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14 mars 2025

LES CORROMPUS

Jean-Claude Delhez

- 14/3/2025 - Tandis que les médias français, fidèles à la voix de leur maître, n'ont que la guerre à la bouche, plusieurs décisions judiciaires sont passées discrètement dans l'actualité récente. Le 5 mars, la Justice a condamné Alain Bauer à 12 mois de prison avec sursis et 375.000 euros d'amende, Augustin de Ramonet à 8 mois de prison avec sursis et 200.000 euros d'amende, Laurent Vigier à 6 mois de prison avec sursis et 30.000 euros d'amende, Jean-Pierre Jouyet à 30.000 euros d'amende, Christian de Bongain, alias Xavier Raufer, à 30.000 euros d'amende.
Pourquoi ? Pour favoritisme dans les marchés publics, une affaire dénoncée il y a déjà 11 ans par Mediapart. Il s'agit de contrats financés par des fonds publics et attribués par favoritisme à Alain Bauer par les autres condamnés. Alain Bauer est le criminologue bien connu par son omniprésence sur les chaînes de télévision de l'audiovisuel public. Il en va de même pour Xavier Raufer. Augustin de Ramonet était le directeur d'Aéroports de Paris. Il dirigeait également, avec Jouyet et Vigier, la Caisse des Dépôts et Consignations qui est, d'une certaine manière, la banque de l'Etat. Tous ces gens ont cumulé, au fil de leur carrière, de hautes responsabilités dans la fonction publique, des intérêts dans des sociétés privées, des liens avec les partis politiques et avec la franc-maçonnerie.
Deux jours après cette sentence, ce 7 mars, la Justice condamnait Bernard Squarcini à 4 ans de prison dont 2 ans fermes et une amende de 200.000 euros, pour trafic d'influence au profit de la société LVMH, propriétaire du milliardaire Bernard Arnault. En l'occurrence, Squarcini avait organisé l'espionnage d'un magazine et d'un député d'opposition. Bernard Squarcini est l'ancien directeur de la DST et de la DCRI, c'est-à-dire du service de contre-espionnage français.
Pour rappel, une enquête est toujours en cours concernant le philosophe Bernard-Henri Lévy, soupçonné d'avoir usé de sa fonction de directeur du comité de surveillance de la chaîne Arte pour en obtenir des financements en faveur de ses propres documentaires.
C'est étrange cette propension à s'enrichir illégalement en puisant dans l'argent public chez des gens qui font profession de combattre le crime, de gérer les deniers de l'Etat et de faire la morale au reste du monde.



