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9 mai 2025

Dessin de Kiro

Vincent Verschoore
Ze Rhubarbe Blog

-9/5/2025- Le Financial Times publie un éditorial condamnant le silence occidental sur le massacre perpétré à Gaza par les judéo-fascistes.
Extrait :
"Après 19 mois d'un conflit qui a tué des dizaines de milliers de Palestiniens et suscité des accusations de crimes de guerre à l'encontre d'Israël, Benjamin Netanyahu se prépare une fois de plus à intensifier l'offensive israélienne à Gaza. Le dernier plan en date met Israël sur la voie d'une occupation totale du territoire palestinien et repousse les habitants de Gaza dans des poches de plus en plus étroites de la bande de Gaza en ruines. Il conduirait à des bombardements plus intensifs et à la libération et au maintien du territoire par les forces israéliennes, tout en détruisant les quelques structures qui subsistent à Gaza.
Ce serait un désastre pour les 2,2 millions d'habitants de Gaza qui ont déjà enduré des souffrances insondables. À chaque nouvelle offensive, il est plus difficile de ne pas soupçonner que l'objectif ultime de la coalition d'extrême droite de M. Netanyahou est de rendre Gaza inhabitable et de chasser les Palestiniens de leur terre. Depuis deux mois, Israël bloque l'acheminement de toute aide dans la bande de Gaza. Les taux de malnutrition infantile augmentent, les rares hôpitaux qui fonctionnent sont à court de médicaments et les alertes à la famine et à la maladie se font de plus en plus pressantes.
Pourtant, les États-Unis et les pays européens qui présentent Israël comme un allié partageant leurs valeurs ont à peine prononcé un mot de condamnation. Ils devraient avoir honte de leur silence et cesser de permettre à Netanyahou d'agir en toute impunité."

En même temps, Macron reçoit en grande pompe le tueur islamiste al-Jawlani, dont la tête valait un temps dix millions de dollars, aujourd'hui de facto patron de la Syrie sous le nom de Ahmed al-Charaa.
Macron et les manipulateurs de masse ont parfaitement compris que l'absurde et l'outrance permanente ont un effet de sidération sur les populations, que la sidération éteint l'action, et que c'est donc un excellent moyen pour faire passer n'importe quoi.

