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29 novembre 2022

Faiblesses, frustrations et désir de puissance sont les trois mamelles de la guerre

Yann Bizien

Courte réflexion sur "les mamelles de la guerre" ce soir, fondée sur le ressenti de quelques auteurs.

Les guerres ne naissent pas toujours de la volonté de puissance des États, mais aussi de leurs faiblesses et de leurs frustrations.

Nous risquons une guerre civile en France à cause de la faiblesse des exécutifs qui se succèdent au pouvoir depuis 40 ans.

Il y a une guerre en Ukraine à cause de l’obsession de puissance des Américains qui ont repoussé l’OTAN vers les frontières russes pour satisfaire leurs ambitions hégémoniques. Il y a aussi cette guerre en Ukraine à cause de la frustration de la Russie endiguée et encerclée qui entend défendre ses intérêts stratégiques, civilisationnels et vitaux.

Il y aura peut-être une confrontation majeure entre les États-Unis et la Chine à cause de leurs ambitions de puissance. Cette confrontation a déjà débuté. Pour le moment, elle n'est pas armée et s'exprime dans d'autres champs que la confrontation militaire.

Faiblesses, frustrations et désir de puissance sont donc les trois mamelles de la guerre.

« La crainte de la guerre est encore pire que la guerre elle-même » disait Sénèque. « Les Allemands ne nous déclareront pas la guerre, ce ne sont pas des idiots. Ils ne sont pas fous. Je vous le dis, ils ne feront pas la guerre ! » disait Aristide Briand le 31 juillet 1914.

Vladimir Poutine nous a rappelé le 24 février dernier que la guerre n'était pas qu'une vieille relique de l'histoire, une distraction de lecture ou une simple théorie. Elle demeure le moyen le plus contraignant de la politique, à la disposition de celui qui a le pouvoir de la décider.

« Le premier, le plus important, le plus décisif acte d’un jugement d’un homme d’État ou d’un commandant en chef est l’appréciation du genre de guerre qu’il entreprend, afin de ne pas la prendre pour ce qu’elle n’est pas […| disait Carl Von Clausewitz. « Vous n’attaquerez pas un ennemi plus puissant et plus fort que vous » disait Sun Tsé dans « l’art de la guerre ».

Les hédonistes ont semblé redécouvrir la guerre le 24 février dernier après l'avoir trop longtemps ignorée, exclue de leur horizon et de leur schéma de pensée. La guerre interétatique et de haute intensité est revenue en force au centre des rapports entre les États, tandis que l’Union européenne désarmait naïvement et que le reste de la planète réarmait rigoureusement.

La guerre, ce n’est pas seulement notre passé, c’est peut-être aussi notre avenir disait François Mitterrand. « La guerre, y penser toujours, n’en parler jamais » disait Gambetta. « Connais ton ennemi et connais-toi toi-même et tu pourras livrer cent batailles sans essuyer un désastre » disait Mao Tsé Toung. Aujourd’hui, le général Vincent Desportes souligne que si « la guerre a un superbe passé, elle a aussi un bel avenir ».

Pour le Maréchal Foch, « la guerre ne s’apprend que par la guerre. La réalité du champ de bataille est que l’on n’y étudie pas ; simplement on fait ce que l’on peut pour appliquer ce que l’on sait ». Autrement dit, il faut toujours savoir retirer des leçons utiles de la guerre pour préparer celle d’après, sans jamais imaginer que la guerre d’après pourrait ressembler à celle d’avant.

« La guerre est un acte de violence dont l’objet est de contraindre l’adversaire à se plier à notre volonté ; elle justifie l’usage de la violence jusqu’à son extrémité » disait Clausewitz. Tout le succès d’une opération réside dans sa préparation. « La valeur d’une guerre se juge à la quantité de mal qu’elle fait » disait Victor Hugo.

Lorsque deux puissances se rencontrent, c’est toujours la plus courageuse qui gagne. Le courage est une vertu essentielle dans la conduite de la guerre : le courage de ne pas se soumettre, de ne pas renoncer, d’avancer et de prendre des risques calculés.

L’art de la guerre, c’est parfois savoir soumettre l’ennemi sans combattre, ce que savent parfaitement faire les Américains. La meilleure stratégie est celle qui permet en effet d’atteindre ses objectifs sans avoir à se battre (*). L’art de la guerre est également basé sur la duperie. C’est aujourd’hui la propagande et les opérations psychologiques.

« Il est d’une importance suprême dans la guerre d’attaquer la stratégie de son ennemi disait Sun Tzu. Autrement dit, on ne se bat pas uniquement contre un adversaire mais également contre sa stratégie.

« On fait la guerre avec l’armée qu’on a » disait Donald Rumsfeld. Autrement dit, on ne fait pas la guerre avec l'armée que nous n'avons pas. On ne fait pas non plus la guerre avec l'armée qu'on aimerait avoir. La guerre est toujours probable. Elle nécessite d’adapter en permanence notre défense et nos armées.

À la guerre, peu importe l’arrivée de l’hiver, ou de l’été. Le brouillard de l’incertitude et le risque de la montée aux extrêmes sont des données constantes de la guerre. « La fin sublime excuse les moyens horribles » disait Raymond Aron. Autrement dit, la violence des moyens annule la noblesse de la fin.

« Quand les riches se font la guerre, ce sont les pauvres qui meurent » disait Jean-Paul Sartre.

« Il est plus facile de faire la guerre que la paix » disait Georges Clemenceau. Mieux vaut une paix injuste qu’une guerre sans fin. La guerre est certes la continuation de la politique par d’autres moyens ; mais lorsque nous ne connaissons plus de succès avec la guerre, que l’effet recherché n’arrive pas, vient le temps d’essayer d’autres moyens.

Je vais conclure cette petite réflexion sur la guerre avec cette citation d’Antoine de Saint Exupéry : « Force-les à bâtir ensemble une tour et tu les changeras en frères ; mais si tu veux qu’ils se détestent, jette leur du grain. »

Critique libre, évidemment. À vous de faire librement des analogies ou des rapprochements avec notre temps si compliqué, et si désespérant.

(*) Le "leadership from behind" conceptualisé par la Maison Blanche.