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14 avril 2025



Jak Umbdenstock

Jean Mizrahi
11/4/2025

Trois semaines dans un collège marseillais "dans la moyenne" : carnet de bord d’un observateur

Poursuivant mon exploration de l'Éducation nationale, j’ai effectué ces derniers jours un remplacement à temps partiel dans un collège public de Marseille, chargé de l’enseignement des mathématiques. Une aventure que je qualifierais volontiers de pédagogique et sociologique.

J’avais déjà exercé, à mi-temps, deux années durant, dans deux lycées professionnels de la région : l’un en filière « bac pro commerce » (traduisez : futurs vendeurs souvent plus intéressés par TikTok que par la TVA), l’autre en CAP mécanique et conduite. Ces expériences m'avaient convaincu que l'inculture littéraire et mathématique ne surgissait pas au lycée comme par magie, mais était un mal enraciné depuis bien plus longtemps. Curieux de voir à quoi ressemblait la situation plus en amont, je suis donc allé au collège. Et je me suis instruit.

Le collège en question est "moyen" en tout : ni ZEP hardcore ni perle rare, mais tout de même situé en périphérie. Classé en milieu de tableau dans les statistiques officielles du ministère de l’Éducation nationale pour 2024 (résultats du brevet), il offrait un terrain d’observation exemplaire. Voici quelques instantanés du terrain :

1. Bases fondamentales aux abonnés absents

Les tables de multiplication ? Inconnues au bataillon. Les divisions ? Posées au petit bonheur la chance. Le calcul mental ? Un cauchemar éveillé. Quant à la compréhension écrite, elle tient parfois plus du décryptage archéologique que de la lecture.

2. Bazar quotidien garanti

Chaque classe compte au moins un élève relevant de la psychiatrie – je n’exagère pas. Résultat : exclusions fracassantes (chaises lancées, livres jetés, etc.) mais temporaires, retours rapides, et rebelote. L’institution, impuissante, laisse se dérouler le même scénario indéfiniment.

3. Un tiers d’élèves mal élevée

Un tiers des élèves affichent un comportement oscillant entre la grossièreté et le je-m’en-foutisme. Les résultats scolaires s’en ressentent, les sanctions glissent sans avoir aucun effet. Impossible de sonder les familles sur trois semaines, mais le désintérêt parental transpire au travers de leurs rejetons.

4. Un tiers de suiveurs

Un tiers d’élèves, à potentiel, se laisse entraîner par les trublions. Pas foncièrement mauvais, mais faibles en caractère – ce qui, au collège, est une dangereuse vulnérabilité.

5. Un tiers de naufragés de la salle de classe

Un dernier tiers d’élèves sages, presque hébétés par l’agitation ambiante. Gentils, attentifs... mais freinés par le comportement désordonné de leurs camarades.

6. Entre enseignants, un même diagnostic

Les collègues décrivent la même situation : des classes plus ou moins difficiles, mais partout des éléments perturbateurs qui ralentissent la progression. Le métier relève autant du pédagogue que de l’arbitre de match de catch.

7. Littérature + mathématiques = bug système

La transposition d’un problème exprimé de façon « littéraire » en équation mathématique ressemble pour beaucoup à une expérience de physique quantique : on comprend vaguement les mots pris séparément, mais pas leur signification une fois mis dans le bon ordre.

8. Désintérêt pour la réalité tangible

Parler d’exemples concrets ? Peine perdue, alors que c’est le fondement de ma pédagogie. Ce qui compte, c’est : « Combien de points pour cet exercice ? » et « Est-ce que c’est noté ? » Le savoir pour le savoir, aucun intérêt.

9. Chacun pour soi

Projet pédagogique global ? Connaît pas. Chacun enseigne dans son coin, sans concertation, ni stratégie commune.

10. Bienvenue au survival teaching

Le remplaçant est largué sans boussole : pas de programme clair, débrouille-toi. Heureusement, j’ai pu joindre l’enseignant titulaire. À noter : les élèves "à problème" ne sont pas toujours ceux qu'on signale – les vrais champions du chaos savent rester discrets... quelques minutes. Après, bonne chance.

11. Harcèlement ? Circulez, y'a rien à voir

Un cas de harcèlement repéré et signalé. Réponse : « On s’en occupe et on vous dira ce qu’il en est. » J’attends encore.

12. Vies cabossées

Certains visages trahissent des enfances cabossées, marquées très probablement par la violence familiale. Ces élèves sont parmi les plus instables. Comment leur en vouloir ? Comment le système ne les a pas repérés et s’en est occupé : une honte.

13. "Quart d’heure lecture" ou "quart d’heure bazar" ?

