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14 décembre 2025

Gastel Etzwane
14/12/2025

Il y a 18 ans, le 13 décembre 2007, était signé le traité de Lisbonne : la Constitution européenne rejetée par référendum en 2005, remise en circulation presque à l’identique, mais sans le peuple. Le vote avait été clair ; il a été contourné.
Changement de nom, même contenu, ratification parlementaire après révision constitutionnelle sur mesure : le procédé fut assumé. Nicolas Sarkozy n’a pas corrigé le texte, il a neutralisé le suffrage. Message limpide : quand le peuple vote mal, on décide à sa place.
Lisbonne n’est pas un détail institutionnel. C’est l’acte fondateur de la rupture démocratique européenne, celui qui a installé durablement la défiance. Ce jour-là, l’Europe a choisi de se construire contre les peuples. Et elle en paie encore le prix.

CONVERSATION DE L'AN 2070 SUR LA PAYSANNERIE DÉFUNTE

Gabriel Nerciat
14/12/2025


- Quand même, Grand-Père, dans les années 2020, quand tu avais trente ans et que tu as rencontré Mamie qui était alors consultante en ingénierie numérique pour la FNSEA, il y avait un paysan français qui se suicidait tous les deux jours. Vous ne pouviez pas ne pas le savoir, n'est-ce pas ? Cela ne vous faisait donc rien ?
- Tu n'as pas connu cette époque, Sucrine. Aussi tu n'as pas le droit de nous juger. Pour toi, évidemment, tu n'as jamais vu de tes yeux innocents la douleur des cochons et des veaux qui partent pour l'abattoir, la haine sordide du cul terreux qui surveille ses bassines d'eau avec ses chiens patibulaires avant d'aller faire des saluts nazis dans les marchés d'hiver, le sadisme mental de l'instituteur réactionnaire embauché par des milliardaires catholiques pour faire traduire à des enfants martyrs une églogue élégiaque de Virgile composée en latin, la bassesse morale du vieux militant stalinien qui chante La Montagne de Jean Ferrat devant ses enfants comme s'il s'agissait d'une chanson progressiste, l'hypocrisie de la douairière de province qui refuse de vendre sa maison de famille rurale parce qu'elle ne veut pas voir arriver des citadins civilisés dans son bled pourri aux senteurs rances des âges sombres. Tu n'as jamais connu ça. Les seules fermes que tu as jamais vues de ta vie, ce sont celles qui ont été reconstituées au musée Grévin. La seule viande que tu manges, c'est celle qui vient de Chine ou du Brésil, avec des garnitures de criquets ou de vers asiatiques, et que seul un Européen sur trois peut consommer régulièrement. Nous, nous avions d'autres combats, chérie. Il fallait lutter contre le fascisme de Trump, sauver l'Ukraine de la barbarie russe, financer à Kiev des ossuaires pour les soldats morts, combattre le populisme pied à pied à Paris comme à Rome ou à Vienne, construire l'Europe unie d'Edimbourg ou de Brest jusqu'à Minsk, Trébizonde et Johannesburg, tirer au mortier sur les derniers propriétaires de voitures thermiques, aider les migrants africains à remonter de l'Andalousie ou de la Calabre jusqu'à Berlin et Calais, expliquer au pékin moyen tenté par le vote RN ou AFD que les vaches pètent avec leurs culs et que leurs pets préparent l'Apocalypse, tondre en place publique les femmes qui couchaient avec des fascistes ou des bouchers, déboulonner les statues de Napoléon et de Louis XIV, ôter sans anesthésie les testicules de Gérard Depardieu et de Philippe Caubère (quand tu seras tout à fait majeure, je te dirai qui c'était ; tu n'en reviendras pas). Voilà, c'était ça qui nous occupait, Mamie et moi, à l'époque. Les paysans et les éleveurs de Gascogne ou de l'Ariège, on n'en avait rien à battre, franchement. Ce n'était pas notre combat. Pour nous, c'est comme s'ils étaient déjà morts.
- Donc, si c'était à refaire, tu le referais ?
- Bien sûr, Sucrine chérie. Pourquoi me parles-tu de cela ? D'ailleurs, à quoi ça sert, les regrets ?
- Parce que j'ai découvert hier que maman a été fécondée avec le sperme d'un éleveur de bovins de Haute-Provence. On vous a menti au moment de la PMA. Il a été obligé de vendre son sperme pendant quinze ans, parce que sa ferme a fait faillite en 2026 et qu'il n'avait plus d'autres moyens de subsistance. Et je voulais voir ta gueule, Grand-Père, au moment où tu apprendrais ça...

