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16 mars 2023

Tiephaine Soter

Pendant qu'Euronews explique que finalement c'est bon, la crise bancaire est passée et qu'il n'y aura pas de conséquences parce que le système est solide, Crédit Suisse explique qu'en fait, sa façon de rapporter ses opérations "avait des failles et des lacunes", et explique dans le même temps qu'ils n'ont pas encore réussi à "contenir les retraits des clients".
 
Dans le même temps, la Fed explique qu'elle va imprimer autant de billets qu'il faudra pour garantir que le système ne va pas s'effondrer, une manière détournée de dire qu'ils vont préférer l'hyperinflation pour sauver le système, sans nettoyer celui-ci des mécanismes qui créent des problèmes de plus en plus énormes à chaque fois depuis les années 1980.
 
La crise n'est pas passée. Ce qui s'est passé hier n'est qu'un petit hoquet, le prélude à quelque chose de beaucoup plus gros qu'on sent venir depuis au moins 5 ans. On est typiquement dans le même type d'événement que la crise provoquée par Bear Sterns en juin-juillet 2007.
 
Là ce qui se passe, c'est que tout le monde financier se rue sur les obligations, en particulier sur les bons du trésor américain, parce qu'ils ont (AVAIENT) des taux intéressants. La mécanique du truc c'est que plus il y a de demande sur le bon (plus il y a d'acheteurs), plus le taux, et donc le rendement, baisse. Or, les positions des organismes financiers, notamment dans les produits dérivés, sont basées sur le taux attendu à une date précise.
 
Si le taux baisse trop avant cette date, l'organisme financier perd de l'argent, et doit donc s'en débarrasser rapidement pour prendre une meilleure position. Là, comme le taux des bons à 10 ans a baissé de 0,5% rien que sur la journée d'hier, il y a des dizaines de milliards de dollars qui se sont évanouis sur le marché des produits dérivés (non comptabilisé dans les comptabilités, ce sont des opérations "sous le comptoir").
 
Cette crise bancaire est, à très court terme, une excellente nouvelle pour l'État américain, puisque sa dette souveraine est financée grâce aux bons du trésor. Le problème c'est que si pour le moment c'est très bon signe, il va y avoir un contrecoup lorsque les banques auront eu leur cash de la part de la Fed : les bons du trésor vont voir leurs taux remonter d'un coup, ce qui devrait plomber la dette. Il se trouve justement que d'ici juin 2023, il y a un risque que les USA fassent défaut sur leur dette (c'est-à-dire qu'ils ne puissent pas rembourser les bons du trésor émis il y a 10 ans).
 
Il y a des bruissements en ce sens depuis le début de l'année, et beaucoup de monde en coulisse cherche des solutions, même de court terme. Ce risque ne cesse de s'accentuer à chaque fois qu'un État accepte de passer ses opérations commerciales bilatérales dans les monnaies nationales, sans passer par le dollar, qui est devenu incontournable en 1945 avec les accords de Bretton Woods (il fallait impérativement acheter des dollars pour acheter de l'or, donc toutes les monnaies dépendaient du dollar, ce n'est plus le cas depuis 1973, mais le système est resté, à la fois par habitude et parce que les USA ont largement fait en sorte de maintenir le dollar comme monnaie de référence, quitte à dégommer les dirigeants qui voulaient revenir à un "standard or"). Dernièrement, l'Inde, la Chine, la Russie, l'Iran, l'Arabie Saoudite et quelques autres pays importants, ont passé une série d'accords bilatéraux pour se passer du dollar et commercer dans leurs monnaies respectives.
 
En gros, ce que ça veut dire, tout ce que je viens d'écrire, c'est qu'il y a un risque, encore faible mais qui commence à se préciser de façon assez sérieuse, pour que le dollar s'effondre d'ici cet été, ou en tout cas dans les années qui viennent. 14/3/2023