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12 mars 2024

Je sais ce qu’est la délation

Radu Portocala

12/3/2024 - Je sais ce qu’est la délation. J’ai été amplement dénoncé. On a rapporté à la police politique de Roumanie, la Securitate, des propos que je n’avais pas tenus. D’autres ont été amplifiés, afin qu’ils correspondent aux besoins du dossier et de l’enquête. On a raconté des choses que je n’avais pas faites. On a donné à d’autres une interprétation et une importance qu’elles n’avaient pas. Si le gouvernement grec d’alors n’avait pas entrepris une action très forte - à laquelle aucun autre gouvernement n’aurait consenti -, j’allais, partant de ses inventions et exagérations, être jugé pour « haute trahison ». Cela m’aurait assuré 20 ou 25 ans dans leurs geôles.
Dans les notes qui préparaient un livre jamais écrit j’écrivais que le délateur est l’avant-garde du bourreau. Certes, on peut donner au bourreau toutes sortes de visages et toutes sortes d’habits - il reste, en essence celui qui, d’une manière ou d’une autre, persécute.
Il m’est arrivé de rencontrer deux anciens bourreaux de la Securitate - nommés pudiquement dans le langage administratif enquêteurs. Je n’oublierai jamais leurs yeux, leur visage, leurs mains.
Et j’ai connu beaucoup de délateurs. Ça peut sembler curieux de pouvoir les identifier, mais ce n’est pas une impossibilité. Quelqu’un raconte à une connaissance un mensonge, puis, à l’interrogatoire, il découvre que le mensonge figure dans son dossier. D’autres étaient connus presque de tout le monde, cependant, ils trouvaient encore quoi rapporter.
Des femmes dénonçaient leurs maris ou des maris dénonçaient leurs femmes ; des adolescents dénonçaient leurs parents ou leurs camarades d’école ; des collègues de travail se dénonçaient entre eux ; des amis de toujours dénonçaient leurs amis.
La délation est probablement la forme la plus sale de traîtrise. Le délateur, lui, est un être misérable, sans conscience, qui cherche à nuire, en échange de quoi il aura, peut-être, quelques mesquins avantages. Pour atteindre ses buts, peu lui importe d’inventer ce qu’il n’a pas entendu ou vu. Son obscure mentalité vaudrait sans doute une étude psychologique.
Lorsque le phénomène de la délation prend de l’ampleur, la société tombe malade à la fois de la méfiance et de la peur. On ne sait plus à qui on peut parler sans danger, on vit dans la crainte d’avoir dit un mot de trop.
C’est cette société que veut construire le parti d’Emmanuel Macron, sans doute avec sa bénédiction. Pour notre bien - comme on vous explique toujours en régime totalitaire. Pour l’hygiène morale. Et sans même avoir le courage de le dire, les ordures sont invitées à dénoncer. Le bien s’appuie donc sur les ordures, c’est sur les ordures qu’Emmanuel Macron et les siens veulent construire la société pure et juste de leurs rêveries malsaines.

6 février 2024

Annelise Bocquet
Docteur en Biologie Santé, enseignante d'hématologie/immunologie.

Moi, je voulais juste... vivre. Et gagner ma croûte... faire vivre ma famille !

Comme bon nombre de soignants injectés anti-covid et qui souffrent d'effets indésirables... pris pour des rats de laboratoire.
Vous parlez des soignants suspendus avec 3 ans de retard. Combien de temps allez-vous mettre pour parler des effets indésirables ?

Des cas de myocardites, péricardites, pemphigoïde bulleuse, d'atteintes neurologiques et dégénératives, des cancers, des troubles gynécologiques... des troubles de la coagulation et des morts ? Car oui, il y a eu des morts... et il y a aussi des "morts vivants". Vous savez, des personnes qui ne peuvent plus bouger car elles souffrent le martyre. Qui ne peuvent plus "gagner leur croûte", enfermées dans un corps qu'elles ne reconnaissent plus et qu'elles ne maîtrisent plus.

Alors, moi, je voulais juste... vivre. Et aujourd'hui, je le paie très cher.

J'ai une pensée pour les soignants suspendus. Ils ont vécu l'enfer... et je pèse mes mots. La mort sociale, l'opprobre, les humiliations... ils ont tenu bon avec une détermination qu'il faut saluer.

Mais j'ai aussi une pensée pour les soignants qui ont injecté ces produits anti-covid... il y en a qui s'en mordent les doigts. Une culpabilité terrible à porter... c'est aussi à ces soignants-là que vous devez vous intéresser... les repentis.
Eux aussi, on leur a menti, on les a manipulés avec une drôle d'éthique et de l'argent pour endormir les doutes. "Vous allez sauver des vies" qu'ils ont dit. Ouai... c'est ça... et combien va-t-on en bousiller ?

Aujourd'hui encore, les médecins généralistes suivent les recommandations des "sociétés savantes"... des erreurs médicales énormes sont faites mais tout va bien. Depuis quand la médecine se pratique sur décret ? Depuis quand les médecins ont arrêté de s'intéresser aux malades et d'analyser les cas ?
Intéressez-vous aux sociétés savantes et à ceux qui les dirigent... vous seriez surpris du taux de corruption et de malversations, des conflits d'intérêt et politiques.

Sur ce... moi, je voulais juste... vivre !
Comme beaucoup de Français et d'âmes sur cette Terre... tout ce que nous voulons, c'est vivre.


16 janvier 2024

Catherine Gaillard

Ah, ça fait peur, on aimerait enfouir ça parce qu'on a l'impression que ça ne nous concerne pas directement, c'est eh bien c'est un leurre, nous devons TOUS absolument regarder la vérité en face ; vous l'avez peut-être compris, je vis dans une cité HLM qui est en train de devenir depuis une grosse dizaine d'années un tiers-monde, j'ai déjà partagé à plusieurs reprises des photos : poubelles, voitures, arbres brûlés, chips, emballages gras, macdo, bouteilles, canettes au sol, alors qu'il y a des poubelles tous les 10 m, bagnoles et quads traversant à toute pompe l'ère de jeux des enfants, motos et voitures volées à demi cramées dans les coins pour masquer les immatriculations, j'ai raconté les trafics de drogues (trois meurtres, pardon, ASSASSINATS, l'été dernier, deux par balles, un par couteau), les choufs postés dès la sortie du métro depuis... des années (ils ont juste remisé les banquettes et les fauteuils, un peu trop ostentatoires) !!!
Et je vous ai raconté toutes les "anecdotes" révélatrices ; mais je ne raconte pas tout, sinon mon mur FB ne servirait plus qu'à ça. Dernier exemple : avant-hier, promenant mon chien de poche - chihuahua - je croise un homme encapuchonné qui marchait lentement en psalmodiant. Il ramasse un bâton et me dit de m'éloigner "car il est propre, il fait ses 5 prières". Comme je réponds que moi aussi je suis propre, il me dit que "non, parce que si je regardais dans ta culotte il y a des virgules" (voyez les obsessions). Il continue en évoquant "la loi française qui oblige à tenir son chien en laisse". Comme je lui conseille, puisque je suis selon lui contrevenante, d'appeler la police, il finit par me menacer : "non j'appelle pas la police, j'appelle quelqu'un qui va venir te casser la gueule" (il imagine donc que la loi française l'autorise à proférer des menaces de violences sur la voie publique). Bon, ma fille m'a appelée à ce moment précis et j'ai mis fin à "l'échange".
Alors bien sûr, un de mes enfants n'a pas reçu une décharge de kalach en plein visage pendant qu'il était dans sa chambre, personne chez moi n'a été tué par une balle perdue alors qu'il était dans son lit en plein sommeil, mais ce n'est dû qu'au bon vouloir de la Providence... Hier, un homme d'origine africaine assis sur un banc, les yeux dans le vague, avec son portable à fond, une bouteille de rosé à demi vidée près de lui... penser à ne pas passer par là au retour. Vous voyez l'ambiance ? Tous les logements sociaux, toutes les cités populaires, seront-ils bientôt complètement uniquement investis par ce genre de population ? À simple vue d'œil ça en prend la tournure.

20 décembre 2023

Le Salut d'un Officier Allemand

« Je suis un médecin français juif. Au tout début de juin 1942, j'étais à Paris, sous l'occupation allemande. J'ai donc porté l'étoile jaune, comme m’y contraignaient les lois de Vichy.
Un après-midi vers trois heures, avenue Kléber, alors que je sortais de la librairie "Au Sans Pareil", où j'avais un abonnement de lecture, j'ai aperçu un officier allemand. Il marchait dans ma direction. Arrivé à ma hauteur, il a fait le salut militaire. Puis, il a poursuivi son chemin. J'ai regardé autour de moi : l'avenue était déserte ! Cet événement m'a bouleversé. Et je me suis longtemps interrogé sur la signification de ce geste.
Aujourd'hui, j'ai quatre-vingt onze ans. Plus de cinquante ans après, j’ai relaté cet épisode dans une brève histoire de ma vie que j’ai écrite à l'intention de mes enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. De bouche à oreille, l’anecdote a fait le tour de la famille jusqu’à ce jour d’avril dernier, où un de mes petits-neveux m’a appelé. Mon histoire lui évoquait un passage du “Journal parisien” d’Ernst Jünger, le grand écrivain allemand, héros de la guerre de 14, affecté à Paris, en juin 1942, comme officier de la Wehrmacht. J'ai aussitôt pris connaissance de ce journal.
C'est ainsi que le 7 juin 1942, il écrit :
“J'ai croisé pour la première fois, rue Royale, un groupe de trois jeunes filles qui portaient l'étoile jaune ... et je me suis senti aussitôt gêné de porter l'uniforme”.
Après cette lecture, j’ai eu envie de raconter mon histoire à Ernst Jünger. M’étant assuré qu'il était encore en vie, j’ai prié son éditeur de la traduction française, Christian Bourgois, de bien vouloir lui transmettre une lettre. Il l’a fait avec diligence, tout en me prévenant qu’Ernst Jünger était un monsieur de cent ans, qui recevait beaucoup de courrier !
Je ne m’attendais donc guère à une réponse, quand, il y a quelques semaines, j’ai reçu une carte de Jünger, écrite en français. J'y apprends que l'officier allemand qui m’a salué, il y a cinquante-quatre ans, avenue Kléber, c’était lui ! Voici le texte même de sa réponse : “Cher Monsieur, vous m'avez vu rentrer dans la librairie de madame Cardot, amie à moi (juive), avenue Kléber. Bien à vous, Ernst Jünger.
P.S. : J'ai toujours salué ‘l’Étoile’.”
Aujourd'hui je suis très heureux de pouvoir saluer à mon tour celui qui, en cette période noire, m'avait redonné, un instant, espoir en l'Homme. »
Lettre de Monsieur le Dr. Germain Sée envoyée au Monde le 12 août 1996 (rubrique “Courrier des lecteurs”).

