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23 juin 2025

LA GUERRE DU MOYEN-ORIENT N'A PAS LIEU

Gabriel Nerciat
23/6/2025

Rires.
Les bombardements des B2 américains sur l'Iran ont peut-être bien frappé des sites vides.
Même le vice-président J.D Vance – qui était quasi ouvertement hostile à l'intervention – a admis que les services américains ne pouvaient rien affirmer de définitif sur la localisation exacte de l'uranium enrichi.
Les Russes, eux, prétendent que les dommages occasionnés sont limités, et en tout cas inaptes en l'état à empêcher l'Iran de continuer à essayer de se doter d'une arme nucléaire.
D'ailleurs, dès ce matin, quelques heures après que Trump s'est félicité du succès complet de l'opération et a remercié le Dieu des Armées, l'aviation de Tsahal retournait bombarder le site de Fordo, pourtant "intégralement détruit" (sic).
Dieu est négligent, des fois.
Dès lors, intox, comédie, tragédie, cynisme endurci, naïveté confondante ?
Trop tôt pour le dire. Même si l'on a peine à croire que l'uranium ait pu se volatiliser dans la nature sans que les satellites et les espions américains le voient.
Je crois qu'il faut toujours en revenir au livre fondateur de Jean Baudrillard, "La guerre du Golfe n'a pas eu lieu", paru après la première intervention militaire fomentée par Washington contre Saddam Hussein à la fin de la guerre froide, et qui à l'époque indigna grandement les sots.
Le philosophe y expliquait que dans la société du Spectacle (je ne sais plus s'il reprenait le concept de Debord mais c'était approchant), la victoire réelle et son déroulement stratégique importaient moins que le récit unanime qu'en donnaient des médias soumis à la propagande militaire et incapables de se rendre sur les lieux.
Peu importe que les B2 aient réellement anéanti les capacités nucléaires de l'Iran du moment que la Maison Blanche et quelques centaines de commentateurs serviles le proclament du soir au matin, attestant ainsi que l'Amérique et son suzerain israélien sont vraiment, quoi qu'il arrive, les plus forts face à un Iran exsangue au bord de la capitulation.
Le problème est que nous ne sommes plus en 1991, où Bush père s'était bien gardé d'essayer d'envahir l'Irak et/ou de faire chuter le régime baassiste.
Si le véritable but de guerre est la chute du régime des ayatollahs et des pasdarans, alors en effet la destruction ou non des sites nucléaires n'est jamais au mieux qu'un prétexte et n'a d'importance que secondaire.
Si ce n'est pas le cas, les Américains ont intérêt à retirer leurs billes assez vite, c'est-à-dire avant que le village Potemkine ne s'effondre. Mais est-ce encore possible, vu la furia de Netanyahou et le degré d'implication personnelle de Trump ?
Déjà, ce matin, Tsahal a bombardé des cibles soit purement symboliques (une prison) soit carrément superflus (le QG des pasdarans, vidé de ses occupants depuis plusieurs jours).
Après, que faire ? Le régime ne va pas tomber tout seul, sous les yeux impavides des dirigeants russes et chinois.
Car la révolution iranienne non plus risque bien de ne pas avoir lieu, au grand dam de Bernard-Henri Lévy et de Pascal Praud.
Comme celle de 1991, la guerre Iran-Israël-USA n'a peut-être pas réellement lieu, mais la vraie question que ne pouvait jadis poser Baudrillard serait plutôt celle-ci : comment peut-on mettre fin à une guerre qui n'existe pas ?