Translate

Affichage des articles dont le libellé est Delhez Jean-Claude. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Delhez Jean-Claude. Afficher tous les articles

12 juin 2025

GUERRE : LES POLITICIENS CONTRE LE PEUPLE

Jean-Claude Delhez

-11/6/2025- Je viens de voir passer deux sondages récents. Au Royaume-Uni, la majorité des sondés s'est prononcée contre une augmentation des dépenses d'armement. En Italie, une grande majorité de la population est opposée au soutien militaire à l'Ukraine. Pourtant, le pouvoir fait l'inverse. Meloni soutient Kiev (mollement, certes). Et Starmer projette de faire grimper le budget de la Défense jusqu'à 3,5% du PIB.
Voilà qui me rappelle 2003. Bush allait envahir l'Irak. Il s'était trouvé des alliés en Europe, notamment Berlusconi en Italie, Blair au Royaume-Uni et Aznar en Espagne. Là aussi, la population de ces pays européens était opposée à la guerre. Et cela alors qu'elle subissant (déjà) un bourrage de crâne belliciste : la menace de la puissante armée irakienne et des armes de destruction massive de Saddam Hussein. Malgré l'opposition populaire, ils y sont quand même allés, à la guerre. Et ça a donné la catastrophe que l'on sait.
La guerre, le politicien aime ça. Il fallait voir Bush tout guilleret dans son blouson d'aviateur, sur un porte-avions américain du Golfe, après la défaite de l'Irak. Ou Hollande à Tombouctou, après l'intervention française de 2013 au Mali (qui n'a rien résolu, c'est peu de le dire). Le politicien est un être de pouvoir, de hiérarchie, de domination. La guerre aussi est un rapport de force, de pouvoir. D'autant qu'il ne s'agit pas ici de se défendre : personne n'envahit l'Italie, l'Espagne ou le Royaume-Uni, ne fait irruption au cœur de l'Europe pour y égorger vos filles et vos compagnes. Il s'agit d'attaquer. Le politicien aime la guerre plus que le peuple. Il aime les rapports de domination. Et les rapports de domination sont l'inverse de la démocratie.

7 juin 2025

LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE, CE N'EST QUE ÇA

Jean-Claude Delhez

-7/6/2025- Le président brésilien Lula vient d'effectuer une visite d'État en France. Lors d'une conférence de presse commune, devant un président français muet, il a exprimé ce qu'il avait sur le cœur au sujet de la situation internationale au Proche-Orient, en Europe de l'Est et en Amérique centrale, appelant à la fin des conflits. Un mois plus tôt. Lula était à Moscou, pour la commémoration de la victoire de 1945, aux côtés de Vladimir Poutine (et de Xi Jinping). Car le Brésil n'est pas aligné sur la posture occidentale. Une posture occidentale minoritaire si l'on considère la planète entière, les pays des cinq continents.
Prenons un exemple. La carte que je joins dessine en rouge les pays qui participent aux sanctions contre la Russie : l'OTAN et ses alliés du Pacifique. Ce sont eux qui se sont baptisés « la communauté internationale ». Ils présentent leur attitude comme ayant valeur universelle ; celui qui ne s'y conforme pas serait hors la loi. À titre de comparaison, ce qu'on appelle les BRICS, une union qui regroupe d'autres pays de la planète, compte 3,6 milliards d'habitants, sur un total de 8 milliards d'humains, soit près de la moitié de l'humanité. Ou encore : les pays représentés au défilé du 9 mai à Moscou (y compris l'Inde dont le président fut retenu par le conflit avec le Pakistan) cumulent 52% de la population humaine. La « communauté internationale », elle, compte 1 milliard d'habitants, soit 12,5% de l'humanité.
En matière économique, les BRICS, c'est entre un tiers et 40% du PIB mondial. L'économie des BRICS vient de dépasser celle des pays du G7 (USA + Japon + grands pays européens). Et l'écart ne va faire que se creuser, notamment avec la croissance économique constante de la Chine. On n'en parle guère dans les médias occidentaux, mais la Chine ne cesse d'innover. Elle a dépassé les USA en nombre de brevets d'invention. Il ne se passe pratiquement plus une semaine sans qu'arrive de ce pays l'annonce d'une nouvelle avancée technologique ou économique. Pendant ce temps, l'Occident, lui, ne rêve que batailles, conflits et armements.
L'Occident se veut référence mondiale. Ses valeurs, ses intérêts, ses actions doivent s'appliquer à la terre entière. Une terre entière à laquelle on ne demande pas son avis. Et parmi ces valeurs supposées universelles, il y a bien sûr la démocratie, les droits humains, la souveraineté des États, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes... On se souvient que c'était pour offrir la démocratie à l'Irak que Georges Bush Jr lui avait déclaré la guerre en 2003. Il est d'ailleurs de coutume d'appeler les USA le gendarme du monde. Mais lorsque celui qui fait respecter les règles est en même temps celui qui les définit, où est la démocratie, où est la souveraineté des États ?
La communauté internationale n'existe pas. C'est une posture des pouvoirs qui vise à faire croire qu'ils sont légitimes, qu'ils agissent au nom de tous. Ils vont dire, par exemple, que tel pays (du côté de l'est, c'est toujours par là que ça se passe) ne respecte pas les sanctions internationales. C'est vilain, il piétine le droit, ce pays. Or, il n'y a pas de sanctions internationales. Il y a des sanctions unilatérales, décidées par tel pays ou tel groupe de pays.
Pour qu'il y ait décision internationale, il faudrait que la directive vienne de l'ONU. Or, cette pauvre ONU, depuis plusieurs années, est bien à la peine. On n'en parle pour ainsi dire plus. C'est comme si les Nations Unies avaient cessé d'exister. Il faut dire que le droit international, dont aime à se réclamer le pouvoir médiatico-politique, est régulièrement violé, et par ceux-là mêmes qui s'en revendiquent. Quand Bush et ses alliés européens envahissent l'Irak en 2003, ils le font sans avoir été agressés par l'Irak et sans mandat de l'ONU, donc en violation du droit international. Quand les occidentaux bombardent la Libye en 2011, ils le font avec un mandat de l'ONU qui les autorise à protéger la population libyenne, et non à faire tomber le régime en place. Quand l'OTAN intervient militairement pour détacher le Kosovo de la Serbie, il n'agit pas autrement que lorsque la Crimée passe de l'Ukraine à la Russie.
La communauté internationale, ce n'est plus qu'une minorité qui se raconte des histoires, qui se prend pour le centre d'un monde qui évolue de plus en plus sans elle.

6 juin 2025

EUROPE : 51e ÉTAT DES USA

Jean-Claude Delhez

-6/6/2025- Le site Blast s'est intéressé à des documents révélés par l'enquête Wikileaks, mais non exploités jusque-là. Ce sont des télégrammes diplomatiques américains que Chelsea Manning avait fait suivre à Julian Assange. Ils concernent le P.S. français.
Les politiciens socialistes sont des visiteurs habituels de l'ambassade américaine à Paris. Au moment où Jacques Chirac et Dominique de Villepin dirigent la France, ils vont faire leur cour auprès de l'administration US, qui relève alors du président républicain et néo-conservateur Bush junior. Ils font entendre aux diplomates américains que si eux, socialistes, étaient au pouvoir, ils conduiraient une politique bien plus favorable aux USA que celle de Chirac et Villepin, qui s'étaient opposés à la guerre en Irak (2003). Qui sont ces politiciens ? Il y a du monde qui défile à l'ambassade : François Hollande, Ségolène Royal, Pierre Moscovici, Lionel Jospin, Bernard Kouchner, Michel Rocard, Hubert Védrine, Alain Richard, Dominique Strauss-Kahn et François Rebsamen. Bernard Koucher profita de ses visites à l'ambassadeur pour suggérer aux USA de soutenir sa candidature à la direction de l'Organisation mondiale de la Santé. Il n'y a pas de petit profit...
Les chaudes relations entre USA et PS ont conduit le parti politique français, à la demande des Américains, à modifier sa campagne en faveur du traité constitutionnel européen de 2005, pour y mettre en sourdine l'argumentaire défavorable aux USA.
Les télégrammes ainsi décodés ne concernent que les années 2005 et 2006. Peu après, en 2007, Sarkozy devient président. On sait qu'au moment de son élection, lui aussi était allé à l'ambassade américaine. C'était pour faire avaliser son programme politique par les USA. On se souvient, parmi d'autres choses, que c'est Nicolas Sarkozy, américanolâtre s'il en est, qui réintègrera la France dans le commandement de l'OTAN, dont De Gaulle l'avait exclue en 1966.
Au rayon de ces servitudes volontaires européennes, l'un d'entre vous m'avait signalé que le patron des écologistes belges était aussi allé à l'ambassade américaine de son pays pour faire avaliser le programme de gouvernement de son parti.
Parmi tous ces visiteurs des ambassades américaines, on retrouve donc un éventail politique et géographique assez large. Il ne s'agit là que de quelques informations récoltées à droite, à gauche. On peut penser que ce n'est que la face émergée de l'iceberg. C'est-à-dire qu'il est de coutume, dans les partis politiques européens, d'aller faire allégeance à l'ambassade des Etats-Unis. Discrètement. Ceux qui le font ne s'en vantent pas.
Toutes ces visites intéressées semblent nous dire que les programmes politiques à appliquer en Europe doivent recevoir l'aval de Washington (plutôt que celui des électeurs européens).
C'est le retour de balancier de l'Histoire. Dans le passé, l'Amérique était une colonie européenne, dirigée par des gouverneurs britanniques, français, espagnols... Aujourd'hui, c'est l'Europe qui est une colonie états-unienne.