Conversation entre Julian Assange et Cédric Villani, en visite à la prison de Belmarsh

Le mathématicien Cédric Villani, visiteur numéro 658462, a pu rencontrer Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, dans la prison de haute sécurité britannique où il est incarcéré depuis 2019. Voici son récit, en exclusivité dans « l’Obs », alors que l’Australien risque d’être extradé aux Etats-Unis où il encourt jusqu’à 175 ans d’emprisonnement.

« Over quota ! »
A l’accueil de la prison de Belmarsh, ce matin d’octobre 2023, l’employée a immédiatement rendu son verdict. « Prisoner Julian Assange » n’aura pas droit au livre que je lui ai apporté, il en a déjà trop. Comment peut-on avoir trop de livres ? Est-ce qu’un prisonnier qui lit trop de livres est un danger plus grave pour la société ? Je pense aux milliers de livres de ma bibliothèque personnelle qui ont accablé tant de déménageurs, et je me demande ce qu’en dirait l’administration. Pas le temps de trop me poser de questions, je dois continuer les formalités. Mon passeport est vérifié, ma preuve de résidence enregistrée, ma main tamponnée à l’encre invisible.
« Vous ne pouvez garder avec vous que ceci. » Ceci : un feuillet administratif qui joue le rôle de laissez-passer et une petite pancarte à maintenir attachée autour du cou, portant les mots « visiteur social » et le numéro 658462. Et tout le reste – électronique, stylos, papiers, portefeuille, carnet, veste, mouchoirs, gourde, sacs, journaux… – va dans le casier. Ah si, j’ai le droit de conserver sur moi un maximum de 25 livres — des livres sterling, pas des livres que l’on lit. Je me déleste de tout, insère la pièce de 1 livre dans le mécanisme à clé de la consigne, attends tranquillement qu’on me fasse signe. Prêt à pénétrer dans un nouveau territoire.
Une prison, c’est un monde en soi. Avec son temps propre et son espace propre, ses laissez-passer, sa culture, son administration, ses rapports de force, son économie. Les prisonniers britanniques ont leur propre journal interne – rempli de témoignages d’évasions ratées, d’erreurs judiciaires, de nouvelles des prisons ailleurs dans le monde. Et dans quelques instants, je pénétrerai dans la plus célèbre prison britannique, His Majesty’s Prison Belmarsh, que l’on surnomma un temps le « Guantanamo britannique ». L’une des dix prisons de très haute sécurité (catégorie A) de Grande-Bretagne. Elle héberge certains des terroristes et serial killers les plus recherchés, et plus généralement des personnes dont l’évasion « ferait courir un grave risque » à la société. C’est là que survit Julian Assange, le journaliste le plus décoré du XXIe siècle.
« Vous voyez la première porte ouverte, là-bas, dans le grand bâtiment de l’autre côté de la cour ? Vous pouvez y aller. »

Fouille au chien

Nous sommes une dizaine de visiteurs et visiteuses de tous âges, ce matin, à entrer par cette porte. Vérification des papiers et empreintes digitales. Attente sous bonne garde. Barrière. Examen de sécurité façon aéroport (plus grand-chose à déposer, mais quand même les chaussures et la ceinture). Fouille au détecteur de métaux. Fouille des semelles des chaussures. Fouille au corps. Examen de votre gorge, du dessous de votre langue, de vos oreilles. Fouille au chien, qui vient vous sauter dessus comme débordant d’affection. Examen de vos accessoires.
« Les bracelets, c’est religieux ? Vous pourriez les enlever ? »
Mes bracelets d’accès à la Fête de « l’Huma » ? Ah non, je n’appellerais pas ça une religion. De toute façon, je ne peux les enlever, à moins de les couper. Une supérieure est consultée, elle m’autorise à garder les bracelets suspects.
Etape suivante. Une porte. Une cour encadrée de très hauts murs. Une porte, deux portes. Nous sommes silencieux, en rang derrière un garde, comme de petits canetons bien sages derrière leur maman. Des cris quelque part, d’une personne au bord de la crise de nerfs. Dans les couloirs, de grandes affiches font la morale aux prisonniers, avec gros plan sur le visage d’une mère dont la vie s’est arrêtée, d’une petite fille qu’ils ont abandonnée. Et si vous avez de la drogue, ou des objets interdits, c’est votre dernière chance de les déposer, les conséquences peuvent être terribles en cas contraire.

Finalement, après la dernière porte, voici le parloir. C’est un réfectoire comptant une cinquantaine de tables, rangées selon une grille régulière, fixées au sol avec les chaises qui les entourent. Les murs sont décorés de mots « sociaux » – foi, famille, amitié… Je récite à voix basse un poème d’Aragon, me disant que c’est probablement la première fois qu’il est prononcé dans ces murs et que c’est aussi notre mission de répandre la poésie. Examen de mes papiers, de mes empreintes, pour la énième fois.
« Ce sera la table C1, vous voyez, là-bas. »
Les prisonniers ne sont pas encore arrivés. Eux devront rester bien en place à la table qui leur est assignée, leur brassard jaune indiquant leur statut. Vous aurez le droit de vous mouvoir dans le parloir, pour aller acheter de menues consommations à la buvette. Pendant une heure et demie, vous allez être leur bouffée d’oxygène, leur lien avec la société des humains.
Je ne sais pas vraiment ce que voudra Julian, je vais au plus simple pour commencer. « Two coffees, please. » Ce sont les machines à café les plus lentes que j’ai vues de toute ma vie, et les employées le reconnaissent sans rechigner. D’autant plus rageant que « mon » prisonnier vient d’arriver et de s’installer à sa place. Que cela soit dit : la première fois où il est apparu, il n’y a pas eu de moment de regard lumineux entre nous, de moment magique hollywoodien où je me suis jeté dans ses bras. A ce moment j’étais bien englué dans la petite réalité, trépignant à attendre que nos cafés soient exprimés par une technologie lambine.
Une première fois, oui ! Pas ma première fois dans le monde carcéral, tout en froide lenteur et en barrières – ça m’est déjà arrivé d’y donner des conférences de vulgarisation scientifique, ou d’y effectuer une visite de député –, mais c’est la première fois que je rends visite en prison à quelqu’un qui compte pour moi.

Un air de sage des contes de Tolkien

Il faut sans doute que je m’habitue : le monde compte plus de prisonniers que jamais – 11 millions, selon les observatoires, les deux plus gros fournisseurs étant les deux grands empires économico-technologiques, Chine et Etats-Unis d’Amérique. La dernière lauréate du prix Nobel de la paix, Narges Mohammadi, croupit dans un cachot iranien ; l’un de mes collègues mathématiciens a tâté des geôles turques ; et ma route a croisé pas mal de journalistes et intellectuels rescapés de prison, sans parler des militants écologistes qui se font régulièrement coincer en garde à vue. En France aussi, d’ailleurs, nous avons plus de prisonniers que jamais, et la Cour des Comptes vient de publier un rapport accablant à cet égard. La prison est dans l’air du temps.
Mais ma première interrogation, bien sûr, c’est celle de toute personne qui rend visite à un proche en prison. Comment va-t-il ?
Pas très bien, visiblement. Embonpoint, air neutre, traits las, et comment pourrait-il en être autrement ? Cela fait plus d’une décennie qu’il n’a pu marcher dans une rue, ni sortir pour un événement culturel, ni grimper la moindre collinette. Pourtant, les longs cheveux blanc-blond donnent à son visage un air de sage des contes de Tolkien, et la robustesse de sa posture évoque un roc, plutôt qu’un homme défait. Je m’approche sans précipitation, enfin se fait le contact des yeux et l’on s’étreint longuement. On ne s’est jamais rencontrés, pourtant c’est comme un ami, on a déjà discuté par personne interposée, et je connais bien sa femme, ses enfants, son père. Mais il y a une autre raison, quasi biologique, qui motive l’étreinte : pour un prisonnier qui vit dans une boîte de 6 m², passe 23 heures sur 24 à l’isolement complet, et ne jouit d’une présence amie que deux ou trois heures par semaine, c’est le seul moment où il peut assouvir son naturel besoin de contact humain.

« Merci d’être venu. »

L’accent australien est à peine perceptible – il blaguait qu’il perdait son accent déjà dans la réclusion à l’ambassade d’Equateur à Londres (sept ans). Et le ton est doux et calme. Ce n’est pas de la résignation mais l’économie d’un marathonien, qui sait qu’il doit ménager ses émotions pour tenir sur la durée – son calvaire dure depuis si longtemps déjà, et peut hélas durer longtemps encore.
« Merci à toi. C’est nous qui devrions te remercier, tout le monde. »
Oui, nous devrions tous et toutes être reconnaissantes envers Assange. Aucun journaliste n’a révélé autant de scandales que lui. Crimes de guerre, corruption dans le monde de la finance ou de la politique, espionnage industriel, mise sur écoute de chefs d’Etat (dont trois présidents de la République française)… Interminable est la liste des puissants, des conspirateurs, des entrepreneurs véreux qui ont de quoi lui en vouloir. Mais les gigantesques campagnes de dénigrement menées par ses ennemis, la durée et la complexité des procédures ont réduit comme peau de chagrin l’équipe de ses soutiens actifs. Pour ma part, cela fait trois ans seulement que je les ai rejoints, clamant son sort injuste sur tous les toits, y compris au Parlement, avec François Ruffin et quelques autres – mais si j’ai un regret, c’est bien de ne pas avoir ouvert les yeux plus tôt.
Je lui dis que j’ai groupé ma visite avec un séjour sur l’île de Wight – lieu mythique pour les arts, la poésie, la photographie naissante, siège du plus grand festival de musique de tous les temps… Mais lui avait un autre angle, auquel je ne m’attendais pas !
« Ah, l’Île de Wight, ils ont une prison dessus. C’est là qu’est emprisonné un ancien dirigeant yougoslave. »
C’est la première fois, mais pas la dernière, que Julian me surprend par son érudition. Oui, vous pouvez vérifier, Radovan Karadzic est enfermé sur l’île de Wight. Dans une prison de catégorie B, moins sécurisée que celle de Belmarsh. Mais Karadzic a seulement été jugé coupable de génocide et crimes contre l’humanité [commis lors de la guerre de Bosnie (1992-1995)]. Il faut croire que le journaliste Assange est plus dangereux.
En vrai, quel symbole qu’il soit détenu précisément dans cette prison de Belmarsh. C’est par ici que l’on fabriquait les munitions qui partaient à la conquête du monde et maintenaient l’ordre et la terreur dans tout l’Empire britannique. Ici, le quartier de l’Arsenal – qui a donné son nom au fameux club de foot. Et la prison se situe tout près d’un gigantesque entrepôt historique de données d’Etat sensibles. Qui aurait pu imaginer un lieu plus chargé de symboles pour incarcérer un pacifiste qui a osé se lever contre le dévoiement du secret-défense ?

