Alexis Haupt
Je le répète, la "société de tacite répression", telle que le crédit social chinois ou la "société pharmaco-punitive", privilégie le chantage, les contraintes et les restrictions plus ou moins gênantes plutôt que des sanctions franches. Certes, tout autoritarisme est toujours « tacite » dans le sens où aucun tyran ni dictateur n’annonce à son peuple qu’il vit dans un régime autoritaire. Néanmoins, la société dont je parle, de par ses sanctions vicieuses, sournoises, « souples », mais non moins réelles, pratique un autoritarisme plus tacite que les autres. Ce genre de société est très dangereux. Grâce à ses contours flous, elle a plus de chances de perdurer qu’un régime autoritaire traditionnel : la révolution est retardée, le peuple reste apathique dans sa majorité.
Dans ce type de société, la lassitude collective aboutit à une accoutumance aux anormalités et aux dérives liberticides. Le risque est que les gens finissent vite par la considérer comme une société tout à fait normale, pire, qu’ils finissent par la considérer comme la meilleure qui soit. Eh oui, si les peuples s’habituent à la tyrannie, comme l’avait remarqué La Boétie, alors quand il s’agit de "répressions tacites", dissimulées et couvertes par un récit, ils s’en accommoderont aisément. C’est l’évidence même !
Après tout, lecteur, si on a réussi à faire croire aux peuples que le meilleur régime politique pour eux était celui qui consistait à se choisir des maîtres, on réussira à leur faire croire que la "société numérico-répressive", ou le crédit social chinois, est la meilleure qui soit. Eh oui, la dictature parfaite ne serait-elle pas « une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient même pas à s’évader », « un système d’esclavage où les esclaves auraient l’amour de leur servitude » ?