5 juin 2025

LE CULTE DE LA PERSONNALITÉ

Jean-Claude Delhez

-4/6/2025- Avez-vous noté cette distorsion ? Quand un pouvoir politique s'exprime, il peut le faire par plusieurs voix différentes. C'est du moins le cas en Europe. Ainsi, la parole peut-être portée par le chef de l'État, par le premier ministre, par le ministre en charge du dossier ou encore par le porte-parole du gouvernement. C'est la même chose en Russie. La position du pays peut être exprimée par le président (Poutine), par le vice-président (Medvedev), par le ministre des Affaires étrangères (Lavrov) ou encore par le porte-parole du Kremlin (Peskov). Que les médias occidentaux focalisent sur Poutine, parce qu'ils trouvent cela plus vendeur, ne tient qu'à leur volonté. De même qu'il ne tient qu'à leur volonté de ne pas relayer la plupart des déclarations officielles russes, de façon à pouvoir forger de toutes pièces des intentions qu'ils leur prêtent.
Et l'Ukraine dans tout cela ? Si je vous demandais qui est le premier ministre du pays, qui est le ministre des Affaires étrangères, qui est le ministre de la Défense, vous seriez bien en peine de répondre. Si je vous montrais leurs photos, vous ne pourriez pas les reconnaître. Parce que l'Ukraine n'est incarnée que par une seule personne, son président. Et, dans ce cas, ce n'est pas un choix des médias occidentaux, c'est un choix de Zelensky lui-même. Il est pour ainsi dire le seul à parler au nom de l'Ukraine. Et il ne s'en prive pas. On a droit à son intervention presque chaque jour de l'année depuis 2022 (à croire que la télévision est livrée avec Zelensky à l'intérieur...).
La technique qu'il emploie n'est pas anodine. Son mode de communication habituel est le face caméra, en plus ou moins gros plan, et seul, sans la moindre personne autour de lui. Ces temps-ci, il a une préférence pour la contre-plongée, une technique qui magnifie le sujet, le place en position de dominant. Il met en scène une personnification du pouvoir. À la mode soviétique, mais avec des moyens modernes. On se souvient que, par son premier métier, Zelensky est un comédien et un homme de télévision.
Vous noterez le paradoxe dans le discours médiatique occidental. Zelensky est présenté comme le démocrate, par opposition au pouvoir russe. Et la manière dont ce démocrate s'exprime, c'est la négation de toute personne autre que lui, c'est le pouvoir d'un seul homme, du chef, le culte de la personnalité.

2 juin 2025

PROPAGANDE MÉDIATIQUE : UN EXEMPLE

Jean-Claude Delhez

-2/6/2025- Ce dimanche, Kiev a lancé une double attaque sur le sol russe. 1) Des saboteurs ont fait sauter deux ponts dans la région de Koursk au moment du passage de convois civils, dont un train dans lequel plusieurs dizaines de passagers ont été tués ou blessés. 2) Des drones, infiltrés en Russie, dans des semi-remorques, ont attaqué plusieurs bases aériennes où ils ont détruit des bombardiers. Kiev a expliqué que l'opération était préparée depuis plus d'un an par le SBU, le service secret ukrainien.
La couverture médiatique de ces événements en Occident est demeurée relativement discrète et purement factuelle. En quoi serait-ce de la propagande ? Pour le comprendre, voici un exercice très simple. Inversons les rôles. On va dire que ce sont les Russes qui sont les auteurs de ces deux attaques et qu'elles ont donc eu lieu en Ukraine. Quel aurait été la réaction médiatique ? Elle aurait revêtu deux formes. 1) Ces attaques ont lieu la veille même de la réunion d'Istanbul où Ukrainiens et Russes doivent discuter de la paix. C'est donc un sabotage caractérisé de ces pourparlers, de la part des Russes. C'est bien la preuve que Moscou ne veut pas la paix et fait tout, y compris des attaques massives dans la profondeur du territoire adverse, pour que la guerre se poursuive. D'autant que ces attaques étaient en préparation depuis plus d'un an et qu'elles pouvaient donc se déclencher n'importe quel autre jour que, justement, la veille des pourparlers de paix. 2) Les sabotages contre des ponts sont des actes terroristes du régime du Kremlin. Ils visent des infrastructures civiles, et non des objectifs militaires, et provoquent la mort ou la blessure de dizaines de civils innocents, y compris des enfants. Voilà à nouveau une preuve du caractère assassin du régime russe, qui n'hésite pas à cibler volontairement des civils, ce qui justifie qu'il ait un jour à rendre compte de ses actes devant la Justice.
En résumé : Selon que vous serez russe ou ukrainien, les jugements de presse vous rendront blanc ou noir.

31 mai 2025

UN PRIX POUR URSULA

Jean-Claude Delhez

-31/5/2025- Ursula von der Leyen vient de recevoir le prix Charlemagne, qui récompense une personnalité remarquable œuvrant en faveur de l'Europe. Le bon Charlemagne me le confiait encore ce matin : cela aurait été dommage de ne pas le lui décerner. Il y a 15 jours à peine, la Cour de justice de l'Union européenne la condamnait pour rétention d'informations au sujet du contrat pharamineux qu'elle avait attribué à la société américaine Pfizer, à l'époque du covid. À propos de société américaine, elle fut soupçonnée d'autres malversations, avec McKinsey, cette fois, à l'époque où elle était ministre de la Défense à Berlin. À la tête de la Commission européenne, elle place ses amis aux frais des citoyens, à l'exemple de Markus Pieper, qu'elle nomme l'an dernier à un emploi fictif, avec salaire mensuel de 20.000 euros (une misère, à côté des 35.000 euros de la présidente). Elle est pointée du doigt depuis plusieurs années pour ses goûts de luxe, ses voyages en jet privé, aux frais des citoyens à nouveau. Autre critique récurrente : l'opacité de son action. Elle qui n'est pas élue prend, de plus en plus, des décisions toute seule dans son coin, décisions qui engagent une communauté d'un demi milliard d'habitants. Pour ne rien dire des nombreux contrats d'association qu'elle a signés avec des dictateurs d'Afrique et du Moyen-Orient.
Voilà un palmarès qui n'est pas à la portée du premier venu. Si je peux me permettre une légère critique : le prix Charlemagne, c'est un peu mesquin. Avec une personnalité d'une telle stature, le prix Gengis Khan s'imposait. Ou le prix Attila. C'est bien aussi, le prix Attila.

