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3 septembre 2023

IMMIGRATION ET UTILITARISME LIBÉRAL

Gabriel Nerciat

Une fois de plus, les libéraux cosmopolites, bras armés de la propagande progressiste et atlantiste en France et en Europe, repartent à l'attaque avec toujours le même argument : démographique et économique (laissant à la gauche et à l'extrême-gauche, par une bonne division du travail, l'argument humanitaire et moral).
La rhétorique est simple, bien rodée : les Français sont vieux et de moins en moins prolifiques, ou alors jeunes mais très fainéants ; sans l'apport de l'immigration arabo-africaine, l'économie française, en manque de bras et de nouveaux cerveaux, est condamnée à dépérir et à mourir.
Que vaut le risque d'un ou deux, voire même de deux cents ou trois cents Mohamed Merah, en échange des millions de vaillants travailleurs allogènes que le Maghreb, l'Afrique occidentale ou l'Afghanistan sont prêts à nous fournir pour le demi-siècle qui vient...
Cet argument utilitariste et économiciste, je ne l'ai pas entendu une ou deux fois dans ma vie, mais des dizaines de fois.
Je me souviens notamment de ce cadre dirigeant d'une des plus célèbres et importantes entreprises multinationales françaises, qui lors d'une conférence devant des étudiants parisiens à laquelle je participais, il y a déjà sept ou huit ans, leur a asséné : "Non seulement les migrants qui viennent d'Afrique feront les enfants que vous ne ferez pas, mais en risquant leur vie pour venir s'installer en Europe, ils doivent devenir des exemples pour vous qui n'avez eu qu'à naître ici. Si vous n'en voulez pas dans ce pays auprès de vous, alors c'est nous qui ne voudrons plus de vous."
Dans le public, personne n'a osé broncher, et des désirs de meurtre m'ont traversé le cerveau.
A chaque fois que je suis confronté à ce laïus, je me contente comme alors de faire remarquer que si le déclin démographique d'une nation est certes préoccupant à plus d'un titre, il a en revanche une vertu : il rend plus précieuse la valeur du travail d'un jeune autochtone dans un pays en manque de main d'oeuvre salariale.
Quand j'ai avancé l'idée, j'ai vu quelques discrets sourires s'esquisser devant moi - et je crois bien que la pulsion homicide a changé de boîte crânienne.
Les jeunes gens à qui l'on assène ces insanités sont-ils capables de comprendre que si la France perd d'ici quelques années une dizaine de millions d'habitants, non seulement elle ne disparaîtra pas, mais mécaniquement elle verra les salaires des actifs redevenir nettement plus attractifs ou décents qu'ils ne sont depuis quinze ans, du fait précisément de la concurrence légale et illégale suscitée par l'immigration de masse, et aggravée par les contraintes du libre-échange et de l'euro.
Les scores du RN, et l'âge moyen de ses électeurs, aux dernières élections nationales sembleraient l'accréditer, mais ma foi on n'est sûr de rien. Ce ne serait pas la première fois que le dogmatisme et l'idéologie obscurciraient la raison.


22 août 2023

LES CRABES ET LES CHAROGNES DE L'APRÈS YALTA

Gabriel Nerciat

C'est peut-être à cause de la température qui monte, mais je ne supporte plus d'entendre, même pendant cinq minutes à l'heure du café ou de l'orgeat (oui, Madame, oui, j'adore le sirop d'orgeat, surtout en été, et alors ?), ces vieux diplomates, militaires et écrivassiers euro-atlantistes à moitié séniles, versions modernes des militaires de Courteline et de Monsieur de Norpois, qui bavassent toute la journée en mobilisant toutes les trois phrases le respect du droit international pour justifier leur furie guerrière contre la Russie de Poutine.
Surtout quand, de surcroît, à l'imitation du pingouin irano-helvète de LCI ou de feu le gros bouledogue soulographe Jean-François Revel, ils glissent toujours une pique qui se veut matoise à l'encontre des supposées sympathies pro-soviétiques ou pro-russes de Charles de Gaulle, telles qu'il les aurait manifestées entre 1944 et 1969, censées expliquer aujourd'hui le peu d'entrain de Sarkozy ou de Macron à valider leurs philippiques meurtrières.
Il est quand même consternant que personne n'ose leur répliquer que si De Gaulle, par exemple, n'a pas protesté contre l'entrée de l'Armée rouge à Prague en 1968, c'était justement pour ne pas heurter le droit international en vigueur à l'époque, qui était régi en vertu de l'ordre diplomatique mondial fixé à Yalta en 1945 par les trois futurs vainqueurs de Hitler (dont rien moins que deux dirigeants anglo-saxons, quand même).
De Gaulle lui-même, qui ne participait pas à la conférence de Crimée, a violemment critiqué cet ordre et sa capacité de règlement des conflits, comme l'explicite le dernier volume de ses Mémoires de guerre - à l'inverse de Churchill, l'idole des droitards atlantistes d'aujourd'hui, qui plus ou moins s'en félicitait publiquement.
Mais, une fois au pouvoir, il a tenu, faute de mieux, à le respecter. S'il a critiqué l'agression américaine au Vietnam, c'est précisément parce qu'elle outrepassait le cadre des accords fixés à la fin de la guerre mondiale - remportée par les armées de Staline, faut-il le rappeler - et donc l'équilibre des puissances qui devait en découler. Idem pour l'épisode des missiles nucléaires de Cuba, en 1962.
C'est pourquoi j'en ai vraiment ma claque, comme on dit, d'entendre des demi-habiles, des menteurs professionnels, des mercenaires intellectuels ou plus banalement des hypocrites, qui ont applaudi comme Pascal Bruckner ou l'inénarrable BHL aux guerres des pseudo-néo-conservateurs américains en Irak et en Libye, ou comme Alain Finkielkraut à ce qui demeure la plus grande épuration ethnique européenne de l'après-guerre froide (celle des Serbes de Krajina à l'été 1995), venir nous sermonner et nous soutenir à longueur de journée qu'il faut vertement punir la Russie sous prétexte qu'elle aurait violé le droit international depuis 2014.
Parce que le droit international - qui osera enfin l'asséner à ces pauvres charognes ? -, c'est exactement comme les Droits de l'Homme, dont personne n'avait jamais eu l'idée nulle part avant le mois d'août 1789 (tant pis pour les révérends pères Jacques Julliard et Jean-Yves Pranchère) : c'est tout sauf universel et intemporel, et cela se modifie constamment en fonction des rapports de force et des conflits qui dictent sa métamorphose.
Que ces crabes cessent donc, à la fin, de pérorer.
Avant même si possible que la Russie et leur cher oncle Sam, déjà prêt à liquider Zelensky comme jadis Karzaï ou le général Diêm, les contraignent à le faire.
Cela suffirait à remplacer le vent d'air frais qui nous fait si cruellement défaut en ce moment.