« Persécution politique »

La conversation s’engage entre Julian et moi. J’ai l’habitude de prendre des notes sur tout et partout, mais cette fois je devrai m’en remettre à ma mémoire seule. Il est probable que notre conversation est discrètement écoutée, mais peu probable que j’aurai accès à l’enregistrement. Pas de plan bien organisé, on chemine d’un sujet à l’autre.
Et surtout pas la peine que je parle de son feuilleton politico-juridique : il sait par cœur tous les éléments et le monde entier les sait, du moins les personnes qui s’intéressent honnêtement au dossier. Voilà plus de deux ans que le professeur de droit humanitaire suisse Nils Melzer a fait paraître son ouvrage exhaustif, désormais publié en cinq langues ; la version française est sortie en 2022 sous le titre « l’Affaire Assange. Histoire d’une persécution politique » (Editions Critiques). Une affaire dont il avait été saisi en tant que rapporteur auprès des Nations unies sur la torture et les traitements inhumains. A travers ces centaines de pages, Melzer a méthodiquement démonté tout l’écran de fumée qui enténébrait l’affaire – et qui l’avait lui-même trompé dans un premier temps. Il a mis en lumière un monde de sombres miracles où les dépositions sont modifiées sans le consentement de plaignantes, où des juges oublient subitement leurs procédures, où des conflits d’intérêts sont résolus par jeux d’écriture, où les démocraties occidentales trahissent au quotidien leurs Constitutions et leurs engagements. Travail soigneux, de longue haleine, qui n’a pas empêché le gouvernement britannique (pourtant partie prenante dans l’instruction) de qualifier dédaigneusement son rapport de « travail d’amateur ». Comment prendre au sérieux une démocratie occidentale qui rejette ainsi la voix claire et étayée des Nations unies, tout en brandissant les règles internationales quand cela l’arrange ?
Julian sait tout cela et sait que je le sais. Mais ce que je peux lui apporter, aujourd’hui, c’est de la discussion. Un contact humain, une stimulation intellectuelle, le temps d’une conversation – quelque chose de presque aussi précieux, pour survivre, que l’espoir ou l’eau potable. Julian et moi avons baigné dans le même bain culturel, avons été biberonnés à la culture scientifique-geek, on se comprend. Il a lu dans le texte les grands mathématiciens – Turing, G. H. Hardy ou « The Princeton Companion to Mathematics » de Tim Gowers. Quand je lui dis, en passant, que je conseille une entreprise de cryptage homomorphe, il sait très bien de quoi il s’agit. Julian :
« Ha oui ! Le cryptage homomorphe, je ne pensais pas que c’était possible. Alors pour me convaincre j’ai programmé un bébé cryptage homomorphe. Juste la fonction +1. Genre le nombre d’amis.
– Ha ! Un bébé cryptage. Faut penser aussi à programmer la fonction -1, quand tu perds des amis.
– C’est comme le cryptage à clé publique. La première fois qu’on m’en a parlé, je n’y croyais pas.
– Pour le cryptage homomorphe, faut des compétences à la fois en algèbre et théorie des nombres et en analyse numérique.
– Et toi, tu as les deux.
– Non, non. Moi, je comprends l’analyse numérique, mais algèbre et théorie des nombres, ça m’est étranger. C’est rare de maîtriser les deux versants. Parmi les grands mathématiciens du moment, peut-être qu’il n’y a que Terry Tao à pouvoir le faire.
– Ah, Tao… Il était dans mon université, à Melbourne.
– Je croyais que tu étais de l’ANU [Australian National University, à Canberra] ?
– J’y suis allé aussi, un peu.
– Moi, j’y suis resté quelques mois, à Canberra, ils ont une équipe sur les EDP [équations aux dérivées partielles, une classe d’équations mathématiques] pleinement non linéaires, peut-être les meilleurs du monde. Il fallait que j’aille apprendre directement à leur contact. »
La conversation va et vient, multiplie les références à notre panthéon commun. On parle de Erwin Schrödinger, ses balades dans les montagnes tyroliennes, le forum de la construction européenne qu’il a fondé à Alpbach. De Heisenberg et sa conception de la technologie qui se reproduit comme un organisme. De G. H. Hardy et sa vision controversée des applications mathématiques. De l’intuition surnaturelle de Ramanujan. Ou encore de la sainte trinité de l’informatique, Turing-Shannon-Von Neumann, accomplissant la synthèse entre l’abstraction pure de la logique et les enjeux les plus concrets liés à la guerre…

Réflexion systémique

Petit coup d’œil de côté. L’air gêné, Julian interrompt la conversation doucement pour me demander si je peux aller lui chercher d’autres choses à boire et à manger, maintenant qu’il n’y a pas de queue à la buvette. Bien sûr, j’aurais dû y penser. Café. Chocolat. Des fruits. Julian chamboule la géopolitique, mais à cet instant il dépend physiquement de moi, son visiteur du jour. Lui, symbole de liberté, dans cet environnement infantilisant, est incapable de se nourrir seul. Heureusement que l’esprit est toujours là, et la capacité de rire – récemment, il a fait fuiter une cocasse lettre au roi Charles III, décrivant avec panache, sur le mode de la dérision et de l’humour noir, la triste vie à Belmarsh, sa nourriture infâme et ses suicides.
« Je souffre de ne pas pouvoir bouger. On a besoin de bouger, de marcher pour mettre ses idées en mouvement. Mais je ne me plains pas. Soljenitsyne décrit le goulag en Sibérie… Etre emprisonné en Sibérie, c’est encore plus dur.
– Soljenitsyne, mais c’était un génie, le luxe de détails, l’érudition dans ses ouvrages !
– Il s’était confectionné un faux chapelet en boulettes de mie de pain. (Julian égrène des doigts un chapelet invisible) Ça lui servait d’aide mnémotechnique pour les chapitres de son livre qu’il conservait en vers dans sa mémoire…
– Un ami d’ami, emprisonné en guerre, a survécu en écrivant des poèmes dans sa tête.
– Pour moi, le plus dur, c’était les trois premiers mois ici, j’étais sans livres, et je partageais ma cellule avec un serial killer, je ne voulais pas lui parler. J’ai trouvé en moi les ressources… Je me suis mis à réfléchir à des choses si simples, à concentrer mon attention sur la géométrie élémentaire… repartant d’un triangle… indépendant de son orientation, de ses longueurs… un triangle que l’on peut décrire avec un seul nombre… J’ai reconstruit pour moi la géométrie la plus élémentaire, dans ma tête… Et petit à petit, de plus en plus complexe, jusqu’à reconstruire la relativité restreinte. »

L’emploi correct et sans effort des termes de « relativité restreinte » (special relativity), ou encore d’« équation de Vlasov » quand il évoque mon propre ouvrage, rappelle que Julian a une vraie formation de physicien. Dans un passionnant témoignage, son ancien camarade d’université Niraj Lal a expliqué comment la contribution de Julian a été d’importer dans le domaine de la démocratie la réflexion systémique chère aux scientifiques, l’analyse dimensionnelle qui sous-tend les cours de physique. Ayant reconnu la tendance du système à toujours concentrer l’information à son avantage, il s’est demandé comment la renverser structurellement. Donner aux citoyens davantage de contrôle, aux puissants plus d’obligations de transparence : et c’est bien pour cela qu’il a sa place dans une fameuse conférence programme du célèbre cryptographe Phillip Rogaway, « The Moral Character of Cryptographic Work ».
Snowden et Assange, liés par le destin jusqu’au sacrifice.
Quand je lui demande ce que serait une bonne formation aux enjeux du journalisme d’aujourd’hui, il hésite, réfléchit, botte en touche : ce qu’il a pu faire, il l’a réussi parce qu’il pensait flux d’information et technique, mais il n’a pas la culture universitaire du journalisme, pas de conseils ou de consignes à donner. Et pas si sûr d’avoir encore son mot à dire, après tout.
« Je crois… que je suis devenu un symbole. Quelqu’un qui se lève contre le système. »
Il a dit ça sur un ton pensif, comme en s’excusant, comme si la prison avait anéanti la chair de son personnage public pour ne plus laisser qu’un squelette abstrait, désincarné. Pas question que je le laisse se dévaloriser.
« Ça peut être très puissant, un symbole ou une image. Comme le manifestant seul face aux chars, place Tiananmen. Ou David contre Goliath.
– Et les gens sentent confusément que si Goliath gagne, ils perdent tout…
– Un symbole, c’est souvent bien plus important qu’un programme, en politique.
– Ah ah, moi j’étais un très mauvais politique. J’ai fait 1,2 % aux sénatoriales [en Ausralie en 2013]… Il faut dire que je n’avais pas la tête à la campagne, plus occupé à aider à l’évasion de Snowden… C’est sans doute pour ça que je suis encore en prison aujourd’hui… »
Une brume dans le regard, et on le comprend. Manning, Snowden, Assange – les deux lanceurs d’alerte et l’éditeur –, ces trois-là ont lié leur destin jusqu’au sacrifice. Quand l’administration américaine faisait du chantage à Manning pour qu’elle charge Assange en échange de sa libération, elle leur a répondu qu’elle préférerait mourir de faim que de dévier de la vérité. Et Assange a toutes les raisons d’être fier d’avoir facilité l’évasion de Snowden, l’homme qui a révélé l’espionnage de masse effectué sans mandat par la NSA et la CIA sur des millions de citoyens, américains et étrangers, présumés suspects sans raison. Interception de conversations téléphoniques, écoute des câbles Internet. Snowden était persuadé qu’il recevrait sans doute une balle dans la tête pour ses révélations, mais c’était quelque chose de plus grand que lui, il a laissé parler ses idéaux. Sans son héroïsme, l’Europe ne se serait jamais décidée à adopter le Règlement général de protection des données. Quand Snowden a demandé l’asile politique en France, la France a décliné, à deux reprises. Héroïsme de l’individu, couardise des Etats. Et rares sont les nations qui ont saisi les enjeux, enfermées dans leur propre petit jeu politique.

