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19 mai 2025

BIENVENUE DANS « FAHRENHEIT 451 »

Jean-Claude Delhez

-19/5/2025- Cette capture d'écran circule en ce moment. Elle montre un instant de télévision. On y apprend au téléspectateur comment reconnaître les espions russes autour de lui. C'est ainsi qu'on découvre que les personnes solitaires ou socialement marginalisées sont susceptibles de cacher des espions russes. La chaîne qui diffuse cela est LCI, filiale de TF1, qui appartient au groupe Bouygues.
Certains connaissent ce film de François Truffaut, « Fahrenheit 451 ». Il date de 1966 et il est interprété par l'Autrichien Oskar Werner et la Britannique Julie Christie. C'est l'adaptation d'une nouvelle de l'écrivain américain Ray Bradbury (1953).
L'oeuvre décrit une société imaginaire, construite sur le contrôle du savoir. Il n'existe qu'un canal d'information : une chaîne de télévision. Ses programmes récompensent ceux qui adoptent la pensée présentée comme dominante. Dans cette société, le livre n'existe pas. Ou du moins est-il interdit. Et le rôle des pompiers est inversé ; ils ont pour mission de trouver et brûler les livres qui seraient cachés chez des habitants. Ces habitants-là, une fois démasqués, sont considérés comme des déviants, des anti-sociaux à rééduquer. C'est non seulement le système qui le pense, mais aussi le reste de la population, celle qui ne lit pas et se contente d'une télévision décérébrante. Au point que l'épouse du personnage principal ira elle-même le dénoncer aux autorités. Les déviants prennent le maquis pour échapper au pouvoir. Là, ils apprennent des livres par cœur pour s'assurer que, même brûlés, leur contenu se perpétuera. Le titre de l'oeuvre renvoie à cette destruction : le livre se consume à une température de 451 degrés sur l'échelle de Fahrenheit.
Ce qui me frappe dans la situation actuelle, c'est cette connivence, parmi la quasi totalité des médias dits mainstream, pour diffuser un discours monolithique là où il y a des enjeux de pouvoir. C'est flagrant dans la couverture de l'affaire ukrainienne. Pour en arriver à ce discours uniforme, il leur faut écarter toute source contradictoire, toute approche normalement critique du sujet, et adopter la formulation ad hoc afin de bien faire passer le message convenu à leur public. Et celui qui n'avalerait pas le discours qui lui est servi est stigmatisé. Si c'est une personnalité publique, elle est exclue, autant que possible, des endroits où elle pourrait s'exprimer. Si c'est un citoyen lambda, on entache sa réputation, on lui attribue des liens infamants ou un esprit dérangé. Au point que son entourage pourrait être amené à s'en méfier, s'en éloigner. Ce que LCI nomme les solitaires et les socialement marginalisés (susceptibles de cacher des espions russes...). Ces déviants, comme dans Fahrenheit, se retrouvent pour échanger dans une sorte de société parallèle, qui est invisibilisée par les médias mainstream ; ainsi ces médias maintiennent-ils l'illusion de la vérité unique qui est la leur, et confortent-ils leur public dans la conviction qu'il est du bon côté de la morale, qu'il a bien appris sa leçon.