11 août 2023

DARMANIN ET LE COMIQUE DE RÉPÉTITION

Gabriel Nerciat

Il est amusant, Moussa, tout compte fait.
C'est toujours involontairement drôle, les gens devenus à la fois parfaitement prévisibles et imparfaitement cyniques dans leur volonté de parvenir.
Avant l'élection présidentielle, on a eu droit à la dissolution de Génération identitaire ; avant les législatives et après la farce tragique du parc des Princes avec ses supporters anglais, ce fut au tour de celle du GUD-Paris puis la tentative d'interdiction des colloques et défilés de l'AF ; enfin, aujourd'hui, après les émeutes de juillet dernier qui ont révélé la totale soumission du ministre, ainsi que celle de son président, à l'ordre des racailles et à celui des juges qui en est la condition de perpétuité, nous avons maintenant le projet de dissolution de Civitas.
Pour crime d'antisémitisme, qui plus est (la bonne blague).
Personne en effet ne doute que ce sont quelques centaines de militants lefebvristes ou ultramontains qui menacent la vie des Français de confession juive, ou harcèlent leurs enfants près des écoles franciliennes, à l'ombre desquelles on leur a appris depuis quinze ans à raser les murs - en n'espérant plus trop de la venue du Messie, même républicain.
À chaque fois que la Macronie capitule devant les dévastations que sa politique migratoire accumule comme autant de tonnes de nitrate d'ammonium stockées dans un dépôt de carburant, Moussa Darmanin ressort sa fraise interlope pour tenter de rassurer "en même temps" l'imbécile de gauche et le cocu de droite.
C'est amusant, certes, mais c'est aussi lassant.
Car nous ne sommes plus à l'époque de Sarkozy, la comédie des faux-semblants est terminée, et Louis de Funès ne fait plus rire du tout si l'on essaie de lui faire jouer Rastignac ou Tartuffe (Harpagon, déjà, c'était limite).

9 août 2023

POUR J.K. ROWLING CONTRE LE FANATISME WOKE

Gabriel Nerciat

Je ne suis pas ce qu'on appelle un fan de Harry Potter (en fait, je n'ai vu que les films tirés de la saga romanesque, et jamais lu les livres eux-mêmes), mais je trouve que le sort qui est fait à J.K. Rowling depuis quelques années est absolument inadmissible et monstrueux.
Même si l'on sait, pour reprendre la formule de Freud, que les Yankees sont des "barbares incapables de distinguer le verre du diamant", on se demande vraiment comment de telles pratiques sont possibles - surtout dans un pays qui prétend mettre le respect de la propriété privée et le droit moral inhérent à l'exercice de la création artistique au-dessus de tout (Rowling aurait-elle vendu les droits de ses oeuvres à on ne sait trop quelle firme transnationale et wokiste ?).
Plus largement, je me demande surtout ce qui pose problème avec la "transphobie", et au nom de quoi cette dernière devrait-elle tomber sous le coup de la loi ?
Je veux bien que l'homosexualité - le désir ou l'attrait érotique éprouvé envers une personne du même sexe biologique que soi - constitue un fait de nature (même si j'ai quand même quelques doutes, mais passons).
En revanche, l'idée de se vouloir homme ou femme (ou ni l'un ni l'autre) lorsque l'on est assujetti par sa naissance au sexe biologique contraire, et ce au point de vouloir imposer sa volonté, avec ou sans opération chirurgicale, à l'ensemble du monde social, n'a rien qui relève d'un donné, et donc ne saurait donner matière à l'exercice d'un droit inconditionnel.
Dès lors, réprouver ces pratiques ne peut en aucun cas être apparenté à une forme de racisme ou de discrimination haineuse. Au pire est-ce un préjugé (honorable, à mes yeux), et les préjugés ne sont pas censés, dans un pays libre, tomber sous le coup de la loi.
Chaque artiste ou intellectuel attaché au maintien des principes de la civilisation occidentale devrait aujourd'hui soutenir Rowling, et imposer silence à ceux qui la persécutent.
Lui remettre la Légion d'Honneur, par exemple (on l'a bien remise à Sylvester Stallone ou à Arnold Schwarzenegger), honorerait la France.
Mais avec Madame Abdul-Malak à la tête du ministère de la rue de Valois, ne rêvons pas.

28 juillet 2023

RABROUER L'UKRAINE, UN SPORT D'AVENIR

Gabriel Nerciat

Olga Kharlan, cette garce impudente, a été déchue de son titre mondial.
Joie. C'était la seule chose à faire.
Le sanglant pétomane de Kiev, lui, entre deux offensives meurtrières et avortées sur le front de Zaporijia, pousse ses cris traditionnels de maquerelle outragée ; mais en réalité on peut surtout constater que dès qu'une institution impartiale lui résiste enfin, il cède.
Au lieu de traiter ce semi-mafieux comme un enfant gâté auquel on passe tous ses caprices et ses chantages, l'Europe aurait dû le laisser depuis le début croupir dans le rouge marécage empuanti de cadavres et de trafics d'armes où ses protecteurs anglo-saxons sont en train désormais de le laisser sombrer (comme tant d'autres avant lui, du Kosovo à l'Afghanistan en passant par la Syrie et l'Irak).
Je l'ai écrit ici plusieurs fois, sous les railleries des idéologues et des demi-habiles, mais je réitère à nouveau : la fin de l'histoire ukrainienne était déjà écrite et connue de tous, dès la première percée de l'armée russe.
La véritable honte n'est donc pas de s'être trompé ou d'avoir été abusé ; c'est d'avoir, une fois de plus, consenti au pire pour satisfaire des intérêts qui n'étaient pas les nôtres, tout en sachant parfaitement bien que ce que l'on annonçait à la face du monde éberlué ou sidéré était faux.