Instauré quotidiennement, le quart d’heure lecture vire dans mes classes à une cacophonie où deux tiers des élèves oublient leur livre. J’ai dû jeter l’éponge, avec regret, pour reprendre un cours normal.
Quelques conclusions (provisoires) :

A. Mélanger élèves sérieux et perturbateurs est une absurdité pédagogique

Il est totalement contre-productif de vouloir faire coexister dans une même classe des élèves motivés, des élèves fragiles et des élèves franchement ingérables. Le résultat est prévisible : le niveau général baisse et l’énergie des enseignants est absorbée par la gestion des troubles, au lieu d’être consacrée à l’enseignement. La solution ne passe pas par l’exclusion pure et simple, mais par la création de structures spécifiques adaptées pour les cas difficiles :
• Petites classes encadrées par des enseignants formés à la pédagogie spécialisée,
• Internats éducatifs pour les jeunes issus d’environnements violents ou toxiques,
• Programmes spécifiques de remise à niveau pour réintégration éventuelle.
Oui, cela demande des moyens. Mais continuer à mélanger tout le monde par peur de stigmatiser revient à sacrifier les élèves sérieux (à plus forte raison quand ils rencontrent des difficultés) sur l'autel d’une illusion d’égalité.

B. Discipline et implication des parents : un duo inséparable

La discipline ne peut être efficace sans l’implication des familles, sans que cela se traduise par une violence contre les gamins une fois rentrés à la maison. Les parents doivent donc être associés, et ne plus être vus comme des empêcheurs de tourner en rond, mais sans tomber dans le travers socialiste du parent qui a forcément raison. Il est grand temps que les parents écoutent les enseignants et les respectent.
Il faut simplifier drastiquement les procédures de sanction pour les familles défaillantes :
• Suspension automatique d’aides en cas de violence grave répétée, sans labyrinthes administratifs comme c’est actuellement le cas,
• Obligation d’assister à des réunions de suivi sous peine de sanctions pécuniaires,
• Responsabilisation claire : l’école n’est pas un substitut à l'éducation familiale.
L’éducation commence à la maison. L’école ne peut réparer seule ce qui a été cassé à la source.

C. Il faut des classes de niveau... intelligemment pensées

Créer des classes de niveau ne signifie pas reléguer les élèves plus faibles dans des ghettos éducatifs. Au contraire : il s'agit d'adapter l'enseignement au profil des élèves :
• Petits effectifs pour les élèves en difficulté : plus de soutien, de pédagogie différenciée, moins d'effet de masse.
• Classes plus denses mais dynamiques pour les élèves à l’aise ou souvent plus disciplinés, capables de progresser plus vite.
C'est la seule manière d’éviter de tirer tout le monde vers le bas. Égalité ne signifie pas uniformité. Et croire que tous les élèves doivent avancer au même rythme est une cruauté pédagogique déguisée en bonne conscience. J’ai connu plus jeune des camarades de classe un peu lents mais qui se sont révélés plus tard. Chacun doit conserver ses chances tout au long du cursus général.

D. La catastrophe commence dès la maternelle

On ne rattrape pas dix ans d’échec éducatif en quatre ans de collège. La racine du problème est dans les écoles maternelles et primaires, où :
• La maîtrise de la lecture,
• Les bases du calcul,
• L’acquisition du vocabulaire,
sont tout simplement insuffisantes.
Un enfant qui entre en 6e sans savoir lire couramment et compter rapidement est déjà perdu dans l’organisation actuelle du secondaire.
Les réformes du lycée, les milliards d’euros pour de nouveaux équipements, les chartes de bonne conduite... ne servent à rien si l’on ne reconstruit pas des fondamentaux solides dès le départ.

E. Un chef d’établissement doit être un véritable chef... pas un gardien de prison

Aujourd'hui, les chefs d’établissement sont souvent réduits au rôle ingrat de gestionnaires administratifs et de garde-chiourmes, sans pouvoir réel sur la pédagogie (et avec un pouvoir limité sur la discipline). Cela doit changer.
Un chef d’établissement doit être :
• Un leader pédagogique, capable de fixer des objectifs aux équipes enseignantes,
• Un manager d’équipe, sachant fédérer ses enseignants autour d’un projet commun,
• Un responsable, avec des objectifs clairs et des leviers d’action réels.
Confier la cohérence pédagogique uniquement aux inspecteurs est un anachronisme : c’est comme vouloir diriger une armée par pigeons voyageurs.

F. Programmes clairs + évaluation sérieuse = socle commun solide

Le contenu des programmes doit être précis, net et contrôlable. Pas de « compétences vagues » ou de « projets transversaux » où l’on perd élèves et enseignants dans un nuage de mots creux.
Chaque année :
• Des savoirs fondamentaux doivent être acquis,
• Des évaluations nationales régulières, chaque année doivent permettre d’identifier les lacunes,
• Des mesures correctives immédiates doivent être prises.
Et cela sans que les enseignants deviennent des scribes obsédés par la paperasse. Liberté pédagogique sur les méthodes, exigence sur les résultats : voilà l’équilibre juste.

G. Rémunérer dignement ceux qui portent l'avenir

Je me foutais de la rémunération que je devais recevoir car ce n’était pas mon objectif. Que penser d'un pays où l'on confie l’éducation des futures générations à des professionnels payés à peine plus qu’un smicard ? C’est indigne, irresponsable, et mortifère pour l’avenir national.
On ne construit pas une nation forte avec des enseignants démotivés et précarisés. Réévaluer significativement leur rémunération est un impératif stratégique, non une faveur corporatiste.
Et pour conclure...
Le collège où j’ai exercé n’est pas un enfer sur Terre. Mais sur 91 collèges marseillais, les 20 premiers au classement sont tous privés. Et dans les 30 premiers, un seul est public.
Faut-il vraiment en dire plus ? Il est urgent, vital même, de refonder entièrement notre système d’instruction publique, en cessant de répéter les mêmes erreurs sous couvert d’idéalisme mal placé.
H16
14/4/2025

Le dilemme du syndicaliste

Petite fiction pendant les vacances

C’est la pause pascale, rien de tel qu'une petite fiction pour passer le temps avec une tranche de vie ordinaire en République Démocratique Populaire Française.