8 mai 2025

UN REMUGLE DE NAZISME

Jean-Claude Delhez

-8/5/2025- Il y a quelques jours, Kaja Kallas, la charmante commissaire européenne aux Affaires étrangères, a menacé de représailles tout Européen qui assisterait, à Moscou, au 80e anniversaire de la fin de la 2e Guerre mondiale. Dans le même temps, Mme Kallas s'est félicitée des bonnes relations entre l'Europe et l'Azerbaïdjan. Pour rappel, l'Azerbaïdjan est la dictature qui a procédé à du nettoyage ethnique en Arménie. Et Mme Kallas s'est réjouie des fructueuses relations avec cette dictature au moment même de l'anniversaire du génocide arménien, perpétré en son temps par un allié du 2e Reich.
Le personnage de Kaja Kallas est symptomatique de la dérive politique européenne. La dame est estonienne, un pays d'un peu plus d'un million d'habitants ; et elle dirige la politique étrangère d'une union européenne d'un demi-milliard de citoyens. Il faut s'intéresser à ces trois Etats baltes. Estonie, Lettonie et Lituanie, anciennes républiques soviétiques, ne sont peuplés, ensemble, que de 6 millions d'habitants. Une poussière au regard du reste de l'Europe. Et pourtant...
Voyons la Lettonie, d'abord. Le mois dernier, le procureur général de ce pays a classé sans suite le procès contre Herberts Cukurs. Qui est cet homme au nom improbable ? Ce citoyen letton avait rejoint les rangs de la SS allemande pendant l'Occupation, au grade de capitaine. Il joua un rôle important dans le génocide de la communauté juive du pays, avant de s'enfuir en Amérique du Sud, après la guerre. La décision du procureur en sa faveur fait écho à la réhabilitation des collaborateurs du nazisme en Lettonie. Cukurs, par exemple, a eu droit ces dernières années à l'émission d'un timbre-poste à son effigie et à une exposition à sa gloire.
Pour ceux qui s'intéressent au conflit ukrainien, de telles méthodes ne sont pas sans rappeler celles en vigueur à Kiev. Depuis le coup d'Etat de Maïdan, en 2014, le pouvoir a aussi réhabilité les collabos du 3e Reich, génocidaires des Juifs ukrainiens. Qu'il suffise de rappeler toutes les rues qui ont reçu, ces dernières années, le nom de Stepan Bandera, le plus connu de ces collaborateurs. Parmi elles, une avenue du centre de Kiev, proche du site de Babi Yar, le sinistre ravin dans lequel les SS ont fusillé plus de 100.000 Juifs. On peut aussi rappeler l'existence du régiment Azov, au sein de l'armée ukrainienne. Un régiment coupable de crimes de guerre dans le Donbass. Il s'est choisi pour emblème officiel un sigle que les Allemands ont baptisé le Wolfsangel. Cet insigne n'est autre que celui de la division SS « Das Reich », coupable du massacre d'Oradour-sur-Glane. Voilà qui n'a nullement empêché Paris de recevoir certains de ces soldats sur son sol pour une discrète formation au sein de l'armée française.
Cette réhabilitation du passé nazi de ces pays va de pair avec une discrimination des minorités locales. Pour les Juifs, c'est trop tard, il n'y en a quasiment plus, tous ou presque ayant été massacrés entre 1941 et 1944. Mais il y en a d'autres. Depuis 2014, en Ukraine, le pouvoir nationaliste s'en est pris bien sûr aux Russes, mais aussi aux droits des minorités roumaine et hongroise de l'ouest du pays. Dans les pays Baltes, ce sont les Russes qui sont ciblés. La Lettonie vient d'interdire l'usage de la langue russe dans l'enseignement. Elle avait déjà rendu obligatoire un examen de langue lettone pour les russophones, avec expulsion du pays pour qui échouerait à cet examen. En Estonie cette fois, il y a un mois tout juste, le président a validé le retrait du droit de vote, pour les élections locales, à la forte minorité russe du pays. L'Estonie, c'est le pays dont Kaja Kallas était la première ministre jusqu'il y a quelques mois de cela. C'est le parti politique dont elle vient de quitter la présidence qui dirige encore la coalition au pouvoir, celle qui a retiré le droit de vote aux Russes.