VOUS AVEZ DIT LIBERTÉ DE LA PRESSE ?

Gabriel Nerciat

Je suis toujours frappé, à chaque fois que je suis amené à fréquenter des jeunes gens de vingt-cinq ou trente ans mes cadets, de constater à quel point le monde de la presse écrite leur est devenu étranger.
La plupart des garçons et des filles de vingt ou trente ans, qu'ils soient ou non encore étudiants, ne lisent plus aucun journal, qu'il s'agisse de quotidiens ou de magazines. Tout juste parfois parcourent-ils nonchalamment un papier en ligne sur la Toile, quand un sujet vaguement les interpelle.
Cela est vrai de presque tous les milieux (à l'exception de certains fils de profs ou de cadres supérieurs, et encore est-ce parce qu'ils sont souvent dans des prépas sciences-po, ou aspirent à entrer dans une école de journalisme).
Seuls quelques militants chevronnés – mais il y en a de moins en moins – arborent encore en public un titre imprimé dans lequel est censé se condenser leur engagement idéologique, quel qu'il soit.
Ce qui n'empêche pas certains d'entre eux de prétendre de façon véhémente que la cause de la liberté de la presse est sacrée.
J'ai toujours envie de leur dire : « Mais qu'est-ce que vous en avez à foutre, de la liberté de la presse ? Si tous les journaux demain étaient censurés, vous ne vous en rendriez même pas compte. »
Quand j'avais leur âge, c'était l'inverse : je ne pouvais pas achever une seule journée sans aller passer une heure à la terrasse d'un café avec deux ou trois canards sous le bras, de France-Soir où je lisais les chroniques de Jean Dutourd jusqu'au Nouvel Obs où je terminais par celles de Bernard Frank, après avoir fait mon miel de Jean Cau dans Paris-Match, de Robert Escarpit dans Le Monde ou de Louis Pauwels dans Le Figaro Magazine.
Dans ma chambre de l'époque, les journaux s'amoncelaient comme autant de symboles dérisoires et branlants du temps qui passe, au grand désarroi des filles qui s'y hasardaient parfois.
En fait, c'est un peu comme la liberté religieuse : elle devient sans objet quand il y a de plus en plus d'athées ou d'agnostiques.
Si j'étais journaliste, c'est de cela que je me préoccuperais, et pas de savoir qui Vincent Bolloré ambitionne de placer à la tête des médias dont il est devenu le propriétaire.
Une liberté qui ne sert plus à rien n'affirme pas un droit mais ne fait que consolider une liberté d'indifférence.

27 juillet 2023

LE PAUVRE PAP

Gabriel Nerciat

Je trouve injuste qu'on critique ainsi le pauvre Pap Ndiaye, diligemment et élégamment recasé par l'altruiste Emmanuel Macron au sein du Conseil de l'Europe, le temple du politically correct diversitaire et cosmopolite de ce nouveau millénaire.
Ce piètre intellectuel et très médiocre historien, qui a trouvé grâce à la République française le moyen d'accomplir une jolie carrière rémunératrice de haut fonctionnaire et aux États-Unis grâce à sa couleur de peau son chemin de Damas wokiste, est mieux placé que quiconque pour faire savoir ubi et orbi le poids mental du racisme systémique au sein de la nation française.
Nul doute que dans un an, il expliquera dans un livre traduit en cinq ou six langues et qui fera faussement scandale dans le Landerneau médiatique que c'est bien en raison de ses origines et de la pigmentation de sa peau qu'il a été viré aussi vite du ministère de la rue de Grenelle (Edwy Plenel l'écrit déjà en toutes lettres dans Mediapart, de même qu'Alain Policar – qu'il avait nommé l'an dernier, sans doute par goût des facéties, au Conseil de la Laïcité).
Et puis quoi, vous savez combien ça coûte, deux filles scolarisées à l'École Alsacienne, ma bonne dame ?
Vous croyez qu'un chômeur de son âge pourrait continuer à s'offrir ça ? Vous voudriez quoi ? Que les pauvres petites se retrouvent au lycée Chaptal ou à Condorcet ?
Un peu de compassion, que diable. On est souchiens mais pas des chiens, comme ne dirait pas une ex-amie de l'ancien ministre.

24 juillet 2023

UNE APOLOGIE RAISONNÉE DU CAPITAL

Gabriel Nerciat

Non mais, franchement, pour qui se prennent ces minables pisse-copies, à la fin ?
On ne leur a donc jamais enseigné, même pour ceux qui n'ont pas appris à lire dans Marx, qu'au sein d'une société de type capitaliste, le pouvoir appartient à celui qui détient le capital et pas à ses larbins ?
Moi-même, au cours de ma vie professionnelle, j'ai dû négocier deux fois un départ anticipé avec d'anciens employeurs, parce que l'orientation de la nouvelle direction de l'entreprise ne me convenait pas. Ce n'était certes pas agréable ni très évident à faire (on perd toujours des plumes et on ne retrouve pas une place immédiatement), mais je n'ai pas crié à l'injustice, ni essayé d'enclencher un mouvement de grève.
Pourquoi en irait-il différemment avec les salariés et les pigistes des organes de presse détenus par des fonds privés ?
Ces pingouins se croient-ils d'une extraction supérieure au travailleur lambda ? Si l'orientation idéologique du patron de Vivendi ne leur plaît pas, soit ils partent ailleurs soit ils prennent sur eux. Point barre, camarades.
En attendant j'espère bien que Bolloré tiendra l'épreuve de force jusqu'au bout, et licenciera aussi sec la plupart de ces fats, comme il l'a déjà fait il y a quelques années à C-News après son rachat du groupe Canal.
Non que j'éprouve une admiration inconditionnelle envers Geoffroy Lejeune, journaliste sympathique mais un peu brouillon qui fut à l'origine de la pathétique aventure présidentielle d'Eric Zemmour, mais je ne vois pas au nom de quoi il serait aux yeux de ses congénères du JDD moins respectable qu'une crap.le notoire comme Hervé Gattegno, ouvertement proche du pouvoir macronien et contre l'autorité duquel aucun mouvement de grève autant qu'on sache n'a jamais été initié au sein de la rédaction.
Pas à dire : le capitalisme patriarcal et ultra-réactionnaire, parfois, ça a du bon.