29 mai 2025

LE MONDE CHOISI PAR LES USA

Jean-Claude Delhez

-29/5/2025- La Rand Corporation est une importante société de conseil américaine en matière technologique, économique et militaire. En 2019, elle a rendu un rapport intitulé « Overextending and unbalancing Russia », en d'autres termes : Comment épuiser et déséquilibrer la Russie en lui imposant des coûts de divers types. Destiné aux décideurs politiques et militaires américains, ce rapport s'inspire de la stratégie mise en œuvre pendant la Guerre froide pour vaincre l'Union soviétique. Elle consiste à identifier les vulnérabilités de la Russie actuelle afin de prendre les mesures adéquates entraînant Moscou à s'enfoncer dans ses faiblesses.
La Rand Corporation identifie trois grands axes d'affaiblissement de la Russie : l'économie, la géopolitique et le militaire. En matière économique, il s'agit de reproduire une manœuvre de la Guerre froide : pousser le prix des hydrocarbures à la baisse pour réduire les revenus que Moscou en retire à l'exportation. Dans ce domaine, elle propose aussi de réduire les commandes de gaz russe par l'Europe en lui substituant du gaz naturel liquéfié (GNL). Enfin, la Rand suggère d'augmenter les sanctions financières et commerciales contre la Russie, une mesure qui ne portera des fruits que si les alliés des USA y participent.
Dans le domaine géopolitique, la Rand trouve quelque intérêt à inquiéter la Russie en s'en prenant à des alliés de Moscou, comme la Biélorussie, la Syrie ou la Transnistrie (en Moldavie). Mais elle considère que l'action majeure à adopter consiste à armer l'Ukraine. Elle prévient toutefois qu'il faut le faire avec modération (on est en 2019) sans quoi Moscou pourrait entrer en guerre contre Kiev et se trouver alors dans une position militaire qui lui est favorable.
Enfin, dans le domaine militaire, la Rand propose de rééditer le coup de la Guerre froide : une course aux armements avec la Russie, afin de l'épuiser. À cela s'ajoute la création de menaces sur les frontières russes : déploiements d'avions de combat à proximité, de troupes et de manœuvres de l'OTAN, présence navales en mer Noire...
Ce rapport date de 2019. Cela fait alors cinq ans qu'a éclaté la guerre civile du Donbass. Le premier mandat de Trump en est à sa moitié et, en Ukraine, Zelensky est élu président. L'invasion russe, elle, n'interviendra que trois ans plus tard.
Il faut constater à quel point les suggestions de la Rand Corporation sont devenues réalité. Tout ou presque a été appliqué par les politiciens occidentaux, depuis la substitution du gaz russe par le coûteux et polluant GNL américain, en passant par la menace otanienne aux frontières russes, les sanctions économiques auxquelles les Européens n'ont pas manqué de participer et, bien sûr, l'armement de l'Ukraine.
Après le rapport d'ISW dont je parlais hier, voilà qui pose à nouveau la question de l'indépendance des pays européens, ou plus exactement des liens de soumission entre ses politiciens et les officines américaines qui pèsent sur la politique internationale, au bénéfice des intérêts de Washington. Vous aurez noté, par ailleurs, que le rapport de la Rand Corporation ne se donne pas pour projet la démocratie, la liberté ou le respect du droit international (en Ukraine ou ailleurs), à la manière du conte angélique que nous répètent médias et politiciens depuis des années, mais l'affaiblissement de la Russie par tous les moyens possibles, y compris les moins avouables.

27 mai 2025

RAPHAËL GLUCKSMANN ET L'OTAN

Jean-Claude Delhez

-27/5/2025- En 2008, au sommet de Bucarest, l'OTAN prend une décision lourde de sens : l'Ukraine et la Géorgie ont vocation à rejoindre le pacte militaire atlantique. L'ancien ministre Pierre Lellouche a révélé récemment que cette adhésion était le projet du président Georges Bush junior et des néo-conservateurs américains. Ce sont les Européens (d'alors) qui l'ont réfréné en lui faisant voir qu'une adhésion immédiate de ces deux anciennes républiques soviétiques pourrait conduire à un conflit avec Moscou.
Quatre mois seulement après cette décision de l'OTAN, en août 2008, la Géorgie voit arriver un jeune conseiller français de 28 ans, Raphaël Glucksmann. Cornaqué par Bernard Henri Lévy, Glucksmann vient se mettre au service du président géorgien Mikael Saakachvili. Saakachvili est un politicien néo-libéral, favorable à l'OTAN. Les liens du jeune Français avec le régime géorgien ne se démentent pas puisque, quatre ans plus tard, Glucksmann épouse la ministre de l'Intérieur de Saakachvili, Eka Zgouladze. Peu après, le couple quitte la Géorgie pour s'installer en Ukraine. A la fin de l'année 2013, ils sont à Kiev pour participer aux manifestations de Maïdan, des manifestations qui vont renverser le président ukrainien quelques mois plus tard. Ou du moins sera-t-il renversé par un coup d'Etat ourdi par les USA, le parti de Ioulia Tymochenko et des milices nationalistes. Glucksmann se présente alors lui-même comme « conseiller en révolutions ».
Avec la mise en place d'un gouvernement pro-américain à Kiev en 2014, on y voit arriver une série de Géorgiens. Il y a l'ancien président Saakachvili, qui a perdu les élections en 2013. Surtout, il est recherché par la justice de son pays. Il s'enfuit d'abord aux USA puis arrive en Ukraine. Il troque sa nationalité géorgienne contre la nationalité ukrainienne ce qui lui ouvre la place de gouverneur d'Odessa. Madame Glucksmann fait de même : elle abandonne sa nationalité géorgienne pour devenir ukrainienne et fait ainsi sont entrée parmi le gouvernement de Kiev, en décembre 2014, comme ministre de l'Intérieur. Elle aura ainsi été successivement ministre de l'Intérieur de deux pays différents, ceux visés par la décision de l'OTAN en 2008. Quant à son mari français, il poursuit ce qu'il avait commencé en Géorgie ; il conseille les politiciens ukrainiens : le maire de Kiev et ancien boxeur Vitali Klitchko et l'ancienne première ministre Ioulia Tymochenko (voir photo). En 2016, Eka Zgouladze abandonne son poste ministériel au sein du gouvernement ukrainien. Elle est divorcée depuis peu de Raphaël Glucksmann. Mikael Saakachvili, lui, quitte ses fonctions ukrainiennes au même moment et, après de multiples péripéties, finit en prison en Géorgie où il croupit toujours actuellement.
Revenons-en au parcours de Raphaël Glucksmann et à ses motivations. Il faut savoir qu'avant de se découvrir récemment socialiste, il avait commencé sa carrière du côté de la droite libérale et atlantiste ; il est d'ailleurs le fils du philosophe libéral André Glucksmann. Avant son arrivée en Géorgie en 2008, il était collaborateur d'une revue française néo-conservatrice et pro-américaine (« Le meilleur des mondes »).
Est-ce le hasard qui explique la présence de ce néo-conservateur atlantiste dans les deux pays ciblés par les néo-conservateurs américains de Georges Bush à partir de 2008 ? Par quel concours de circonstances arrive-t-il à Kiev avec toute une colonie géorgienne au moment même où Washington y prépare le coup d'Etat de Maïdan ? Quel rôle joue-t-il dans cette affaire de Maïdan dont on sait aujourd'hui que Washington et l'opposition ukrainienne y ont fait tirer sur la foule, sous faux drapeau, afin de renverser le pouvoir ? Cette opposition est justement celle de Ioulia Tymochenko, dont Raphaël Glucksmann devient ensuite le conseiller. Glucksmann est-il un naïf embarqué dans un événement qui le dépasse, ou un complice des sanglantes ingérences américaines ? En tout cas, le temps qui passe ne l'a pas changé puisqu'il demeure aujourd'hui un partisan acharné de la guerre en Ukraine et de l'ingérence en Géorgie.

