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27 février 2023

Paris, la capitale qui capitule… sans capitole !

Marc Alpozzo


On l’appelait autrefois, cette capitale, la « Ville Lumières ». Combien d’écrivains et d’artistes venus de tous les pays, arrivèrent à Paris pour y trouver refuge ? Dès le XIXe siècle, Paris attirait les artistes, et de grands noms se mêlèrent aux Parisiens, tels Picasso, Chagall, Miller, Kerouac, Hemingway, Joséphine Baker, etc. Et en philosophie, il y eut Bergson qui, comme tous les enseignants de cette discipline, remonta de Province à Paris pour y finir par aller chercher son étoile jaune, alors qu’il était gravement malade et atteint d’un prix Nobel de littérature. Le jaune à Paris ? Hidalgo n’a pas apprécié les Gilets Jaunes et, le 19 mars, parlant de leur manifestation à Paris, elle déclara sur RTL : « Il faut sortir de ce cauchemar », comme si cette mairesse avait fait de Paris un rêve !

Cet article a été écrit à quatre mains avec Emmanuel Jaffelin, philosophe, essayiste, et auteur de Célébrations du bonheur, paru chez Michel Lafon (dont j'ai eu l'occasion de parler dans ces pages.) Cet article est paru dans le site du magazine Entreprendre. Le voici désormais en accès libre dans l'Ouvroir.

La stupidité du XXIème siècle
(5ème partie)

La liste serait trop longue à dérouler. On connaît aussi les sempiternels « non, ce n’était pas mieux avant ! ». S’il est certain que les gens qui nous rebattent les oreilles avec leur vieille leçon de morale ont raison, force est toutefois de constater, que ça n’est pas non plus très réjouissant maintenant. Sous Louis XIV, son ministre Jean-Baptiste Colbert, tenta par tous les moyens d’endiguer la criminalité qui gangrenait la ville. Il nomma alors Gilbert Nicolas de la Reynie lieutenant général de la police en 1667 ; et, cet ingénieux chef décida alors de mettre en lumière les coins les moins bien fréquentés. Ainsi, pour éviter que les voyous se cachent dans les ruelles sombres, il installa des lanternes et flambeaux sur la plupart des axes et demanda aux habitants d’éclairer leurs fenêtres à l’aide de bougies et lampes à huile. Lumières, lumières ! Quand tu nous éclaires, tu fais également des ombres ! Cette lumière tapa dans l’œil des visiteurs.

Et qu’offre Paris à un touriste en 2022 ? Quelle Lumière peut l’éclairer ? Il croise des Pickpockets (piqueurs dans les poches) dans les transports en commun, dans les musées, dans les rues; il constate les tentes quechua qui fleurissent un peu partout; il peut assister à des violences aux personnes; et constater des dégradations et des saletés (y compris dans les arrondissements les plus luxueux); et croiser des crackeurs (fumeurs de crack) ; et voir des nuisances ; et ne pas supporter des terrasses de café bruyantes la nuit ; voir des vélistes et trotinettistes qui roulent n’importe comment, et partout, notamment sur les trottoirs au mépris des piétons, etc.

Le Café de Flore, Boulevard Saint-Germain

Promenez-vous boulevard Saint Germain, vous n’y croiserez pas une seule figure connue[1]. Autrefois, on flânait le long des brasseries comme le Café de Flore ou Les Deux Magots, et on avait le plaisir d’y côtoyer des célébrités françaises et de se mêler à une clientèle de qualité. Aujourd’hui, Paris désertée par ses forces vives, c’est un tourisme EasyJet qui a remplacé ce qui faisait jadis le charme de la capitale, la femme chic et l’homme élégant. All is easy, even to shit on the Elysées!

La saccage de Paris n’est qu’à son commencement. On apprend que la maire veut faire abattre des arbres centenaires au pied de la Tour Eiffel ! Si Eiffel le savait, il se manifesterait ! La rue de Rivoli se trouve condamnée en tant que rue pour laisser place à une flopée de cyclistes qui roulent de manière erratique. Des magasins ferment, même dans les quartiers les plus chics. Et de nombreux monuments sont laissés à l’abandon, à l’instar de L’hôpital Joe Hill, une clinique pour enfants désaffectée, avenue Junot, dans le XVIIIe arrondissement de la Capitule !

L'Institut de France, 23 Quai de Conti

Lorsque nous avons connu autrefois (hier et avant-hier) la capitale, nous nous demandons donc, amers, si ce cauchemar s’achèvera un jour ? L’abandon pur et simple des rues, livrées à la saleté et aux sans-abris, la violence et les manifestations tous les samedis, polluant la vie des citadins et faisant naître un légitime sentiment d’insécurité; nous comprenons donc moins pourquoi et comment des touristes étrangers se risquent encore à venir à Paris ; en revanche, nous comprenons plus aisément les raisons pour lesquelles de nombreux parisiens décident de quitter cette ville pour aller vivre en banlieue,  en province, ou à l’étranger !

Le capitole est l’une des 7 collines de Rome. Paris est une capitale qui capitule sans colline capitole ! Et elle est une ville pitoyable[2] où l’on ne rit pas.


La colline du Capitole est aussi légendaire que sacrée puisqu’elle raconte l’Histoire de la fondation de
la Ville éternelle et fut le centre religieux de la Rome antique.
Ici, la colline du Capitole, avec le monument à Victor-Emmanuel II. (Photo DR)

Cet article est paru dans le site de la revue Entreprise sous le titre : Paris : le saccage n’en est qu’à son commencement !