Les acteurs d’une pièce de théâtre mondiale

Une garde passe pour dire que mon café doit rester recouvert à tout moment. Bonne remarque : dans mes mains puissantes, le gobelet de café sans couvercle pourrait être une arme redoutable.
« L’opinion publique australienne est pour toi maintenant, et pas seulement parce que tu es l’un des leurs.
– La politique australienne est superficielle, c’est une jeune démocratie. Mais il y a aussi du bon. »
Autour d’Assange, les Etats se positionnent, comme les acteurs d’une pièce de théâtre. Dans le rôle du persécuteur, les Etats-Unis. Mortellement vexés d’avoir vu exposés leurs crimes de guerre et leur délire techno-contrôleur. Dans le rôle de l’âme damnée zélée, exécuteur des basses œuvres, le Royaume-Uni. Prêt pour cela à trahir ses valeurs, ses règles constitutionnelles, sa glorieuse histoire, et à mentir, mentir, mentir encore par la voix de ses ministres. Dans le rôle des faibles, collaborant sous la pression, la Suède, qui a permis d’allumer la titanesque procédure juridique. Dans le rôle de l’ingénu, dindon de la farce, tenant à ses alliances mais souhaitant le retour de son brillant enfant turbulent : l’Australie. Et pour la France ? Le rôle des lâches qui détournent le regard. Que d’excuses minables j’ai pu entendre de la part de membres du gouvernement, pour ne pas s’occuper de Assange…
« Ah, tu sais, je préfère Snowden… » « On a un conflit d’intérêts car un de nos ministres était son défenseur… » « Comment soutenir que la Grande-Bretagne n’est pas un Etat de droit ? » « Le contexte géopolitique n’est pas favorable… » Aucun membre du gouvernement n’ose dire mot quand l’administration Biden réclame l’extradition pour juger un journaliste australien, et utilise tous les tiroirs d’une loi contre l’espionnage de 1917 (Espionage Act) pour réclamer 175 ans de prison (oui, vous avez bien lu). Histoire d’envoyer un signal au monde : où que vous soyez, qui que vous soyez, si vous exposez des vérités qui nous dérangent, nous vous poursuivrons.
« Je leur dis que les livres sont mes amis »
Julian est le centre d’une pièce de théâtre mondiale, mais c’est aussi un humain qui souffre dans son corps. Je remarque que ses doigts ont du mal à éplucher la banane, je l’aide comme on aide un enfant maladroit. Et la discussion reprend. Julian n’est pas seulement un geek, comme on s’y attend il a aussi une solide culture politique. Il a lu dans le texte Churchill (« un bon écrivain mais pas une bonne personne, un oppresseur, et il a fait perdre beaucoup de soldats avec ses tactiques. C’est pour ça que les élections lui ont été si défavorables après la guerre »), Soljenitsyne (« il faut absolument que tu lises “le Premier Cercle” ») ou Gramsci. On glisse vers l’anticipation et le fantastique, Philip K. Dick et Neil Gaiman… Assange et moi, on a connu les livres depuis notre enfance et on a grandi avec, ce sont des amis indispensables.
« Les livres. Heureusement qu’ils me laissent en lire maintenant. Je serais mort sans eux. J’en ai fait des piles dans ma cellule. J’ai enlevé le lit, qui ne me servait à rien, j’ai gardé juste un petit matelas, genre yoga, et l’espace gagné, je l’ai rempli de livres. De temps en temps, ils veulent me les enlever, les expulser. Je leur dis que ce sont mes amis. »
Je parle de Pavel Florensky, ce scientifique et penseur inclassable écrasé par les Soviétiques, qui ont été jusqu’à détruire sa bibliothèque. Je promets de lui envoyer ses écrits, s’ils sont traduits en anglais.

Plus que 5 minutes.

C’est fou comme c’est passé vite. Il me reste 5 livres à dépenser, je voudrais vite aller lui acheter quelques fruits de plus. Mais trop tard, ils ont déjà refermé la buvette. Damn them. Je fais le point avec lui, les auteurs que je dois vraiment approfondir, c’est Gramsci et Soljenitsyne. Il faut conclure sur une note d’espoir. J’insiste une fois encore sur le dévouement de ses amis lumineux à l’extérieur. Sylvi qui a transmis mon dossier à l’administration pénitentiaire et garde les enfants de Julian quand son épouse doit partir à l’étranger chercher en son nom tel ou tel prix remis au nom du journalisme ou de la liberté de parole. Niels, le bénévole qui a plaqué son job pour aider la cause et qui viendra me rejoindre à la sortie de prison pour enregistrer une vidéo témoignage. Et les innombrables qui ont conscience, précisément ou confusément, de l’investissement de ce David qui s’est engagé pour eux contre le Léviathan-Système.

C’est le moment de l’au revoir. L’étreinte sera encore plus longue qu’à l’arrivée. Je repars, rends le plateau-repas. Un dernier regard au prisonnier de la table C1, son brassard jaune à l’avant-bras. Déjà, il a repris son air stable et neutre. Toujours en course de fond. Je lève le poing gauche et il répond de même. La lutte continue, malgré tout. Me reviennent en tête les vers d’Eluard :
« Un homme… qui continue la lutte
Contre la mort contre l’oubli
Car tout ce qu’il voulait nous le voulions aussi
Nous le voulons aujourd’hui. »

17 octobre 2023

LETTRE D'UNE AMIE, PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE

Philippe Miquel

Élèves analphabètes, ingrats, vides et avides, platement réduits à deux dimensions, profs pusillanimes, à peine plus instruits, tout aussi conformistes, sourds, muets, aveugles pour la plupart. Syndicats moutonniers, partisans, frileux et impotents ; doxa wokiste, bien pensance obligée, réflexion balisée ; réformes pléthoriques, absurdes, hors-sol, chronophages ; menaces directes ou indirectes (avec désormais l’option décapitation) ; parents démissionnaires, procéduriers, intransigeants, direction lâche, stupide, superficielle (une boussole qui indique le sud). Et le tropisme du privé pour le public s’accélère. L’attraction de l’abîme peut-être. J’étais souvent la seule à dire non, la seule à ne pas vouloir d’iPad en cours, pour les élèves et pour les profs. Asphyxiée par la bêtise, l’inconséquence, la mièvrerie ambiante, je ne pouvais presque plus exercer mon métier. Don Quichotte. Sisyphe. J’ai choisi Cyrano.
Formatage, bourrage de crâne, l’école n’est même plus un village Potemkine (on peine à cacher les ruines sous le tapis) mais un grand ratage institutionnalisé, un Mc Donald's qui gave les esprits de malbouffe (chacun vient comme il est), un système lénifiant, de plus en plus inégalitaire (fruit de plusieurs décennies de bourdieuseries), une vaste entreprise de déconstruction, de déstructuration, de décivilisation (comme dit l'autre).
Par intérêt sans doute, paresse, idéologie, cynisme, ils ont tué l’intelligence, l'esprit critique, la pensée libre, la vraie culture, le goût, l’exigence, l’histoire, la mémoire, l’identité, l’âme. Ils ont découragé les meilleurs, les plus motivés, les plus solides. Une violence inouïe, insidieuse, quotidienne, banale, destructrice. Une violence qui ne dit pas son nom. La « fabrique des crétins » est devenue la fabrique des barbares. Logique et chronologique.
Alors, je suis partie. Rester n’aurait eu ni sens, ni sève, ni saveur. Pas de complaisance ni de compromission. Un choix, pas une fuite. Une révolte, pas une démission. Je n’ai manqué à personne, personne ne m’a manqué. Cela remet l’ego à sa juste place. Cette liberté a un prix. Forcément. Officiellement, je suis en arrêt maladie. Mon salaire suit les méandres complexes d’une administration kafkaïenne (pléonasme). Bref, je ne gagne pas grand-chose et j’aurais une retraite de misère. Mais je ne regrette rien. Ils n’auront pas ma peau, ni ma liberté, ni mon temps.
Ma colère est à la mesure de ma déception, de ma désillusion, de mon désenchantement. De mon impuissance. Tout a été dit depuis longtemps, rien ne change. Avec l’Education nationale le pire est toujours sûr. Je ne regarde pas en arrière, je ne veux pas être amère. C’est fini. Ailleurs, loin, définitivement et dans l’indifférence de ce qui adviendra à ce pays, je préfère cultiver mon jardin. (30/09/2023)

13 octobre 2023

Tiephaine Soter

Hubert Reeves est décédé aujourd'hui. Je ne parle pas souvent de ce genre de non-événement, mais ce décès a pour moi un caractère particulier.
J'ai eu l'immense chance de pouvoir le rencontrer lorsque j'étais en terminale, au lycée Saint-Louis à Saumur. Il était généreusement venu passer deux heures avec nous, pour nous parler des étoiles, bien sûr, mais finalement pas seulement. Il nous a parlé de paix. Son discours, à l'époque, m'était un peu passé au-dessus, mais est toujours resté dans ma mémoire, et a influencé ma trajectoire professionnelle et personnelle. C'est en partie grâce à lui qu'aujourd'hui, je partage des analyses que je veux les plus neutres possibles sur les grands événements de notre monde.
Je me remémore forcément un morceau de ce dont il nous a parlé, aujourd'hui, et que je vous partage maintenant.
Hubert Reeves avait rencontré Yasser Arafat, alors à la tête de ce qui tenait lieu d'autorité palestinienne. C'était une délégation française "pour la paix", très politisée, dont rien n'était ressorti, mais les deux hommes avaient pu s'entretenir un peu hors cadre, hors caméra. Et le discours d'Arafat était radicalement différent : lui-même n'aspirait qu'à la paix avec Israël, et rêvait d'un jour où "enfants palestiniens et israéliens pourraient jouer ensemble au foot dans la rue".
A l'époque comme aujourd'hui, d'ailleurs, je me disais qu'Hubert Reeves avait été "endormi" par un beau discours.
Et pourtant, combien les choses auraient été différentes aujourd'hui, si ce "beau discours" avait été entendu pour ce qu'il était : un message de paix et de fraternité.
On ne peut pas toujours vivre dans la haine.
Hubert Reeves était un rêveur, un idéaliste, un artisan de la paix, à son échelle. Nous manquons de personnalités à son image, de vraies personnes sincères, et non motivées par une idéologie politique.
J'espère qu'il ne sera pas oublié.