26 mai 2025

L'INGÉRENCE AMÉRICAINE EN UKRAINE

Jean-Claude Delhez

-26/5/2025- L'un d'entre vous a signalé un intéressant article consacré au rôle joué en Ukraine par la « Fondation nationale pour la démocratie ». La NED (en anglais « National Endowment for Democracy ») a été fondée par le président Reagan pour développer l'influence américaine sur le reste du monde sans avoir recours à la CIA. Elle est financée par le programme USAID (dont on a beaucoup parlé dernièrement). Son mode d'action consiste à créer des ONG dans des pays qui résistent à l'influence américaine afin de susciter l'arrivée au pouvoir de gouvernements plus favorables à Washington et à son modèle économique (voilà qui explique pourquoi certains pays de l'est de l'Europe adoptent des lois de contrôle des ONG étrangères).
Le journaliste libanais Ali Hassan Mourad s'est penché sur les archives récentes de la NED consacrées à l'Ukraine. Déjà avant les manifestations de la place Maïdan à Kiev (2014), la NED investissait dans le pays en y fondant et finançant des ONG pro-occidentales. Ainsi, le budget y consacré en 2013 s'élevait-il à 2,8 millions de dollars. Il passe à 4,5 millions en 2014, dans le but d'impacter les élections. En vue du futur renversement du régime, la NED fonde trois chaînes de télévision dès novembre 2013 : Spilno TV, Espreso TV et Hromadske TV. Elles incitent la population à s'opposer au régime en place et à descendre dans la rue pour protester, éventuellement par des méthodes violentes. La NED finance aussi l'« Institut d'information de masse » pour qu'il s'implique dans le soulèvement.
Une fois le renversement du régime obtenu grâce à Maïdan, la NED poursuit son action afin de formater le nouveau pouvoir ukrainien conformément aux intérêts des USA. Il s'agit de créer des partis politiques qui s'alignent sur les intérêts de Washington, d'inspirer une politique économique néolibérale (« thérapie de choc » : privatisations, augmentation des inégalités...) et de cibler le voisin russe. L'arrivée au pouvoir de Joe Biden, en 2021, accroît encore cette politique, avec un budget annuel porté à près de 6 millions. Le but est alors de générer des médias, des activistes et des personnalités civiles qui vont contredire le discours de Moscou sur la guerre civile du Donbass, et susciter opposition et hostilité vis-à-vis de la Russie.

25 mai 2025

UN OBSERVATEUR FRANÇAIS DANS LE DONBASS TÉMOIGNE

Jean-Claude Delhez

-25/5/2025- Je vois passer ces derniers temps, grâce à de nombreux internautes, des liens vers des témoignages disponibles sur YouTube. Ce sont des entretiens, parfois assez longs, avec des hommes qui, pour une raison ou une autre, se sont rendus en Ukraine ou en Russie ces dernières années. Des témoignages intéressants si l'on prend le temps de les écouter. Je pense par exemple à la chercheuse ukrainienne Marta Havryshko (étudiant la dérive du nationalisme de son pays), à l'écrivain suisse Jean-Christophe Emmenegger, qui a vécu à Marioupol, ou encore à un journaliste allemand (dont le nom ne me revient malheureusement pas). Il y a aussi le remarquable entretien radiophonique d'Anne-Laure Bonnel par la Radio libre suisse (mais il ne faut pas la citer car Wikipédia dit que c'est une propagandiste russe...). C'est encore un autre que je relaie ici.
Benoît Paré est un ancien fonctionnaire et militaire français. Il fut observateur en Ukraine pour le compte de l'OSCE, l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe. C'était avant l'invasion russe. Pendant la guerre du Donbass. Une guerre qui dura 8 ans, de 2014 à 2022, opposant l'armée ukrainienne aux séparatistes russophones de cette région du Donbass. C'est pendant ce conflit que furent négociés les différents accords de Minsk, pour tenter de résoudre le conflit. Les observateurs de l'OSCE ont été envoyés près du front afin de rendre compte de ce qu'il s'y passait et de vérifier l'application des mesures décidées à Minsk.
Je me contente de pointer quelques-unes des nombreuses informations révélées par Benoît Paré (qui en a fait un livre de 766 pages : « Ce que j'ai vu en Ukraine »). Pour rappel, le conflit du Donbass a fait 14.000 morts, militaires et séparatistes confondus, dont 3.400 civils russophones. Les accords de Minsk ont imposé des trêves dans les combats, trêves qui ont été violées. Les observateurs de l'OSCE, avaient notamment pour mission de tenir un décompte régulier des attaques et des victimes. Benoît Paré explique que, dans trois cas sur quatre, l'auteur en était l'armée ukrainienne et non les séparatistes. Mais les rapports de terrain ont été modifiés, à la demande de la hiérarchie, pour devenir des publications plus favorables à l'armée ukrainienne. Benoît Paré témoigne de la présence, parmi les observateurs de l'OSCE, d'Américains, dont l'un au moins appartenait à une société écran de la CIA. Un constat qui me pose la question suivante : L'OSCE étant un organisme indépendant œuvrant en Ukraine, s'il est si simple d'en transformer les rapports, que faut-il penser des autres organismes de ce type et de leurs rapports ?
Benoît Paré a également assisté aux procès organisés par la justice ukrainienne pendant toutes ces années. C'est ainsi qu'il a noté que lorsque le prévenu était un Ukrainien de langue russe, il était condamné d'office, tandis que les juges se faisaient bien plus cléments pour ceux de langue ukrainienne, à l'image de ce personnage ayant participé au massacre de la maison des syndicats à Odessa, qui sera laissé en liberté.
Dans cette justice, Benoît Paré pointe le rôle du SBU. Le SBU, ce sont les services secrets ukrainiens. Il les décrit comme héritiers du KGB, disposant d'un pouvoir exorbitant, une sorte d'État dans l'État. Ces services intervenaient notamment pour monter des dossiers à charge afin de faire condamner des Ukrainiens russophones. Autant le SBU disposait (et dispose sans doute toujours) d'un pouvoir considérable, autant il n'est lui-même soumis à aucune enquête, aucun contrôle.
Dernier point que je souligne : la violation des trêves. Benoît Paré rapporte la violation des trêves par l'armée ukrainienne. Et notamment celle de 2022. La situation commençait alors à se tendre avec la Russie. Au point que Poutine s'était plaint publiquement de ces violations, du sort réservé aux habitants du Donbass, et qu'il et avait durci le ton face à Kiev. Benoît Paré note alors que l'armée ukrainienne a multiplié les agressions contre le Donbass dans la période qui a suivi le discours de Poutine, comme s'il s'agissait de pousser la Russie à l'intervention militaire. Il cite à ce sujet les paroles d'Oleksiy Arestovytch, conseiller en communication de Zelensky, qui avait affirmé qu'une guerre avec la Russie était indispensable pour que l'Ouest accepte d'intégrer l'Ukraine dans l'OTAN. Il rapporte également que l'escalade en Ukraine fut patente à partir de l'arrivée au pouvoir de l'administration Biden, en 2021.

21 mai 2025

L'ART AU SERVICE DU POUVOIR

Jean-Claude Delhez

20/5/2025- Le Festival de Cannes déroule le tapis rouge pour un grand cinéaste français, par ailleurs philosophe majeur, diplomate officieux des présidents Macron et Sarkozy et président du comité de surveillance d'Arte. Vous savez, l'époux d'Arielle Dombasle. Accessoirement, mais on ne va pas ennuyer la jet set cannoise avec ça, Bernard Henry Lévy fait l'objet d'une enquête du parquet de Paris pour avoir tapé dans la caisse d'Arte afin de financer ses propres films ; le tribunal correctionnel de Paris l'avait débouté, il y a 3 ans, d'une plainte contre le journaliste Denis Robert qui accusait BHL d'avoir touché des pots de vin du Qatar ; il est l'un des responsables de la guerre civile qui meurtrit la Libye depuis 14 ans ; et il claironne de tous côtés son soutien à la politique actuelle de Netanyahou. Un humaniste, en somme.
Ainsi donc, BHL est au festival de Cannes. Pourquoi ? Pour y présenter son dernier documentaire. Sur quel sujet ? La guerre en Ukraine, évidemment ; sujet qui est aussi devenu le fonds de commerce de la chaîne dont il préside le conseil de surveillance. Sujet que connaît BHL depuis longtemps puisqu'il foulait déjà un autre tapis rouge, il y a une décennie : celui déroulé aux investisseurs occidentaux en Ukraine, après le brutal changement de régime à Kiev, en 2014. Serait-il de parti pris sur le sujet ? Pas de soucis : le cinéma, c'est la liberté, c'est un art ouvert à toutes les opinions, c'est une discipline qui ne connaît pas les frontières, qui aime toutes les cultures. Libre à d'autres de s'exprimer comme bon leur semble sur la croisette cannoise. Mais Thierry Frémaux, le directeur du festival, rappelle tout de même une base : les films produits en Russie sont interdits.
Comme quoi, tous les arts ne se valent pas. Il faut distinguer l'art autorisé de celui qui ne l'est pas, la parole écoutée du silence imposé. M. Frémaux a bien raison de mettre bon ordre dans le métier. L'ordre, il n'y a que ça de vrai. D'ailleurs, il n'est pas le premier à le faire. Par le passé, les films américains ont été interdits. Vers 1942. En territoire occupé. Et l'on faisait une saine distinction entre l'art officiel et l'art dégénéré. Tandis qu'on se réchauffait à la flamme de quelques livres choisis avec discernement.
Le milieu du cinéma connaît bien cette citation d'André Malraux, en conclusion d'une étude de référence sur le métier : « Le cinéma est un art. Par ailleurs, c'est aussi une industrie ». Et c'est quelque fois une propagande, aurait pu ajouter celui qui créa, avec le général de Gaulle, le ministère de la Culture. C'était en 1959. L'année précédente, en pleine guerre froide entre l'Est et l'Ouest, la palme d'or était attribuée à Mikael Kalatozov, pour le film « Quand passent les cigognes ». Un film soviétique.

