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9 janvier 2024

Des tracteurs dans les rues allemandes

Gilles La Carbona


Les agriculteurs allemands sonnent la révolte, c’est du moins ce qu’on aimerait voir et croire. Ce lundi 8 janvier plus de 380 points de blocages d’autoroutes et voies principales ont eu lieu contre la suppression des subventions sur le diesel. Se sont joints les camionneurs et les bateliers. En toile de fond se profile aussi une contestation sur la loi de restauration de la nature voulue par l’UE et qui aura pour conséquence de pouvoir confisquer les propriétés privées et les terres agricoles, rendant la sécurité du droit de propriété caduque. S’ils ne sont pas évoqués, les traités de libre-échange signés avec la Nouvelle-Zélande, ou celui avec le marché commun d’Amérique du Sud, ne sauraient être écartés du mécontentement, tant ces coups portés à nos agricultures sous le prétexte de lutter contre le réchauffement climatique, n’auront que des incidences rapides, visibles et prévisibles : la disparation d’une profession et la fin de l’autonomie alimentaire. C’est un préliminaire nécessaire à l’instauration d’une situation de famine qui sera l’occasion d’instaurer de nouvelles restrictions ou impôts. Comprenez que nos brillantissimes fossoyeurs crieront à la crise alimentaire, les yeux exorbités faussement étonnés de découvrir une fois de plus un problème qu’ils auront créé. Comme ils l’ont déjà fait pour la santé, l’énergie, l’armée, l’école, l’immobilier, bref tout ce qu’ils ont touché.

C’est exactement ce pour quoi manifestent nos propres paysans, depuis des semaines, mais dans un isolement et une indifférence grandioses. En regardant outre-Rhin, ils doivent se rendre compte ce que le terme solidarité véhicule de puissance, eux qui, éparpillés, trahis par leurs syndicats ayant appelé à voter Macron et adulateurs d’une Europe plus forte selon les mots de la FNSEA qui prônait l’ouverture internationale.

Les agriculteurs allemands, moins pressés de jouer les sacrifiés sur l’autel du libre-échange sont en colères et le font savoir. Organisés, ils entraînent même d’autres professions. Cette solidarité laisse songeur tant elle semble impossible en France pour la simple raison que le corporatisme, qui prévaut dans l’hexagone, cultive la division et non la cohésion. Chacun regarde son nombril en se désintéressant de celui du voisin. Cet égoïsme offre à notre pouvoir la maîtrise totale du jeu quand une fraternité interprofessionnelle permettrait de le faire plier. Utopique entente, ici c’est chacun pour soi, et chacun se retire dès qu’il pense avoir été plus malin que les autres, pour avoir obtenu des miettes, qui seront à terme toujours bien difficiles à avaler. Le résultat est éloquent. À part les panneaux des villes mis à l’envers, c’est tout ce qu’on retient de l’hallali de notre agriculture. En ce début d’année, on pourrait formuler le vœu que toutes les professions se concertent pour combattre unanimement un pouvoir qui entretient la casse de l’ensemble de notre économie et ne vise qu’à accélérer un agenda dément taillé pour les plus riches.

Mais ne nous leurrons pas, pour parvenir à un tel retournement de situation, il faudrait que la lucidité s’empare des acteurs, qu’ils aient le cran de renverser leurs instances corrompues et décident de ce qui est bon pour eux, sans attendre de secrètes tractations dont ils n’auront que des miettes. Imaginez que routiers, paysans, transporteurs maritimes fluviaux, pêcheurs, ouvriers, infirmiers, policiers, enseignants se mettent à agir ensemble, sans se préoccuper des consignes syndicales qui ne seront jamais que le reflet de ce que le pouvoir veut bien tolérer. Combien de temps durerait l’arrogance de nos politiciens ? L’Allemagne est observée avec attention, feu de paille ou début d’un bras de fer du peuple contre ses dirigeants ? Les jours qui viennent nous le diront, mais il semble que nos voisins aient compris avant nous que leur avenir se jouait à présent. Ne rien faire c’était non seulement accepter la faillite, mais aussi entraîner leur pays dans une crise alimentaire autrement plus grave que la fausse pandémie. La minorité écolo qui est derrière ces mesures doit être écartée des décisions qui concernent la sécurité des nations et l’alimentation en fait partie. De Gaulle faisait de l’autonomie alimentaire la première des sécurités. La transition écologique n’est qu’une fumisterie pour détruire une filière, un monde et au bout, un pays, au profit d’une idéologie devenue une religion imposée par une minorité intransigeante et haineuse contre tout ce qui n’épouse pas son délire.

Cette fronde, si elle s’installe durablement, sera difficilement dissimulable par nos médias. Le gouvernement allemand prendra-t-il le risque d’un conflit long et forcément fratricide ? L’Allemagne n’est pas la France, et nos voisins n’ont le sens du sacrifice que s’il est pour une cause nationale, non supra nationale. Scholz n’a-t-il pas, de fait, enterré la voiture électrique pour sauver son industrie automobile, en annonçant la fin des subventions justifiées par l’incohérence de promouvoir des véhicules trop chers, à l’autonomie défaillante et au bilan écologique désastreux, tout en avouant la perte d’un savoir-faire technologique préjudiciable à l’économie allemande ? Quand la réalité rattrape les dirigeants allemands, ils changent de paradigme, à la différence des idéologues français qui jouent avec l’argent des contribuables et foncent dans le mur, sans jamais devoir rendre des comptes. Il y a donc de fortes chances pour que ce mouvement cesse rapidement pendant qu’en France, le massacre se poursuivra au non de l’exemplarité écologique, histoire de se gausser dans les salons parisiens entre gens de bonne compagnie, ravis de voir les gueux de la campagne crever en direct.

Quand le peuple de France se réveillera-t-il, pour cesser de suivre un corbillard ? Et pas une voix de l’opposition pour dénoncer haut et fort les destructions en cours de tout ce qui faisait de la France, un pays de cocagne, devenu pays en voie de sous-développement.