La France sans le syndicalisme ne serait pas ce paradis de douceur de vivre, aux rivières de miel et de lait pour tous et toutes. Mieux encore, le syndicalisme mène à tout.

C’est le cas, notamment, pour Martin.

Martin est depuis des années responsable syndical, c’est-à-dire qu’il est responsable de l’activité syndicale dans l’entreprise qui le salarie, mais surtout pas coupable. Et il s’y est notamment illustré dans sa lutte contre son rachat par un actionnaire indien, lutte qui lui a permis de lancer en pleine réunion syndicale un tonitruant :

« Et pis quoi encore, bientôt on sera payés comme des Indiens et on mangera avec les mains ?! Déjà qu’on travaille comme des Chinois ! »

La lutte, il sait ce que c’est, Martin. Il en a mené une, longue, épuisante mais juste, contre la suppression de sa place de parking attitrée. Il se souvient du temps passé à imprimer des tracts sur les photocopieurs de l’entreprise, de l’odeur d’ozone qu’ils dégagent passé les 1000 premières copies. Il se souvient aussi de ses échecs, comme celui lors de la demande de suppression des tests d’alcoolémie pour les postes à risque…

La lutte, il la connaît aussi par la pression médiatique, subie lorsque des bus entiers l’ont amené avec ses camarades syndicalistes soutenir des grévistes dans des usines de Picardie et d’Île-de-France, par so-so-solidarité. La lutte, pour lui, c’est aussi l’odeur caractéristique des pneus qui brûlent et des saucisses qui grillent, le goût spécial de la 33 Export éventée. La lutte, il la connaît bien, mais rien ne l’a préparé à la suite.


Malgré tout, malgré la lutte, l’actionnaire indien a décidé de fermer une partie de l’usine où il travaille. Elle perd de l’argent depuis des années et depuis des années, Martin sent venir ce jour ; depuis le rachat, il sait, il sent même que l’actionnaire étranger a déjà fait ses comptes et n’a rien à faire de l’emploi sur place. Salaud d’actionnaire qui cherche la rentabilité au lieu de faire du social ! La fermeture, il n’y a jamais cru… Jusqu’à ce que cela arrive.

Et lorsqu’il apprend cette fermeture, officiellement, il est, bien sûr, désemparé. La lutte serait-elle finale ? Le sentiment perdurera jusqu’à l’appel de son chef de section local.

Tu vas voir, c’est très simple : on va préparer un plan pour le maintien de l’entreprise en activité. Une fois que les médias parleront du plan, tout le monde croira que le site est viable. Et là, c’est magique : soit l’État nous soutient, soit on continue la lutte, le site fait faillite et on monte une SCOP. Facile, non ? T’inquiète pas Martin, on est avec toi !

Et effectivement, tout le syndicat est avec lui. Et ça tombe bien, parce que pour les démonstrations de force, et surtout son utilisation, le syndicat s’y connaît : grève, protestations médiatiques bruyantes, séquestrations de cadres, interdictions d’accès à l’usine, tout y passe. Et pendant qu’une petite partie des salariés est joyeusement mobilisée, l’autre est violemment immobilisée avec le renfort de nombreux camarades.

Comme prévu, les médias s’emparent du sujet, écrivent de courts articles décidés sur le rôle stratégique de cette usine dans une économie, de longs articles larmoyants sur une région déjà dévastée, de moyens articles philosophiques sur une lutte syndicale forcément d’envergure. Rapidement, tous les projecteurs se braquent sur l’usine, ou, plus précisément, sur Martin, qui devient la figure de proue facile à identifier de ce combat des petits contre les grands, des gentils contre les méchants, des ouvriers contre les actionnaires, des Français contre les Indiens. Et mieux encore, Martin parle aux hommes politiques, il s’entretient avec les ministres, bref, il tutoie le pouvoir.

Les élus qui visitent promettent bien sûr leur soutien, annonçant sans risque que des mesures concrètes seront prises, bientôt, après les élections, à la rentrée au plus tard, et des lois seront adoptées. Publiquement, c’est no pasaran et plus jamais ça, mon brave Martin ! En privé, ils lui proposent même de « porter son combat plus haut, là où on a besoin de gens comme lui », c’est-à-dire jusqu’aux racines du mal : l’Europe. Seule condition : Martin ne doit pas en parler avant le bon moment, ce petit point délicat dans le temps où on va le propulser tête de liste aux élections européennes, par exemple.

Martin hésite. Il ne sait pas s’il doit accepter. Certes, il pourra porter plus haut les couleurs et la voix du syndicat, étendre la lutte et montrer la puissance de son discours et de ses engagements aussi haut que possible. Mais cela revient aussi à soutenir des politiciens dont il ne sait pas s’il peut leur faire confiance. Un vrai dilemme que ce choix entre la lutte locale ou le destin national, que dis-je, européen !

