Radu Portocala
-3/9/2025- Nous sommes – la chose est entendue – dans la post-histoire que nous analysons avec les moyens de la post-vérité. Le diable seul sait que veulent dire ces idioties, mais elles ont cours dans de plus en plus de cerveaux de plus en plus vides.
Un double exemple a été donné ces derniers mois par deux éminentes personnalités.
D’abord, le vice-président des États-Unis, J. D. Vance. Au mois de mai il a écrit : « The West tore down the Berlin Wall together. » (« L’Ouest a démoli le Mur de Berlin ensemble. ») Il suffit de regarder les images d’archive de ces jours de 1989 pour constater que le Mur de Berlin est tombé d’Est vers l’Ouest. Il a été démoli par des Allemands de l’Est sous le regard impavide des troupes Est-allemandes qui n’ont pas bronché. Pourquoi ? Trahissaient-ils, ces soldats ? Non. Ils avaient reçu l’ordre de laisser faire. Et cet ordre avait été donné avec l’aval de Moscou, tout comme c’est avec l’aval de Moscou que, quelques semaines plus tôt, la Hongrie avait soudainement ouvert la frontière avec l’Autriche. Ensemble ou non, que cela plaise ou non aux chefs américains, ce n’est pas l’Ouest qui a démoli le Mur de Berlin. L’Ouest s’est contenté de tenir des discours et de rechercher avidement la « coexistence pacifique », chère à tous les présidents américains.
Vint ensuite Friedrich Merz, la premier-ministre allemand qui, assis en face de Donald Trump lui a dit : « Vous avez libéré notre pays du nazisme. » On peut avoir toute l’antipathie possible contre l’Union soviétique avec sa politique horrible, les images restent des images. Et dans celles où le monde entier a vu un soldat qui plante un drapeau sur le toit du Reichstag, le soldat n’est pas américain, mais soviétique, et le drapeau n’est pas américain, mais soviétique. C’est l’entrée des troupes de l’Armée rouge dans Berlin qui a poussé Hitler au suicide, donc qui a mis fin au nazisme, pas celle des troupes américaines. On n’a pas besoin d’avoir des sympathies communistes ou stalinistes pour enregistrer ce que ces images montrent. À cela, bien entendu, Trump acquiesce l’air enchanté.
Sommes-nous en train de passer de la post-histoire à la contre-histoire ? Pourquoi pas ? La chose est aussi stupide qu’a été la décision prise en 2022 par quelques patrons de restaurants français de débaptiser la salade russe et de l’offrir à leurs clients comme salade ukrainienne. Et les clients ont été enchantés de la voir dans leur assiette. C’est probablement le sens de la contre-histoire : faire gober n’importe quoi, sous n’importe quel nom à une masse contente d’avoir l’assiette pleine.