Kaja Kallas a quitté ses fonctions en Estonie pour rejoindre la commission européenne présidée par l'Allemande Ursula von der Leyen. Il y a là une sorte d'union féminine de la Baltique. Il est intéressant de se pencher sur la biographie de quelques-unes de ces politiciennes. Mme von der Leyen a connu une jeunesse chahutée. Elle dut se cacher à Londres, en 1978, sous un faux nom. Pourquoi ? A cause de son père, politicien catholique allemand. Ce père était alors aux prises avec ce qu'on a appelé la Bande à Baader, mouvement terroriste d'extrême-gauche. Le vrai nom du mouvement est la Fraction Armée Rouge, arborant une étoile écarlate comme sigle. Cette affaire est un épisode de la Guerre froide, de la lutte entre le communisme international, promu par Moscou, et la bourgeoisie catholique de l'Europe atlantiste. C'est le creuset d'où est sorti l'actuelle présidente de l'Union européenne. Mme von der Leyen, née Albrecht, est une représentante de cette vieille bourgeoisie pour qui le Russe, c'est la menace communiste, et pour qui tout régime vaut mieux que cette menace. Autre femme de la Baltique, l'Allemande Annalena Baerbock, ministre sortante des Affaires étrangères. Une belliciste acharnée (bien qu'écologiste : cherchez l'erreur) et une russophobe convaincue. Le journal Bild avait révélé l'an dernier que son grand-père, contrairement à ce que Mme Baerbock laissait entendre, fut non seulement colonel de la Wehrmacht, mais aussi un nazi pur jus. Vous me direz qu'on n'est pas responsable de son grand-père ; mais on est responsable de la politique guerrière qu'on mène à l'encontre d'un pays où la génération de ses grands-parents, sous les ordres d'Hitler, a envoyé 20 millions de personnes à la fosse commune. Quant à Kaja Kallas, avant d'être en charge des Affaires étrangères de l'Europe, c'est elle qui avait proposé publiquement cette mesure très « diplomatique » : faire disparaître la Russie pour la remplacer par une multitude de petits Etats.
Sans remonter aux chevaliers teutoniques et au berceau de la Prusse, il faut admettre que les relations entre l'Allemagne et les pays Baltes sont étroites. Et, parmi elles, une racine du nazisme, le Baltikum. Le Baltikum, ce sont des corps francs de militaires allemands refusant la défaite de 1918. Ils sont allés, dans les pays Baltes, combattre l'ennemi bolchévique, le Russe, le rouge. Puis ils ont dû refluer en Allemagne. Et ils ont alors rejoint le mouvement naissant d'Adolf Hitler.
L'acharnement de Kaja Kallas et de la commission von der Leyen contre la commémoration de ce 9 mai à Moscou s'inscrit dans cette dérive. Je ne sache pas que Moscou avait menacé qui que ce soit d'une participation aux 80 ans du débarquement de Normandie, l'an dernier. Pour qui ignore l'histoire de cette guerre, dont on célèbre partout en ce moment la fin, voici quelques précisions. A commencer par celle-ci : l'URSS de l'époque, c'est non seulement la Russie, mais aussi l'Ukraine, les pays Baltes, la Biélorussie, le Caucase et l'Asie centrale. C'est, après les Juifs, la bête noire des nazis. Ils considéraient les slaves comme une race inférieure et le communisme comme le diable. D'où l'invasion de l'URSS en 1941, prélude à la lutte la plus violente et la plus sanglante depuis l'origine de l'humanité. C'est en Union soviétique que l'Allemagne nazie a perdu la 2e Guerre mondiale. C'est là que les troupes hitlériennes ont connu l'écrasante majorité de leurs pertes (4,3 millions de morts, contre 600.000 sur le front Ouest). C'est aussi là qu'elles ont massacré à tour de bras les civils, les Juifs, les prisonniers. C'est ensuite l'armée rouge qui a chassé les nazis de la moitié de l'Europe (y compris des camps de la mort, dont celui d'Auschwitz) et conquis Berlin en ruines et le bunker du Führer, dont il ne restait que les cendres. Une guerre qui lui a coûté 14 millions de morts, rien que pour les militaires. A comparer, par exemple, aux 320.000 Américains (40 fois moins !). Que le régime soviétique n'inspire pas la sympathie, surtout celui en place à cette époque, ne change rien à ce constat.
Les dames de la Baltique, les Kallas, von der Leyen, Baerbock, ont une lecture de l'Histoire qui leur est personnelle. Le problème, c'est qu'elles entraînent derrière elles un continent entier. Sous prétexte de faire la grande Europe. Une grande Europe qui, pour elles et leurs suiveurs, semble aller de Stalingrad au mur de l'Atlantique...