Et le destin, chafouin, semble avoir déjà choisi.

Ce jeudi, Martin a été appelé par la chef du Cabinet du Ministre de l’Industrie Solidaire et de la Production Citoyenne. Elle a insisté pour que Martin se rende à une soirée où seront présents de nombreux responsables politiques locaux. Martin ne s’est pas fait prier : il veut pouvoir leur parler, il a besoin de se sentir rassuré par leur soutien.

La soirée lui fera découvrir une autre façon de faire de la politique.

Au Conseil Général, dans une salle de réception, Martin tombe sur de vieux messieurs aux ventres dodus et gonflés par des années de banquets, qui discutent calmement en présence de jolies jeunes filles, apparemment stagiaires en communication et relations publiques. Elles boivent du bon champagne, abondamment servi à un buffet des plus raffinés, et discutent parfois entre elles, parfois avec certains hommes politiques dont elles sont souvent proches. Martin ne peut s’empêcher de remarquer la similitude de cette réception avec celles auxquelles il a participé dans un des châteaux du syndicat


Évidemment, de flûtes en flûtes, la tête légèrement étourdie autant par le bon vin que les charmes nombreux des demoiselles, le sujet de l’usine de Martin, où il a passé l’après-midi à répondre à des interviews pour la presse avec un casque un peu usé qu’on lui a prêté pour l’occasion, a été très peu abordé au cours de la soirée. C’est ballot, mais il faut le comprendre : le sujet est aride, la victoire incertaine, ça passionne difficilement les jeunes filles. Et Martin comprend qu’il doit plutôt tenter de s’habituer à sa nouvelle vie de prochain élu, d’autant qu’à l’évocation de ses chances réelles de devenir un député européen, l’une des stagiaires semble très intéressée (au point qu’elle lui glisse à l’oreille, entre deux petits canapés au saumon, qu’ils peuvent passer la fin de la soirée ensemble).

Martin accepte. La journée a été harassante, avec toutes ces questions, et le lourd casque de chantier. La lutte est fatigante et après tout, un guerrier a droit à son repos. Les vapeurs éthyliques (et un soupçon d’excitation ?) l’empêcheront de noter que le taxi qui l’attend, à la sortie du conseil général au milieu de voitures officielles avec chauffeur, ne se dirige ni chez lui, ni chez elle, mais dans l’un des rares hôtels haut-de-gamme de la ville. Hôtel dans lequel la stagiaire a ses habitudes puisqu’elle en a déjà la clé. Et pour la facture, pas d’inquiétude : le taxi et l’hôtel sont payés d’avance, « pour que tu t’habitues à ton nouveau statut », lui a glissé un conseiller général à la poignée de main à la fois molle et moite.

Le lendemain matin, émergeant avec difficulté d’une soirée et d’une nuit fort peu réparatrice, Martin apprend la nouvelle sur les gros titres des journaux régionaux et nationaux déposés devant sa porte de chambre : les hommes politiques ont retourné leur veste. L’actionnaire va fermer une partie de l’usine contre une promesse d’investissements dans la région dont le premier ministre est originaire.

L’appel à la chef de Cabinet confirmera qu’il est maintenant dans une autre cour : désormais, il faut accepter certaines concessions, et faire marche arrière semble délicat (on s’habitue vite aux avantages acquis, foi de syndicaliste !). La pensée, fugace, des barbecues au pneu dans la cour de l’usine, lui traverse l’esprit, et celle de l’espoir qu’il a suscité chez ses camarades de combat. Mais bon, c’est décidé : il doit aller vers de plus hautes responsabilités. Fini les bricolages locaux !

Déjà, dans sa tête, de belles affiches de campagne colorées remplacent les tracts en noir et blanc.

Toutes similitudes avec des histoires relatées dans la presse seraient purement fortuites.
Xavier Azalbert, France-Soir
7/4/2025

Plan de paix en Ukraine : le partage du gâteau


EDITO : On pourrait parfaitement résumer le traitement de ce sujet, en circonscrivant l'analyse à seulement ces deux mots : « America first. » Le siphonnage de la richesse européenne (tous les pays membres de l'Union européenne et ceux du Royaume-Uni) au profit des Américains.

Comment ? Grâce aux agents politiques à leur solde que les Américains ont placés à la tête de ces divers pays (Emmanuel Macron en tête) et des institutions européennes.

L'Union européenne a craché au bassinet, avec l'argent des citoyens européens, mais elle n'aura que peu en retour.

Donald Trump l’a d’ailleurs fait savoir sans qu’aucun d’eux ne s’y oppose véritablement, autrement que par leur blabla habituel de larbins. La Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé un plan d’aide prolongée à l’Ukraine, dont le montant évoqué atteint des dizaines de milliards d’euros – bien loin des 800 milliards parfois cités de manière exagérée. Un prêt qui constitue un nouvel impôt différé dont les citoyens européens devront s’acquitter, qu’ils le veuillent ou non, contraints et forcés par des politiciens perçus comme traîtres à leurs intérêts. Ces derniers mènent les peuples à leur perte contre leur volonté, en application d’un Traité de Lisbonne que les citoyens ont massivement rejeté par référendum en 2005, en France.