12 décembre 2025

Gilles Casanova
11/12/2025

Réussir à associer Zelensky et morale c'est un tour de force que seule pouvait réaliser la Pravda de Paris sur sa Une :

Dessin d'Ignace

EUROPE, LA GRANDE TRANSFORMATION

Gabriel Nerciat

-12/12/2025- Pendant des décennies, les européistes, après Jean Monnet et François Mitterrand, n'ont cessé de répéter sur tous les tons : "L'Europe, c'est la paix", corollaire de : "Les nations, c'est la guerre."
En 2005 (il y a donc pile vingt ans), c'était encore ce motif qui agitait principalement les débats entre partisans et adversaires du traité constitutionnel soumis par l'UE à la ratification des peuples.
Et même, encore plus récemment, lors des élections européennes de 2019, par exemple, on se souvient peut-être des grandes envolées lyriques d'une Nathalie Loiseau et d'un Raphaël Glucksmann pour célébrer l'impossibilité de voir la guerre revenir en Europe, grâce au traité de Maastricht et à celui de Lisbonne (on ne voyait pas trop le rapport, mais eux sûrement si).
À l'époque, le mot même de "puissance" était considéré comme un gros mot, presque aussi pornographique que celui d'identité nationale (les anthropologues les plus indulgents, comme Régis Meyran, au mieux n'y voyaient que la permanence d'un mythe). Vouloir la puissance, c'était conspirer contre l'Humanité.
Avec la guerre en Ukraine, tout a changé, de façon extrêmement rapide et radicale. Sans même qu'on s'en rende vraiment compte.
Désormais, il n'y a pas de jour sans qu'un dirigeant européiste ou atlantiste ne nous fasse savoir, comme hier le grotesque Mark Rutte (dont les grands-parents hollandais n'ont jamais rien connu des tranchées), qu'il faut s'attendre à une nouvelle guerre de 1914 fomentée cette fois par l'UE en voie d'unification supranationale contre la Russie, nouvel empire des steppes barbare.
L'UE, donc, c'est la guerre, et, pour ne rien faire à moitié, la guerre mondiale.
Dont acte.
Je ne sais pas si les européistes réalisent très bien ce que cet aggiornamento mélodramatique implique pour la construction européenne et pour eux.
Marine Le Pen et Jordan Bardella, comme Alice Weidel ou Nigel Farage, eux finalement n'ont plus grand-chose à faire.
Il leur suffit d'attendre en disant : "Avec nous, vous n'aurez pas de guerre avec Moscou, vous retrouverez des frontières nationales, et vous cesserez de payer 24 milliards d'euros par an au Moloch de Bruxelles".
On ne dira jamais assez à quel point le national-populisme et le souverainisme illibéral auront été redevables de la délirante foi supranationale des élites libérales européistes en mal de messianisme progressiste.
À moins, bien sûr, que nos chers libéraux casqués, jamais à cours d'une métamorphose inattendue, se fassent enfin schmittiens, et désignent publiquement comme ennemis (de la démocratie et du genre humain) tous ceux qui ne seraient pas prêts à la grande mobilisation générale pour libérer l'Ukraine et le monde de l'emprise fasciste (forcément fasciste, dirait Marguerite Duras) de Vladimir Poutine.
Il a l'air tellement malin, Mark Rutte, qu'il semble y penser déjà.