21 juillet 2023

Radu Portocala

La mort qui est porteuse de silence peut aussi interrompre le silence – celui que je m’étais imposé pour quelques semaines – quand il s’agit de parler d’elle et de celui qu’elle a enlevé.
Je n’ai jamais rencontré Alexandre Adler – dont certains, ces jours-ci, déplorent la disparition ; j’ai parlé une seule fois avec lui, au téléphone. Pourtant, il a joué un rôle profondément négatif dans mon existence.
En octobre 1990, je publiais chez Calmann-Lévy « Autopsie du coup d’État roumain », un livre (suivi de deux autres, en 2009 et 2019) dans lequel je démontrais que ce n’était pas une révolution qui avait renversé Ceausescu, mais un coup d’État dirigé par les services soviétiques. Dans le dernier chapitre, je donnais la liste des membres du gouvernement issu de cette opération. Bien entendu, je citais avant tous les autres le premier ministre Petre Roman, fils de Walter Roman, apparatchik communiste de la première heure, arrivé à Bucarest en août 1944 sur les chars soviétiques et dûment oint par Moscou. Toutes choses archi-connues en Roumanie.
Quelques mois plus tard, Adler m’appela pour me dire qu’il était très fâché contre moi. Comme nous ne nous étions jamais rencontrés, je fus étonné. Il m’expliqua que son énervement venait du fait que j’avais écrit « des choses horribles sur Walter Roman ». Après quelques minutes d’une discussion que je qualifierais de parfaitement stupide – et durant laquelle il essaya de me convaincre que Walter Roman avait été un brave opposant au régime communiste –, je lui demandai d’où il tenait toutes ces absurdités. Il me répondit : « Mais vous ne savez pas ? Walter était mon oncle. Petre est mon cousin. » Et il m’expliqua que, pendant plus d’un an, il s’était occupé de Walter Roman, qui, malade, avait été envoyé à Paris par le Comité central roumain pour se faire soigner. J’essayai de lui montrer que jamais un opposant au régime ne pouvait jouir d’un tel privilège, mais ce fut peine perdue. Il mit fin à l’appel en me disant : « Ça ne restera pas là ! » Autrement dit, en me menaçant.
À l’époque, j’écrivais dans « Le Point » et il arrivait que je sois invité dans des émissions de radio ou de télévision. J’avais un certain nombre d’amis dans la presse. Adler, agissant certainement pour le compte de son lamentable cousin Petre Roman, qui a cherché pendant des années à présenter son père comme un héros, n’a pas tardé à faire une première tentative auprès du « Point ». Il a cherché à persuader la direction du journal que j’avais, jusqu’en 1989, fait de l’espionnage pour les services de Bucarest. On lui rit au nez.
Il eut plus de succès avec la deuxième tentative. En bon délateur doublé d’un mythomane, il informa la direction du « Point » que je fréquentais assidûment les milieux fascistes. Avec une telle accusation, il ne pouvait rater son coup. Le journal m’informa, donc, que ma collaboration n’était plus nécessaire ou souhaitable. En même temps, toutes les rédactions avec lesquelles je pouvais espérer collaborer me fermaient leurs portes. Plus personne ne répondait à mes appels, les articles que j’envoyais n’étaient même pas lus. Mes « amis » journalistes me tournèrent tous le dos – même ceux qui, peu de temps auparavant, s’invitaient à dîner et me commandaient tel ou tel plat roumain. (Si j’étais un tant soit peu mesquin, je pourrais donner ici quelques noms, car certains d’entre eux sont devenus assez connus.)
En somme, Adler, avec l’aide de rédactions stupides, m’a soumis à une censure complète, définitive – comme appliquant une technique apprise dans un manuel du Komintern. Ce qui, d’ailleurs, est assez logique, car il a été membre du Parti communiste – auquel il a adhéré précisément au moment ou nombre d’intellectuels – et pas seulement – le quittaient, c’est-à-dire après l’invasion soviétique de la Tchécoslovaquie, en 1968. Un choix plutôt lamentable.
En 1994, j’obtins un petit poste au « Courrier international ». Je devais dénicher et traduire, de temps à autre, des articles de la presse roumaine. C’était un petit travail, très peu payé. Mais cet argent m’était utile. Un an après le commencement de cette activité, je reçus une lettre m’annonçant en termes pompeux qu’une vaste restructuration de la rédaction « nous oblige de nous séparer de bon nombre de nos collaborateurs ». J’appelai mon chef de service, qui était devenu un ami, et lui demandai combien de malheureux avaient été sacrifiés sur l’autel de cette restructuration. Il me répondit simplement : « Un seul. Toi. » Pourquoi ? Mais parce que Adler venait d’être nommé au poste de directeur de la rédaction !
Je compris alors qu’il ne voulait pas seulement m’empêcher de publier, mais aussi m’empêcher de gagner mon pain, me pousser peut-être à devenir balayeur ou laveur de voitures. Tout cela afin de défendre un personnage dont un pays entier sait qu’il a été un misérable. Pour célébrer les 20 ans de la chute de Ceausescu, « Le Figaro » n’a rien trouvé de mieux que de publier un éloge de Walter Roman, tissu de mensonges, rédigé par Adler. Rien d’autre !
Je ne me suis pas réjoui quand « Le Point » (car il y a parfois une symétrie dans la vie) l’a envoyé promener parce qu’il cherchait à publier des choses qui n’étaient pas vraies ; ni quand LCI a cessé de l’inviter parce qu’il avait cité dans ses commentaires des noms qui n’existaient pas ; ni quand la rédaction du « Courrier international » a compris que le grand savoir dont il faisait étalage lorsqu’il était invité à la télévision était dû à de très longues consultations préalables de l’Encyclopædia Britannica ; ni quand, petit à petit, nombre de gens sérieux ont compris que ce qu’il présentait comme des analyses savantes n’avait aucun intérêt. Je ne me réjouis non plus de sa mort. Je dois être dépourvu de cette capacité, puisque même la mort de Ceausescu ne m’a produit aucune réjouissance. Je n’espère même pas qu’il payera le mal qu’il m’a fait, ni les 27 ans de silence qu’il m’a infligés. J’espère tout simplement ne pas avoir le désagrément de lire ici ou là qu’il était un homme bien, car il ne l’était définitivement pas.

28 mars 2023

Médecin à Sainte-Soline, je témoigne de la répression

Agathe, médecin urgentiste présente à la manifestation à Sainte-Soline
- Reporterre -


Alors que le pronostic vital d’un opposant aux mégabassines de Sainte-Soline est toujours engagé, une médecin urgentiste lui ayant porté secours témoigne. Elle pointe la responsabilité de la préfecture pour le retard de sa prise en charge par les urgences.

Le week-end de mobilisation contre les mégabassines à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) a été marqué par de nombreuses violences policières et des blessures très graves, avec une personne encore entre la vie et la mort.

En attendant de plus amples informations, Reporterre publie d’ores et déjà le témoignage d’Agathe, médecin urgentiste présente à la manifestation, qui a suivi et s’est occupée de cette personne toujours dans le coma et au pronostic vital engagé. Elle pointe la gravité des faits et la responsabilité de la préfecture pour le retard de sa prise en charge par les urgences.

• La marche de printemps

Départ du camp vers 11 h. Trois cortèges marchent à travers champs. Le premier cortège nous annonce qu’il n’y a aucun barrage des forces de l’ordre sur le parcours. Ils gardent la bassine. Un vulgaire trou recouvert de béton. Ils la gardent comme une forteresse. Ils auraient même creusé une tranchée de huit mètres de profondeur et un talus de plusieurs mètres de hauteur sur tout le tour de la bassine pour la rendre inaccessible. Les douves du château-fort. Le cortège au sein duquel je me trouve est joyeux, les manifestants marchent dans la boue, un champ de colza, premières fleurs du printemps.

• Arrivée à proximité de la mégabassine

Les cortèges se retrouvent. Ils fusionnent. Une marée humaine. La victoire d’être si nombreux. 20 000, 25 000, 30 000 personnes, impossible d’estimer. On aperçoit les forces de l’ordre soigneusement disposées autour du bassin, enceinte de camions de gardes mobiles, plusieurs blindés. Une colonne de quads avec un binôme de gardes mobiles dessus. Certains auraient vu la cavalerie. Personne n’est inquiet à cet instant. Que peuvent-ils faire contre cette foule hétéroclite et déterminée ?

Un instant je me demande pourquoi les forces de l’ordre sont là. Ils ont creusé une tranchée de huit mètres de profondeur et un énorme talus. La bassine nous est inaccessible. Je me demande pourquoi la présence de toute cette artillerie est nécessaire. Qu’aurions-nous fait en leur absence ? J’en discute avec un·e ami·e, on se dit qu’ils font de la lutte contre les mégabassines un symbole de l’autorité de l’État.

• Premiers gaz

Je suis venue manifester avec une bande d’ami·es, je marche avec une copine. Dans mon sac à dos des compresses, du désinfectant, des antalgiques, des bandes, des pommades anti-inflammatoires, quelques kits de sutures si nécessaires pour l’après. Nos expériences de manifestations des dernières années nous ont appris qu’il fallait s’équiper en matériel de secourisme. Je ne me suis pas identifiée comme « medic » officiel. Mais il me semble évident d’avoir un minimum de matériel, au moins pour les copin·es.

Les cortèges se rejoignent à proximité de la bassine. Le cortège à notre droite est déjà noyé par les gaz alors que nous sommes encore à plusieurs centaines de mètres. Ils remontent vers nous, alors que nous continuons à avancer, heureux de se retrouver après ces nombreux kilomètres parcourus à travers champ.

30 000 personnes ont manifesté contre la mégabassine de Sainte-Soline, le 25 mars 2023. © Caroline Delboy / Reporterre

Les manifestants s’approchent des gardes mobiles avec leurs banderoles. On avance ensemble. Nous apercevons les visages familiers de quelques vieilles amitiés. À peine le temps de se retourner. Il pleut des grenades lacrymogènes, et d’autres, assourdissantes ou désencerclantes. Nous reculons. Je vois une femme faire demi-tour et repartir en arrière. Énorme détonation entre ses jambes. Elle boite. Nous reculons pour l’accompagner, la soutenir. Ça commence fort. On constate les blessures, un bel hématome sur la cuisse, un peu de gel anti-inflammatoire, deux gorgées d’eau. On se retourne, les manifestants crient « medic » de tous les côtés. On vient à peine d’arriver.

« Derrière nous, un deuxième blessé est transporté par des manifestants »

C’est un homme jeune avec une plaie délabrante de la main. Grenade de désencerclement. Je nettoie, une compresse, une bande, un antalgique. « Tu devras refaire le point sur la base medic arrière, être sûr qu’il n’y ait pas de corps étrangers. » D’autres « medic » s’affairent. On continue. On entend dire que quelqu’un serait inconscient au sol à proximité d’une banderole devant. On cherche cette personne. Impossible de la trouver. Un ami nous arrête, il s’est pris un Flash-Ball à l’arrière de la tête. On s’assoit pour l’examiner derrière une haie. On remonte sur un chemin en terre.