[1] Sauf les deux auteurs de cet article qui s’entêtent à méditer à Saint-Germain-des-Prés

[2] Au cours des deux derniers siècles, Paris a fait l'objet d'appellations familières déconcertantes : Pantin, Pantruche, Pampeluche, chez les faubouriens et les mauvais garçons, puis Paname à l'orée du siècle dernier. Désormais, la « capitale qui capitule sans capitole »


21 février 2023

Le niveau d’ignorance et de bêtise des gens aujourd’hui

Marc Alpozzo

[...] La stupidité a gagné presque tout le monde (sauf vous lecteurs qui me lisez, forcément parce vous me lisez, hé hé !) dans une époque américanisée jusqu’à la moelle, qui ne comprend même plus ce que veut dire lire un livre. Dans mon cours de prépa Science Po d’hier, les élèves tiraient une drôle de tronche lorsque je leur ai dit qu’ils seraient obligés de lire beaucoup (presse et livres) s’ils voulaient intégrer la Jérusalem Céleste (bien que Science Po Paris me fasse plus penser à un dépotoir qu’à une grande école mais là c’est encore une autre histoire). Bref, à quel moment reverrons-nous un philosophe de la taille de Deleuze à la télé et chouchou des lecteurs comme ce fut le cas jusqu’à la fin du siècle dernier ? That’s the question ! Pour l’instant, il semble que le divertissement et l’argent l’aient emporté dans les têtes de presque tout le monde, que les schtroumpfs brouillons l’aient emporté sur l’intelligence académique et les hauteurs de pensée. Il reste quelques bons philosophes mais on n’en parle plus car pas assez lus ni suivis. Cette époque n’a plus le respect de l’intelligence, de la culture et de l’esprit, encore moins des grandes œuvres, car cette époque se regarde trop le nombril pour ça.
(Photo prise à la bibliothèque du Collège de France mercredi dernier).

10 janvier 2023

#MeToo, #BalanceTonPorc

Marc Alpozzo

Une nouvelle génération de féministes agite la société française aujourd’hui. Avec le phénomène de masse #MeToo qui nous est venu des États-Unis, et qui a inspiré chez nous #BalanceTonPorc, les relations hommes-femmes ont été remises en cause. Si certains pensent que c’est une avancée positive de la société, et que cela représente un mouvement social encourageant la prise de parole des femmes, en matière de viol et d’agressions sexuelles, ce que l’on peut saluer en effet, il serait toutefois un peu facile, voire réducteur de ne pas voir aussi, dans ce nouveau phénomène, les chasses à l’homme qui ont eu lieu, notamment dans les milieux médiatiques et politiques, faisant de toute accusation sur les réseaux sociaux ou dans les médias une preuve absolue de la culpabilité de celui qui était dénoncé par la vindicte. Or, si l’on analyse cette dérive, qui consacre le temps médiatique au détriment du temps judiciaire, et qui dépossède les tribunaux au profit des supposées victimes, qui se font vengeance sur les réseaux sociaux, nous ne faisons pas seulement face à un progrès en matière d’égalité hommes-femmes, mais nous plongeons dans une nouvelle société, où les procès staliniens remplacent progressivement les procès équitables, et où le hashtag suffit à faire condamner la personne visée. Or, que cherche cette nouvelle vague de néoféministes ? Cherche-t-elle des purges ? À fonder un homme nouveau, en gommant les différences sexuelles, les relations amoureuses, la virilité, en criminalisant le désir masculin ? Avec Sabine Prokhoris, philosophe et psychanalyste, (Le mirage #MeToo, Le cherche-midi, 2022) et Gérald Wittok, musicien et romancier, (Le diable est une femme, Éditions Verrone, 2021) nous avons fait un tour de table, afin de réfléchir à cette nouvelle forme de judiciarisation des rapports sociaux. Cet entretien a paru dans le site du mensuel Entreprendre. Il est désormais en accès libre dans l'Ouvroir.


8 janvier 2023

L’Intelligence Artificielle nous conduit-elle vers un monde totalitaire ?

Marc Alpozzo

Marc Alpozzo et Jean-Pierre Noté

On voit aujourd’hui, que certains transhumanistes, notamment dans la Silicon Valley en Californie, rêvent de cyborgs du futur, bardés de capteurs permettant de récolter en temps réel des informations sur l’état de santé de leurs organes, d’alerter en cas de problème les secours, ou encore d’augmenter leur espérance de vie, avec pour horizon indépassable à leurs délires transhumanistes, le désir d’éternité, donc l’abolition de la mort. Est-ce un rêve possible ou un cauchemar climatisé ? Nous en avons discuté avec Jean-Pierre Noté, qui vient de publier un roman fascinant sur le sujet.

Marc Alpozzo : Vous avez publié récemment un roman, Tantièmes. Un monde sans puss (Az’art atelier éditions, 2022) sur l’intelligence artificielle. Or, loin d’être aussi enthousiaste que l’est cette époque vis-à-vis des I.A., vous prétendez dans votre roman que l’intelligence artificielle a de fortes chances de produire un monde orwellien. Pourquoi ?

