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15 décembre 2022

SDF

Nico Naf

Aujourd’hui, j’ai accueilli en centre d’hébergement une personne. C’est un monsieur de nationalité française qui a travaillé une vingtaine d’années comme ouvrier spécialisé. En 2018, son usine a fermé car la production a été délocalisée en Roumanie. Il a perçu pendant deux ans les indemnités chômage, il a cherché dans ce domaine mais n’a pas réussi à trouver un emploi malgré des milliers de lettres et de CV envoyés (il voulait me prouver que ce n’était pas des paroles en l’air et m’a montré ses mails pour que je le crois). La période d’indemnisation étant terminée, il a perçu l’ASS. Son niveau de vie a radicalement baissé et malgré un accompagnement social, il s’est vite retrouvé en difficulté pour payer son loyer. Et donc, il ne pouvait plus honorer le règlement de ses loyers. Son propriétaire, apparemment un gros con qui ne voulait rien savoir, a lancé une procédure d’expulsion contre lui. Ce monsieur s’est fait expulser de son logement avant la trêve hivernale. Pendant deux semaines, il a dormi chez un ami puis s’est retrouvé sur un banc pendant une semaine.
Il m’a dit : « Quand j’étais plus jeune et que je bossais plus de quarante heures par semaine en comptant mes heures supplémentaires, je pensais que les chômeurs et les SDF ne se bougeaient pas et que c’était de leur faute s’ils en étaient arrivés là. Aujourd’hui, j’en suis au même point et j’ai réalisé que personne ne veut être au chômage ou à la rue. Tout est allé très vite, trop vite. On ne s’en rend compte que lorsqu’on subit cette situation. Personne mis à part ceux qui l’ont vécu ne sait ce que ça fait de dormir sur un banc avec les odeurs de pisse, des types qui essaient de vous racketter et des flics qui vous demandent de dégager. Si je n’avais pas eu mon fils, je me serais probablement suicidé. »
Donc je repose la question à mes amis Facebook fans de Macron ou libéraux compatibles, LR ou autres zemmouriens, en quoi la réforme de l’assurance chômage et la loi anti squat auraient-elles aidé ce monsieur à retrouver un emploi ou à être relogé ? Pourquoi s’en prendre à ceux qui sont déjà dans la merde, est-ce par plaisir sadique ? Pourquoi ne pas s’attaquer aux causes, c’est à dire le chômage et le mal logement, ce qui aurait évité à ce monsieur de se retrouver à la rue ?