En fait, quelque part, ils ne font que poursuivre une dynamique historique, excepté toutefois pour les civils ukrainiens. Certains rappellent que l’Allemagne exsangue d’entre-deux-guerres fut financée par des banques privées américaines et britanniques, contribuant à l’ascension d’Adolf Hitler.


« Il y a deux manières de conquérir et d'asservir une nation.
L'une est par les armes, l'autre par la dette. »
(John Adams, Président des États-Unis de 1797 à 1801)

Les « libérateurs » américains seraient venus en 1944 récupérer les bénéfices, tout en faisant payer aux Français un lourd tribut en or. Une prétendue libération perçue ici comme une occupation, à laquelle le Général de Gaulle, devenu Président, mit un terme en 1966, en sortant la France du commandement intégré de l’OTAN.

Hélas, près de 60 ans plus tard, nous serions revenus à un état proche de celui de l’après-1944, en attente d’un nouveau Yalta. Le partage du monde 2.0 auquel nous allons assister de nouveau impuissants, comme en février 1945, avec cette différence cependant : les protagonistes ne seront plus l’Angleterre, la Russie et les États-Unis, mais la Chine, la Russie et les États-Unis.

Oui. C’est ce trio infernal ainsi modifié qui va se partager le gâteau : les ressources de la planète.

D'ailleurs, c'est également en grande partie dans les poches des Américains que vont finir les milliards d'euros du plan de prolongement de l'aide européenne à l'Ukraine décidé par Ursula von der Leyen. En effet, hormis les quelques rares fleurons de l'industrie européenne de l'armement encore valide (comme Dassault), qui du coup vont avoir leur petite part du gâteau, dès lors qu'à part ces rares fleurons l'Union européenne est entièrement dépendante de l'industrie américaine dans ce domaine, effectivement, ce sont les États-Unis qui vont se goinfrer. Se tailler la part du lion sur ces milliards d'impôts différés « empruntés » pour ne pas dire extorqués aux peuples européens par Ursula von der Leyen & Cie.

Angéline Furet, député européen qui siège à la commission budget l’explique dans cette vidéo (à compter de 14mn23).

Une petite précision concernant les trois géants du 21ème siècle qui vont se partager le gâteau planétaire : Chine, Russie et États-Unis.

Si ce nouveau Yalta peut intervenir, c’est parce que la Chine et la Russie sont en capacité de l’imposer aux États-Unis. La Chine, parce que l’industrie américaine – et donc son économie – dépend fortement des composants électroniques chinois, et parce qu’elle représente un marché clé pour la production américaine, avec une armée rivalisant avec celle des États-Unis, voire plus puissante.

Concernant la Russie, cet avantage est encore plus marqué. L’issue de la guerre en Ukraine semble pencher en sa faveur, une hypothèse que certains Américains pourraient partager vu la résilience russe. La guerre économique (sanctions) et sociétale (infiltration du libéralisme et du wokisme) s’est soldée par un échec occidental : la Russie est économiquement robuste, socialement unie et attachée à ses traditions.

Eh oui ! La Russie, plus grand pays du monde, a des frontières immenses, notamment maritimes dans l’Arctique. Sa zone économique exclusive est colossale, un fait reconnu par le droit international.

Il n’y a pas à discuter !

De plus, les évolutions climatiques y libèrent des ressources énergétiques gigantesques, rendues exploitables par ces changements. C’est pourquoi les États-Unis, sous influence globaliste avec Biden, Obama et Soros, et leurs vassaux d’une Union européenne alignée, ont provoqué la Russie. L’avancée de l’OTAN vers l’Est depuis 1992, en contradiction avec des engagements passés, a culminé avec l’Ukraine, poussant la Russie à réagir en février 2022 avec son opération militaire spéciale, aujourd’hui en phase avancée.

Ces « gentils » occidentaux cherchaient un prétexte pour affaiblir la Russie et s’approprier ses richesses. Mais la peau de l’ours russe est dure à prendre, et l’avoir vendue avant de l’avoir tué fut une erreur monumentale.

C’est pourquoi les États-Unis de Donald Trump se tournent vers une autre proie : le Groenland.

C’est la cible idéale. La Russie pourrait la leur laisser, tant que les États-Unis la laissent exploiter ses propres richesses tranquillement – et les vendre ! Ce n’est pas son problème, mais celui du Danemark, à qui le Groenland appartient juridiquement. Et, le peuple russe, profitant de cette manne énergétique, s’en satisfera très certainement ! (1)

Enfin, sur ces évolutions climatiques : elles n’ont rien à voir avec le CO2 anthropique, selon Claude Sponem, professeur de physique français, mais avec l’affaissement du champ magnétique terrestre depuis la fin du XIXème siècle. Cet affaissement, rapide, réduit notre protection contre les rayons cosmiques, favorisant la formation de nuages plus denses, qui entravent le refroidissement nocturne de la Terre. Associé au déplacement accéléré du pôle magnétique nord, cela explique la sensibilité accrue de l’Arctique. À l’inverse, en Antarctique, la banquise s’épaissit.

En guise de conclusion : c’est l’équilibre naturel des choses, régi par les lois universelles de la physique, opéré par une force titanesque. Face à elle, l’activité humaine, même avec tout l’arsenal nucléaire mondial, reste un pet de mouche sur le dos d’un éléphant.