7 mai 2025

Dessin de Cattelain

Yann Bizien

-7/5/2025- La poignée de main de la compromission, de la trahison et de la honte.
Il y a un mois, Emmanuel Macron était félicité par le Hamas pour sa volonté de reconnaître l’État de Palestine en juin prochain.
Aujourd’hui, il serre la main à l’Élysée du nouveau président syrien, à la tête d'une coalition islamiste, un ancien djihadiste.
Sa compromission avec des islamistes ne fait plus aucun doute.
J’ai honte.
Nota : pour mémoire, Mme von der Leyen a débloqué récemment 235 M€ pour soutenir ce régime islamiste. Il s'agit de l'argent des contribuables européens.

UKRAINE : LE POINT DE VUE D'UN DIPLOMATE ESPAGNOL

Jean-Claude Delhez

-6/5/2025- Je reproduis ici le lien vers un long mais intéressant entretien sur YouTube, doublé en français. L'invité est un ancien ambassadeur espagnol, Jose A. Zorrilla. Il donne des éclaircissements intéressants sur les rapports entre les fonctionnaires (diplomates et militaires) et les politiciens, sur les buts des uns et des autres et sur le rapport des derniers à la vérité, ou plutôt au mensonge. Il revient aussi sur les manœuvres discrètes des USA contre la Russie, via l'Ukraine mais pas seulement.

UNE QUESTION ET UNE PRIÈRE

Gabriel Nerciat

-7/5/2025- Ô Seigneur notre Dieu, et vous saint Michel-Paraclet, et vous Bonne Mère de Dieu de la Basilique de la Garde, et vous saint Raphaël Archange protecteur de Rome et de la Chrétienté, je vous en conjure : protégez-nous en ces heures décisives !
Je vous implore : pas lui ! Pas lui ! Pas lui !
Élever l'archevêque de Marseille à la tiare de Pierre, après les douze terrifiantes années à nous, imposées par le pape Bergoglio, ce serait pire que dix ans de Macron succédant à cinq de Hollande !
Ou que l'oeuvre complète d'Edouard Glissant prolongée par dix volumes de discours de Justin Trudeau.
Puissances célestes, ayez un peu pitié de nous, même si notre indignité est grande.
Quant aux autres, qui voudraient repartir encore pour un tour sponsorisé par la Compagnie de Jésus (Bergoglio saison 2 avec en prime l'accent de Marseille), qu'ils répondent honnêtement à la question suivante :
- Combien d'athées et d'infidèles du vaste monde, combien de chrétiens apostats d'Occident le pontificat précédent, à force d'ouverture forcenée en direction des "périphéries", a-t-il mené ou ramené vers la foi du Christ, l'adoration du Dieu trinitaire, l'attachement à la grandeur de l'Église, la pratique de la piété romaine et celle des sacrements apostoliques ? Combien ?
Et surtout ne me dites pas que c'est une question indigne ("païenne") ou qu'on n'en sait trop rien.
C'est la seule question qui importe, à l'heure où va s'ouvrir le conclave, et chacun en connaît la réponse.
En attendant, pas lui, ô Seigneur, pas lui !
Ora pro nobis peccatoribus.
Amen.

Alexis Bourla
Psychiatre

-5/5/2025- Je ne sais pas si on devient tous un peu parano ou si nos députés ont vraiment décidé de désosser un à un tous les remparts éthiques... mais à la lecture du texte voté à l’Assemblée sur la fin de vie, j’ai été saisi d'un sérieux doute.
J'ai un avis réservé sur l'euthanasie dans un pays ou les soins palliatifs sont sous-développés. J'ai un avis très tranché sur l'euthanasie pour raison psychiatrique (qui est une aberration éthique, logique, morale et médicale). J'ai également un avis très clair sur les remparts "minimaux" nécessaires.
Mais la lecture des posts de Claire Fourcade (et hier par Geneviève Henault) semble montrer que les 4 piliers éthiques et moraux censés rendre cette loi à peu près compatible avec un minimum de sens commun ont été littéralement dégagés du texte.

AS1015 : Vérifier que le discernement du patient n’est pas altéré.
Rejeté.
Concrètement cela veut dire qu'on pourrait accéder à l'euthanasie sans que soit garanti qu’on est en pleine possession de ses capacités, qu'on est capable de prendre une décision ?

AS1110 : S’assurer que le demandeur n’est soumis à aucune pression financière, sociale ou familiale.
Rejeté.
Donc on accepte l’idée qu’un vieil homme seul, pauvre, ou dépendant puisse être “incité”, même indirectement, à choisir la mort plutôt que d’être un poids ?

AS97 : Créer un délit d’incitation à demander une aide à mourir (pression, manœuvre, influence indue).
Rejeté.
Pas de garde-fou juridique contre la manipulation ?

AS14 : Affirmer qu’aucun soignant, quel qu’il soit, n’est tenu de participer à une euthanasie ou un suicide assisté.
Rejeté.
Donc pas de clause de conscience finalement ?