ROUMANIE : L'INGÉRENCE ÉTRANGÈRE

Jean-Claude Delhez

-21/5/2025- Le destin des politiciens, quel que soit le pays ou le parti, m'est égal. Ce qui m'intéresse, c'est ce qu'on nomme, à tort, la démocratie, puisque ça n'en est pas une. Le cas récent de la Roumanie présente à cet égard une mécanique qui mérite que l'on s'y attarde un peu.
Rappel de l'affaire. Une élection présidentielle à 2 tours. Au 1er tour, un candidat méconnu arrive en tête (Calin Georgescu). On parle alors d'une ingérence russe qui aurait pu fausser le résultat du scrutin. L'élection est annulée. On en programme une autre. Le candidat méconnu ne peut plus s'y présenter ; il y est remplacé par un autre (Georges Simion). Celui-ci obtient 40% au premier tour, contre 20% pour celui qui arrive en seconde place. Les deux sont qualifiés pour le second tour qui s'est déroulé ce dimanche.
J'ouvre ici une parenthèse pour spécifier que, dans ce qui est appelé une « supposée ingérence russe », le mot important est « supposée ». Selon une enquête journalistique, relayée par l'émission « Envoyé spécial » du 24 avril, il s'agit en fait de la manipulation d'un parti roumain au pouvoir (le parti national libéral), via une agence de communication britannique. Fin de la parenthèse.
Entre les deux tours de la récente élection, une politicienne française déclare : « On va tout faire sur le terrain pour s'assurer que le prochain président roumain soit pro-européen ». Celle qui annonce cela est Valérie Hayer, qui dirige le groupe macroniste au Parlement européen. Puis c'est Emmanuel Macron lui-même qui monte au feu, en téléphonant à ce candidat (Nicosur Dan) quelques jours avant le 2e tour de l'élection.
À ce stade, notez une chose. Quand Elon Musk a soutenu publiquement le parti AfD en Allemagne, on a dénoncé l'ingérence étrangère. Ce que viennent de faire Hayer et Macron, c'est la même chose.
Ensuite, ça vous a peut-être échappé mais une annonce officielle a eu lieu dimanche, au moment du 2e tour de cette élection roumaine. Lors de la fermeture des bureaux de vote, et avant que le résultat ne soit connu, le ministère de l'Intérieur roumain a annoncé que le scrutin avait été la cible d'une ingérence russe. Encore une. Et puis, une fois le résultat connu, on n'a plus parlé nulle part de cette supposée deuxième ingérence.
Etant donné ce que l'on sait de la « supposée première ingérence russe », on se doute de la valeur qu'il faut accorder à la seconde. Mais, jouons quand même le jeu, comme si tout ça était sérieux, et qu'on ne nous prenait pas pour des imbéciles. Alors, de deux choses l'une. Ou bien, comme le pouvoir roumain le prétend, il y a bien une ingérence russe. À ce moment-là, il doit réagir de la même manière qu'au moment de la première élection : annuler le scrutin. Ou bien, il n'y a pas d'ingérence russe. Et alors, c'est le gouvernement roumain qui ment. Se pose alors la question de savoir pourquoi il ment. Je suggère une hypothèse : pour pouvoir annuler le scrutin au cas où le candidat de l'opposition arriverait en tête.
Dans tous les cas de figure, cette élection est une farce, du début à la fin. Une farce saluée avec enthousiasme, dès le lendemain, par les Macron, von der Leyen et consorts. Notez qu'avant même tout cela, la population roumaine n'avait déjà pas confiance dans le système politique et les élus de son pays. Malheureusement, il n'y a pas qu'elle qui a matière à se plaindre. Quant au responsable de l'ingérence, Emmanuel Macron, son puissant idéal de justice avait été choqué par la récente intervention de Musk dans les affaires allemandes. « Il existe désormais une internationale réactionnaire » avait-il lancé alors. Il y a aussi une internationale des fossoyeurs de la démocratie. Il le sait d'autant mieux qu'il en fait partie.

https://www.youtube.com/watch?v=23gdw0_pLJk (à partir de la 22e minute) ↴

19 mai 2025

BIENVENUE DANS « FAHRENHEIT 451 »

Jean-Claude Delhez

-19/5/2025- Cette capture d'écran circule en ce moment. Elle montre un instant de télévision. On y apprend au téléspectateur comment reconnaître les espions russes autour de lui. C'est ainsi qu'on découvre que les personnes solitaires ou socialement marginalisées sont susceptibles de cacher des espions russes. La chaîne qui diffuse cela est LCI, filiale de TF1, qui appartient au groupe Bouygues.
Certains connaissent ce film de François Truffaut, « Fahrenheit 451 ». Il date de 1966 et il est interprété par l'Autrichien Oskar Werner et la Britannique Julie Christie. C'est l'adaptation d'une nouvelle de l'écrivain américain Ray Bradbury (1953).
L'oeuvre décrit une société imaginaire, construite sur le contrôle du savoir. Il n'existe qu'un canal d'information : une chaîne de télévision. Ses programmes récompensent ceux qui adoptent la pensée présentée comme dominante. Dans cette société, le livre n'existe pas. Ou du moins est-il interdit. Et le rôle des pompiers est inversé ; ils ont pour mission de trouver et brûler les livres qui seraient cachés chez des habitants. Ces habitants-là, une fois démasqués, sont considérés comme des déviants, des anti-sociaux à rééduquer. C'est non seulement le système qui le pense, mais aussi le reste de la population, celle qui ne lit pas et se contente d'une télévision décérébrante. Au point que l'épouse du personnage principal ira elle-même le dénoncer aux autorités. Les déviants prennent le maquis pour échapper au pouvoir. Là, ils apprennent des livres par cœur pour s'assurer que, même brûlés, leur contenu se perpétuera. Le titre de l'oeuvre renvoie à cette destruction : le livre se consume à une température de 451 degrés sur l'échelle de Fahrenheit.
Ce qui me frappe dans la situation actuelle, c'est cette connivence, parmi la quasi totalité des médias dits mainstream, pour diffuser un discours monolithique là où il y a des enjeux de pouvoir. C'est flagrant dans la couverture de l'affaire ukrainienne. Pour en arriver à ce discours uniforme, il leur faut écarter toute source contradictoire, toute approche normalement critique du sujet, et adopter la formulation ad hoc afin de bien faire passer le message convenu à leur public. Et celui qui n'avalerait pas le discours qui lui est servi est stigmatisé. Si c'est une personnalité publique, elle est exclue, autant que possible, des endroits où elle pourrait s'exprimer. Si c'est un citoyen lambda, on entache sa réputation, on lui attribue des liens infamants ou un esprit dérangé. Au point que son entourage pourrait être amené à s'en méfier, s'en éloigner. Ce que LCI nomme les solitaires et les socialement marginalisés (susceptibles de cacher des espions russes...). Ces déviants, comme dans Fahrenheit, se retrouvent pour échanger dans une sorte de société parallèle, qui est invisibilisée par les médias mainstream ; ainsi ces médias maintiennent-ils l'illusion de la vérité unique qui est la leur, et confortent-ils leur public dans la conviction qu'il est du bon côté de la morale, qu'il a bien appris sa leçon.