1) En effet, outre la manne financière énorme, que la vente à l'étranger de ses richesses énergétiques procure à la Russie, Vladimir Poutine semble les utiliser en une part substantielle pour son peuple, et dans une société relativement plus saine que LGBTQI / WOKE.

https://edition.francesoir.fr/opinions-editos/plan-de-paix-en-ukraine-le-partage-du-gateau

LE MENU FRETIN DE LA POLITIQUE

Jean-Claude Delhez

-14/4/2025- L'un d'entre vous (qui me fournit en œufs et en littérature) m'a demandé de me pencher sur le cas d'une politicienne des trois frontières. Je suis une bonne pâte, je m'exécute (sinon, plus d'omelette...).
En ce moment, en France, il y a Rachida Dati et ses bijoux onéreux. Il y a Alexis Kohler et ses casseroles sonnantes et trébuchantes ; ou comment aller du secrétariat général de Macron à la direction de la Société générale, sans passer par la case « commission d'enquête du sénat ». En ce moment, en Belgique, il y a Didier Reynders, ancien commissaire d'Ursula von der Leyen, qui a trouvé le moyen original de s'enrichir à l'aide de billets de loterie. Il y a le premier ministre d'extrême-Flandre qui va verser une larme à Boutcha tout en trouvant bien sympathique ce Monsieur Netanyahou. Ce même premier ministre d'extrême-Flandre, qui a décidément le cœur sur le main, offre le milliard à Kiev pour autant que Kiev signe des contrats avec les sociétés privées de son plat pays : ou comment subventionner le privé avec les impôts des contribuables en se donnant un air de philanthrope.
Ceux-là, ce sont des épées, des cadors, des pointures, ce sont les requins de l'espèce, le haut de la chaîne alimentaire. Je vais simplement vous parler, à la demande de vox populi donc, du menu fretin, de la politicienne lambda, telle que chacun peut la croiser là où il vote, et comme il en existe tant. Celle-ci sévit aux trois frontières, là où Belgique, France et Luxembourg s'abordent, se rejoignent. Il y a là, côté belge, une ancienne cité industrielle, reconvertie malgré elle dans le trafic de drogues et les marchands de sommeil. Cette commune de près de 20.000 habitants est celle de Véronique Biordi. Première échevine (1ère adjointe, en France) il y a encore quelques mois, bourgmestre (maire) auparavant, conseillère provinciale encore plus tôt et même, brièvement députée, le temps d'un remplacement. Et l'on vient d'apprendre qu'un avenir encore plus fructueux l'attend désormais.
Véronique Biordi a longtemps formé un duo très italien avec le directeur général de la ville, Tomaso Antonacci : la politicienne qui papillonne de tous côtés et le fonctionnaire qui tire les ficelles dans la coulisse. Un duo incapable de gérer une ville, trouvant plutôt sa jouissance dans la manipulation du personnel municipal et les coups fourrés politiciens. Un duo rompu il y a quelques années, le DG étant allé sévir dans une autre commune, en tant que directeur financier (Florenville). Les deux personnages se sont retrouvés impliqués au fil des années dans plusieurs affaires dont la justice a eu à connaître.
Véronique Biordi a une conception personnelle de la chose publique. Elle appréhende le monde sous la forme des relations interpersonnelles, et la politique sous la forme du clientélisme. Elle appartient à ces politiciens qui ne font pas la distinction entre leur vie personnelle et leur mandat électoral. L'hôtel de ville, c'est chez elle. Les fonctionnaires, c'est en quelque sorte son personnel. Comme au temps des seigneurs et des valets. Ajoutons à cela que Véronique Biordi est caractérielle. Elle a régulièrement besoin de passer ses nerfs sur quelqu'un et, dans ces moments-là, un fonctionnaire est bien utile. Sans compter qu'elle a ses têtes. Les fonctionnaires qui ont un parent dans un parti politique autre que le sien sont avertis qu'elle entend leur pourrir l'existence. Au point que les employés l'ont baptisée « Triste sire », du nom du serpent venimeux, dans le Robin des Bois de Walt Disney. Au point aussi qu'elle a fait fuir une grande partie du personnel municipal, qui est allé chercher du travail ailleurs, quand il ne tombait pas malade.
Dernièrement, suite à un changement d'alliance politique, Véronique Biordi a perdu son poste et le salaire qui l'accompagne. Qu'à cela ne tienne, le parti vient de la recaser ailleurs. Au terme d'une discrète tambouille dont il a le secret. Il l'a désignée, il y a quelques jours, pour prendre la présidence d'une intercommunale économique (Idelux). Question salaire, elle y gagne : 15.000 euros mensuels. Les compétences, elles, ne suivent pas. Elle n'avait déjà pas le niveau pour ses fonctions précédentes, elle l'a encore moins pour celle-ci. À sa décharge, il faut dire que ses collègues politiciens sont logés à la même enseigne. Aucun n'a inventé la poudre, ni le fil à couper le beurre. Ce n'est pas leur but. Le parti, c'est le moyen qu'ont trouvé les incompétents pour s'enrichir au détriment de la collectivité. Et ils appellent ça la démocratie. Alors qu'en fait, c'est juste du parasitisme.