Jean-Pierre Noté : je ne parlerais ni d’enthousiasme ni de répulsion. Ou alors je parlerais successivement de ces deux sentiments opposés. Quand j’étais jeune homme, j’avais cette idée bien ancrée en moi que trouver l’information était difficile. On pouvait téléphoner aux « renseignements » pour avoir une adresse, se plonger pendant des heures dans l’Encyclopédie Universalis du lycée pour se faire une idée sur le peuple Dogon, rechercher dans ses vieux cahiers de mathématiques pour retrouver la formule du volume de la sphère, prendre un dictionnaire pour espérer convertir les pieds en centimètres, utiliser l’horloge parlante pour connaitre l’heure exacte à Moscou, attendre l’adorable météo marine sur France Inter avant de partir en voilier, ou bien faire le tour des pizzéria du quartier pour trouver la bonne. J’ai sauté de joie quand mon père est rentré à la maison avec « Le Quid », ce gros bouquin à entrées multiples avec ses ancêtres des liens hypertextes où l’on commençait à entrevoir une sorte de couteau suisse du savoir universel. Mais il ne se mettait à jour qu’une fois par an : la météo marine avait tout loisir de changer des milliers de fois, les villages Dogon pouvaient être déplacés pour mettre un barrage en eau sans qu’on n’en sache rien et une pizzéria du quartier se transformait en fleuriste sans prévenir. Puis sont venus le Minitel, Internet et, suprême luxe, sa déclinaison portable le smartphone. Aujourd’hui, nous avons le Monde dans notre poche, toujours à portée de nous en quelques touches ! Comment ne pas être enthousiaste ! Mycologue insatiable, je ne me serai jamais imaginé il y a 30 ans me promener avec les 10 kilos de l’atlas Romagnesi – la bible du mycologue européen – dans les bois pentus des Pyrénées. Aujourd’hui, il est dans ma poche comme tous les autres savoirs humains.

Imaginons que je clique sur l’appli du mycologue dans mon coin à morilles à 2300 mètres d’altitude, protégé de mes concurrents – et amis, ils ont la même passion – par les dénivelés impressionnants que j’ai franchis et par la profondeur insondable de la forêt de sapins. S’ils s’intéressaient aux champignons, Mr. Microsoft, Mr. Orange, Mr. Facebook ou bien M. Starlink découvriraient mes coins à morilles avec une précision au centimètre près. Passe encore pour les morilles, même si j’ai un peu de mal à l’accepter ! Mais, s’ils s’intéressaient non plus aux champignons mais à moi directement, je n’aurais plus aucun secret pour eux. L’idée d’être nu face à un Jeff Bezos ou tout autre inconnu n’est-elle pas glaçante ? Si j’étais prof de philo, voici la question que j’aimerais poser à mes élèves : « Elon le libertarien, Musk le liberticide ? »

M. A. : Cette référence à George Orwell n’est évidemment pas anodine, puisque l’on sait que l’écrivain anglais a écrit un roman d’anticipation, 1984, qui n’a jamais été aussi actuel. Or, vous mettez vos pas dans les siens, puisque vous proposez vous-mêmes un roman d’anticipation, qui mêle une grande entreprise multinationale américaine, qui s’appelle Babel, producteur d’une box connectée qui donne accès à tout, et qui traduit même en simultané un nombre impossible de langues. Cela nous fait évidemment penser à Google translator, mais aussi à Amazon, à Uber, etc. Quels sont les dangers selon vous, que nous font courir ces nouvelles entités internationales, que l’on rassemble sous l’acronyme GAFAM ?

J.-P. N. : Permettez-moi de commencer par ce qui semble n’être qu’une anecdote. Il y a quelques mois, un Président des Etats-Unis, à mes yeux indigne de cette fonction, a été banni de Tweeter. Je m’en suis immédiatement félicité. Comme beaucoup d’autres, j’ai fait mien le fameux raisonnement de Saint-Just, adapté aux circonstances : pas de liberté pour les ennemis de la démocratie dont procède cette liberté. Mais, à y regarder de plus près, je n’avais guère de raison de me réjouir ! Qu’on coupe aux Etats-Unis l’infernal gazouillis d’un Donald Trump comme on le fait par exemple en Europe avec de sinistres révisionnistes niant la Shoa est certes judicieux. Mais le procédé n’est pas le même dans les deux cas. Qui coupe ? Là est la question. Pour Donald Trump, c’est un patron d’une de ces entreprises mondiales qu’on appelle les GAFAM. Dans l’autre cas, c’est un juge qui applique une loi votée par un parlement élu. Qu’est-ce qui motive un dirigeant d’entreprise ? Sa morale, l’image de son entreprise, l’opinion de ses principaux actionnaires, le rendement des parts de ses derniers ? Un autre aurait pu tout aussi bien décider de ne pas stopper la logorrhée de l’ancien président car il aurait jugé que son intérêt personnel était de le laisser faire ou bien que ses principes s’opposaient à toute forme de censure. Je ne sais pas pour vous, mais je n’ai pas plus voté pour le Guide Suprême iranien ou pour le président du Jockey club de ma ville que pour le directeur général de Tweeter. Or, qui sont ces GAFAM ? Ils règnent désormais en maître sur les autoroutes de l‘information, les câbles sous-marins et les flottes de satellites. Leurs comptes de résultat font pâlir la plupart des états. Ils forment sans doute les organisations les plus puissantes de la planète. La démocratie n’est-elle qu’une parenthèse qui se referme, laissant la place aux Jacques Cœur du XXIème siècle ?

M. A. : Dans votre roman, le personnage Aline, qui est une sorte de Wonder woman moderne, est convoitée par le PDG de cette entreprise internationale, qui répond à un drôle de nom, 3K, et on la voit aux prises d’un nœud gordien : faut-il céder au mondialisme de notre époque, ou pencher plutôt pour le terroir et le souverainisme ? Quel message passez-vous alors ?