Pas de voitures volantes mais des trottinettes électriques : on nous a volé notre futur

H16
12/12/2025

Le progrès serait-il en panne ? Si l’on s’en tient à certaines observations, on peut le penser.

Rappelez-vous, il n’y a pas si longtemps, on nous promettait les étoiles, non pas métaphoriquement, mais littéralement : des voitures volantes, des vacances sur la Lune ou presque. Malheureusement, un rapide coup d’œil à la fenêtre suffit à noter que la science-fiction d’hier n’est pas devenue réalité et qu’en lieu et place de voitures volantes, on a hérité d’hommes-soja montés sur des trottinettes électriques.


L’impression est corroborée par l’analyse de la consommation énergétique dans le monde. Si la consommation globale grossit de façon réjouissante comme le montre le graphique ci-dessous, il en va autrement pour le graphique « per capita ».


Ce dernier montre en effet un aplatissement : depuis les années 1980, la courbe s’aplatit. Le rêve d’une croissance solide s’est brisé contre un mur invisible. Aurions-nous atteint un plateau ? Certes, la consommation énergétique n’est qu’un proxy du progrès mais elle montre bien que même avec une forte augmentation de la population, elle s’est tassée. Peut-on tout mettre sur le dos d’une efficacité énergétique redoublée ?


Ce constat d’un progrès en berne ne sort pas complètement de nulle part.

Dans la culture populaire des années 80 ou 90, le futur – les années 2020 par exemple – ne devait pas ressembler à ça. Dans Retour vers le Futur II par exemple, Marty McFly débarque en 2015 dans un monde de voitures volantes, d’énergie de fusion domestique et d’infrastructures révolutionnaires. En 1989, ce film voyait un futur peuplé de skateboards à lévitation, de voitures volantes, des réhydrateurs de pizza et des vestes auto-ajustées. Nous avons… des smartphones, des écrans plats, des réseaux sociaux à moitié toxiques et des algorithmes qui nous vendent des chaussures. Le futur est arrivé, mais il est plat, gris (nos voitures ont perdu leurs couleurs), et se recharge par USB-C.


Comme le soulignent cruellement certains observateurs, nous avons même régressé dans certains domaines. Le retrait du Concorde est à ce titre un symbole dévastateur : c’est l’une des rares fois dans l’histoire humaine où nous avons volontairement renoncé à une capacité technologique (la vitesse supersonique civile) pour revenir à la lenteur.

Peter Thiel, figure emblématique de la Silicon Valley et penseur critique de cette « Grande Stagnation », résume cette désillusion par une phrase devenue célèbre : « Nous voulions des voitures volantes, nous avons eu 140 caractères. » Dans un article incisif, il argumente que l’innovation s’est réfugiée presque exclusivement dans le monde virtuel, le numérique en délaissant le monde réel, celui des « atomes », du transport, de l’énergie ou de la bio-ingénierie lourde.

Oui, l’iPhone est une merveille, mais il ne nous emmène pas sur Mars et ne guérit pas le cancer. L’illusion du progrès numérique masque une stagnation profonde de l’ingénierie physique. La Silicon Valley optimise, monétise, surveille mais ne créerait donc plus de mondes nouveaux.

Quelles pourraient être les raisons de ce plateau ?

Peut-être est-ce une pure impression, peut-être les effets de mode ont-ils poussé l’humanité vers certaines technologies plutôt que d’autres, favorisant un certain laisser-aller ou le choix du confort plutôt que celui du dépassement ?

Une autre hypothèse hardie, quasi taboue, serait celle d’une « féminisation » de la société, non au sens démographique, mais au sens culturel. C’est en tout cas celle avancée dans un récent article de Arctotherium qui suggère que les valeurs traditionnellement associées au féminin – sécurité, consensus, prudence, égalité des résultats – ont lentement remplacé les valeurs masculines de risque, de compétition, de conquête ou de disruption, et ce depuis les années 70 environ.