23 juillet 2023

SUR LA POLICE ET LES QUESTIONS QUI TUENT

Gabriel Nerciat

Jusqu'où peuvent aller et iront les velléités de confrontation assumée, voire peut-être un jour de rupture, qui commencent à se manifester publiquement entre certains syndicats (majoritaires) de la police et le pouvoir prétendument républicain d'Emmanuel Macron ?
C'est toute la question, qui à mon avis ne va pas seulement agiter la vie profonde du pays pendant les semaines et les mois qui viennent mais au moins durant les trois ou quatre prochaines années – voire toute la décennie, au-delà donc du seul quinquennat macronien.
De tout ce que je lis et entends depuis plus de trois semaines, une certitude a surgi : l'attitude mentale face au souvenir des émeutes de cet été va déterminer les positions idéologiques et morales des uns et des autres pendant très longtemps, que ce soit au sein de la population civile comme au sein des forces de maintien de l'ordre.
Car deux faits majeurs sont d'ores et déjà acquis, et contestés par personne ou du moins pas grand monde :
1) seule l'inorganisation anarchique des émeutiers et l'absence de finalité politique ou idéologique à leur tête ont permis qu'elles fussent finalement jugulées en moins d'une semaine par l'intervention salutaire mais extrêmement difficile de la police, en situation d'infériorité numérique et qui avait reçu ordre de Beauvau de ne jamais tirer à balles réelles.
2) dès la prochaine bavure de flic médiatisée ou même sans elle, des émeutes semblables, ou plus graves encore, recommenceront dans les années qui viennent.
Elles ne toucheront plus les seules banlieues des grandes métropoles de Paris, de Lille ou de Lyon comme en novembre-décembre 2005, mais également comme cette fois-ci des périphéries de villes moyennes de province comme Montargis, Pithiviers, Compiègne, La Rochelle, Avignon, Auxerre, Valence, Châlons, Saint-Quentin, Blois, Dijon, Saint-Etienne, Dreux ou d'autres.
Soit les deux tiers du territoire national, désormais eux aussi colonisés par des populations allogènes hostiles (en vertu de la néfaste loi SRU voulue il y a vingt ans par le non moins néfaste ministre communiste Jean-Claude Gayssot).
Dès lors, la question qui se pose aux détenteurs du pouvoir exécutif et aussi aux juges des Parquets est devenue simple mais tranchante : va-t-on modifier le droit pénal en vigueur pour accroître l'action de la police et protéger pénalement les policiers ou les gendarmes surexposés physiquement en tant que derniers garants de l'indivisibilité du territoire et donc de la pérennité du régime, ou bien au contraire va-t-on retenir leurs bras en laissant les juges incarcérer systématiquement, dès le stade de l'enquête préliminaire suivant une bavure, les flics qui seront incriminés par les émeutiers ou leurs avocats ?
Le Banquier Président et ses ministres, évidemment, ne peuvent opter que pour la seconde option, ce qu'a logiquement vérifié l'actualité des dernières heures.
Mais les conséquences ne se feront pas attendre : la confrontation entre Macron (dont le pouvoir ne tient depuis novembre 2018 qu'à la fragile fidélité des forces de l'ordre) et la police nationale ira croissante.
Jusqu'à quel degré de rupture ?
Et s'il y a un jour rupture complète, comment agira la population ?
Ou plus exactement les deux populations qui désormais composent ou occupent le territoire national, mais qui ne forment pas chacune un bloc indivis.
Autant poser ces questions cruciales tout de suite, car chacun d'entre nous devra proposer et assumer sa propre réponse dans les années qui viennent.

30 juin 2023

QUESTIONS FATALES

Gabriel Nerciat

Au moment du meurtre de la petite Lola ou du drame d'Annecy, les belles âmes sont venues, assez nombreuses, nous expliquer qu'il s'agissait de fait divers qu'il serait particulièrement honteux de vouloir exploiter politiquement.
Question, à elles posée : pourquoi la mort – tragique, et à l'heure actuelle encore inexpliquée – d'un jeune voyou de Nanterre serait-elle aujourd'hui autre chose ou plus qu'un fait divers ?
Parce que son meurtrier est policier, et/ou parce que la victime est d'origine nord-africaine ?
Si vous répondez oui à ces deux dernières questions, alors réfléchissez bien à ce que cela implique, pour aujourd'hui et surtout pour demain.


29 juin 2023

BATAILLES, SANS HERNANI

Gabriel Nerciat

Le grotesque et la farce, toujours, dans le tragique : depuis Hugo, spécialité française.
Nous sommes en train de voir un président de la République qui, il y a moins d'une semaine, voulait radicaliser la confrontation militaire et diplomatique avec la Russie en légitimant l'adhésion officielle de l'Ukraine à l'OTAN, et qui aujourd'hui a la trouille au cul, comme on dit trivialement, parce qu'une partie des banlieues allogènes du pays commence à s'embraser.
Plutôt la guerre nucléaire que d'envoyer les flics ou l'armée mater les insurrections urbaines. Cela pourrait être très dangereux, sûrement.
Une bonne école, quand même, l'ENA, il n'y a pas à dire.