J.-P. N. : Aline voit le monde comme un puzzle constitué de « business plan ». Son objectif est clair : avoir le plus gros. S’il faut pour cela privatiser les langues, s’emparer de l’Académie Française, introduire une interface homme-machine, c’est-à-dire une puce, dans le cerveau de milliards d’habitants, faisons-le. Aline et 3K vont imposer la connexion directe de tous les individus entre eux et les relier directement à toutes les bases de données. Comme lorsque MM Ford et Citroën ont imposé la voiture individuelle à la planète il y a un siècle, leur unique boussole était le profit. Une entreprise n’a pas d’opinion, elle n’a que des intérêts. Le capitalisme mondialisé est simple, voire simpliste. Les majors du pétrole continuent à extraire les énergies fossiles tant que cela reste plus profitable que de faire tourner des moulins à vent, Aline « puce ou chipe » la population à tour de bras, dans les deux cas en évitant soigneusement d’envisager toutes les conséquences.

L’opposition n’est pas entre mondialisation et terroir, mais entre mondialisation libérale et humanité. En effet, Aline recouvre toutes ses capacités cognitives quand elle se reconnecte à la nature. En dehors du monde monolithique de l’entreprise, dans la montagne chérie de son enfance, « hors connexion », elle réfléchit enfin comme un être humain peut le faire. Comme un Jim Harrison dans son Montana, elle retrouve toute son humanité en frottant sa peau au gneiss étincelant du Caroux, en plongeant dans l’eau froide des torrents ou en rusant avec les vipères.

M. A. : Votre roman est absolument passionnant, et je le recommande à tout lecteur qui aime l’anticipation. Modestement, certes, mais sûrement, il s’inscrit dans cette lignée des romans d’anticipation qui ont su voir venir notre nouveau siècle, comme 1984, mais aussi Le Troupeau aveugle, de John Brunner, ou Blade runner, de Philip K. Dick. Dans votre roman, vous parlez de drone, de box, de puces, de surveillance généralisée. Est-ce que le monde de demain vous fait peur ?

J.-P. N. : Est-ce vraiment un roman d’anticipation ? Comme dit Ray Bradbury, la science-fiction est un genre pour décrire la réalité. L’action de Tantièmes se déroule entre 2025 et 2030. Mais je me suis fait rattraper, et bientôt dépasser par la réalité. Neuralink, une des sociétés d’Elon Musk, encore lui, attend l’autorisation de la FDA (Food and Drug Administration) pour implanter les premières puces électroniques chez les humains afin de « mieux marier le cerveau et l’Intelligence Artificielle ». Il arrive probablement chez chacun de nous, et à chaque génération, un moment où l’on prend conscience que ce qu’on pensait éternel disparait, remplacé par un monde qui nous est étranger. Faut-il en avoir peur ou bien doit-on s’en remettre à la génération qui vient pour s’adapter, corriger, et même se rebeller quand il le faut ? Avoir peur du monde de demain ce serait manquer de confiance dans mes enfants et mes petits enfants !

M. A. : Lorsqu’on parle d’intelligence artificielle, on parle forcément de transhumanisme. On parle aussi d’augmentation de l’humain, et de posthumanisme. Pensez-vous que la question de l’humanisme ne s’est jamais autant posée aujourd’hui ? Ne pensez-vous pas que la véritable question, finalement, est celle aujourd’hui, du dépassement de l’homme comme fondement même de son humanité ?

J.-P. N. : Quand on parle « augmentation de l’humain » j’ai coutume de dire que l’humain a déjà bien augmenté. Prenons l’espérance de vie au XVIIème siècle en France : elle est d’une trentaine d’année à 25 ans. En d’autres termes, si on atteint l’âge de 25 ans on peut espérer vivre jusqu’à 55 ans. Mais l’espérance de vie à la naissance est inférieure à celle d’un individu de 25 ans ! Je suis jeune grand-père et ma petite fille de 3 mois est gratifiée d’une espérance de vie estimée à 96 ans. Voici donc une augmentation faramineuse de l’humain ! De quels progrès des mathématiques avons-nous été privés en 1832par la mort précoce à 20 ans d’Evariste Galois ? Et que dire des prothèses qu’on nous promet pour marcher, voir, entendre ? Alors, oui, je suis résolument pour l’augmentation de l’humain ! Mais la question est plus vaste : les progrès techniques et ceux de l’Intelligence Artificielle sont tels qu’on peut désormais imaginer créer des chimères humaines : un écrivain « universel » comme imaginé dans Tantièmes, une espérance de vie de 500 ans, un sprinter courant le 100 m en-dessous de 5 secondes, un joueur d’échecs infaillible, un tireur d’élite disposant de la vue perçante d’un aigle, un bébé sans grossesse…. Il y a tant de possibilités qui semblent désormais à notre portée. Imagine-t-on un match de Rugby ou chaque camp cache les données techniques de ces joueurs ? Au mieux cela ressemblerait à une course de formule 1, ce qui n’est déjà plus vraiment un sport, au pire à la guerre où tous les progrès techniques sont les bienvenus pour détruire l’adversaire. Et la guerre, la guerre technologique en particulier, n’en déplaise à Ernst Jünger, c’est la négation même de l’Humanité.

M. A. : Le transhumanisme rêve de nous affranchir de toutes les limites du réel. Dans votre roman, cette entreprise internationale propose toute une gamme de services, et notamment des traductions en simultanée, qui effacent toutes les frontières entre les hommes, Babel renvoyant évidemment au mythe de Babel dans la Bible. Mais les transhumains rêvent aussi de nous affranchir de la tyrannie de la maladie et de la mort. Pour cela, ils comptent s’appuyer sur les biotechnologies, et peut-être même effacer notre « date de péremption ». Sous couvert d’assurer et de favoriser notre bien-être et notre épanouissement, vous semblez dire, à juste titre, qu’en réalité, on nous prépare un nouveau monde plus totalitaire que tous les précédents. Est-ce vraiment le risque que l’on court avec toutes ces technologies de l’augmentation de l’humain ?

