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21 mai 2025

L'ART AU SERVICE DU POUVOIR

Jean-Claude Delhez

20/5/2025- Le Festival de Cannes déroule le tapis rouge pour un grand cinéaste français, par ailleurs philosophe majeur, diplomate officieux des présidents Macron et Sarkozy et président du comité de surveillance d'Arte. Vous savez, l'époux d'Arielle Dombasle. Accessoirement, mais on ne va pas ennuyer la jet set cannoise avec ça, Bernard Henry Lévy fait l'objet d'une enquête du parquet de Paris pour avoir tapé dans la caisse d'Arte afin de financer ses propres films ; le tribunal correctionnel de Paris l'avait débouté, il y a 3 ans, d'une plainte contre le journaliste Denis Robert qui accusait BHL d'avoir touché des pots de vin du Qatar ; il est l'un des responsables de la guerre civile qui meurtrit la Libye depuis 14 ans ; et il claironne de tous côtés son soutien à la politique actuelle de Netanyahou. Un humaniste, en somme.
Ainsi donc, BHL est au festival de Cannes. Pourquoi ? Pour y présenter son dernier documentaire. Sur quel sujet ? La guerre en Ukraine, évidemment ; sujet qui est aussi devenu le fonds de commerce de la chaîne dont il préside le conseil de surveillance. Sujet que connaît BHL depuis longtemps puisqu'il foulait déjà un autre tapis rouge, il y a une décennie : celui déroulé aux investisseurs occidentaux en Ukraine, après le brutal changement de régime à Kiev, en 2014. Serait-il de parti pris sur le sujet ? Pas de soucis : le cinéma, c'est la liberté, c'est un art ouvert à toutes les opinions, c'est une discipline qui ne connaît pas les frontières, qui aime toutes les cultures. Libre à d'autres de s'exprimer comme bon leur semble sur la croisette cannoise. Mais Thierry Frémaux, le directeur du festival, rappelle tout de même une base : les films produits en Russie sont interdits.
Comme quoi, tous les arts ne se valent pas. Il faut distinguer l'art autorisé de celui qui ne l'est pas, la parole écoutée du silence imposé. M. Frémaux a bien raison de mettre bon ordre dans le métier. L'ordre, il n'y a que ça de vrai. D'ailleurs, il n'est pas le premier à le faire. Par le passé, les films américains ont été interdits. Vers 1942. En territoire occupé. Et l'on faisait une saine distinction entre l'art officiel et l'art dégénéré. Tandis qu'on se réchauffait à la flamme de quelques livres choisis avec discernement.
Le milieu du cinéma connaît bien cette citation d'André Malraux, en conclusion d'une étude de référence sur le métier : « Le cinéma est un art. Par ailleurs, c'est aussi une industrie ». Et c'est quelque fois une propagande, aurait pu ajouter celui qui créa, avec le général de Gaulle, le ministère de la Culture. C'était en 1959. L'année précédente, en pleine guerre froide entre l'Est et l'Ouest, la palme d'or était attribuée à Mikael Kalatozov, pour le film « Quand passent les cigognes ». Un film soviétique.