Le constat d’un basculement culturel voit des institutions scientifiques, autrefois des fraternités d’explorateurs, devenues des bureaucraties sensibles à la moindre micro-agression. Les projets ambitieux – fusion nucléaire, exploration spatiale, génie génétique – sont étouffés sous des montagnes de conformité éthique, de comités de déontologie, de peurs morales. Le progrès est désormais soumis à un veto émotionnel. Il doit être inclusif, durable, non oppressif. Il doit faire plaisir à tout le monde. Et s’il déplaît, il est abandonné.

La civilisation résultante choisit la sécurité à l’aventure, l’harmonie à la rupture, la régulation à l’invention. Compte-tenu du déluge de lois, de régulations et le délire normatif dont tout l’Occident souffre actuellement, peut-on lui donner tort ?


On pourrait même arguer que cette stagnation ne se cantonne pas à la technologie et touche aussi tout le culturel : Sebastian Jensen note ainsi dans un de ses articles que la culture populaire a cessé d’évoluer après les années 2000. Les talents créatifs, surtout les introvertis brillants, migrent vers la tech ou la finance, laissant un vide. Les prix littéraires illustrent d’ailleurs ce biais : on ne trouve ainsi aucun homme blanc de moins de 40 ans sur les listes notables du New York Times depuis 2021. Les franchises dominantes sont des reboots, des prequels, des suites. La musique est rétro, comme la mode ou l’architecture.

L’esthétique elle-même semble figée. Là où chaque décennie du XXe siècle avait une signature visuelle et sonore distincte, les vingt dernières années semblent former un tout homogène, lissé par les algorithmes : Internet, qui devait être un outil de créativité infinie, a paradoxalement créé un conformisme de masse.

Nous vivons dans un éternel 2010, recyclé sans cesse, dans lequel le futur est devenu un style et non une direction. Nous ne concevons plus le monde à venir, nous le consommons avec nostalgie.

Une autre question s’impose alors : et si cette stagnation n’était pas un accident ? Et si elle était le résultat d’un consensus tacite, d’un choix collectif, voire d’un projet politique conscient ?

C’est la question posée par les frères Weinstein (Bret et Eric), figures marginales mais lucides de la dissidence scientifique, qu’on retrouve souvent dans les médias « alternatifs », ceux qui, justement, ne se contentent pas du conformisme algorithmique ou de l’aplatissement sociétal constaté ailleurs.

Bret, de son côté, affirme que la science a été prise en otage par une faction idéologique qui a transformé la recherche en tribunal moral. Eric, lui, va plus loin : il explique que, pour lui, le progrès fondamental en physique théorique a été délibérément et mystérieusement stoppé au début des années 1970, et que nous vivons dans un état de stagnation intellectuelle depuis plus d’un demi-siècle.


Pourquoi ? Probablement parce qu’il est stratégiquement utile pour les États de bloquer un progrès trop important : car le progrès véritable, celui qui résout le cancer, la pauvreté, la mort, la rareté en somme, rend tout gouvernement inutile… En conséquence de quoi, dans un monde où le progrès menace les pouvoirs établis, la stagnation devient une arme : les élites maintiennent l’Humanité dans un état de quasi crise permanente, suffisamment confortable pour éviter la révolte, mais suffisamment précaire pour justifier le contrôle, et il suffit de lui faire croire que l’innovation réside dans une appli acidulée pour livrer des sushis plus vite…

Le progrès est ainsi devenu un luxe contrôlable. On finance la recherche, mais pas la révolution. On célèbre l’innovation, mais pas la rupture. On a remplacé les fusées par des likes, les laboratoires par des incubateurs de startups, et les génies par des influenceurs.

Cependant, ni le plateau énergétique, ni celui du progrès en général ne sont une fatalité.