25 juin 2023

A STAR IS BORN

Gabriel Nerciat

Excellent. Evgueni Prigojine, le diable incarné des médias assermentés depuis des lustres (un diable, ceci dit, qu'ils adoraient détester, comme le dictateur nord-coréen), est en train de devenir, en moins de 24 heures, le nouveau héros de l'Occident.
Depuis sa prison, l'escroc Navalny va en faire une jaunisse, de jalousie. Peut-être même une nouvelle grève de la faim.
Surtout, ne vous demandez pas pourquoi tous les alliés de l'OTAN depuis le début de ce conflit sont soit des clowns et des gangsters corrompus (Zelensky et son entourage), soit des oligarques véreux (Igor Kolomoïski, Rinat Akhmetov), soit des nazis ukrainiens (Pravy Sektor, Andréi Biletsky et le bataillon Azov), soit des nazis russes (Denis Nikitine, Alexeï Levkine et le CVR), soit des islamistes tatars ou tchétchènes (bataillon Doudaiev), soit des reîtres et des mercenaires à l'ego narcissique – comme Prigojine, donc – qui, ainsi que cela est arrivé souvent dans l'Histoire (Wallenstein, Malatesta), changent d'employeurs en fonction de la réversibilité de leurs intérêts, des blessures de leur amour-propre ou de la force de leur cupidité.
Une seule raison à cela : là où n'existe ni nation ni véritable peuple constitués, la vénalité des intérêts et/ou l'attrait criminel des marginaux sont souvent les deux seuls mobiles qui puissent pousser des acteurs médiocres ou détestés à agir pour le compte d'intérêts impériaux étrangers.
Les jours qui viennent vont donc être sans doute assez drôles à suivre, surtout sur fond de débâcle militaire totale de l'offensive kiévienne.
Déjà, sur LCI, la chaîne privée de la famille Bouygues dévolue en France à la propagande intensive et ininterrompue de l'Alliance atlantique et de l'ex-entité bolchévique ukrainienne, la réhabilitation de l'ancien tortionnaire à la tête de monstre du musée Grévin commence, timidement mais sûrement, appuyée discrètement par des tweets savoureux d'anciens oligarques russes exilés à Londres, sur le mode de la geste chaotique d'une sorte de Vidocq slave et bourru.
Comme on sait d'avance, depuis toujours, comment finira cette guerre et que la coûteuse défaite de l'OTAN devra être tôt ou tard, comme pour l'Irak et le Vietnam, indemnisée par plusieurs films hollywoodiens, il faut déjà s'enquérir de l'acteur vedette qui occupera le rôle titre.
Hélas, le regretté Telly Savalas nous a quittés ; il eût été parfait.
Gérard Depardieu n'est pas disponible, d'autant qu'il a eu jadis des amitiés coupables avec Poutine et se retrouve en butte à l'activisme des hordes féministes en furie.
Alors qui ? Jason Statham est un peu jeune, et n'a pas vraiment l'épaisseur qu'il faut.
Mais bon, la méthode de l'Actors Studio lui permettra de prendre du poids rapidement, et pour le reste le maquillage ira bien.
Au cinéma comme à la guerre, il faut faire avec ce qu'on a ; c'est une nécessité d'évidence.


UNE DRÔLE D'HISTOIRE

Gabriel Nerciat

Vladimir Poutine et Evguéni Prigojine sont sur un bateau.
Prigojine, qui a essayé de s’emparer des rames, tombe à l’eau.
Qu’est-ce qui reste ?
Alors que la réponse allait s’imposer, Jean-François Colosimo, Michel Goya, Françoise Thom, Nicolas Tenzer, Marie Mendras, Didier François, Isabelle Lasserre, Bernard Guetta et Hélène Blanc surgissent sur l’embarcadère et hurlent :
- Prigojine, voyons ! Si Poutine est resté sur le bateau, c’est juste pour qu’on ne voie pas qu’il ne sait pas nager.


12 juin 2023

LA STÈLE DU CAVALIERE

Gabriel Nerciat

Les sarcasmes et les sermons plus ou moins minables dont la plupart des commentateurs français – et pas seulement de gauche – accablent Silvio Berlusconi le jour de sa mort ne me surprennent pas, mais justifient à mes yeux que la moitié au moins des Italiens le pleurent sincèrement aujourd'hui.
En ce qui me concerne, je n'étais certes pas un admirateur du Cavaliere, dont la vulgarité assumée, les compromissions peut-être mafieuses et le tapageur goût du luxe avaient tout pour me déplaire, mais en tant que Premier ministre je l'ai néanmoins toujours trouvé très supérieur à Nicolas Sarkozy, auquel l'opinion éclairée de ce côté-ci des Alpes le comparait souvent (à tort), comme à Jacques Chirac qui pourtant devait fort apprécier certaines de ses soirées milanaises.
Lui au moins n'a pas donné dans la blague du cordon sanitaire antifasciste, ce dont Giorgia Meloni bénéficie aujourd'hui – pour des résultats politiques assez minces sinon nuls, il faut bien le dire.
Berlusconi, d'une certaine manière, c'était l'anti-Macron : un vrai capitaliste, lui, et pas un technocrate déguisé en banquier d'affaires, mais qui a obstinément refusé, pendant presque quinze ans, de mener les contre-réformes ordo-libérales que la Commission de Bruxelles et Berlin exigeaient de lui (notamment sur les retraites, les politiques d'austérité ou la flexibilité du travail) et qui lui ont finalement valu d'être poignardé dans le dos par ses propres députés – mais pas par ses électeurs.
Et puis, j'ai plutôt tendance à croire qu'un chef d'État notoirement débauché est moins dangereux, ou plus inoffensif, qu'un puritain scandinave ou un conjoint fidèle. Ne me demandez pas pourquoi, je ne vous le dirai pas – pour ne pas faire de la peine à Jean-Jacques et à Kant.
En fait, pour tout vous avouer, ce n'est pas tant le départ de Berlusconi qui me contriste, mais de savoir que Sanna Marin, Emmanuel Macron, Sandrine Rousseau, Clémentine Autain ou Sophie Binet vont lui survivre – longtemps.