30 novembre 2022

Macron a déclaré la guerre aux pauvres

Nico Naf

Vous pensiez avoir tout vu avec Emmanuel Macron : réformes de l’assurance chômage pour abaisser les indemnités des demandeurs d’emploi et conditionnement du RSA à des activités professionnelles. Non, y a encore pire. Le gouvernement envisage de mettre en place une loi anti-squat en vue d’accélérer les expulsions des locataires en difficultés.
Bien entendu, il s’agit de briser les malentendus, il faut différencier les squatteurs qui débarquent dans une maison ou un appartement inoccupés et les locataires qui se retrouvent en difficulté et n’arrivent plus à payer leurs loyers et charges. Pour les squatteurs, il suffirait de renforcer les pouvoirs du préfet en la matière pour accélérer les expulsions. Il faut aussi rappeler que les squats sont des cas très rares (170 en 2021) mais largement (trop ?) médiatisés.
Mais ici, il ne s’agit pas tant de s’attaquer aux squatteurs mais de s’en prendre aux locataires en difficulté, de plus en plus nombreux, qui n’arrivent plus à payer, en accélérant les expulsions locatives. La loi s’attaque aux occupants sans droit, ni titre donc également à ceux qui ont mis fin à leur bail et n’arrivent pas à trouver un logement, aux propriétaires qui ne pourraient plus payer leurs crédits immobiliers et même à ceux qui ont été victimes de marchands de sommeil.
Avec l’inflation qui semble partie pour durer, le gouvernement va durcir les sanctions contre les impayés de loyer et faciliter les expulsions. Si on estime à 6 millions le nombre de ménages en difficultés pour payer leurs loyers, plus de 500 000 ménages ont déjà cessé de payer leur loyer. Cette loi pourrait donc mettre à la rue environ 1 million de personnes supplémentaires. Le 115 étant déjà débordé ne pourra jamais faire face à tant de situations. Cette loi risque même de créer de nouveaux squats car les personnes prendront le risque d’occuper des propriétés privées ou des bâtiments publics plutôt que de dormir à la rue.
4 millions de personnes mal-logées, 2 millions demandeurs de logement, 300 000 SDF, 42 000 enfants sont sans domicile. Et le gouvernement, au lieu de trouver des solutions à ce problème, veut désormais criminaliser les sans-abris.
Nombre de personnes sont en attente d’un DALO (droit au logement opposable) ou d’un contingent préfectoral en vue d’obtenir un logement social ; les temps d’attente sont très longs, parfois des mois à patienter dans des centres d’hébergement quand ce n’est pas entassés dans des hôtels Formule 1 minables.
Emmanuel Macron avait déjà donné un premier signal en baissant les APL de 5 euros mais il a décidé d’aller au bout de sa logique. Comme avec le chômage ou les minima sociaux, le problème ne vient pas du mal-logement, il vient des locataires eux-mêmes qui n’ont qu’à se démerder pour payer leur loyer. Pas un mot sur les 3 millions de logements vides dont un million le sont depuis plus d’un an. Pas un mot sur les taudis loués par des marchands de sommeil, indignes pour un être humain. Pas un mot sur les associations et les travailleurs sociaux qui essaient tant bien que mal de trouver des solutions pour éviter ces expulsions et de mettre en place des plans d’apurement. Pire, le gouvernement avait même envisagé de supprimer des places d’hébergement cet hiver avant de se raviser.
Nous sommes revenus à une situation proche de l’hiver 54 lorsque l’Abbé Pierre avait prononcé son fameux discours : « Mes amis, au secours... Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l'avait expulsée... ».
Les besoins sont gigantesques. Nous pourrions créer au moins 200 000 logements sociaux supplémentaires par an et mettre en œuvre une garantie universelle des loyers afin d’empêcher et de prévenir les expulsions locatives. Mais ce gouvernement a décidé d’en faire autrement. Macron se place du côté des marchés financiers, des patrons de multinationales, des propriétaires immobiliers, du côté des puissants. Après les chômeurs, désormais les locataires et plus tard les allocataires du RSA, Macron a déclaré la guerre aux pauvres au lieu de s’attaquer à la pauvreté. Jamais un président n’aura mené une politique aussi anti-sociale et anti-pauvres.
Honte à ce gouvernement, honte à Macron et à ses sbires. Vous êtes le summum de l’inhumanité.

