Translate

7 octobre 2023

Radu Portocala

La presse française qui pense comme il faut se montre prudemment réservée. Pourtant, comme il est odieux de ne pas en parler ! De se montrer à ce point subordonné à l’impératif de consensus international.
Cela ne date pas d’hier, mais de la semaine dernière. C’est beaucoup en cette époque où l’instantanéité finit par tuer la réflexion. Cela s’est passé au Canada. Tout le monde le sait, tout le monde a vu les images. En visite officielle, Zelensky a été invité à une séance festive du parlement (d’habitude, j’écris ce mot avec une majuscule, mais là ce n’est pas la peine…). Fier, tout sourire, le président de la chambre, voulant sans doute rendre hommage à son hôte, annonce qu’il y a dans la salle « un héros ukrainien, un héros canadien », un homme de 98 ans « qui a combattu les Russes » pendant la Deuxième Guerre mondiale. Pas les Soviétiques, mais les Russes - le détail compte dans les actuelles circonstances. À cette annonce, les députés, tous les députés, représentants du peuple canadien, se sont levés pour acclamer cet homme, pendant que Zelensky et Trudeau affichaient un sourire béat. Le bonheur était à son comble.
Chrystia Freeland, vice premier-ministre, ministre des Finances, d’origine ukrainienne, petite-fille du rédacteur en chef d’un journal nazi du temps de la guerre, qui s’était fait photographier en 2022 arborant le drapeau noir et rouge des banderistes pro-nazis, était, elle aussi, transportée d’émotion.
Cependant, il n’a fallu que peu de temps pour découvrir que le « héros ukrainien et canadien » était un ancien membre d’une unité Waffen-SS connue pour ses actions meurtrières. Effondrement, donc, de l’enthousiasme. Le président de la chambre s’est excusé puis a donné sa démission, alors que Trudeau, dans un bref discours, insinuait avec son air benêt que tout cela était dû à la propagande russe.
Maintenant, quelques questions semblent utiles. Le président de la chambre, lorsqu’il a invité le « héros », n’avait vraiment aucun moyen de se renseigner sur le passé de celui-ci, ou l’envie de faire plaisir à Zelensky l’a fait passer outre toute prudence ? Personne dans ce parlement ne s’est demandé de quel côté pouvait être un Ukrainien qui, pendant la guerre, combattait les « Russes » ? Trudeau n’avait-il pas été informé de ce qu’il allait se passer lors de la séance à laquelle il allait assister ? Pourquoi ce sourire enchanté arboré par Zelensky, qui, lui, devait très bien comprendre de quoi il s’agissait ?
Il y a un certain nombre d’années, lorsque John Demjanjuk, nazi ukrainien, a été jugé pour son passé, la presse a été très vocale, très catégorique. Pourquoi s’abstient-elle aujourd’hui sur la misère qui s’est produite au Canada, ou, tout au plus, la qualifie-t-elle d’« évènement malencontreux » (Le Monde) ? La volonté stérile d’en finir avec la Russie est-elle si grande qu’elle aveugle les anciens justiciers médiatiques ?
Parfois, la tristesse de notre temps arrive à être surprenante.