29 mai 2023

CINÉMA ET POUVOIR ou LOGIQUE DU CONTRE-SENS

Gabriel Nerciat

Encore un mot sur les polémiques qui ont entouré depuis hier la palme d'or de Justine Triet à Cannes.
Moins sur elle ou ce qu'elle a dit, en fait, que sur l'ensemble des réactions que cela provoque. Car cela me paraît révéler pas mal de choses sur la façon dont raisonnent et se comportent un certain nombre d'acteurs et de milieux en France aujourd'hui.
Il y a de cela quelques jours, Elisabeth Borne a qualifié de "lanceurs d'alerte" (terme plutôt positif) les imbéciles gauchistes qui sont allés faire du chahut lors de l'assemblée générale des actionnaires de Total. Apparemment, l'opération d'agit-prop contre l'une des principales entreprises multinationales du capitalisme français ne semblait pas la déranger outre mesure.
En revanche, qu'une cinéaste primée au festival de Cannes s'en prenne publiquement à sa réforme des retraites et à la façon dont elle a été adoptée, cela semble visiblement lui apparaître, à elle et à ses ministres, comme une sorte d'attentat contre les intérêts de la France et de l'État.
En fait, de ce que l'on comprend des condamnations de la Macronie et d'une partie de la presse assermentée qui la soutient, si Justine Triet avait balancé son petit discours engagé contre les prédateurs sexuels du cinéma (façon MeeToo) ou contre Total ou contre les dangers du national-populisme et du racisme (le Premier ministre a rappelé hier au micro de RCJ que le RN était bel et bien l'héritier du maréchal Pétain, et que Marine Le Pen, agente d'influence au service des intérêts de la Russie poutinienne, menaçait plus que jamais les valeurs universelles de la République), elle aurait eu droit à toutes les félicitations et à tous les encouragements des coteries élitaires et politiques officielles.
Ce n'est donc pas l'irruption de la chose politique au cœur d'un festival international de cinéma qui choque les milieux de ce qu'il faut bien appeler la cour du pouvoir macronien.
C'est que lui-même, et non pas ses ennemis désignés, se retrouve la cible de plus en plus exposée d'un milieu culturel – ou d'une partie de ce milieu plutôt excentrée même si elle n'est pas marginale – qu'il croit pouvoir incessamment maîtriser ou instrumentaliser sous prétexte qu'il bénéficie de subventions étatiques et d'un marché encore partiellement protégé de la concurrence internationale (de fait, de nombreux artistes de la gauche mélenchoniste, comme Catherine Corsini ou Emmanuelle Béart, ont appelé comme une seule femme – si j'ose dire – à voter pour Macron il y a un an).
D'où l'accusation automatique, reprise immédiatement par de larges pans de la droite bourgeoise (on sait que cette dernière, politiquement agonisante depuis 2017, n'a jamais voulu essayer de peser dans le monde culturel, préférant plutôt se livrer au charme désuet du ressentiment revanchard) : un cinéaste français, qui a bénéficié des aides de l'État, ne doit pas "cracher dans la soupe".
Traduction, si les mots ont un sens : tout artiste qui touche des subventions publiques, semblable à un militaire ou un haut fonctionnaire, se doit de n'émettre aucune critique sur le gouvernement en place (sur tout le reste, oui, mais pas sur le gouvernement).
Après tout, pourquoi pas ? Le raisonnement a sa logique.
Simplement, ceux qui raisonnent ainsi ne raisonnent pas comme des libéraux ou des partisans de la liberté artistique ; ils raisonnent exactement comme des commissaires politiques staliniens ou des épurateurs au service d'un régime autoritaire (ce que Darmanin, d'une certaine manière, et une partie de la justice administrative assument déjà d'être).
Qu'ils l'assument donc eux aussi, au lieu de jouer la comédie du libéralisme central et démocratique en lutte contre les forces extrémistes et mauvaises.
Tant que cela ne sera pas le cas, je préfèrerai soutenir Justine Triet plutôt que ses contradicteurs.


24 mai 2023

L'ADIEU À MARGUERITE

Gabriel Nerciat

Adieu, Marguerite.
Je t’ai aimée, tu sais, tendrement, sincèrement, depuis ce jour d’avril où tu es venue vers moi qui ne pensais pas à toi, alors que je rêvais, sous le pommier du pré aux vaches où tu broutais avec tes frères et sœurs, de l’opportunité qu’il y avait ou non à continuer ma vie.
Ton regard était si expressif, presque si maternel, si insouciant des horreurs qui nous attendent, que j’ai résolu de continuer à résider en ce bas-monde, malgré l’avidité destructrice des nations marchandes, la certitude de la catastrophe climatique, la colère impuissante de Greta, et surtout malgré la belle Emilie qui m’avait dit le matin même qu’elle me quittait pour convoler avec le plus affligeant marchand de SUV de Clermont-Ferrand.
C’est à toi peut-être que je dois la vie et la volonté de passer les concours de l’administration, mais aujourd’hui, je dois te le dire gravement, ma belle : ta race et toi-même ne pouvez pas continuer à persévérer dans votre être.
Oh, je t’en prie, Marguerite, ne me regarde pas comme si j’étais Adolf Hitler ou Alex DeLarge ; tu sais à quel point j’accepterais joyeusement de subir la torture plutôt que de manger un seul veau Marengo ou résider ne serait-ce qu’une seule heure dans une ville comme Béziers ou Arles qui célèbre la corrida.
Mais il y a des tragédies qui nous dépassent. La tienne, ma belle, c’est ton trou du cul.
Tu pètes trop, Marguerite, et le gaz que tu envoies dans l’atmosphère contribue malgré toi à la destruction du monde.
Je sais, tu n’y peux rien et moi non plus. Crois bien que je préfèrerais mille fois ouvrir le ventre de Denis Papin encore vivant ou anéantir jusqu’au souvenir de l’odieux père Benz dont j’ai essayé à plusieurs reprises de profaner la tombe, mais il y a des choses nécessaires ou absurdes contre lesquelles nous ne pouvons rien.
Peut-être que dans l’ancienne Egypte Hathor ne pétait pas, mais c’est parce qu’elle était plus proche des dieux que de toi. Dès que le pet apparaît dans la chaîne de l’évolution, Marguerite, c’est l’odeur nauséabonde du péché originel qui s’étend d’un coup à toutes les créatures vivantes.
Pierre Gripari, un ancien communiste, disait que la supériorité de Staline sur tous les autres hommes, c’est que contrairement au Christ ou à Mao, personne de son vivant ne pouvait l’imaginer en train de chier. Je ne sais pas si c’est vrai, mais même si tu es beaucoup plus importante à mes yeux que tous les révolutionnaires passés ou futurs, je sais bien que je ne peux plus songer à toi désormais sans m’imaginer qu’à chaque instant une flatulence peut venir des profondeurs de tes entrailles ébranler la précaire harmonie du monde.
Je t’en prie, ne m’en veux pas. Ce n’est pas au nom de ma race débile et infecte que je te condamne à mort, Marguerite, c’est au nom de l’innocence future de tous les êtres à venir que tu menaces, toi et ton petit veau, par votre seule présence.
Mais je te jure, Marguerite, que je ne t’oublierai pas : je t’embaumerai après la mort, et jamais un seul boucher n’approchera de ta carcasse.
L’humanité a commencé à mal tourner dès l’époque du Sérapeum de Saqqarah, cette immonde nécropole taurine où les premiers pharaons fascistes venaient adorer le taureau Apis. Il est juste qu’en rétribution et pour humilier l’humanité écocide ou carnivore, un nouveau Sérapeum vous soit dédiées, à toi et à ta race condamnée.
Car dans la tombe tu ne pèteras plus, ma belle, et mon horreur de vivre pourra se mirer, sous l’encens et les rites funèbres, devant le souvenir de ta forme pardonnée et pétrifiée.
Marguerite, non, ne t’en va pas. Ne me quitte pas. Marguerite ! Marguerite !
Marguerite ! Mais pourquoi me pètes-tu dans le nez ?