5 octobre 2022

La réforme des retraites

Nico Naf

Il n’y a aucune justification économique à réformer les retraites. Et pourtant, Emmanuel Macron a abandonné sa réforme systémique à points pour se diriger vers un changement paramétrique du système actuel en reculant l’âge légal à 65 ans. Le système de retraite a engendré un excédent de 900 millions d’euros en 2021 et affichera un surplus de 3 milliards cette année. Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) a envisagé plusieurs scénarios dont certains donnant un système à l'équilibre autour des années 2030. Pas réputé pour être progressiste, le COR considère que la réforme des retraites envisagée par Emmanuel Macron n’est ni urgente, ni essentielle.
Les raisons sont à chercher ailleurs :
- Tout d’abord, il y a la justification budgétaire. Macron veut favoriser le capital par la baisse des impôts de production (CVAE et CFE), et comme ce dernier ne veut plus et ne peut plus se permettre de créer de l’endettement à cause de la remontée des taux directeurs, il va chercher l’argent des baisses d’impôts en réformant les retraites.
- Ensuite, il y a forcément le biais idéologique. Pour les néolibéraux, il faut absolument baisser les dépenses publiques et notamment les dépenses sociales qui sont le mal absolu par excellence. Les retraites ne sont pas les seules dépenses dans le viseur, il y a également les indemnités chômage et le RSA qui devraient être diminuées. À terme est envisagé la retraite par capitalisation pour compenser la faiblesse des futures retraites. Les fonds de pension se frottent déjà les mains à l’idée de mettre la main sur le pactole.
- Il s’agit également d’une commande européenne. En effet, la réforme fait partie des recommandations de la Commission européenne et du Conseil européen. On la retrouve dans les Grandes orientations des politiques économiques (GOPE). L'enjeu est de tenir à 0,6% la hausse annuelle des dépenses publiques, comme le gouvernement l'a promis à Bruxelles en juillet dernier dans son programme de stabilité. Il s’agit également de nous rapprocher de nos voisins allemands et scandinaves où l’âge légal de la retraite est désormais fixé à 66 ou 67 ans. Ceux qui croient encore aux promesses d’une Europe sociale doivent comprendre que l’UE ne rime et ne rimera qu’avec néolibéralisme et marchés financiers. Seule la rupture avec les traités européens peut nous permettre de renouer avec des politiques sociales.
- Et dernier point et pas des moindres, c’est l’aspect politique. Emmanuel Macron veut faire sa réforme des retraites comme tous ses prédécesseurs depuis Jacques Chirac. Il s’en fiche que le système des retraites soit à l’équilibre et qu’on n'ait pas besoin de reculer l’âge de la retraite, il veut voir son nom figurer dans les livres d’histoire comme celui d’un grand réformateur à l’image d’une Margaret Thatcher au Royaume-Uni ou d’un Gerhard Schröder en Allemagne, devenant ainsi celui qui aurait réussi où ses prédécesseurs ont échoué, à transformer l’irréformable France en lui imposant enfin le modèle néolibéral que nos concitoyens ont tant refusé. L’épisode « Quoi qu’il en coûte » étant terminé, Macron peut reprendre son plan initial : loi Travail pour faciliter les licenciements et uberiser le salariat, réformes de l’assurance chômage pour contrôler les chômeurs et baisser les indemnités, diminution des cotisations sociales et des impôts sur le capital concernant les ménages et les entreprises pour attirer les investissements étrangers, conditionnement du RSA à des activités professionnelles afin d’inciter les bénéficiaires à prendre des jobs précaires, transformation de l’éducation nationale sur le modèle de l’hôpital public pour augmenter sa rentabilité et donc la réforme des retraites avec le recul de l’âge légal à 65 ans.
Il y aurait tant à dire que ces lignes ne pourront pas totalement exprimer. Car s’il y a bien une chose à comprendre, c’est que la réforme des retraites est avant tout un CHOIX POLITIQUE plus qu’une obligation économique. Il existe bien des alternatives à cette réforme. Ainsi, bien au contraire, nous devrions consacrer plus d’argent aux retraites, notamment en considérant que les premiers de corvées, dont l’utilité des métiers a été démontrée durant la crise sanitaire, pourraient bénéficier d’une retraite anticipée, et ce même avant 60 ans. Ce serait largement faisable que ce soit en augmentant les cotisations, en taxant davantage le capital... Sans oublier qu’un Etat a toujours les moyens de trouver les financements nécessaires (bien qu’il serait plus judicieux de mobiliser ces financements pour les investissements publics nécessaires à la transition écologique et aux services publics).
En fait, cette réforme des retraites sert seulement l’ego démesuré d’un président narcissique et les intérêts d’une caste dominante de vieux réactionnaires et de possédants qui veulent faire trimer et souffrir les classes populaires et les jeunes générations.
A nous, le peuple, d’exprimer notre désaccord et notre mécontentement par rapport à cette réforme. Macron et Borne n’ont pas la majorité absolue, ils ne peuvent pas se permettre de l’imposer par la force, ils manœuvrent en eaux troubles. La dissolution est seulement une menace qu’agite le président, le rapport de force est en notre faveur et celle de l’opposition. Tous unis contre ce gouvernement, nous avons les moyens de les empêcher d’agir et de mettre en œuvre cette réforme des retraites.