• Le chemin des blessés

Le niveau d’intensité a été maximal d’emblée. Pas de demi-mesure. Tous ces blessés qui reculent. Allongé dans un champ. Assis dans un fossé. La haine monte contre les forces de l’ordre. Que font-ils, que défendent-ils, quelques mètres cubes de béton valent-ils tous ces corps mutilés ?

Quelqu’un nous attrape par le bras. Un infirmier avec lequel j’ai discuté un peu plus tôt dans la journée. Il nous emmène à proximité d’un homme allongé à côté d’un fossé. « Fracture ouverte de fémur », me dit-il. Un pansement est déjà installé, je ne vois pas la plaie. Je vois un hématome de cuisse volumineux. Il n’y a pas d’extériorisation de sang. Je sens son pouls. Il est conscient. La première chose à faire : le mettre en sécurité. Un antalgique. À huit personnes, on le déplace plus loin. Quelqu’un prend des constantes. La fréquence cardiaque est normale. Je suis rassurée, il n’est pas en train de se vider de son sang. Pour une fracture ouverte de fémur, le risque hémorragique est majeur. Je demande à ce que quelqu’un appelle le Samu pour une évacuation.

Derrière nous, un deuxième blessé est transporté par des manifestants. Une plaie délabrante de la fesse gauche. La plaie n’est pas hémorragique. Elle est douloureuse. Il ne peut pas marcher.

Selon les organisateurs, 200 manifestants ont été blessés – dont 40 grièvement – durant ces affrontements. © Bertrand Sinssaine

On aperçoit une nouvelle charge de la police. Des quads ? Des lacrymos ? Je ne sais pas, je n’ai pas le temps de lever le nez des blessés. Il va falloir qu’on recule de nouveau pour mettre les blessés en sécurité. On fait un portage sur le chemin en terre pour s’éloigner vraiment définitivement des zones d’agressions.

On arrive à un croisement. Je demande à ce que les constantes des blessés soient prises de nouveau pour s’assurer de leur stabilité. Je demande à ce qu’on rappelle le Samu pour qu’il nous envoie des secours. Je vois que sur le chemin d’autres blessés continuent d’affluer.

Je refais le point sur la suspicion de fracture ouverte du fémur. Je déballe la plaie. La plaie est profonde. Il y a quelque chose de dur et de blanc qui ressort en son sein. Ce n’est pas de l’os. C’est un corps étranger en plastique blanc, une part cylindrique, une part plate. Je laisse le corps étranger en place. Il doit être retiré dans un bloc opératoire au cas où il existe une plaie vasculaire sous-jacente. Je rectifie le diagnostic à la régulation du Samu.

À ce croisement de routes où se retrouvent de nombreux blessés, des élus et des observateurs de la Ligue des droits de l’Homme sont présents.

« Mon petit matériel ne va pas suffire. Quelle impuissance… »

Un homme est installé par des manifestants juste à ma gauche. Il a le visage déformé. Il s’est pris une grenade dans le visage. Je l’examine. Il a une plaie de la paupière hémorragique. L’œdème de la paupière ne me permet pas d’examiner l’œil, sa vision, sa motricité. Il a une très probable fracture du maxillaire gauche, je ne peux rien dire pour son œil.

Des personnes viennent me voir pour me dire que les ambulances sont bloquées par les gardes mobiles en amont. Je commence à m’énerver. Je transmets : « Nous avons appelé le Samu, nous avons des blessés graves. Ils doivent laisser passer les ambulances. Nos appels sont enregistrés sur les bandes de la régulation du Samu. S’ils entravent le passage des ambulances, ils seront pleinement responsables du retard de soins. On ne se laissera pas faire. Y compris sur plan juridique. » « Mettez-leur la pression, c’est pas possible autrement. »

D’autres blessés arrivent entre-temps, ils ont l’air stables. Je n’ai pas le temps de les voir. Certaines personnes s’occupent d’eux. Des complicités de bord de route.

• L’« urgence absolue »

Quelqu’un vient me chercher pour me demander d’intervenir plus en amont sur le chemin. Mon amie reste avec les blessés.

Je remonte vers la zone où un homme est au sol. Du monde autour de lui. Je m’approche de sa tête. Un « medic » réalise une compression du cuir chevelu. Des gens essayent de le faire parler. Du sang coule sur le chemin. Il est en position latérale de sécurité. Je me présente auprès des autres personnes qui prennent soin de lui. « Je suis médecin urgentiste, est-ce qu’il a déjà été évalué par un médecin ? Est-ce que quelqu’un a déjà appelé le Samu ? » Le Samu est prévenu. Pour l’instant aucun moyen ne semble engagé. Je l’évalue rapidement. L’histoire rapporte un tir tendu de grenade au niveau temporal droit (juste en arrière de l’oreille). Il se serait effondré. Extrait par des manifestants. Au début il aurait été agité. Là, il est en position latérale de sécurité. Il est trop calme.

« Le coma est de plus en plus profond »

Je fais un bilan de débrouillage :

- une plaie du scalp de plusieurs centimètres en arrière de l’oreille. La plaie est hémorragique ;

- un traumatisme crânien grave avec un score de Glasgow initial à 9 (M6 Y1 V2), une otorragie qui fait suspecter une fracture du rocher ;

- pupilles en myosis aréactives ;

- vomissement de sang avec inhalation ;

- les premières constantes qu’on me transmet sont très inquiétantes. La fréquence cardiaque serait à 160, la tension artérielle systolique à 85. Le shock index est à presque 2.

Je demande à ce qu’on rappelle la régulation du 15 et qu’on me les passe au téléphone. Mon petit matériel ne va pas suffire. Quelle impuissance…

Je prends la régulation du 15 au téléphone. Je demande à parler au médecin. Je me présente en tant que médecin urgentiste : je demande un Smur [service d’aide médicale urgente] d’emblée pour un patient traumatisé crânien grave, avec une plaie du scalp hémorragique, et des constantes faisant redouter un choc hémorragique. Le médecin me répond que la zone ne semble pas sécurisée et qu’il est impossible pour eux d’intervenir au milieu des affrontements. J’explique que nous sommes à distance des zones d’affrontement. Qu’il y a des champs autour où il est possible de faire atterrir un hélicoptère. Il me dit qu’un point de rassemblement des victimes (PRV) est en cours d’organisation, qu’il va nous envoyer des pompiers pour extraire les victimes. J’insiste sur le fait que cet homme a besoin d’un Smur d’emblée, qu’il s’agit d’une urgence vitale immédiate et qu’il n’est pas en état d’être transporté vers un PRV. L’appel téléphonique prend fin, je n’ai pas l’impression que ma demande ait été entendue.

Un traumatisme crânien grave peut aboutir à la mort cérébrale, ou à la présence de séquelles extrêmement lourdes.

Je retourne auprès de la victime. Je la réévalue. Son score de Glasgow est tombé à 7. Le coma est de plus en plus profond. Une équipe de médecins infirmiers des gardes mobiles arrive. Je suis en colère. Ils viennent apporter les bons soins à ceux qu’ils ont presque tués. Je ravale ma colère, il faut penser à cet homme, à ce qu’il y a de mieux pour lui. Je fais une transmission médicale. Je propose que le médecin rappelle la régulation pour appuyer ma demande de Smur dans le cadre d’une urgence vitale immédiate. En attendant, j’aide l’infirmier à poser une perfusion. Traitement de l’hypertension intracrânienne. Traitement pour l’hémorragie. Le médecin des gardes mobiles me demande si j’ai de l’oxygène. Je ris nerveusement. Non, moi j’ai des compresses et de la biseptine, j’étais là pour manifester initialement.

Leur matériel est limité. Ils n’ont pas de quoi faire des soins de réanimation. Je ressens leur stress. Nous sommes dépendants du Smur.

Des pompiers en pick-up arrivent, ils nous demandent pourquoi le Smur et les VSAV [véhicules de secours et d’assistance aux victimes] ne sont pas là. Je craque et leur hurle dessus, je dis que les ambulances sont bloquées par les GM [gardes mobiles] en amont.

Combien de temps s’est écoulé ? Depuis combien de temps était-il au sol avant mon arrivée ? Comment peuvent-ils assumer un tel niveau de violence pour quelques mètres cubes de béton ?

Je pense à Rémi Fraisse.

Le Smur arrive. J’aide à son installation sur le brancard du Samu. Le médecin du Smur prépare de quoi l’intuber dans le camion. Je quitte les lieux pour rejoindre les autres blessés.

Je pense à cet homme. À ses amis. Aux miens. Je me demande où ils sont. Y en a-t-il d’autres comme lui ? Je pense à tous ceux qui ont été blessés ces dernières années par les armes de la police. À la zad, au Chefresne, au Testet, pendant la loi Travail, les Gilets jaunes. À ceux qui ont perdu des doigts, une main. Un œil. Ceux qui ont perdu la vie. À lui.