20 mai 2023

LE DOUBLE EMBLEME DES PHILISTINS

Gabriel Nerciat

S'il y a bien une chose qui m'a toujours exaspéré, c'est cette forme de bêtise latente, de philistinisme agressif et borné qui consiste, sous couvert d'universalisme moral (je suis le premier à dire que Rousseau et Kant comptent parmi les plus grands génies de l'Occident, mais alors les rousseauistes et les kantiens c'est rarement le cas) à ne pas savoir ou plutôt vouloir différencier et hiérarchiser la qualité des mérites ou des fautes au nom desquels on prétend juger les individus.
Par exemple, ce qui vaut pour un artiste ou même un philosophe ne vaut pas pour un homme d'Etat ou un homme d'Eglise (par exemple).
Le fait qu'un écrivain ou un métaphysicien, même s'il veut passer pour le meilleur des hommes, mente sur lui ou plus souvent ne dise qu'une partie de la vérité, voire qu'il assume un certain nombre de contradictions dans sa vie ou dans son oeuvre, n'a rien pour me choquer – et ne devrait à vrai dire choquer personne de suffisamment érudit, civilisé ou intelligent (laissons les militants woke et les ligues de vertu coasser entre eux et ne les imitons pas).
Comme l'a rappelé ce matin Régis Debray au micro d'Alain Finkielkraut, un grand artiste n'a pas besoin d'être (en plus) un type bien pour être admiré comme un grand artiste.
J'ajouterais : même un artiste moyen qui a su produire quelques oeuvres de valeur (c'est dans cette catégorie que je classerais, pour ne citer qu'eux, Philippe Sollers, qui vient de nous quitter, ou Roman Polanski).
Je ne suis même pas loin de penser que chez certains auteurs c'est en partie la tension, consciente ou inconsciente, qui résulte de l'écart entre leurs idées et leurs actions, ou entre leur morale et leur tempérament, qui contribue à la valeur de leurs oeuvres (qu'on pense à Platon, à Tolstoï, à Gide, à Malraux, à Montherlant, à Julien Green, à Picasso, à Deleuze, etc.).
J'évoquais Rousseau à l'instant, mais tous les sermonneurs que j'ai entendus depuis des lustres me dire : "Ah, Rousseau ! Mais quand on a abandonné ses enfants à l'Assistance publique, on s'abstient de donner des leçons de vertu aux autres ou de protester de sa bonté comme si de rien n'était..." me font l'effet d'imparables idiots, de crétins somptuaires.
Même quand on leur explique que sans lui et ses Confessions, personne n'aurait jamais su qu'il avait abandonné ses enfants – lesquels, d'ailleurs, n'étaient sans doute pas tous biologiquement les siens –, ils ne démordent pas de leurs convictions, les sots.
Idem pour Hugo, Céline, Genet, Aragon, Morand, Rebatet, même Sollers, donc, avec Mao ou l'affaire Matzneff.
Mais comment ont-ils pu ?...
Ils ont pu, c'est tout ce qui compte, pauvre Perrichon, et rien ne permet d'affirmer, comme le voulait Philippe Muray, que Céline aurait été capable d'écrire Le Voyage ou Mort à crédit s'il n'avait pas été aussi capable de devenir l'auteur de Bagatelles.
En revanche, il en va tout à fait différemment pour ceux qui dirigent un Etat, votent des lois ou se retrouvent investis d'une fonction morale, prescriptive ou sacerdotale dans un cadre institutionnel ou même médiatico-culturel.
Un type qui se fait élire au nom d'une doctrine ou d'un projet et qui fait exactement, en tout, le contraire une fois qu'il est devenu président ou Premier ministre – Jacques Chirac a été le cas le plus emblématique sous la Ve République – n'a droit à aucune excuse ni aucune circonstance atténuante.
Idem pour ceux qui prétendent éviter la division d'un peuple ou d'une nation, et qui sciemment font tout pour l'intensifier et l'exaspérer jusqu'à engendrer des pulsions insurrectionnelles et violentes irréversibles (voyez à qui je pense).
Et ne parlons même pas de tous les Tartuffes de toutes les confessions religieuses – comme de la plupart des coteries progressistes.
C'est la raison pour laquelle on peut par exemple estimer que François Mitterrand aurait pu sans doute devenir un très bon écrivain ou plutôt un fabuleux personnage de roman stendhalien, mais qu'en lieu et place il fut bien, pour notre malheur et sans erreur possible, le pire chef d'Etat parmi tous ceux qui se sont succédé en France depuis 1958.
Moyennant quoi, le philistin va toujours vous expliquer que Mitterrand, quand même, malgré tout, c'est un grand homme (notamment parce qu'il a cocufié une grande partie de ceux qui ont voté pour lui et/ou abusé des amis proches qui se dévouaient pour lui – en faisant Maastricht, en rapprochant la France de l'OTAN, en instrumentalisant l'antiracisme, en faisant un enfant dans le dos des communistes, etc.) mais que Voltaire, Malraux, Aragon, Picasso, Montherlant, Céline, Sollers, Chaplin, Polanski, vraiment ce sont des moins que rien, des menteurs, des falsificateurs, des poseurs, des vicieux, voire des criminels, etc.
J'ai fait l'essai suffisamment souvent, ici et ailleurs, pour être sûr hélas de ce que j'avance.
Parfois, certains me demandent ce qui à mes yeux distingue les êtres de valeur des autres.
Eh bien là, je viens de donner l'un des critères qui me semble le plus important, le plus souverainement décisif.
Chacun, bien sûr, est libre de l'approuver ou pas.