18 mai 2025

MAÏDAN : UN MASSACRE ORGANISÉ

Jean-Claude Delhez

-18/5/2025- On se souvient de la place Maïdan, à Kiev, en 2014. De la foule protestant contre le gouvernement. De la réaction brutale des forces de l'ordre. Du bain de sang qui s'ensuit. Et finalement de la victoire des manifestants. Ils font chuter le gouvernement. Un nouveau régime s'installe en Ukraine, régime qui, comme les manifestants, aspire à la démocratie et regarde vers l'Europe.
C'est ainsi que les événements nous ont tous été relatés en 2014. Une étude vient de paraître, qui contredit une partie de ce récit, et inverse les rôles. Elle est signée par un Canadien d'origine ukrainienne, professeur à l'université d'Ottawa : Ivan Katchanovski. Son travail est publié par l'éditeur suisse Palgrave Macmillan, qui appartient au groupe anglo-allemand Springer. L'étude, en langue anglaise, longue de 266 pages, peut être téléchargée gratuitement sur le site de l'éditeur (https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-031-67121-0).
Ce que nous apprend Katchanovski avait déjà été suggéré auparavant, notamment par le magazine d'investigation de Canal+. L'avantage de ce nouveau travail tient au caractère scientifique de la démarche, qui analyse une par une la totalité des sources disponibles sur le sujet.
Sa conclusion est la suivante : le massacre de Maïdan, bien réel, n'a pas été provoqué par les forces de l'ordre, au service du régime en place, mais par des groupements infiltrés parmi la foule et agissant sous faux drapeau. Comme les journalistes de Canal+ l'avaient observé, il y avait bien des snipers cachés sur les toits, autour de la place Maïdan ; snipers n'appartenant pas à la police ; snipers qui ont tiré dans la foule pour y provoquer des victimes et susciter l'escalade dans la protestation contre le régime. Par ailleurs, les forces de l'ordre ne sont intervenues pour évacuer la place Maïdan que dans un second temps, en réponse à des attaques menées contre le parlement et le siège du parti au pouvoir. Ces attaques sanglantes ont été organisées par des groupes armés appartenant soit à l'opposition politique (le parti de la Patrie, de Ioulia Tymochenko), soit à deux milices nationalistes d'extrême-droite : Svoboda et Secteur droit (celles qui commettront ensuite le massacre de la maison des syndicats, à Odessa). Ce genre de manœuvres avait déjà été testé quelques semaines plus tôt par leurs auteurs. Katchanovski conlut que l'opération avait été organisée bien en amont dans le but de provoquer un bain de sang dont la responsabilité serait attribuée au pouvoir en place. Son travail s'en tient strictement aux acteurs ukrainiens ; il ne couvre pas les liens entre les auteurs de ce massacre et les services américains, très actifs dans l'affaire, notamment via Victoria Nuland. Katchanovski ne manque pas de rappeler que ce bain de sang est à l'origine de tous les événements qui ont suivi en Ukraine : le renversement du régime, la guerre du Donbass, l'annexion de la Crimée et, in fine, l'invasion russe.
En résumé : Maïdan, c'est l'assassinat de citoyens ukrainiens (des dizaines de tués, des centaines de blessés), commis par l'opposition politique (au service des USA) afin d'en attribuer la responsabilité au pouvoir et de prendre ensuite la place de ce pouvoir. Une manœuvre qu'on nomme aujourd'hui la révolution de la... dignité !
Il est à noter que l'étude de Katchanovski devait être publiée par l'éditeur britannique Routledge. Le contrat avait été signé. Mais l'éditeur a demandé à l'auteur de modifier son texte afin d'en faire un récit plus proche de la position des pouvoirs ukrainiens et occidentaux, et de mouiller la Russie. Katchanovski refusant cette injonction, Routledge a annulé le contrat.

17 mai 2025

LA FORTUNE DE VOLODYMYR

Jean-Claude Delhez

-17/5/2025- Cela fait des mois que je vois passer des textes prétendant montrer la richesse de Volodymyr Zelensky sans pour autant citer de sources, ce qui pose la question de leur véracité. Cette fois, voici un document sourcé, relayé par l'un d'entre vous. Il provient du journal « Le Midi libre », qui traduit un article paru dans l'Indépendant de Kiev. Ce dernier a simplement consulté la déclaration de patrimoine obligatoire pour tout président ukrainien.
Qu'en est-il du patrimoine déclaré de M. Zelensky ? Avec son épouse, il possède 1,1 million de dollars d'actifs financiers, dont 346.483 dollars placés sur un compte bancaire en Suisse. Zelensky détient des parts dans 70 marques commerciales. Il est propriétaire d'un appartement à Kiev et d'un autre au Royaume-Uni. Les revenus de son couple s'élèvent à 350.000 dollars par an. Pour l'anecdote, il a aussi déclaré 4 montres de luxe (qui cadrent peu avec son image dépouillée). Ces chiffres datent manifestement de 2019, quand il est entré en fonction.
Or, il se trouve que deux ans plus tard, en 2021, un pool international de journalistes d'investigation sortait l'enquête dite des Pandora Papers. Un enquête révélant tous ces puissants qui cachent leur argent dans des paradis fiscaux. Parmi eux, le président ukrainien. Il n'a guère retenu l'attention à l'époque parce qu'il était alors très peu connu du grand public. L'enquête, menée par le site d'investigation ukrainien Slidstvo, permet d'éclairer les subtils montages financiers auxquels Zelensky a participé.
À l'origine, bien avant d'être président, Zelensky est comédien et producteur de télévision. Il travaille pour la chaîne appartenant à l'oligarque Igor Kolomoïsky. Le personnage traîne une sulfureuse réputation jusqu'à finir incarcéré, aujourd'hui, pour fraude et blanchiment d'argent. Zelensky, lui, possède sa propre société de production, qui se nomme Kvartal 95. Et c'est elle qui va servir à transférer ses richesses vers une multitude de paradis fiscaux. A partir de cette société, il en crée d'autres, domiciliées dans divers pays peu regardants : Chypre, le Bélize, les îles Vierges britanniques, etc. Ces sociétés off shore en créent également d'autres ou prennent des participations, en sorte de brouiller les pistes et de constituer, in fine, un vaste réseau mondial à l'abri du fisc ukrainien. Par exemple, Maltex Multicapital Corporation, fondée dans les îles Vierges britanniques, qui devient propriétaire de sociétés de cinéma et de télévision. Ou cette autre société écran qui permet d'acheter discrètement trois appartements en plein centre de Londres pour la somme de 7,5 millions de dollars (deux sur Baker Street (cf. photo), un près du palais de Buckingham).
Dans toutes ces transactions, Zelensky se fait aider par des collaborateurs, tous originaires de la même ville que lui (Krivoï Rog) : Yakovlev, Shefir et Bakanov. Ils sont copropriétaires d'une partie des placements. Ces collaborateurs, du temps où Zelensky s'active dans le milieu de la télévision, le suivront ensuite pour ses premiers pas en politique (de même que l'oligarque Kolomoïsky, avant qu'il ne soit emprisonné). Mais, une fois élu, Zelensky doit déclarer officiellement son patrimoine. Pour masquer sa vaste entreprise d'évasion fiscale, il trouve un arrangement avec l'un de ces collaborateurs, Serhiy Shefir, qui est aussi le producteur de ses émissions. Zelensky cède fictivement ses parts à Shefir. Et Shefir continue de verser les revenus du capital, mais pas directement à Zelensky ; il les verse à Olena Kiyachko, l'épouse du désormais président ukrainien.

14 mai 2025

LES JOURNALISTES DE FRANCE 3 SE REBELLENT

Jean-Claude Delhez

-14/5/2025- Après les militaires il y a peu, voici les journalistes français qui mettent en cause le pouvoir. La Société des journalises de France 3 vient de publier un communiqué intitulé « Journalistes, reprenez la parole ! ». Il commence comme ceci : « Chez France Télévisions, en particulier à la rédaction nationale, la très grande majorité des journalistes a appris à se taire. Le plus souvent par crainte. Crainte de se faire mal voir en exprimant un désaccord. » Plus loin, il poursuit : « Nous revendiquons la liberté de débattre et d'interroger systématiquement. Ce débat qui n'existe plus à la rédaction nationale de France Télévisions ».
Le communiqué cite plusieurs cas précis de politique intérieure. Il demande si le silence au sujet de la réforme de l'audiovisuel public a pour but de ne pas déplaire à la ministre Dati ou à la présidente Ernotte. En politique internationale, il pointe la différence de traitement entre le conflit en Ukraine et celui à Gaza.
Sachant que la réaction des généraux avait conduit Macron à en envoyer deux à la retraite anticipée, la question qui se pose désormais est la suivante : quels journalistes de France 3 finiront aux chiens écrasés ou réduits à pointer au chômage ?

