Nicolas Maxime
25/11/2025
Tous les sondages semblent unanimes : Jordan Bardella, quel que soit son adversaire – Édouard Philippe, Gabriel Attal ou Raphaël Glucksmann – au second tour, sortira vainqueur. Et l’on ne parle même pas de Jean-Luc Mélenchon, qui serait laminé par Bardella, preuve que la diabolisation médiatique a parfaitement fonctionné, renforcée par la stratégie catastrophique des insoumis qui se sont eux-mêmes transformés en épouvantail. Le vieux leader de La France Insoumise attire contre lui toutes les voix de la droite et même d’une partie de la gauche, qui lui préfèrent désormais Bardella.
Et ce scénario d’un Jordan Bardella président de la République n’est pas seulement possible : il est même hautement probable. Déjà parce que le Rassemblement National s’est tellement normalisé que l’on peine à voir la différence avec l’UMP de Nicolas Sarkozy. Entre « l’extrême centre frontisé » et « l’extrême droite normalisée », entre Gabriel Attal et Jordan Bardella, la nuance est à peine plus épaisse qu’une feuille à cigarette.
Ensuite, il y a l’adoubement de Bardella par le MEDEF et les médias. Tout porte à croire qu’après Macron, le monde financier a déjà choisi Bardella pour lui succéder. Le Rassemblement National, débarrassé de l’influence des Le Pen et ayant prétendument rompu avec son passé fasciste – bien que certaines réminiscences subsistent chez ses militants, comme on l’a vu l’été dernier lors des législatives – se présente désormais comme un parti « normalisé ». Bardella, quant à lui, a adopté un programme de continuité néolibérale du macronisme, l’angle identitaire en plus. Fini les promesses sociales telles que la retraite à 60 ans ou les baisses d’impôts pour les classes moyennes, bonjour la réduction des dépenses publiques et la rigueur budgétaire.
Enfin, Jordan Bardella est un maître de la communication numérique. Il manie Instagram, TikTok et tous les réseaux comme personne. On le voit souriant avec une vieille dame, en train de faire de la musculation, ou tourner des vidéos destinées aux jeunes. Bardella est le candidat de l’attention immédiate : un influenceur politique pur jus. Peu importent ses idées et qu’il soit le représentant du Rassemblement National, il séduit par son image. Il plaît aux jeunes car il est « cool », aux travailleurs car il promet de mettre fin à l’assistanat tout en mettant en avant la valeur travail, alors qu’il n’a jamais travaillé de sa vie, et aux vieilles dames car il incarne le gendre idéal : beau, souriant et bien élevé. Son image est soigneusement travaillée et calibrée pour plaire à tous. Quand il faut sourire, il sourit. Quand il faut faire un selfie, il le fait. C'est un pur produit marketing conçu et vendu pour le grand public.
Comment un personnage aussi vide, impassible et fade, sans fond et sans idées, dépourvu de véritable programme, peut-il être en passe de devenir président de la République ? Sommes-nous tombés si bas collectivement pour en arriver là ? Idiocracy. Nous sommes face à une candidature qui est représentative de l’ère Tibo InShape et des influenceurs de Dubaï. Peu importent les idées, seule compte l'image. Guy Debord l’avait prédit : dans une société dominée par les images et l’apparence, le réel s’efface au profit de sa représentation, et le pouvoir se gagne plus par la mise en scène et la visibilité que par les idées ou les programmes. Jordan Bardella pourrait bien devenir le premier président influenceur.
Cependant, cette image trop lisse pourrait aussi lui jouer des tours. Une partie de l’électorat d’extrême droite, en quête d’un discours plus radical ou plus authentique (Sarah Knafo, par exemple, qui elle-même maîtrise également son image), pourrait se détourner de lui. Et surtout, il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué : le futur président, déjà « élu » dans les médias et sur les réseaux, pourrait fort bien être désavoué par les urnes. Car en politique, contrairement aux réseaux sociaux, l’image ne suffit pas toujours.