17 mai 2023

INDIGNATIONS EN CHOCOLAT

Gabriel Nerciat

Indignation totale, viscérale, cosmique, hesselienne contre l'agression de Jean-Baptiste Trogneux à Amiens hier.
Quelle idée !
C'est le président de la République que les Français veulent rouer de coups et décapiter, pas le petit-neveu de sa femme.
Toutefois, peut-être aurait-on dû suggérer préventivement à ce dernier de confectionner et de commercialiser des Macron en chocolat.
Même si la période pascale est terminée, le régicide anthropophage et symbolique pourrait être au final le meilleur garant de l'intégrité physique et corporelle de la famille Trogneux.


16 mai 2023

SUR LA VICTOIRE DU SULTAN

Gabriel Nerciat

En Turquie, victoire écrasante de Erdogan, qui dément tous les sondages plutôt catégoriques des semaines passées – même si le sultan, dont la coalition islamo-conservatrice a déjà remporté haut la main les élections législatives, va devoir pour la première fois et pour la forme affronter un second tour joué d'avance contre son adversaire kémaliste et atlantiste, Kiliçdaroglu.
C'était pareil pour Trump en 2016 (et en 2020), pour Orban et pour Netanyahou en 2022, pour Poutine avant 2014 et sans doute encore, après l'Ukraine, en 2024.
À Paris ou à Berlin, tout le monde a l'air surpris, d'autant que l'hyperinflation qui ravage le pays depuis plus d'un an, l'usure du pouvoir, la mauvaise santé du sultan, l'union à l'arraché de ses adversaires les plus baroques et les conséquences du tremblement de terre dans les régions proches de la Syrie semblaient promettre une défaite assez nette et sans bavure au fondateur islamo-nationaliste de l'AKP.
Faute de mieux, on se contente ici de ressortir les traditionnels boniments sur la fraude électorale (démentie par tous les observateurs de l'OCDE) ou sur le énième complot russe destiné à fausser les élections (ben voyons, comme dit l'autre : Poutine c'est Fantômas for ever).
Peut-être serait-il temps quand même que ce qui passe pour être l'élite éclairée du monde occidental parvienne à comprendre qu'un certain nombre de peuples, qui ne semblent pas encore gagnés par la furie du wokisme et du reniement de soi, préfèrent être dirigés par des chefs autoritaires et rusés plus qu'ambigus ou détestables voire brutaux, mais dont l'action parvient malgré des hauts et des bas à les remettre à la hauteur de l'Histoire – et ce, quitte à connaître des évolutions économiques moins fastueuses qu'aux débuts de la mondialisation et à susciter l'ire ou la détestation d'un certain nombre de leurs voisins.
À vrai dire, il suffisait de voir la gueule de Kiliçdaroglu brandissant son oignon dans sa cuisine, en suscitant l'admiration de tous les communicants à la noix du bloc occidental, pour comprendre que l'issue du scrutin ne serait pas exactement celle qu'on attendait à Istanbul et à Bruxelles. Franchement, qui a envie de voter pour un oignon ?
Les universitaires anglo-saxons parlent toujours des libéraux et des illibéraux, des cosmopolites et des souverainistes, etc.
Mais le vrai clivage qui divise et scinde en deux de façon irrémédiable la plupart des sociétés modernes se trouve peut-être ailleurs, ou plutôt au-delà : il discrimine et oppose ceux qui croient d'abord en la force de la société civile (une masse aléatoire d'individus dont les intérêts économiques et les droits positifs interagissent de façon perpétuelle, indépendamment des pesanteurs de l'Histoire ou des prégnances territoriales, dans le seul cadre de la compétition économique globale) et ceux qui croient en la permanence des nations et des peuples, au sein d'un monde où les antagonismes de puissance et d'identité redeviennent de façon universelle à peu près ce qu'ils étaient avant la fin des guerres mondiales et les illusions du multilatéralisme, parfois au détriment de leurs intérêts individuels.
La question de savoir si l'on aime ou non Erdogan et si l'on a raison de l'aimer ou de le détester n'a à mes yeux dans ce contexte pas grand intérêt : après tout, nous ne sommes ni Turcs ni Kurdes ni Alévis, et le sort des Grecs chypriotes ou des Arméniens semble nous émouvoir et nous intéresser beaucoup moins que celui des Ukrainiens (n'est-ce pas, Pascal Bruckner et Sylvain Tesson ?).
Autant se demander si l'on aime ou non une montagne.
Quand elle est là et qu'on ne peut pas la contourner, on est bien obligé de faire avec elle.


15 mai 2023

LE GRAND SOIR

Gabriel Nerciat

Il paraît que ce soir, le Banquier Président va s'adresser à la Nation, sur la chaîne de Martin Bouygues - le plus pro-ukrainien des grands patrons du BTP.
D'après mes informations, qui sont prises à des sources sûres, il semblerait qu'il va annoncer un nouveau projet de loi portant sur le recul de l'âge de départ à la retraite à taux plein de 64 à 82 ans, assorti d'une durée minimale de 50 ans de cotisation, pour pouvoir financer le coût des 30 milliards d'euros que la France livrera désormais tous les ans à l'Ukraine afin de contribuer à son effort de guerre.
Il va expliquer aussi que la Constitution le dispense de déclarer la guerre à la Russie, et que l'article 49 alinéa 3 sera comme d'habitude mobilisé pour faire adopter cette nouvelle loi.
Dès lors, toute forme de protestation publique équivaudra à un acte de haute trahison, ou de complicité explicite avec Moscou, et entraînera la déchéance immédiate des droits civiques de quiconque s'en montrera coupable. Cette mesure sera susceptible de s'étendre à tout juge administratif dont l'arrêt le mettrait en contravention avec la loi.
Dans la foulée, une modification constitutionnelle permettant à un président de briguer plus de deux mandats successifs en période de guerre civilisationnelle-pour-le-salut-de-nos-valeurs-humanistes-et-démocratiques sera également soumise à l'approbation du Congrès convoqué au château de Versailles avant l'été.
Les députés et sénateurs LR devront donc choisir entre le camp de la liberté européiste ou le camp du néo-fascisme poutiniste et identitaire.
Macroniens et atlantistes de toujours, n'hésitez pas à liker ce statut. Il vous donne quelques heures d'avance pour vous constituer en milices auxiliaires de l'appareil d'Etat.