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6 février 2023

SOUVENIRS

Radu Portocala

À partir de la fin des années 1950 et pour bien longtemps ensuite, Domenico Modugno a été l’un des plus connus chanteurs italiens, gagnant plusieurs fois la première place dans des concours et festivals internationaux. Au début de l’automne 1962, il fut invité à Bucarest pour trois concerts, organisés dans l’immense Salle des congrès.
Les billets, bien entendu, s’épuisèrent en un rien de temps, mais, dans un élan de générosité, les autorités laissèrent une chance à ceux qui voulaient entendre et, surtout, voir le chanteur : le dernier concert allait être transmis à la télévision. Même si, à l’époque, les téléviseurs étaient encore peu nombreux, on trouva moyen de se faire inviter par un parent ou un voisin qui en possédait un. Ainsi, certains appartements – dont le nôtre – furent transformés en salles de spectacle, les invités étant si nombreux que quelques-uns furent obligés d’apporter leurs propres chaises.
La plupart des chansons étaient déjà connues du public roumain, très friand alors de musique italienne. Les applaudissements étaient assourdissants. Mais la salle, secrètement, avait un espoir. Dans le répertoire de Modugno il y avait une version, certes allégée, mais très bien chantée du « Ave Maria » de Schubert. Pour des raisons évidentes – la lutte contre le « mysticisme » était encore acerbe en Roumanie – les organisateurs l’avaient enlevée du programme proposé par le chanteur. Le public, néanmoins, attendait un miracle.
À la fin de son tour de chant, Modugno revint sur scène sous les applaudissements de plus en plus puissants et offrit plusieurs chansons supplémentaires. Finalement, les projecteurs s’éteignirent et l’immense cortine se ferma. Mais personne ne quitta la salle et tout le monde continua à applaudir. Au bout d’un moment, Modugno, qui avait abandonné sa veste, sortit entre les lourds pans de velours et salua ses admirateurs. Il fit encore deux ou trois sorties, alors que la salle refusait de se vider. La dernière fois, il avait un microphone à la main. Le public comprit, et un silence absolu descendit dans la salle. Seul, sans l’accompagnement de l’orchestre, il commença à chanter « Ave Maria ». Sur-le-champ, quelqu’un prit la décision inepte d’éteindre toutes les lumières. Presque dans le noir – seules les lampes de sécurité étaient encore allumées –, peut-être même enhardi par cette forme de censure, Modugno alla jusqu’au bout de la chanson. La télévision, elle, de manière incompréhensible, n’arrêta pas la transmission.
Ce fut comme une sorte de révolution. Peu comptait pour nous que Modugno ne risquait rien en outrepassant l’interdiction qui lui avait été faite. Ce qui nous émerveillait, c’était de voir qu’il avait pris la liberté dont on avait voulu le priver. C’était, en réalité, la liberté qui résonnait sous la vaste coupole. Et c’était ce malgré eux qui nous importait et nous fascinait en écoutant. Cet homme seul, en chemise, au bord de la scène, dans la salle obscure, chantant ce qu’on lui avait dit de ne pas chanter, était un homme libre. Cela nous semblait soudain une chose simple, à nous qui ne connaissions plus la liberté. Nous lui étions reconnaissants. Quant à moi, je comprends maintenant qu’une vérité précieuse venait, inconsciemment sans doute, de s’inscrire dans mon esprit.

1 février 2023

Dans la série "Alors tu vois, moi par exemple..."

Catherine Gaillard

Après qu'il ait été calculé il y a quelques années que j'avais droit à une retraite de 900 euros après avoir travaillé depuis l'âge de 17 ans et ensuite élevé seule 2 enfants, j'ai dû reprendre un boulot pour pouvoir de temps en temps gâter très modestement mon petit-fils, ou par exemple simplement m'acheter un vrai manteau ou des chaussures chaudes.
J'ai été embauchée pendant 3 ans en temps que nounou/aide scolaire chez différentes familles pour en moyenne 250 euros par mois. Au passage, je vous le dis, c'est dur, même si comme moi on aime tendrement les enfants (eh oui, il faut se coltiner les parents ^^)...
Déclarée, j'ai donc vu diminuer la modeste APL (aide personnalisée au logement) : de 160 euros, elle est passée à 120 euros. Perte sèche 40 euros, donc.
OK.
Parallèlement, les points retraite obtenus à la base de calcul de la pension de retraite n'augmentent pas si tu reprends un boulot. Donc mon travail de nounou pendant 3 ans ne m'a donné aucun point supplémentaire, et m'a laissée avec ma retraite de 900 euros.
Parallèlement également, on ne m'a jamais rétabli mon APL de départ, alors que je ne "fais" plus nounou depuis. Enfin, si, j'ai récupéré pas tout à fait 10 euros, parce qu'entre-temps Macron avait décidé de toute façon de diminuer les APL (y compris pour les étudiants, tous les étudiants).
J'ai bien conscience que ce sont là des comptes d'apothicaire, mais les pauvres en sont réduits à ça, aux comptes d'apothicaires. Même dans les rêves, la nuit, on fait encore les comptes (d'apothicaire).
Et il y a des situations bien plus problématiques que la mienne. Et quasiment toutes, elles passent sous les radars. Et on se garde bien de régler les radars.
Comme dit Mme Elisabeth Lévy au sujet de la "réforme" des retraites : « Oui, mais doit-on toujours écouter LA RUE ? »

26 décembre 2022

Terrible témoignage d'un médecin suspendu

FLORENCE
Médecin (Haute-Savoie)

- 26/12/2022 -

« C’est extrêmement violent d’être convaincue qu’il y a des traitements qui fonctionnent et ne pas pouvoir les utiliser. »

Florence a 53 ans, elle est mariée, elle a 3 enfants. Elle est médecin dans une structure privée d’Hospitalisation à Domicile (HAD). Suspendue le 15 septembre 2021 après 25 ans d’exercice.

À la maison, on a toujours eu d’autres sources d’informations que les seuls médias mainstream. Au début de la crise sanitaire, j’étais médecin dans une équipe d’HAD, engagée dans les soins palliatifs et l’accompagnement de fin de vie au domicile. Malgré la peur propagée et l’inconnu, notre cœur de soignant n’a pas hésité deux secondes. Il n’y a quasiment personne, au sein de notre équipe, qui a refusé de se porter volontaire pour les soins Covid. Nous sommes des soignants, on ne peut pas nous empêcher de soigner.

On faisait partie d’une structure avec de véritables moyens humains et matériels. On avait tous les équipements, les masques, les blouses, les gants. Mais on ne mettait pas les masques entre nous. On vit ensemble, on travaille ensemble, on est dans les voitures ensemble, on mange ensemble, ça n’avait aucun sens. Il est arrivé que des collègues infirmières, du jour au lendemain, aient le Covid et se retrouvent arrêtées. Bien qu’ayant été étroitement à leur contact nous ne l’avons pas attrapé. La notion de contamination est complexe, aucune étude n’a réellement montré l’efficacité des masques et nos systèmes immunitaires sont bien plus complexes que ce qu’on veut nous le faire croire !

On est rapidement intervenu dans les EHPAD, où un grand nombre de personnes âgées ont été touchées. Ce qui m’a surtout frappée, c’était l’abandon dans lequel elles se trouvaient. En rentrant chez moi, j’ai dit : « Même si vraiment c’est très grave, s’il y a un risque pour nous, moi je le prends ». On ne peut pas laisser mourir les gens seuls. C’est une question de dignité humaine. Accompagner, c’est mon métier, c’est l’engagement de ma vie. Le regard qu’on leur porte est essentiel, s’ils ne peuvent se voir dans les yeux d’un autre être humain ils perdent tout, y compris leur sentiment de dignité. Ensemble, avec les soignants, on est resté auprès de ces personnes, on leur a tenu la main et on n’avait pas peur. Il n’y avait à priori pas d’hospitalisation, ils restaient dans les EHPAD. Le seul soin qu’ils recevaient c’était de l’oxygène, mais aucune thérapeutique, aucun traitement médical. Et j’étais appelée avec mon équipe au tout dernier moment, alors qu’ils étaient en détresse respiratoire aigüe. Le gros risque de toute infection virale respiratoire c’est la surinfection bactérienne, qui se traite avec des antibiotiques. Mais là, c’était : « On ne traite pas » et quand on arrivait ils étaient en train de mourir. C’est à peine si on avait le temps de poser nos perfusions pour les soulager. C’est extrêmement violent d’être convaincue qu’il y a des traitements qui fonctionnent et ne pas pouvoir les utiliser. Il y a eu beaucoup de décès lors de cette première vague, toutes ces personnes, on les a vraiment laissées mourir, abandonnées.

Il y a des médecins qui ont soigné dans des EHPAD parisiennes. Avec l’hydroxychloroquine pour commencer, puis avec l’Ivermectine, et tous en témoignent : il n’y a eu aucun décès parmi les personnes traitées ! J’ai moi-même soigné dans une O.N.G. et il est évident que, dès que l’on utilise des traitements précoces efficaces, ça fait une énorme différence.

Il y a eu l’abandon des soins et il y a eu l’abandon par les familles. Certaines ne se sont pas beaucoup battues, mais je pense que la plupart ont ressenti une énorme détresse. Les visites étaient interdites. Impossible même de voir les morts, qui étaient immédiatement « emballés » dans des sacs plastiques et enfermés dans les cercueils. Pas d’accompagnement, ni des vivants, ni des morts, pas de rituel. Là, on a vécu la plus grande honte et atteinte à la dignité humaine. Tous ces deuils vont être très difficiles à faire. Quand on n’a pas pu se dire au revoir, quand on n’a pas pu tenir la main des gens qu’on aimait, il y a quelque chose qui déshumanise.

Quand les injections sont arrivées, j’ai demandé à la direction que notre structure reste un lieu de débats et d’échanges. C’était une structure familiale et sympathique, mais ça n’a pas du tout été possible. Il y a eu une campagne pro-vaccinale très forte. On a joué sur la peur, la morale, le devoir de solidarité. J’avais de très bons rapports avec ma hiérarchie, qui n’a jamais contesté mes compétences. D’ailleurs, aucune direction n’a pu utiliser comme argument que nous étions de mauvais soignants. Bien au contraire, tous ceux que je rencontre au sein de Réinfo Covid sont des soignants compétents, très engagés et aux grandes qualités humaines. Mais refuser de se soumettre à l’injection, c’est mal ! Les soignants connaissaient ma position, je tenais à leur disposition les études et les éléments fondés sur lesquels je m’appuyais, mais personne n’est venu me voir. Cela m’a beaucoup questionnée. Sortir du rang implique de faire des choix, qui vont conduire encore plus loin dans la différenciation et éventuellement l’exclusion. Et ça, tout le monde le pressentait. J’avais des liens assez étroits avec les infirmières coordinatrices, mais je les ai vues faire des petits arrangements avec leur conscience, progressivement, jusqu’au jour où l’obligation est arrivée et là, elles étaient prêtes pour se faire vacciner. Elles se sont laissées manipuler par les médias et ont fini par se ranger, par se plier, on a extorqué leur consentement, qui n’était ni libre, ni éclairé ! J’ai vu les gens s’abandonner, c’était très douloureux. Mais en même temps, je voyais la puissance de ce chantage, ce rouleau compresseur auquel j’avais la chance de pouvoir résister, grâce à une certaine assise intérieure associée à une sécurité matérielle et affective. J’avais beaucoup de tristesse et de compassion, car je pense que 80% des soignants de mon équipe se sont fait injecter malgré eux.