12 mai 2025

LA VÉNALITÉ DES CHARGES

Jean-Claude Delhez

-12/5/2025- Lors du récent jeu de chaises musicales au Vatican, il est apparu qu'Emmanuel Macron était allé dîner avec quelques cardinaux. Ce que certains ont interprété comme une tentative d'influencer la désignation du futur pape.
Quoi qu'il en soit de la rumeur, elle renvoie à des pratiques anciennes. Des pratiques antérieures à la séparation de l'Eglise et de l'Etat (car la France est un pays laïque, pour qui l'aurait oublié). Des pratiques antérieures à la Révolution, c'est-à-dire à l'époque de la monarchie absolue. Quand les rois de France plaçaient leurs rejetons sur les trônes d'Espagne ou d'Autriche et usaient de leur influence dans le choix du futur empereur du Saint-Empire.
De ces époques lointaines, l'Eglise nous a légué plusieurs mots du dictionnaire : la simonie, la prévarication et le népotisme. Le népotisme, c'est user de son pouvoir pour offrir un poste à un parent qui le ne mérite pas. Parce que les papes octroyaient ce genre de postes à leurs neveux (qui n'étaient pas leurs neveux, mais leurs fils, mais il ne fallait pas le dire vu qu'ils n'étaient pas censés en avoir). La simonie c'est, nous dit le dictionnaire, « la volonté réfléchie d'acheter ou de vendre à prix temporel une chose spirituelle ». Enfin, la prévarication, c'est trahir la charge qui nous a été confiée. Ajoutons à ce vocabulaire d'origine chrétienne la vénalité des charges. C'est une pratique courante d'Ancien Régime qui consiste, pour un grand vassal, à acheter une charge publique à son souverain, afin d'en tirer profit pour son enrichissement personnel.
D'une certaine manière, cette vénalité des charges subsiste toujours. Sous une forme modernisée. Et celui qui est allé casser la croûte avec les cardinaux s'en est fait une spécialité. Quelques exemples.
Florence Parly vient d'être nommée présidente d'Air France. Qui est-elle ? L'ancienne ministre de la Défense de M. Macron.
Alexis Kohler vient d'être nommé directeur-général adjoint de la Société Générale. Qui est-il ? L'ancien secrétaire général de M. Macron.
Nathalie Saint-Cricq vient d'être nommée directrice de la rédaction de France Télévisions. Qui est-elle ? La tante d'Amélie Oudea-Castera, l'ancienne ministre de M. Macron.
Richard Ferrand vient d'être nommé président du Conseil constitutionnel. Qui est-il ? L'ancien président du parti de M. Macron.
Auparavant, Jean Castex, ancien premier ministre de M. Macron, avait été nommé PDG de la RATP ; Christophe Castaner, ancien ministre de l'Intérieur de M. Macron, avait été nommé président du port de Marseille et du Tunnel du Mont-Blanc. Etc, etc.
Qu'on se rassure, la France n'a pas l'exclusivité de la vénalité des charges, ni du népotisme. J'ai vu récemment circuler sur Facebook un article de la presse belge constatant que les cabinets ministériels étaient pleins de « femmes de » et de « filles de ».

11 mai 2025

LE POUVOIR MENT

Jean-Claude Delhez

-10/5/2025- C'est un débat que j'ai déjà eu avec plusieurs d'entre vous : Pourquoi mentent-ils ? Quelles sont leurs mobiles ? L'exemple employé est celui du conflit en Ukraine, parce que le mensonge est flagrant dans ce cas ; mais on pourrait l'élargir à toutes les questions de pouvoir. Pourquoi tous ces gens mentent-ils ? Les politiciens, les journalistes, les experts. Il y a bien sûr ceux qui y trouvent un intérêt personnel, qui le font sciemment, qui manipulent les foules. Mais cette explication ne vaut pas pour tous. Dès lors, quel est le mobile des autres ? Ont-ils conscience de mentir ? Quelle est la part des corrompus ; et qui les corrompt, par quels mécanismes, avec quel argent ? Quelle est la part des idiots utiles ? Il faudrait une étude sociologique ou psychologique sur la question pour y voir clair. Mais elle ne risque pas de voir le jour. Ce serait écorner les pouvoirs, les dominants, ceux qui ont toujours raison, et tirent de juteux bénéfices.
La mécanique du mensonge est illustrée par des textes que j'ai partagés dernièrement. Il y a ce diplomate espagnol qui explique que la plupart des fonctionnaires ont bien compris le mensonge d'Etat et qu'ils en parlent entre eux. Mais ils ne l'expriment pas publiquement pour préserver leur carrière. Il y a ceux qui veulent simplement se protéger ; il y en a aussi d'autres qui en rajoutent en espérant ainsi bénéficier des faveurs du pouvoir ; ce qu'on pourrait appeler une collaboration. A ce constat fait écho la pétition signée en France par des milliers de militaires (qui ne sont plus en service), dont de nombreux officiers ; une pétition qui demande simplement aux parlementaires un débat sur l'Ukraine et le respect de la constitution. Or, vous aurez noté que cette pétition, qui est pourtant chose peu banale, n'a pourtant reçu aucun écho médiatique ou presque, ni aucune concrétisation politique ; vous aurez aussi noté qu'elle a conduit le président Macron à discrètement mettre à la retraite d'office deux généraux.
Cette mécanique du mensonge, cette propagande d'Etat, certains d'entre vous l'ont déjà comparée au monde orwellien, celui de 1984, de Big Brother. Je la mettrais en relation avec une autre dystopie britannique, la série télévisée « Le prisonnier » (1967). C'est un monde clos, au pouvoir unique et plus ou moins masqué, un monde qui se présente comme idéal alors que chacun n'y est qu'un numéro appelé à se fondre dans le moule. Et, pour celui qui ne le ferait pas, il y a des limites et des représailles. La série est l'œuvre originale de Patrick Mac Goohan mais aussi de George Markstein, un auteur allemand qui avait subi le nazisme.
« Le prisonnier » me semble très représentatif de la société actuelle. Une société qui se prétend démocratique mais qui entend contrôler la pensée, pour qu'il n'y en ai qu'une. Une société très hiérarchisée, avec des numéro 1, numéro 2... et le reste des autres qui sont appelés à n'être qu'une multitude de copies insipides, formatées par les dominants. Le tout enrobé dans un vernis de liberté qui masque des mécanismes de pouvoir bien réels où chacun est destiné à rester à sa place.