J.-P. N. : Oui, un monde totalitaire est une perspective tout à fait réaliste à cause du développement exponentiel de l’Intelligence Artificielle et de compagnies plus puissantes que les états démocratiques. Et l’on peut observer que des états non démocratiques utilisent les réseaux sociaux pour contrôler leur population. La démocratie n’est peut-être qu’une courte parenthèse dans le temps et dans l’espace. Alors, si on nous prépare un tel monde, il y aura comme dans Tantièmes et comme à chaque génération des résistants !

M. A. : Notre monde actuel connait deux tendances : les bioconservateurs vs les biolibéraux. Dans quel camp vous rangez-vous et pourquoi ?

J.-P. N. : Dans les biolibéraux, résolument ! Il faut laisser chercher, laisser trouver ! D’ailleurs les bioconservateurs ont perdu la partie avant même de la commencer : tout ce qui est possible de développer ou d’inventer sera développé ou inventé. C’est dans la nature même de l’homme depuis qu’il a taillé son premier biface. La question a toujours été l’usage que l’on fait du biface une fois réalisé.

M. A. : Où pensez-vous que se niche l’éthique dans ce monde où technologies convergentes, super intelligence, intelligence artificielle concourent à faire de la nature humaine une aporie ? Pensez-vous que l’humanité soit en danger de mort ?

J.-P. N. : Vous avez raison. La question est éthique. Quand j’exprime dans Tantièmes qu’une entreprise n’a pas d’opinion mais qu’elle n’a que des intérêts, cela fait écho au célèbre « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » de Rabelais. Une fois que l’on a dit que tout ce qui est à notre portée technique sera réalisé, il n’y a plus qu’à s’en remettre à l’éthique. Or, Aline démontre que le capitalisme mondialisé, volontairement simpliste et réduit au seul dogme du retour sur investissement n’en a pas. Eric Vuillard, dans « l’ordre du jour » décrit le mécanisme qui conduit les entreprises allemandes dans les années 30, à pactiser avec le diable au nom de ce retour sur investissement. L’humanité est toujours en danger de mort, hier comme aujourd’hui et ma petite fille, comme bien des humains avant elle confrontés à d’autres défis, a du pain sur la planche.

Propos recueillis par Marc Alpozzo


5 novembre 2022

Marc Alpozzo

À l’heure où la France risque de disparaître, où l’Assemblée nationale est chahutée, replongeons-nous quarante ans en arrière, avec ce « Précis de Foutriquet », dont la qualité première, et non la moindre, est l’écriture, une écriture pamphlétaire et qui touche juste, rédigé lors de la campagne présidentielle de 1981, devant voir la réélection de Giscard d’Estaing, et qui pourtant consacra François Mitterrand, une campagne dans laquelle, Pierre Boutang, pourtant monarchiste, nationalise et catholique, prit parti pour le candidat socialiste, moins par conviction socialiste qu’en opposition à un giscardisme incanrnant la dissolution de la France dans une Europe des banques, la technocratie, les lendemains qui déchantent. Foutriquet de l’Elysée, Foutriquet de salon, Foutriquet des médias, Foutriquet de tous pays, ce contre-Giscard frappe le mondialisme destructeur, l’Europe aux super-pouvoirs qui bientôt dévorera ses enfants, l’usurpation de notre souveraineté et de notre liberté, ce texte est une réponse vive, et une charge cohérente contre les forfaitures d’un chef de l’État qui affaiblit la France plus qu’il ne la grandit. Contre l’aigreur, la grandeur, contre l’imposture du fossoyeur et le sabotage bourgeois et capitaliste, la grande nation et le sens de l’honneur. Recension à venir dans Boojum et Livr'Arbitres.


20 octobre 2022

Les nouvelles éducatrices du peuple

Marc Alpozzo

L'INVITÉ DE YANNICK URRIEN / KERNEWS

Marc Alpozzo : « Sandrine Rousseau, Alice Coffin ou Clémentine Autain sont devenues les nouvelles éducatrices du peuple en faisant à longueur de temps des leçons de morale à tout le monde. »


Marc Alpozzo est philosophe et écrivain. Il est professeur de philosophie et il a mené en parallèle une activité de critique littéraire dans Le Magazine des livres, La Presse littéraire et Livr’Arbitres. Il est aussi animateur d’émissions philosophiques à la radio.

L’invité de Yannick Urrien du 12 octobre 2022 : Marc Alpozzo

Kernews : Lorsque l’on écoute les interventions de certaines personnalités, comme Sandrine Rousseau ou Alice Coffin, il est parfois difficile de comprendre leurs allusions ou certains mots employés. Peut-on aussi parler d’une fracture sémantique ?

Marc Alpozzo : Si elles ne sont pas comprises par nos concitoyens, c’est parce qu’elles utilisent une novlangue qui détourne les mots de leur définition première, pour faire passer des idées, des doctrines et des théories. Maintenant, je ne vais pas dire que ces femmes sont des penseuses, elles n’ont pas de pensée en réalité, elles ont surtout des slogans. Mais elles utilisent des mots sous un slogan nouveau et cela, évidemment, nous détourne du sens profond des choses. Par exemple, quand Sandrine Rousseau s’attaque au barbecue, elle explique qu’il est scientifiquement prouvé que la viande est consommée par les hommes et que c’est donc une expression de la virilité. Quand on plane à ce point, quand on mange du soja ou du quinoa, on n’imagine pas que l’on puisse avoir besoin de manger de la viande pour retourner la terre ou pour faire un travail physique ! Les gens ne se comprennent plus, mais c’est une décision idéologique. Cette nouvelle génération de femmes veut démolir la rationalité des Lumières et démolir le langage commun pour construire un nouveau langage et une nouvelle rationalité. On entend des néo-féministes expliquer qu’il faut en finir avec les Lumières et revenir aux sorcières. Nous avons aussi l’écrivaine Mona Chollet qui met au pinacle les sorcières. C’est un grand succès de librairie, elle considère que la rationalité des Lumières relève du patriarcat. Je note la contradiction interne de ces femmes, puisque Sandrine Rousseau affirme que la viande rouge relève de la virilité en se basant sur des résultats scientifiques. Donc, ces femmes combattent la rationalité avec une dialectique marxiste et, de l’autre côté, elles recourent à la rationalité des Lumières.