13 avril 2025

C’est quoi, les Russes ?

Kuzmanovic Georges

-13/4/2025- On me pose souvent cette question depuis le début du conflit en Ukraine (en 2014), et plus encore depuis que des crétins ignorants des bases de la géopolitique m’ont qualifié de "pro-russe".
D’abord, je ne suis pas "pro-russe". Tout au plus – et clairement – russophile. Je suis également un géopoliticien de l’école réaliste. Il vaut toujours mieux le rappeler.
« C’est quoi, les Russes ? », ou « Que sont les Russes ? », m’a-t-on demandé de bien des manières : parfois sur un ton agacé, parfois admiratif, mais le plus souvent révélant une ignorance crasse – dont seuls l’école et les médias sont responsables. Car ces derniers dépeignent trop souvent la Russie comme un ennemi ontologique.
Ma réponse varie selon le contexte : parfois un exposé historique, parfois géopolitique, parfois culturel. La Russie est l’une des dix, sinon des cinq plus grandes civilisations au monde en termes d’apports scientifiques, artistiques et culturels au patrimoine commun de l’humanité. Beaucoup l’ignorent, certains l’oublient volontairement, et d’autres encore l’occultent en pleine connaissance de cause.
Mais cela ne suffit pas. Cela ne répond pas à l’essence de la question : « C’est quoi, les Russes ? »
En vérité, seuls les récits et les contes peuvent y répondre.
En voici un – court, mais, je crois, significatif.
La photographie ci-dessous, prise en 1938, montre les enfants d’une famille modeste du village de Klouchino, dans la région de Smolensk, en URSS. De gauche à droite : Valentin, Boris (le plus jeune), Zoya, et, assis sur une chaise, Youri. Leur père est charpentier, leur mère laitière. Tous deux travaillent dans la ferme collective d’un kolkhoze.
En 1941, leur village – comme toute cette partie de la Russie jusqu’aux abords de Moscou – est occupé par les nazis.
Pour s’amuser, un soldat allemand tente de pendre le petit Boris à un arbre. Sa mère le sauve in extremis, profitant du moment où le soldat s’absente pour aller chercher son appareil photo, désireux d’immortaliser la scène.
Zoya, la grande sœur, est grièvement blessée par un autre soldat allemand qui la frappe avec une faux.
Le père est capturé alors qu’il sabote un moulin. Battu à mort, il survit mais reste invalide.
En 1942, Valentin et Zoya sont enlevés par les Allemands et envoyés dans un camp de travail forcé en Pologne. Fait rare : tous deux parviennent à s’en échapper séparément, et finissent par rejoindre l’Armée rouge.
Le reste de la famille survit tant bien que mal, dans un univers de destruction généralisée : pillages, meurtres, extermination des "sous-hommes" – Juifs, Slaves, Tziganes –, viols, famine…
La fin de la guerre, bien que synonyme de soulagement, ne marque pas la fin des épreuves : 28 millions de morts soviétiques, des villes rasées, des campagnes dévastées, des millions de blessés et d’invalides. Les hommes manquent. Les enfants qui ne naîtront jamais. Le bétail a été abattu à 99 %, et les choses les plus élémentaires – des chaussures, des vêtements – font défaut. L’URSS est une puissance victorieuse, fière, mais exsangue.
Et pourtant…
À peine seize ans plus tard, le 12 avril 1961, Gagarine devient le premier être humain à voyager dans l’espace.
C’est lui, Youri, le petit garçon assis sur le tabouret, sur cette photo.
Depuis l’espace, il déclare :
« Je salue la fraternité des hommes, le monde des arts… et Anna Magnani. »
À ceux qui se demandent : c’est ça, les Russes.
La géopolitique, les relations entre États, exigent une compréhension intime de ce que sont les peuples. Cette connaissance se perd. Emmanuel Macron a accéléré un processus – déjà entamé – de destruction du corps diplomatique français, jadis le deuxième du monde en 2017. Par ricochet, il a aussi affaibli la position géopolitique de la France.
La petite histoire de Youri et de sa famille éclaire des traits fondamentaux du peuple russe : une résilience hors du commun, une volonté farouche de résister et de survivre en tant que Nation, une énorme abnégation dans le travail et la capacité à se projeter dans l'avenir par les sciences et la technique.
L’ignorance et l’arrogance d’une Ursula von der Leyen ou d’un Bruno Le Maire – qui croyait pouvoir "mettre l’économie russe à genoux" – en disent long. Plus stupide encore est le projet néoconservateur de morceler la Russie en plusieurs entités (projet repris par Kaya Kallas, actuelle cheffe de la diplomatie de l’UE), objectif poursuivi sous couvert de l’élargissement de l’OTAN à l’Ukraine.
Avant, même les adversaires de l'URSS, les George Kennan, les Henry Kissinger, pour ne citer que les principaux, avaient une connaissance intime, quasi amoureuse, de la langue, de la culture, de la civilisation russe. On ne combat pas un adversaire qu'on ne comprend pas. L'affronter avec l'horoscope triomphant en bandoulière ne peut conduire qu'au désastre – ce qui pend aujourd'hui au nez de l'Union européenne.
Inspirons-nous de la sagesse de Youri Gagarine.
Bien que sa famille – comme son peuple – ait enduré des horreurs indicibles, il y a 64 ans, en revenant sur Terre, Gagarine déclarait :
« En regardant la Terre de loin, on réalise qu’elle est trop petite pour les conflits… et juste assez grande pour la coopération. »

