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15 novembre 2022

Sommes-nous encore en démocratie ?

Elie Sasson

- 11/11/2022 - Il est de bon ton de nous comparer fièrement à certains autres États et de nous féliciter d’être plus démocrates. Je veux prendre l’exemple de la Hongrie qu’on nous présente généralement comme un pays où la démocratie serait largement malmenée.
En Hongrie, même les plus irréductibles des opposants au gouvernement d’Orban reconnaissent avec honnêteté que les élections n’y sont pas truquées. En revanche, ils déplorent que toutes les chaînes publiques (non payantes) soient dirigées par des proches du gouvernement. Il en va de même pour ce qui concerne la presse écrite gratuite. Ainsi la population des petites villes ou des campagnes a rarement l’occasion d’entendre un autre son de cloche que celui du régime.
Est-ce si différent de la situation que nous connaissons dans l’hexagone ?
Certes, en France, nous avons des grandes chaînes de télévision privées. Mais on ne peut pas dire que le groupe TF1 soit en pôle position quand il s’agit de critiquer l’action du gouvernement Macron. Quant au groupe France TV, il est noyauté par la bien-pensance gauchiste et wokiste. Restent les chaînes info. En dehors de Cnews, là encore, la pluralité des opinions laisse à désirer. Pour résumer, nous sommes aussi mal lotis que les Hongrois, si ce n’est qu’en France la manipulation des esprits est orchestrée de façon moins grossière.
Autre point de comparaison qu’il est intéressant d’étudier : l’entre-soi. En Hongrie, vous n’avez aucune chance de réussir dans les affaires si vous n’êtes pas proches du gouvernement Orban ou du moins de ses idées. En France, à moins d’être l’heureux héritier d’une famille richissime, il vous sera impossible de vous affranchir du politiquement correct si vous voulez espérer ne pas être cloué au pilori. Il faut être woke et immigrationiste pour qu’on vous fiche la paix et qu’on laisse vos affaires prospérer. Quant à espérer réussir dans le milieu littéraire, ou plus largement dans le milieu artistique, ce serait peine perdue si vous vous réclamiez de la droite décomplexée.
Troisième point de comparaison : l’enseignement. En Hongrie aussi, les enseignants sont très largement à gauche. L’opposition au gouvernement d’Orban est pour l’essentiel constituée d’enseignants. L’explication est assez simple. Dans l’esprit de beaucoup d’enseignants, le libéralisme économique ne présente aucun intérêt. La perspective de devenir riche est nulle. Pourquoi faciliter la vie des entreprises lorsqu’on sait qu’on n’entreprendra probablement jamais rien ? En France, la situation est sensiblement identique. J’en veux pour preuve le noyautage par la gauche des écoles de journalisme, de l’ENA ou de Science Po, tandis que les grandes écoles de commerces sont plutôt marquées à droite et au centre droit.
La Hongrie a été décriée au sein de l’Union Européenne pour sa politique homophobe. Chacun se fera sa propre opinion, mais il est nécessaire d’être précis. En Hongrie, le mariage homosexuel est interdit. Il y existe l’équivalent du PACS qui accorde les mêmes droits aux homosexuels que s’ils étaient mariés. L’adoption d’enfants est impossible pour un couple homosexuel. Enfin, point le plus décrié en France, la promotion de l’homosexualité est interdite en Hongrie. Il y est dont interdit de réaliser des publicités télévisées présentant des couples homosexuels ou encore de promouvoir l’homosexualité dans les écoles. Autrement dit, en Hongrie, le rapport de la population à l’homosexualité est celui qui existait en France il y a une petite vingtaine d’années, mais il y a plutôt moins d’agressions homophobes en Hongrie qu’en France. Et puis, honnêtement, deux hommes en couple se sentiraient-il plus à l’aise s’ils se promenaient main dans la main dans les rues de nombreuses villes françaises, que dans les rues de Budapest ?
Enfin, en France, cela ne fait plus mystère, nous avons un problème d’intégration avec certains de nos compatriotes d’origine arabo-musulmane. En Hongrie, les mêmes difficultés sont rencontrées avec les Roms. Ces derniers y sont pourtant présents (comme en Roumanie et en Bulgarie) depuis l’invasion ottomane du 16ème siècle. Parmi les Turcs envahisseurs, se trouvaient de nombreux Roms (venus d’Inde) qui se sont finalement installés durablement. Les Roms sont responsables de près de 80% des crimes et délits commis en Hongrie. Ces statistiques ethniques, bien qu’interdites par la loi hongroise (comme en France), ont été dévoilées par un député hongrois lors d’une discussion à l’assemblée nationale du pays. La situation est telle dans ce pays qu’on peut parler de réelle sécession. Il y a des villages entièrement Roms. Lorsqu’une famille rom emménage dans un immeuble, tous les appartements de l’immeuble perdent immédiatement une partie de leur valeur. En va-t-il autrement en France ? Je me demande si les copropriétaires d’un petit immeuble de Paris ne s’inquiéteraient pas de la perte de valeur de leur bien immobilier au cas où une famille africaine ancrée dans sa culture d’origine viendrait à occuper un des appartements de leur immeuble.
À bien y réfléchir, je trouve bien des points communs entre notre chère démocratie et celle de nos voisins hongrois que nous critiquons à loisir.