Les gens normaux disent qu’il fait jour quand il fait jour et qu’il fait froid quand il fait froid. Cependant, avec cette nouvelle approche, on doit respecter l’autre lorsqu’il dit qu’il fait jour, alors qu’il fait nuit… Comment gérez-vous cela avec vos élèves ?

Je suis dans un lycée très ouvert aux nouvelles lunes de notre époque. J’ai un groupe d’élèves très différents, avec des élèves très à gauche mais aussi des élèves suspicieux par rapport à tout cela. Ce que vous dénoncez n’est pas nouveau : c’est-à-dire expliquer qu’il fait beau alors qu’il pleut et attaquer celui qui n’est pas d’accord en lui disant qu’il est d’extrême droite ou passéiste. Ce n’est pas nouveau. Si on lit «1984 » de George Orwell, on voit bien le discours de Big Brother et que c’est une technique utilisée par les révolutionnaires de gauche afin d’appauvrir la langue et détruire les mots pour amener une nouvelle vérité et une idée unique. Sandrine Rousseau, Alice Coffin ou Clémentine Autain sont devenues les nouvelles éducatrices du peuple en faisant à longueur de temps des leçons de morale à tout le monde. Elles sont éducatrices des masses. Elles utilisent la novlangue à travers l’écriture inclusive. C’est un nouveau paradigme qui consiste à faire passer l’homme blanc de plus de 50 ans pour un homme des temps passés. On doit arriver à un homme nouveau, qui ne serait plus viril, qui ne voudrait plus le pouvoir et qui ne voudrait plus exprimer sa puissance, pour laisser la place aux femmes. Un journal a récemment mis en couverture uniquement des hommes blancs et cela a été immédiatement dénoncé. Imaginez la même couverture avec des femmes, personne n’aurait rien dit… D’ailleurs, quand il y a plus de femmes, on se félicite en disant que c’est le progrès. C’est un progressisme qui ne voit plus le point aveugle de sa pensée. On retourne la parité, c’est-à-dire l’égalité entre les hommes et les femmes, en une haine du sexe mâle et une guerre des sexes. Au-dessus, il y a le ministère de la vérité qui nous dit que la vérité que l’on voit n’est pas la réalité.

On observe cela sur les questions de sexe, puisque chacun peut définir son genre. On le constate aussi sur des questions de race, avec des personnes qui ne se sentent pas blanches parce qu’elles ont honte : à ce rythme, on retrouvera la même chose sur des questions d’âge… Un homme de 60 ans couchera avec une jeune fille de 14 ans et il expliquera au juge qu’au fond de lui, il a 14 ans…

Si l’on pousse le raisonnement à l’absurde, on en est là. Mais cela fonctionne dans le sens de l’idéologie dominante, c’est-à-dire LGBT. Sur le fond, si l’on considère que ce que l’on ressent est une réalité et que cette réalité s’impose parce que c’est une vérité comme une autre, nous sommes plongés dans le paroxysme de notre époque où toute opinion est une vérité comme une autre. Le sentiment d’être blessé est une vérité comme une autre. Donc, si vous me dites que vous vous estimez être un philosophe du niveau de Kant et que vous êtes blessé parce que, en tant que professeur de philosophie, je ne vous ai pas dit que vous étiez un philosophe du niveau de Kant, alors on rentre dans le totalitarisme généralisé parce que chaque individu devient le totalitaire de l’autre. C’est une vraie question philosophique. On n’a pas le droit de juger ce que pense son interlocuteur. On est face à des enfants de cinq ans capricieux qui ne veulent pas que leurs parents les remettent en cause. Nous vivons cela à l’école, où l’on n’a plus le droit de remettre en cause les élèves. Si l’on reproche à un élève d’avoir copié son texte sur Internet, les parents téléphonent pour demander des comptes. C’est la même chose au sein de la communauté LGBT. Ce n’est pas nouveau dans l’histoire de l’humanité que des gens se sentent dans un mauvais corps, on peut expliquer cela sur le plan médical, ce n’est pas quelque chose que je maîtrise, je sais simplement que ce n’est pas nouveau. Mais je constate qu’aujourd’hui on a une inflation de jeunes de moins de 18 ans qui se sentent dans un mauvais corps. On devrait se questionner sur ce point. On a aussi une inflation de gens qui changent après avoir changé… On est en plein dans la doctrine communiste du début du XXe siècle quand Lénine disait : « Faites-leur avaler le mot, ils avaleront la chose… » Il est normal que les jeunes s’interrogent, mais aujourd’hui on essaye de faire avaler quelque chose à des jeunes qui sont fragiles et qui sont en construction en leur disant qu’ils ne sont peut-être pas des garçons, même si ce sont biologiquement des garçons, c’est ce que l’on appelle l’assignation à la naissance. Donc, il y a une assignation à la naissance et l’on explique à une personne que son genre n’est pas lié à son corps biologique. On trouble des esprits sur cette question. J’aborde souvent cette question avec des collègues. C’est une bonne chose de mettre un peu plus de tolérance et d’égalité entre les êtres humains, car il y a des personnes qui souffrent réellement, mais il faut quand même garder son sens critique. Or, on impose des choses aux gens par des techniques totalitaires.