8 mai 2025

UN REMUGLE DE NAZISME

Jean-Claude Delhez

-8/5/2025- Il y a quelques jours, Kaja Kallas, la charmante commissaire européenne aux Affaires étrangères, a menacé de représailles tout Européen qui assisterait, à Moscou, au 80e anniversaire de la fin de la 2e Guerre mondiale. Dans le même temps, Mme Kallas s'est félicitée des bonnes relations entre l'Europe et l'Azerbaïdjan. Pour rappel, l'Azerbaïdjan est la dictature qui a procédé à du nettoyage ethnique en Arménie. Et Mme Kallas s'est réjouie des fructueuses relations avec cette dictature au moment même de l'anniversaire du génocide arménien, perpétré en son temps par un allié du 2e Reich.
Le personnage de Kaja Kallas est symptomatique de la dérive politique européenne. La dame est estonienne, un pays d'un peu plus d'un million d'habitants ; et elle dirige la politique étrangère d'une union européenne d'un demi-milliard de citoyens. Il faut s'intéresser à ces trois Etats baltes. Estonie, Lettonie et Lituanie, anciennes républiques soviétiques, ne sont peuplés, ensemble, que de 6 millions d'habitants. Une poussière au regard du reste de l'Europe. Et pourtant...
Voyons la Lettonie, d'abord. Le mois dernier, le procureur général de ce pays a classé sans suite le procès contre Herberts Cukurs. Qui est cet homme au nom improbable ? Ce citoyen letton avait rejoint les rangs de la SS allemande pendant l'Occupation, au grade de capitaine. Il joua un rôle important dans le génocide de la communauté juive du pays, avant de s'enfuir en Amérique du Sud, après la guerre. La décision du procureur en sa faveur fait écho à la réhabilitation des collaborateurs du nazisme en Lettonie. Cukurs, par exemple, a eu droit ces dernières années à l'émission d'un timbre-poste à son effigie et à une exposition à sa gloire.
Pour ceux qui s'intéressent au conflit ukrainien, de telles méthodes ne sont pas sans rappeler celles en vigueur à Kiev. Depuis le coup d'Etat de Maïdan, en 2014, le pouvoir a aussi réhabilité les collabos du 3e Reich, génocidaires des Juifs ukrainiens. Qu'il suffise de rappeler toutes les rues qui ont reçu, ces dernières années, le nom de Stepan Bandera, le plus connu de ces collaborateurs. Parmi elles, une avenue du centre de Kiev, proche du site de Babi Yar, le sinistre ravin dans lequel les SS ont fusillé plus de 100.000 Juifs. On peut aussi rappeler l'existence du régiment Azov, au sein de l'armée ukrainienne. Un régiment coupable de crimes de guerre dans le Donbass. Il s'est choisi pour emblème officiel un sigle que les Allemands ont baptisé le Wolfsangel. Cet insigne n'est autre que celui de la division SS « Das Reich », coupable du massacre d'Oradour-sur-Glane. Voilà qui n'a nullement empêché Paris de recevoir certains de ces soldats sur son sol pour une discrète formation au sein de l'armée française.
Cette réhabilitation du passé nazi de ces pays va de pair avec une discrimination des minorités locales. Pour les Juifs, c'est trop tard, il n'y en a quasiment plus, tous ou presque ayant été massacrés entre 1941 et 1944. Mais il y en a d'autres. Depuis 2014, en Ukraine, le pouvoir nationaliste s'en est pris bien sûr aux Russes, mais aussi aux droits des minorités roumaine et hongroise de l'ouest du pays. Dans les pays Baltes, ce sont les Russes qui sont ciblés. La Lettonie vient d'interdire l'usage de la langue russe dans l'enseignement. Elle avait déjà rendu obligatoire un examen de langue lettone pour les russophones, avec expulsion du pays pour qui échouerait à cet examen. En Estonie cette fois, il y a un mois tout juste, le président a validé le retrait du droit de vote, pour les élections locales, à la forte minorité russe du pays. L'Estonie, c'est le pays dont Kaja Kallas était la première ministre jusqu'il y a quelques mois de cela. C'est le parti politique dont elle vient de quitter la présidence qui dirige encore la coalition au pouvoir, celle qui a retiré le droit de vote aux Russes.
Kaja Kallas a quitté ses fonctions en Estonie pour rejoindre la commission européenne présidée par l'Allemande Ursula von der Leyen. Il y a là une sorte d'union féminine de la Baltique. Il est intéressant de se pencher sur la biographie de quelques-unes de ces politiciennes. Mme von der Leyen a connu une jeunesse chahutée. Elle dut se cacher à Londres, en 1978, sous un faux nom. Pourquoi ? A cause de son père, politicien catholique allemand. Ce père était alors aux prises avec ce qu'on a appelé la Bande à Baader, mouvement terroriste d'extrême-gauche. Le vrai nom du mouvement est la Fraction Armée Rouge, arborant une étoile écarlate comme sigle. Cette affaire est un épisode de la Guerre froide, de la lutte entre le communisme international, promu par Moscou, et la bourgeoisie catholique de l'Europe atlantiste. C'est le creuset d'où est sorti l'actuelle présidente de l'Union européenne. Mme von der Leyen, née Albrecht, est une représentante de cette vieille bourgeoisie pour qui le Russe, c'est la menace communiste, et pour qui tout régime vaut mieux que cette menace. Autre femme de la Baltique, l'Allemande Annalena Baerbock, ministre sortante des Affaires étrangères. Une belliciste acharnée (bien qu'écologiste : cherchez l'erreur) et une russophobe convaincue. Le journal Bild avait révélé l'an dernier que son grand-père, contrairement à ce que Mme Baerbock laissait entendre, fut non seulement colonel de la Wehrmacht, mais aussi un nazi pur jus. Vous me direz qu'on n'est pas responsable de son grand-père ; mais on est responsable de la politique guerrière qu'on mène à l'encontre d'un pays où la génération de ses grands-parents, sous les ordres d'Hitler, a envoyé 20 millions de personnes à la fosse commune. Quant à Kaja Kallas, avant d'être en charge des Affaires étrangères de l'Europe, c'est elle qui avait proposé publiquement cette mesure très « diplomatique » : faire disparaître la Russie pour la remplacer par une multitude de petits Etats.
Sans remonter aux chevaliers teutoniques et au berceau de la Prusse, il faut admettre que les relations entre l'Allemagne et les pays Baltes sont étroites. Et, parmi elles, une racine du nazisme, le Baltikum. Le Baltikum, ce sont des corps francs de militaires allemands refusant la défaite de 1918. Ils sont allés, dans les pays Baltes, combattre l'ennemi bolchévique, le Russe, le rouge. Puis ils ont dû refluer en Allemagne. Et ils ont alors rejoint le mouvement naissant d'Adolf Hitler.
L'acharnement de Kaja Kallas et de la commission von der Leyen contre la commémoration de ce 9 mai à Moscou s'inscrit dans cette dérive. Je ne sache pas que Moscou avait menacé qui que ce soit d'une participation aux 80 ans du débarquement de Normandie, l'an dernier. Pour qui ignore l'histoire de cette guerre, dont on célèbre partout en ce moment la fin, voici quelques précisions. A commencer par celle-ci : l'URSS de l'époque, c'est non seulement la Russie, mais aussi l'Ukraine, les pays Baltes, la Biélorussie, le Caucase et l'Asie centrale. C'est, après les Juifs, la bête noire des nazis. Ils considéraient les slaves comme une race inférieure et le communisme comme le diable. D'où l'invasion de l'URSS en 1941, prélude à la lutte la plus violente et la plus sanglante depuis l'origine de l'humanité. C'est en Union soviétique que l'Allemagne nazie a perdu la 2e Guerre mondiale. C'est là que les troupes hitlériennes ont connu l'écrasante majorité de leurs pertes (4,3 millions de morts, contre 600.000 sur le front Ouest). C'est aussi là qu'elles ont massacré à tour de bras les civils, les Juifs, les prisonniers. C'est ensuite l'armée rouge qui a chassé les nazis de la moitié de l'Europe (y compris des camps de la mort, dont celui d'Auschwitz) et conquis Berlin en ruines et le bunker du Führer, dont il ne restait que les cendres. Une guerre qui lui a coûté 14 millions de morts, rien que pour les militaires. A comparer, par exemple, aux 320.000 Américains (40 fois moins !). Que le régime soviétique n'inspire pas la sympathie, surtout celui en place à cette époque, ne change rien à ce constat.
Les dames de la Baltique, les Kallas, von der Leyen, Baerbock, ont une lecture de l'Histoire qui leur est personnelle. Le problème, c'est qu'elles entraînent derrière elles un continent entier. Sous prétexte de faire la grande Europe. Une grande Europe qui, pour elles et leurs suiveurs, semble aller de Stalingrad au mur de l'Atlantique...

7 mai 2025

UKRAINE : LE POINT DE VUE D'UN DIPLOMATE ESPAGNOL

Jean-Claude Delhez

-6/5/2025- Je reproduis ici le lien vers un long mais intéressant entretien sur YouTube, doublé en français. L'invité est un ancien ambassadeur espagnol, Jose A. Zorrilla. Il donne des éclaircissements intéressants sur les rapports entre les fonctionnaires (diplomates et militaires) et les politiciens, sur les buts des uns et des autres et sur le rapport des derniers à la vérité, ou plutôt au mensonge. Il revient aussi sur les manœuvres discrètes des USA contre la Russie, via l'Ukraine mais pas seulement.