Ce ne sont pas des détails techniques...
On récapitule : un patient dont le discernement n'aura pas été évalué, qui aura pu subir des pressions externes, pourra se faire euthanasier par un soignant qui n'a pas envie de le faire mais sera tenu de le faire, et les gens qui auront mis la pression (au patient et au soignant) n'auront rien à craindre même si on démontre qu'ils ont mis la pression ?
Mon espoir c'est que tous ces points sont déjà “traités ailleurs dans le texte” (mais où ?) et qu'on s'excite pour rien.
L'autre hypothèse c'est qu'ils ne veulent pas de ces remparts. Et dans ce cas, ce n’est pas une loi sur la fin de vie, c’est une déconstruction éthique méthodique.
Vous imaginez ce que ça veut dire, dans un contexte de dépression, de troubles cognitifs, de perte d’élan vital, d’anosognosie ? Vous imaginez le nombre de patients qui diront “je veux mourir”, alors que tout leur cerveau crie en réalité “je suis malade, aidez-moi” ? J'ai aussi vu passer un amendement (adopté lui...) créant un délit d'entrave qui dit que quelqu'un qui essaye d'empêcher une euthanasie peut être poursuivi.
Bon courage aux psychiatres dont c'est le boulot principal.
Les Pays-Bas et la Belgique sont en train de revenir sur certaines dérives.
Nous, on les légalise.
La mort devient une option thérapeutique parmi d'autres.