Le progrès a été enfermé dans des comités, dans des idéologies et dans la peur. Pour le libérer, il faudra renoncer au confort et au consensus et retrouver la volonté d’un futur qui soit autre chose qu’un simple passé amélioré ou marginalement meilleur.

Alors sans doute, la courbe repartira. Per aspera ad astra ?


https://h16free.com/2025/12/12/80688-pas-de-voitures-volantes-mais-des-trottinettes-electriques-on-nous-a-vole-notre-futur
Stéphane Rozès
12/12/2025

Les néolibéraux post-nationaux, de gauche comme de droite, par inculture, pensent faux et ont un problème avec le réel.
- L’Europe est déjà affaiblie et divisée.
- Ce ne sont ni Trump ni Poutine qui sont pour la souveraineté nationale : ce sont les peuples, dont les dirigeants devraient être l’expression.
- La souveraineté nationale est la condition de la souveraineté populaire, de la démocratie.
- L’imaginaire européen, son génie, procède depuis Mare Nostrum de la capacité à faire de la diversité de ses peuples du commun, et non de la nier ni de la contourner.
- L’Union européenne détruit l’Europe, car ses institutions et ses gouvernances néolibérales sont contraires à l’imaginaire européen.
- La puissance résulte de la cohérence entre les imaginaires des peuples et leurs institutions, de la force du lien entre gouvernants et gouvernés.
- L’Europe des nations voulue par Mendès France et de Gaulle est la seule façon de sortir du chaos et de remettre l’Europe en mouvement, comme passerelle entre l’Occident et le Sud global.