Quand, le 12 juillet, la vaccination obligatoire a été annoncée, j’avais beau y être préparée, j’étais sidérée. Je pensais que les gens réagiraient et personne n’a réagi ! J’ai commencé à ranger mes affaires, je ne voulais rien laisser, car je sentais au fond de moi que je ne reviendrais pas. Et le 15 septembre je suis partie avec mes cartons, c’était fini. La suspension c’est une étape, c’est difficile, c’est une désillusion. J’ai vécu ce départ avec effroi, comme un deuil, une infinie tristesse… Mais j’ai aussi entendu cette petite voix à l’intérieur : « Il n’y a pas que la fin de vie, tu es aussi psychothérapeute, médecin de l’âme, c’est peut-être une opportunité ! ». Et c’est vrai, j’aime tellement accompagner les gens dans la vie, dans la reconnaissance de leur grandeur, de leur valeur, que j’ai senti qu’il fallait que je suive cette direction et que je ne serai pas sans métier. Mais j’ai encore besoin de temps pour digérer tout cela. Il y a une forme d’humiliation, dont j’ai pris conscience récemment, ainsi que la façon dont j’étais identifiée à mon métier. Il faut se déconstruire par rapport au statut qui nous est conféré par les gens. C’est un peu comme un dénuement : comment se rapprocher de notre nature profonde et comment manifester, sous une autre forme, ce qui est au cœur de nous, ce pour quoi nous sommes faits ? C’est un chemin à la fois douloureux et fécond à parcourir, une re-création.

C’est un métier pour lequel j’ai fait de longues études, un métier éprouvant et riche, où j’ai vécu ce qui m’est essentiel : l’humanité, la fraternité, la solidarité, l’amour de l’être humain, de la vie. J’y ai aussi beaucoup appris. Quand on côtoie la mort, ça rend humble et ça vous rapproche de l’essentiel. J’ai accompagné un patient qui avait passé sa vie en Inde et était venu en France pour sa fin de vie. Une nuit, on m’appelle et on me dit : « Il fait n’importe quoi, il se lève, ça fait dix fois qu’il fait sa valise, il est en pleine confusion ». Je suis venue m’asseoir auprès de lui et je l’ai regardé droit dans les yeux :
« Qu’est-ce qui se passe ? »
« Je suis en train de m’effacer. »
« C’est votre corps physique qui est en train de mourir, mais vous, vous êtes là, et vous n’allez pas disparaître, vous le savez. »
« Oui, c’est vrai. »

C’était ce qu’il avait besoin d’entendre et de reconnaître, plus besoin de refaire sa valise, il est mort apaisé.

C’est une histoire bouleversante et pour de telles situations je veux continuer de porter ce regard aimant. La communication que l’on fait passer dans les visages est énorme et les visages masqués ça a été une très grande douleur. On ne peut pas faire passer notre humanité à travers un masque, les yeux ce n’est pas suffisant.

Pendant la crise, on a été inondé de messages de la D.G.S., de l’H.A.S., de l’Ordre des Médecins, qui tous relayaient le discours officiel. Je suis atterrée que les médecins n’aient pas voulu s’informer autrement. Pour eux, la notion de corruption, de contrôle de la population, accepter le fait qu’il y ait de la censure dans notre pays, dans notre « démocratie », c’est quelque chose de totalement inconcevable. Nous sommes extrêmement conditionnés, dès nos études. Nous lisons les revues scientifiques, nous participons à des séminaires, à des congrès, mais derrière il y a toujours les lobbies pharmaceutiques. On ne nous a pas appris à interroger, à remettre en question, or il faudrait tout questionner, y compris les référentiels normalement très solides, on l’a vu avec le scandale du Lancet et de l’Hydroxychloroquine. La recherche médicale est très coûteuse et qui finance ? Big Pharma. Lorsqu’une nouvelle molécule voit le jour, les labos viennent la « vendre » à l’hôpital et on voit rapidement les prescriptions se conformer à ces nouveaux produits, sans aucun recul. Cette omniprésence des laboratoires ne date pas d’hier : le développement du marché du médicament s’est accompagné de la suppression dans les facultés de médecine, de l’enseignement des médecines traditionnelles, de l’acupuncture, de l’homéopathie, de la naturopathie, toutes ces autres approches thérapeutiques.

Dans cette crise, les médecins ont été contaminés par la peur, celle d’être contaminés eux-mêmes et celle de contaminer les autres patients. On entendait des témoignages de personnes auxquelles les médecins libéraux avaient refusé l’entrée dans leur cabinet, les avaient auscultés sur le balcon, ou bien leur avaient dit de rester chez eux avec du doliprane. Et au-delà de la peur il y a eu cette confiance aveugle dans les discours propagandistes, contradictoires, absurdes, qui a fait disparaître le bon sens. Mes collègues disaient qu’ils n’avaient pas le temps de s’informer davantage, de lire les études, ni celles de Pfizer, ni les autres. Très vite je me suis sentie seule avec le constat que les informations importantes que je voulais partager étaient censurées. Il est très difficile d’aller à contre-courant. J’avais le sentiment d’être dans une cage de verre sur laquelle je tapais mais personne ne m’entendait. Tout cela je l’ai vécu avant même que la question de la vaccination obligatoire pour les soignants ne se pose.

La population s’est soumise, elle a accepté de faire porter les masques aux enfants dans les écoles, auprès des bébés dans les crèches. Aujourd’hui les psychologues parlent de retards dans l’apprentissage, de souffrances morales majeures. Les dégâts psychiques sont considérables, avec entre-autres un taux de suicide comme jamais chez les enfants. Certes il y a eu des décès liés au Covid, par retard de prises en charge thérapeutique, par interdiction des traitements précoces. Mais on ne parle pas des dégâts collatéraux. Les gens ne veulent pas voir, c’est plus confortable.

Quant à la toxicité de ces injections expérimentales, on observe une augmentation des thromboses, des embolies pulmonaires, des myocardiopathies, des accidents vasculaires cérébraux, des infarctus, des cancers qui ont flambé suite à la « vaccination » Covid. J’ai une collègue, chef de service en cancérologie, qui me disait : « En réanimation ce sont des patients non vaccinés » et moi je répondais : « Est-ce que tu as regardé leur statut vaccinal ? » Parce que sont considérés non vaccinés les patients qui sont à moins de 15 jours de leur vaccination et au statut vaccinal incomplet ! Et il y en avait justement beaucoup. Quand elle a su que j’allais être suspendue, elle a eu une réaction d’effroi : « Non, pas toi ! » Alors que nous travaillions ensemble depuis 15 ans, y compris à l’espace éthique, elle m’a dit « Nos positions sont irréconciliables », sans me poser de questions…

Dans le cas de ces injections expérimentales, pour lesquelles on a extorqué le consentement des populations, le principe de précaution, l’imputabilité, ont été totalement écartés. Quand un patient signale des symptômes nouveaux à son médecin, celui-ci doit le questionner : « Qu’est-ce qui s’est passé récemment, qu’est-ce que vous avez fait, quel traitement avez-vous pris ? » Tous les médecins ont appris ça, c’est l’anamnèse. Là, ça n’existe plus, d’emblée le vaccin est écarté, on est dans un déni massif.

Pourtant de nombreux patients n’ont aucun doute sur le lien de cause à effet, mais leur médecin refuse de les écouter, on leur dit que c’est dans leur tête. Ils sont malades, parfois sévèrement handicapés suite à ces injections. Ils faisaient confiance et ils se sentent trahis. Il n’y a aucune reconnaissance de leur statut de victime.

Le déni, c’est un mécanisme de protection et je pense qu’il est vital pour tous ces gens qui ont vacciné, qui se sont fait le relais de la propagande. Que vont-ils faire sinon de cette responsabilité, de cette culpabilité ? Le déni est là pour essayer de maintenir une cohérence face à toute cette violence et ces mensonges, pour nous protéger d’un effondrement trop violent. Mais plus on s’enfonce dans le déni et plus le réveil est brutal.

Quand on a eu accès aux études Pfizer, on a découvert que les effets secondaires étaient connus dès le départ, mais avaient été tenus secrets. C’est le mensonge permanent. Tous ceux qui ont tenté d’élever la voix ont été immédiatement censurés, étiquetés, calomniés afin d’écarter tout dialogue et toute pensée différente.

La vaccination Covid, c’est un dogme devenu religion et je la refuse : ma première raison est médicale, ce n’est pas un traitement, c’est une injection expérimentale, et plus on avance dans le temps, plus on a les preuves de l’escroquerie, jusqu’à l’Union Européenne par les laboratoires eux-mêmes (efficacité sur la transmission non testée !)
On a des thérapies qui fonctionnent sans toxicité, contrairement à ces injections. Elles ont été interdites pour pouvoir vendre ce vaccin, qui ne pouvait obtenir une A.M.M que s’il n’existait pas de thérapies efficaces.
Je refuse de céder au chantage. Il n’y aucune justification à cette injection. Le consentement libre et éclairé est la base de notre serment d’Hippocrate. Il a été bafoué. On ne m’achète pas, on n’achète pas ma liberté, sous aucune contrainte… Quel que soit le prix à payer !

Les « grands » qui dirigent ce monde ont nourri notre peur de la mort inhérente à l’être humain. Puis ils ont promis que, grâce à eux, on allait repousser la mort. Déposséder les gens de leur pouvoir sur eux-mêmes et les faire s’en remettre aux interventions extérieures, c’est ça la plus grande escroquerie. Ce n’est pas une crise sanitaire. C’est une crise spirituelle ! Les gens devraient se demander : « Souhaitons-nous vraiment vivre dans un monde sous contrôle avec des passes, des QR Codes, des masques et avoir peur tout le temps ? » Il faut que chacun reprenne les rênes de sa vie, mais ça va se faire lentement. Je crains malheureusement que ce ne soit en voyant les effets secondaires se multiplier que les gens commenceront à se réveiller, à se poser des questions.

Quand le public nous applaudissait, j’étais très mal à l’aise. J’ai trouvé ça ridicule. Jouer avec l’émotion des gens, pour ensuite les retourner comme une crêpe, c’est tellement facile ! Aujourd’hui, personne ne cherche à connaître les raisons de ces soignants qui ont refusé l’injection. Depuis deux ans, on ne cesse de s’informer, à l’aide d’articles scientifiques, d’éléments sourcés mais censurés, produits par des personnes ultra compétentes, courageuses, dépourvues de liens et conflits d’intérêt, en quête de vérité… Nous traiter d’antivax, de complotistes, d’extrémistes, c’est extrêmement mensonger, humiliant, irrespectueux. Mais on ne peut pas étouffer longtemps la vérité. Elle finira par toucher le cœur des gens.

Soigner, prendre soin, c’est dans nos tripes, c’est dans nos cœurs. Venez découvrir qui nous sommes, nous les « suspendus » ! Lisez nos témoignages, rencontrons-nous. Brisons les barrières qui ont été volontairement érigées entre nous.

« La liberté commence où l’ignorance finit. » (Victor Hugo).

Aujourd’hui, je donne toute la place à la musique dans ma vie, je développe l’accordéon avec des amis musiciens, je reprends le piano, au service du Beau… J’ai besoin de nourrir la beauté et la joie pour ne pas être engloutie dans cette folie humaine…