LE SOCLE COMMUN À PRÉSERVER

Natalia Routkevitch


-7/5/2025- Quatre-vingts ans constituent un laps de temps suffisant pour que le monde change au point d’en devenir méconnaissable. Les événements d’une époque de plus en plus lointaine se transforment en mythes, s’éloignant peu à peu de leur réalité tangible. Cela n’en réduit pas l’importance, mais appelle à repenser la manière dont ils influencent notre présent.
La Seconde Guerre mondiale a façonné un ordre politique mondial auquel nous nous étions habitués, que l’on considérait comme stable, presque intangible. Pourtant, cet ordre subit aujourd’hui des transformations profondes, rapides et irréversibles. Les événements dramatiques de la première moitié du XXe siècle ne perdent pas leur signification historique, mais ils ne jouent plus le rôle qui était encore le leur il y a à peine vingt ans.
Ce conflit, le plus vaste et le plus meurtrier de l’histoire humaine, a jeté les bases de l’ordre mondial d’après-guerre. La lutte contre le nazisme et ses alliés fut, à bien des égards, une confrontation idéal-typique : face à un régime d’une violence inouïe, inhumaine et criminelle, des puissances aux idéologies opposées furent contraintes de s’unir – une alliance qui aurait été impensable en d’autres circonstances. Elles y furent presque acculées, après une période d’avant-guerre marquée par des stratégies d’évitement et des tentatives de détourner le danger vers d’autres.
Il fallut alors mettre de côté des divergences jusque-là considérées comme existentielles sur le plan idéologique. C’est sans doute cette mise entre parenthèses temporaire des antagonismes de principe qui permit aux structures établies à l’issue de la guerre de se révéler aussi durables. Elles ont survécu à l’intensité de la guerre froide, puis à une quinzaine d’années de bouleversements, malgré de profondes transformations des équilibres de puissance mondiaux.
Cette résilience reposait principalement sur une lecture morale et idéologique de la Seconde Guerre mondiale, longtemps consensuelle : celle d’un combat contre le mal absolu, face auquel même les oppositions les plus irréductibles perdaient de leur pertinence.
Mais ce consensus s’effrite peu à peu au XXIe siècle – et avec lui vacille la stabilité de l’ordre mondial hérité du milieu du XXe siècle.
Les causes de ce changement sont multiples. La plus manifeste réside dans l’évolution du paysage européen. Dans la dynamique singulière de l’après-guerre froide, les pays d’Europe de l’Est ont progressivement accédé au premier plan. Depuis longtemps, ils défendent une lecture historique fondée sur la thèse des “deux totalitarismes” – le nazisme et le communisme – considérés comme coresponsables du déclenchement de la guerre. Dans cette perspective, ils se présentent comme les principales victimes du conflit, ayant subi les violences des deux régimes.
Cette assimilation met en cause le consensus politique antérieur, que certains appellent le “consensus de Nuremberg”. Celui-ci reposait, entre autres, sur la reconnaissance du caractère central de l’Holocauste comme crime suprême de la guerre, unique dans l'histoire, ainsi que sur l’idée d’une responsabilité collective des nations européennes pour avoir permis cet événement.
Pourquoi l’interprétation portée par ce groupe de pays – qui ne représentent pas la majorité démographique de l’Europe – a-t-elle progressivement pris le dessus ?
C’est un sujet qui mérite à lui seul une réflexion approfondie. L’une des raisons possibles réside sans doute dans le désir des Européens de l’Ouest d’atténuer l’ampleur de leur propre culpabilité et de partager le fardeau de la responsabilité historique. Mais une fois enclenché, ce processus conduit à l’érosion progressive de l’ensemble de l’édifice d’après-guerre.
Paradoxalement, il fragilise même l’ordre mondial libéral que les pays occidentaux s’emploient à défendre. Car cet ordre reposait en grande partie sur l’unité des jugements historiques tels qu’ils s’étaient cristallisés en 1945. L’Organisation des Nations Unies elle-même fut le produit de cet ordre, même si le poids de l’Union soviétique à l’époque était tel qu’il ne pouvait être ignoré.
La révision progressive des conclusions de la Seconde Guerre mondiale mène logiquement à l’effritement des normes qui en sont issues.
La deuxième raison est moins évidente. En quatre-vingts ans, la carte politique du monde a radicalement changé. La décolonisation a donné naissance à des dizaines de nouveaux pays, et le nombre des États membres de l’ONU a presque quintuplé. Certes, la guerre était mondiale précisément parce qu’elle a touché une grande partie de l’humanité. Sur les fronts européen et pacifique, sous les drapeaux de leurs métropoles, des représentants des colonies – comme on dirait aujourd’hui, du "Sud global" – ont combattu, eux aussi. Il est compréhensible que tous ne percevaient pas les événements de l’époque comme une lutte pour leur propre liberté.
De plus, les forces luttant pour leur indépendance – notamment face à la Grande-Bretagne ou à la France – pouvaient percevoir les ennemis de ces puissances comme des alliés de circonstance. Et, au minimum, elles abordaient les événements sous un angle différent de celui des nations européennes. En général, pour les anciennes colonies, les repères du XXe siècle diffèrent quelque peu de ceux qui sont considérés comme évidents dans l’hémisphère Nord. Bien qu’il n’y ait pas de révisionnisme manifeste, comme en Europe, la question se pose en Asie et en Afrique en termes de hiérarchie des priorités et de nuances, qui y sont bien différentes.
Tout ce qui précède n’annule en rien l’essentiel.
La Seconde Guerre mondiale demeure aujourd’hui un événement déterminant pour l’évolution de la communauté internationale.
Le monde relativement stable qui s’est établi après elle reposait sur la conviction qu’un tel cataclysme ne devait plus jamais se reproduire. L’ensemble des limitations – des normes du droit international au principe de la dissuasion nucléaire – visait cet objectif. Dieu nous préserve de l’idéaliser, mais la guerre froide a permis d’éviter le pire.
Aujourd’hui, le modèle et les instruments de coopération internationale élaborés à cette époque sont en crise. La tâche qui s’impose est d’empêcher leur effondrement total. Mais cela ne pourra se faire sans un retour au même consensus idéologique et moral qui a constitué l’un des principaux résultats de la Seconde Guerre mondiale. En d’autres termes, il est nécessaire de se rappeler ce qu’a été cette guerre et ce qui était en jeu.
Sans cette mémoire, aucune mesure militaire ou technique ne pourra garantir la stabilité internationale.
Fiodor Loukianov
Russia in Global Affairs