L’effet de groupe est-il important ? Beaucoup de gens font semblant d’accepter des mesures qu’ils condamnent, tout simplement pour ne pas être exclus du groupe…

Cela s’appelle le suivisme, mais aussi le manque de courage. Effectivement, pour ne pas être écartés du groupe, pour ne pas être diabolisés, pour ne pas être assassinés socialement, beaucoup de gens préfèrent avaler le mot et respecter à l’unisson ce que dit le groupe, plutôt que d’affirmer leurs idées. C’est une attitude qui est totalement condamnable et irresponsable, mais il y a effectivement une obéissance au groupe. On voit aujourd’hui des gens qui veulent éviter toute polémique pour ne pas être tués socialement et l’on voit à quel point l’extrême gauche essaye d’assassiner socialement les gens. Lorsque J. K. Rowling, auteure d’Harry Potter, a osé dire sur les réseaux sociaux qu’un homme ne pouvait pas avoir ses règles, il y a eu une cabale contre elle et on l’a traitée de transphobe. Maintenant, les acteurs du film ne veulent même plus qu’elle soit inscrite au générique ! On est vraiment dans une folie collective. Je comprends très bien ce que veulent dire les LGBT quand ils disent qu’un homme peut avoir ses règles : si l’on considère qu’une personne peut se revendiquer d’un genre et non plus d’un sexe biologique, alors effectivement on pourrait être face à un homme qui a ses règles. Ce sont des idées dans l’air qui peuvent être intéressantes et que l’on peut traiter philosophiquement, donc je ne suis pas fermé à toutes ces idées, mais je reçois souvent des messages de mères, ou des médecins de gauche, qui sont inquiets à l’idée de voir de plus en plus d’enfants qui sont pris là-dedans. Face à ce phénomène de masse de la détransition, il y a vraiment de quoi s’inquiéter, car on va vers un nouveau cataclysme humain. Toutes ces personnes qui sont en détransition actuellement, doivent savoir que c’est irréversible, donc ce sont des personnes qui seront amputées toute leur vie. On voit des adultes qui font des procès à leurs parents qui les ont laissés changer de sexe à l’âge de sept ans… Le philosophe doit avoir l’honnêteté intellectuelle de dire qu’il y a plusieurs vérités. Je ne détiens pas la vérité, Sandrine Rousseau ne détient pas la vérité, donc il faut revenir à un peu plus de raison et, surtout, ne pas être aveuglé par son idéologie.

Tous ces discours sont caricaturés dans le reste du monde, notamment en Afrique, ou dans le monde arabe, et cela donne du grain à moudre aux extrémistes qui disent maintenant que les femmes doivent conserver leur condition parce que, si l’on suit l’Occident, on va transformer les petits garçons en petites filles…

Bien sûr. Même en Iran, on endoctrine les gens, comme chez nous, il y a une langue de bois des pays totalitaires, mais il y a aussi une langue de bois des pays démocratiques. On doit dire la même chose et, dès que l’on n’est plus dans le discours officiel, on est accusé de trahison. Si l’on continue d’aller dans cette guerre des tranchées, ce sera une guerre de tous contre tous, et le philosophe doit aussi essayer de calmer les esprits qui s’échauffent.


25 septembre 2022

Marc Alpozzo

Je note une chose importante, et qui va déranger, mais tant pis, après tout, notre devoir n’est-il pas de scandaliser les imbéciles ? L’intelligence se trouve aujourd’hui du côté des représentants des partis nationalistes : André Ventura, Giorgia Meloni, Éric Zemmour, Marine Le Pen, Jordan Bardela, etc. Alors que tous les autres partis s’enferment dans des mensonges que plus personne ne croit, dans des dénis risibles, dans des petits arrangements avec le réel, les partis nationalistes affrontent la dureté et les dangers de ce début de siècle, avec audace et courage. Les temps sont tragiques, l’histoire est de retour, notre civilisation est menacée, la prédation mondiale n’a jamais été aussi forte, l’escalade de la guerre, la bombe, mais pour certains responsables politiques, le vrai débat c’est l’écriture inclusive, la mixité, les vélos en ville, etc. On voit la futilité de ces programmes en cinq minutes. Si l’opinion médiatique est du côté de la bien-pensance, et du politiquement correct, l’opinion populaire choisit son camp, et finalement, elle fait bien.

18 septembre 2022

Sandrine Rousseau, VRP de l’homme-soja et de la femme-quinoa

Marc Alpozzo
philosophe et essayiste

Sandrine Rousseau (Photo Berzane Nasser/ABACA)

De l’« homme enceint » à l’« androcène », en passant par l’écoféminisme et le cyberharcèlement, sans compter les polémiques autour du « barbecue comme symbole de virilité », on trouve aujourd’hui, au milieu de la grisaille de notre époque, de quoi s’étonner, voire s’inquiéter du niveau du débat politique désormais. Certes, Sandrine Rousseau n’est pas l’égale de son avatar Sardine Ruisseau, sorte de parodie tweetesque sur Tweeter, même si Sardine fait franchement rire, alors que Sandrine n’arrive même plus à nous faire pleurer.