Dessin de Chaunu

René Chiche

-13/4/2025- J'ai reçu plusieurs signalements et sollicitations de conseil et d'intervention du syndicat de l'éducation CFE-CGC Action & Démocratie de la part de professeurs ayant subi des agressions et injures antisémites, et ne se sentant pas du tout soutenus par l’institution ni, ce qui est encore plus grave, par leurs propres collègues.
Un exemple parmi des dizaines : celui d’un professeur dont le nom, écrit sur une table de classe et assorti de grossièretés dont je vous fais grâce, est accompagné d’une croix gammée. Après avoir été identifié, non sans difficulté tant l’administration ne voulait pas s’embarrasser d’un incident aussi mineur, l’élève auteur des faits a fini par être faiblement sanctionné à l’issue d’un conseil de discipline ainsi que par le tribunal (qui n'a cependant pas retenu la circonstance aggravante d’antisémitisme car l’élève avait nié devant le juge être l'auteur de la croix gammée et ne l'a reconnu que pendant le conseil de discipline qui s'est tenu postérieurement à sa comparution). Tout est bien alors qui finit bien ? Eh non, puisque l’élève est toujours en classe et c'est la victime de cette agression, c’est-à-dire le professeur lui-même, qui se trouve en incapacité de reprendre ses fonctions dans cet établissement, traumatisé non pas tant par l’attitude d’un gamin qui ne savait pas vraiment ce qu’il faisait que par celle des autres professeurs de l’établissement qui ne l’ont pas soutenu et l'ont de fait isolé, cette attitude relevant davantage de l’antisémitisme que les insultes débiles d’un gamin désinstruit.
Alors, quand je vois les rodomontades du ministère qui, pour lutter contre la prolifération de l'antisémitisme dans les établissements scolaires, n’est pas avare de plans et de propos lénifiants parfaitement inutiles, et que je constate sur le terrain que certains élèves mais aussi certains professeurs vont toujours au collège et au lycée avec la peur au ventre et la certitude de ne pas pouvoir compter sur les autres (le juif étant toujours un peu coupable au fond, c’est bien connu depuis des siècles…), je ne peux me défendre contre une immense colère contre tant de lâcheté et d'hypocrisie de la part des uns et des autres, et surtout de la part de ces collègues dont la lâcheté et l'hypocrisie sont les vrais ressorts du fascisme contre lequel ils prétendent pourtant lutter.

12 avril 2025

À PROPOS D'UN CARNET NOIR

Gabriel Nerciat

-12/4/2025- Beaucoup d'historiens prétendent que la religion protestante - et donc, à partir d'elle, une part non négligeable du monde moderne occidental - est née moins du génie hérétique et littéraire de Luther que de l'invention formidable de Gutenberg, laquelle permit de répandre ses 95 thèses apostates et sa traduction allemande de la Bible chrétienne dans tout le Saint Empire en quelques mois.
Je ne sais pas si c'est totalement vrai, mais je suis persuadé que le démon des guerres civiles bénéficie quant à lui de nos jours d'un auxiliaire technique indispensable à travers la permanence d'un objet-culte irremplaçable : le petit carnet noir avec fermeture élastique (modèle Premium A6).
Quand j'avais 20 ans, j'en possédais déjà un, que j'ai retrouvé un jour au cours d'une expédition dans le grenier : c'est là où j'avais noté le nom, en 1992, de tous ceux, notamment parmi les membres du défunt RPR dont j'étais proche à l'époque, qui avaient appelé à voter oui au traité de Maastricht.
Car les guerres civiles sont comme les vengeances chez Dumas ou Verdi : elles viennent de loin, se préparent souterrainement, et doivent pallier les insuffisances biologiques de la mémoire.
C'est pourquoi un bon chrétien doit toujours avoir un carnet noir sur soi : ce n'est pas parce qu'on pardonne une offense qu'il faut l'oublier, et ce d'autant plus que le pardon risque d'atténuer le souvenir futur d'une offense passée.
Je te pardonne, salopard, Dieu le veut, mais juste avant le pardon je note ta saloperie dans un espace mineur et délimité offert à ma discrétion pour en retrouver la trace un jour, quand les affres de l'amour-propre seront depuis longtemps désactivées.
En période de coup d'Etat et de troubles politiques, la même méthodologie s'impose.
Et c'est presque voluptueux de noter sur une même page, derrière des tirets espacés d'une ligne, les noms de Laurent Joffrin et de Thomas Gomart, de François Hollande et de Jean-François Copé, de Clémentine Autain et de Roselyne Bachelot, de la belle A. et de l'horrible V., etc.
Peut-être que ça ne servira à rien, mais les bassesses et les ignominies resteront consignées dans nos archives - au cas où.
Même si Dieu les oublie, nous nous en souviendrons.
L'État de droit devrait interdire l'usage des carnets noirs, avec exécution provisoire. Car il est bien plus fragile que Dieu.