16 septembre 2022

La mise à mort du travail

Nico Naf

Rien ne serait plus comique que d’observer les néolibéraux en train de se faire les défenseurs de la « valeur travail » si ces derniers n’avaient pas tant annihilé le travail en dégradant les conditions des prolétaires depuis une quarantaine d’années. Il s’agit bel et bien d’un nouvel affront et d’un mépris de classe de la part de l’aristocratie financière vis-à-vis de ceux qui n’ont que leur force de travail comme source de revenus. Entendre Emmanuel Macron ou Nicolas Sarkozy évoquer la revalorisation du travail, ce serait un peu comme si Pablo Escobar et John Gotti avaient demandé à ce qu’on applique des peines plus lourdes pour les dealers de drogue et les gangsters.
Depuis la fin des années 70 et l’application des politiques néolibérales par Margaret Thatcher et Ronald Reagan qui ont été poursuivies par tous les pays membres de l’OCDE, gouvernements de gauche et de droite compris, des politiques de flexibilité du marché du travail ont été mises en œuvre. Ainsi ont été créés des boulots ultra précaires et flexibles comme les mini jobs en Allemagne, les contrats zéro heure au Royaume-Uni, les CDD à temps partiel en France, ce qui a provoqué une augmentation radicale du nombre de travailleurs pauvres. Les licenciements ont été assouplis et les conditions d’indemnisation des chômeurs ont été durcies notamment en Allemagne par les lois Hartz et en France par les lois Travail et la réforme Pénicaud de l’assurance chômage.
Mais c’est sans compter que le néolibéralisme a engendré ce que l’anthropologue David Graeber a appelé les « bullshit jobs » que l’on pourrait traduire par jobs à la con. Ces pseudo métiers surpayés de consultants, experts en marketing, avocats d’affaire, fiscalistes, lobbyistes, assistant manager... sont en réalité improductifs et ceux qui l’exercent passent leur temps à assister à des réunions, lire des mails ou rédiger des rapports ou des tableaux sur PowerPoint, à tel point que certains d’entre eux se sentant totalement inutiles tombent en dépression.
La mondialisation et la libre circulation des capitaux et des marchandises a également mis en concurrence les ouvriers et employés des pays industrialisés avec ceux des pays en voie de développement, accélérant ainsi la désindustrialisation et la tertiarisation/financiarisation des économies des pays riches d’un côté avec pour conséquences des délocalisations et du chômage de masse et produisant de l’autre une nouvelle forme d’esclavage moderne dans les pays pauvres, surtout en Asie du Sud Est. Au sein même des États, la concurrence a été organisée entre les travailleurs précaires et les migrants, certaines entreprises ne se privant pas d’exploiter au maximum la misère des sans-papiers travaillant au noir ou sous une fausse identité.
Mais le pire étant la destruction méthodique des métiers de la fonction publique : professeur, soignant, chercheur... dont la mission première est désormais de remplir des tonnes de paperasses afin de justifier leur rémunération au lieu d’exercer leur métier.
Tout cela s’est accompagné d’une nouvelle organisation du travail autour d’un management moderne déshumanisé et aliénant appliqué autant dans le secteur privé que public. Des objectifs inatteignables et des injonctions contradictoires ont été fixées pour les salariés entraînant ainsi la perte de sens, les burn out, le harcèlement des supérieurs et l’impression de faire toujours plus avec moins.
Désormais, l’horizon est encore d’aller plus loin et de développer ce que Gary Becker, économiste de l’école de Chicago et proche de Milton Friedman, appelle le capital humain, c’est à dire de développer l’ensemble des connaissances et des compétences des individus dans le but d’augmenter leur productivité et de leur assurer des revenus futurs, chacun devenant ainsi entrepreneur de lui-même. Loin de permettre aux travailleurs de devenir autonomes et d’accroître leurs capacités, le développement de la micro entreprise et de l’uberisation ces dernières années a réactualisé le travail à la tâche du XIXe siècle et a mis en perspective la faiblesse des rémunérations, la fragilité de la protection sociale, l'absence de perspectives professionnelles et les risques physiques et psycho-sociaux subis par les travailleurs des plateformes.
Le travail n’est pour les néolibéraux qu’une simple variable d’ajustement, une ligne comptable sur une fiche de paie. Les salaires sont désormais des coûts salariaux, les cotisations sociales des charges sociales. La préférence des néolibéraux va à la rente, au profit et à la compétitivité et non au travail. Si les entreprises du numérique cherchent tant à accélérer l’automatisation et la robotisation afin de remplacer l’activité humaine, c’est avant tout pour maximiser leurs profits en éliminant les coûts salariaux et ôter aux salariés tout rapport de force puisque les robots, eux, ne font jamais grève.
Loin de l’image que les néolibéraux se sont donnés comme défenseurs du travail pour écrire leur propre vérité, la réalité s’est traduite autrement dans les actes. Le capitalisme financier n’a eu pour conséquences que la mise à mort du travail, sa dépossession et la guerre des travailleurs entre eux.