Nous ne dirons jamais assez que la politique est devenue aujourd’hui un pur spectacle, pour le buzz sur les réseaux sociaux et les vaines polémiques. Sandrine Rousseau, encore inconnue, cinq ans plus tôt, est devenue la nouvelle comique, sorte de bouffon du roi, ou plutôt non, je devrais dire bouffonne du roi, bateleuse, amuseuse, cabotine, matassine, pantine, comique.e (ne jamais oublier l’écriture inclusive, ne jamais oublier l’écriture inclusive, ne jamais oublier l’écriture inclusive…)
 
Sandrine Rousseau a du génie

Alors disons-le, si Sandrine Rousseau n’a peut-être pas beaucoup de talent pour la vraie politique, elle a en revanche du génie lorsqu’il s’agit de faire parler de sa personne, et dans certains milieux, on va même jusqu’à la comparer à Éric Zemmour ; elle serait donc une Zemmour de gauche ! Rien que ça !

À propos de la députée Europe Écologie-Les Verts (EELV) de Paris, le philosophe de gauche Michel Onfray n’hésite même plus à dire : « C’est un délire cette femme, je me demande comment on peut créer autant de sottises régulièrement. » On pouffe. Or, que dire de tels propos, sinon qu’ils sont exacts, intacts, surtout devant une telle m’as-tu-vu, une telle folâtre ? Voilà que le ton est donné, mais ce n’est pas non plus excessif, tant Sandrine Rousseau marche sur l’eau, vole dans les airs, guérit les lépreux, redonne la vue aux aveugles, et chasse, bien sûr, les marchands du Temple, qui ne sont autres que ces représentants du patriarcat, vieux mâles blancs dominants, et redevables de tous les malheurs du monde, même les tempêtes, les tsunamis, les tremblements de terre, et évidemment le réchauffement climatique.

Les hommes, des bouc-émissaires

Bientôt responsables de la fin du monde, les mâles sont de merveilleux boucs-émissaires, sous les coups de boutoir de Sandrine Rousseau. Oui, vous l’avez bien compris, Sandrine Rousseau se prend pour Jésus, elle se prend pour le Christ, mais bien sûr, le Christ 1.0, autrement dit la Christe, avec un e, prière de ne pas oublier l’écriture inclusive, Messieurs !

Et, vous l’avez tout autant compris, cette tribune ne sera pas tendre avec cette nouvelle figure de la bien-pensance féministe, et de la novlangue de ce début de siècle, tant celle-ci agite des chiffons rouges partout, en prétendant attaquer la phallocratie et la misogynie, qu’elle accuse d’écraser le nouveau grand combat néoféministe.

C’est pourtant sans haine qu’il me faudra écrire cet article, moins pour arrêter Sandrine Rousseau que rien n’arrête dans la mauvaise foi et le besoin de faire parler de soi, que pour retrouver un commencement d’esprit critique, et par besoin d’y voir plus clair. D’autant qu’une foultitude de questions peut d’emblée se poser. En commençant par celle de la rationalité, celle de la puissance, et celle du pouvoir.

Celle de la rationalité d’abord. Lorsque Michel Onfray accuse indirectement Sandrine Rousseau d’avoir trois neurones, c’est finalement moins d’un défaut d’intelligence dont la dame verte souffre, que d’une déficience de rationalité. Et si la députée dans la 9e circonscription de Paris déclenche autant de polémiques, comptons moins sur le bon sens de ses déclarations que sur leurs excès, largement voulus et réfléchis.

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3 septembre 2022

Censure

Marc Alpozzo

C’est désormais au tour de Ségolène Royal d’être dans la tourmente, après avoir dénoncé « une propagande de guerre par la peur » de la part du président ukrainien, #Zelensky. Ayant mis en doute, jeudi 1er septembre, les crimes de guerre en #Ukraine, voilà qu’elle est elle-même dénoncée par le « politiquement correct », qui fascise toute pensée, tout questionnement qui vient remette en cause son discours officiel. Quel simplisme ! Ce n’est pas à la hauteur de ce pays, pays de Voltaire, pays des Lumières, pays de la liberté d’expression. On ne le redira jamais assez !

22 août 2022

Marc Alpozzo

Petite bibliothèque de survie (XXV)

Puisque nous en sommes presque à retourner enfin au travail, la rentrée des classes c’est déjà dans moins de 15 jours, retrouver des chérubins éteints, paresseux, passifs, un système au bord de la faillite à tous les niveaux, des restrictions certainement, et des hausses de prix spectaculaires, munissons-nous d’outils de pensée pour affronter un réel désormais hostile. Je ne crois pas que les gens en général cherchent le bonheur, c’est même, je pense, tout le contraire. Ils lui préfèrent le bien-être. Ce qui est évidemment très différent. Mais, en période de crise, plutôt que de prendre du Prozac, pourquoi ne pas relire le « Manuel » d’Épictète ? Ouvrez aussi les « Pensées pour moi-même » de Marc-Aurèle. Testez Sénèque. Personnellement, je préfère le boiteux Épictète, qui en un paragraphe, voire en une phrase, « Préoccupe-toi de ce qui dépend de toi, et ne te préoccupe pas de ce qui ne dépend pas de toi », nous fait le cadeau d’une méthode pour être heureux en permanence. Et, si vous n’arrivez pas à lire Épictète, alors lisez le philosophe, et non moins ami Emmanuel Jaffelin, et ses « Célébrations du bonheur » (Michel Lafon, 2021), qui est un bonne vulgarisation de la pensée du maître Épictète, ainsi qu’un bon diagnostic des méthodes à utiliser pour affronter notre siècle sordide et décadent. J’ai réalisé cet entretien avec l’auteur, à la veille de la rentrée des classes, en 2021.
Alors, lisez et relisez les stoïciens, et soyez heureux, bon sang de bonsoir !