ARIÈGE. CETTE NUIT, L’ÉTAT A FRANCHI UN POINT DE NON-RETOUR

Karine Durand
12/12/2025

Ce qui s’est passé en Ariège n’est ni un “incident”, ni un “maintien de l’ordre”, ni un banal “protocole sanitaire”. C’est un massacre administratif exécuté par la force, avec une froideur qui glace.
Pendant 48 heures, des agriculteurs, des citoyens, des familles entières ont tenu sans dormir pour protéger un troupeau de 200 vaches et leurs veaux. Des bêtes saines. Une seule vache malade, isolée. Toutes les autres pouvaient être sauvées. Des solutions existaient. Elles ont été proposées. Elles ont été ignorées.
En face, l’État d’Emmanuel Macron a répondu par une démonstration de force totale. 600 à 700 CRS. Deux hélicoptères. Des Centaures. Des blindés. Du matériel militaire pour dégager des voitures, soulevées et jetées dans les champs comme des objets sans valeur. Des grenades. Des gaz. Huit heures de confrontation.
Huit heures contre des agriculteurs. Pas contre des trafiquants. Pas contre des mafias. Pas contre des zones de non-droit. Contre ceux qui nourrissent ce pays.
L’étable entière a été saturée de gaz. Oui, saturée. Les images existent. Les témoignages aussi.
Ce n’est pas la Shoah. Ce n’est pas la guerre. Ce ne sont pas des chambres à gaz. Et personne de sérieux ne dit cela. Mais ce que beaucoup ressentent, ce choc viscéral, vient d’ailleurs. Il vient du fait de voir un pouvoir appliquer une logique froide, bureaucratique, désincarnée, sur du vivant. Traiter des êtres vivants comme des variables à neutraliser, sous protection armée, au nom d’un dossier.
C’est précisément ce que l’Histoire nous a appris à surveiller : non pas les horreurs finales, mais les mécanismes qui les rendent possibles. Les obéissances aveugles. La déshumanisation par le langage. La “raison d’État” qui écrase tout.
Et pendant ce temps-là, les responsables politiques parlent de “science”, de “proportion”, de “nécessité”. La réalité est simple : cette maladie a une mortalité estimée entre 1 et 5 %. Aucun éleveur n’acceptera jamais de perdre 100 % de son troupeau pour en “sauver” 95 % sur le papier. Aucun être humain sain d’esprit n’accepterait cela pour son travail, sa vie, sa famille.
La vérité, c’est que la souveraineté alimentaire française est en train d’être méthodiquement détruite. Et quand il n’y a plus d’élevage, il n’y a plus d’agriculture. Quand il n’y a plus d’agriculture, il n’y a plus de pays. Et quand il n’y a plus de pays, on importe. À n’importe quel prix. De n’importe où. Avec n’importe quoi dans l’assiette.
Cette nuit, quelque chose s’est cassé. La peur a changé de camp.
Les commentaires affluent par milliers. Des gens pleurent. D’autres n’ont pas dormi. Beaucoup parlent d’“heures sombres”, non par provocation, mais parce qu’ils ont reconnu une ligne rouge qui bouge. Les blocages s’étendent. L’A75 est bloquée. D’autres suivront. Les syndicats agricoles, pour une fois, étaient unis. Les citoyens sont venus sans étiquette.
La colère n’est plus locale. Elle est nationale.
Ce gouvernement peut continuer à mépriser, à gazer, à mentir via ses communiqués et ses plateaux télé. Mais il ne pourra plus faire comme si rien ne s’était passé. Parce que des millions de personnes ont vu. Parce que les images ont dépassé les médias officiels. Parce que la propagande a été battue par la réalité.
Après les vaches, ce n’est pas “le chaos” qui vient. C’est la rupture.
Une rupture entre un pouvoir hors-sol et un peuple qui refuse d’être administré comme un problème à éliminer. Une rupture entre Bruxelles, Paris, et la France réelle. Une rupture qui ne se réglera ni par des gaz, ni par des éléments de langage.
Cette nuit, l’État a peut-être gagné une bataille contre des éleveurs.
Mais il a perdu quelque chose de bien plus grave : la confiance.
Et quand elle est morte, plus aucun blindé ne la ramène.
Et maintenant, parlons chiffres. Parce qu’au-delà du choc moral, ce qui s’est passé en Ariège est aussi une aberration économique monumentale, payée par des gens qui n’ont jamais choisi cette décision. L’abattage du troupeau représente à lui seul entre 400 000 et 600 000 euros de valeur agricole détruite (vaches, veaux, années de sélection, de soins, de travail). À cela s’ajoutent les coûts d’équarrissage et de destruction des carcasses, entre 30 000 et 50 000 euros. Mais le plus indécent reste le dispositif déployé : 600 à 700 CRS et gendarmes, heures supplémentaires, logistique, blindés, Centaures, munitions lacrymogènes, grenades, carburant, deux hélicoptères consommant chacun des milliers d’euros de kérosène par heure. La seule opération de maintien de l’ordre est estimée entre 300 000 et 800 000 euros. Sans compter les dizaines de véhicules civils endommagés ou détruits, jetés dans les champs pour forcer le passage, pour une facture supplémentaire comprise entre 100 000 et 250 000 euros selon les indemnisations. Total de l’addition : entre 850 000 euros et 1,7 million d’euros pour détruire un élevage.
À titre de comparaison, la solution rejetée par l’État (isolement de la vache malade, quarantaine renforcée, surveillance vétérinaire et gestion locale du risque) aurait coûté entre 25 000 et 70 000 euros. Vingt à soixante fois moins. Et surtout, sans briser une famille, sans ruiner une exploitation, sans traumatiser une région, sans mettre le feu au pays. Qui va payer cette différence colossale ? Pas ceux qui ont signé les ordres. Pas ceux qui ont donné les interviews. Ce seront les contribuables, par l’impôt, les budgets publics, les indemnisations tardives, les assurances qui refusent ou traînent, les agriculteurs qui reconstruiront seuls. Une décision imposée d’en haut, refusée sur le terrain, et financée par ceux qui n’ont jamais été consultés. Voilà aussi ce que révèle l’Ariège : non seulement un abus de pouvoir, mais une arnaque économique d’État, froide, inefficace, et destructrice.


José Martin