pays, où, a minima et par implosion lente, la vie ne vaudra plus la peine d'être vécue, ou, a maxima, vers un pays, où, à force d'explosions, on ne pourra plus vivre du tout.
On peut ne pas partager cette évaluation et, dans ce cas, j'aurais parlé pour ne rien dire. Mais on peut aussi y adhérer et, dans ce cas, les mesures avancées sont notre dernière chance.
J'ai conscience de ce que certains d'entre vous ont pu me trouver excessif, alarmiste, irréaliste, sans nuance, ni générosité, que sais-je encore.
Je vous accorderai volontiers deux autres défauts. D'une part, mon caractère peut être qualifié d'obstiné, en ce que je n'accepterai jamais d'affirmer qu'il fait nuit en plein jour. D'autre part, c'est vrai, je suis obsédé, mais mon obsession est uniquement tournée vers la France qui vient, à échéances de 10, 20, 30 ou 40 ans : celle de nos enfants et petits-enfants, auxquels notre devoir élémentaire est de ne pas léguer un pays chaotique, alors que nous l'avons reçu de nos aînés comme un cadeau magnifique.
Ultime question, dont je suppose que nous nous la posons tous, de temps à autre : que ferait le Général de Gaulle, dans le monde si différent d'aujourd'hui ?
Nul ne le sait, mais je suis personnellement convaincu de deux choses : s'il avait été au pouvoir au cours du dernier demi-siècle, il ne nous aurait jamais mis dans le pétrin que j'ai décrit ce soir et s'il ressuscitait, je redoute qu'il ne me prenne pour un modéré bien timoré.
Merci de m'avoir écouté."