JE NE SUIS PLUS AVOCAT

François Boulo

- 13/3/2025 - Il y a un an, jour pour jour, j’ai pris la décision de quitter la profession d’avocat. Depuis le 1er janvier 2025, et après plus de 12 années à officier au barreau de Rouen, j’ai officiellement raccroché la robe. Ce fut un choix particulièrement difficile, peut-être l’un des plus difficile de toute ma vie, mais il a été mûrement réfléchi.
Par ce petit texte, je veux vous en exposer succinctement les principales raisons. Je vais le dire depuis une position qui me préserve de toutes représailles puisque je suis désormais libéré de toute obligation déontologique.
Comme tant d’autres, les Gilets jaunes ont bouleversé ma vie à jamais. Il y a eu un avant et un après. Aujourd’hui, l’injustice m’est devenue si insupportable, que je ressens l'impératif besoin de faire tout mon possible pour lutter contre elle.
Or, face à la déliquescence du service public de la justice, je ne trouvais plus de sens à mes actions. Par l’effet des politiques néolibérales austéritaires, la justice est très largement sous-dotée en moyens, elle parvient de moins en moins à remplir sa mission. Pour vous dire, les Tribunaux n’ont même pas le budget papier suffisant pour imprimer les écritures et pièces des avocats… Les délais de procédure sont devenus absurdes (comptez par exemple deux à trois ans pour une action prud’homale, ajoutez encore deux ou trois ans pour l’appel…), les magistrats croulent sous les dossiers et tout ne fait qu’empirer année après année. Parmi les conséquences directes, l’une des plus graves est que les décisions rendues sont d’une qualité de plus en plus « discutable ». Euphémisme. À quoi bon passer des dizaines d’heures à travailler un dossier pour se faire ratatiner par un Juge qui, malgré lui, n’y aura consacré que quelques minutes d’attention. Rien qu’au cours de ma dernière année d’exercice, j’ai été confronté à plusieurs décisions de justice catastrophiques procédant d’erreurs manifestes, et aux conséquences désastreuses pour les personnes concernées. Et même s’il serait excessif d’affirmer que les erreurs judiciaires sont la norme, elles sont devenues si récurrentes et grossières qu’elles corrompent le système tout entier. Une justice devenue injuste. Tout le monde le sait, tout le monde s’en plaint, mais tout le monde s’en accommode, et rien ne change.
Le pire dans tout ça, c’est bien l’apathie générale qui règne dans le milieu. Il y a bien ici ou là quelques personnes d’exception qui tentent de réveiller les esprits et d’agir pour sauver l’institution judiciaire du naufrage, mais leur courage est noyé par le mouvement général des flots du conformisme et de l’indifférence.
Confronté à l’inertie de l’ensemble de la profession d’avocats face à une situation politique écœurante et directement responsable de ce désastre, je ne me sentais plus à ma place. Les quelques confrères exceptionnels d’humanité et de dévouement que j’aurais côtoyés en chemin – et que je remercie ici chaleureusement – n’auront pas suffi à dissiper mon sentiment de solitude. Les bonnes âmes sont trop rares dans un monde dominé par les apparences où il ne faut surtout parler de rien d’important pour ne pas se faire mal voir.
Le monde des avocats n’échappe pas au principe contemporain tyrannique selon lequel l’image que l'’on renvoie compte davantage que ses bonnes actions. En découle une désinvolture et une forme de schizophrénie où à chaque attaque contre la justice, la profession se contente de gesticuler. On danse, on chante, on s’enchaîne au palais de justice… mais pas question de parler politique !
Il s’agit moins de défendre les citoyens que de conserver les privilèges de sa corporation ; il s’agit moins de combattre une énième loi scélérate que de se rassurer benoîtement en se disant « on a fait quelque chose », et tant pis si ce « quelque chose » n’avait aucune chance d’aboutir. On fait semblant, et ça semble suffisant.
J’ai vu des gens qui pour la plupart sont si heureux d’avoir accédé à un statut social élevé qu’ils se considèrent « arrivés ». Ils ne pensent plus, ne se renseignent plus, comme si l’octroi de la carte d’avocat les avait promus au rang de nobles, les dispensant par la même occasion de rendre des comptes à la société. Le fait d’occuper une position sociale élevée s’accompagne d’une obligation, celle d’œuvrer pour la défense des classes sociales moins privilégiées. Tel est pour moi, le sens profond du serment d’avocat : "Je jure, comme avocat, d'exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité". Je crois malheureusement qu’on en est loin…
J’ai conscience que la charge est dure, et pourra être mal vécue par certains dans le monde du droit. Mais les temps qui s’avancent sont dangereux. Les tempêtes se profilent à l’horizon, et sans sursaut moral collectif, l’attentisme d’aujourd’hui produira bientôt, – s’il n’en produit pas déjà, – de coupables lâchetés. Il n’est pas question de faire les comptes, de distribuer les bons et les mauvais points pour classer les gentils et les méchants. Mais lorsqu’une situation devient critique, il faut se dire les choses, pour favoriser la remise en question et avancer. Oui, il va falloir mettre les mains dans le cambouis, réinvestir les idées politiques, accorder du temps à la compréhension des dynamiques actuelles et accepter d’en parler ! Nous sommes formés à plaider dans le respect du contradictoire, nous devrions bien être capable de débattre sereinement de politique, non ? Alors arrêtons de faire l’autruche ! Qu’on me pardonne mon indélicatesse. J’espère juste que ce message puisse participer à une prise de conscience collective.
Je vais désormais suivre un autre chemin où je le crois, mon engagement contre l’injustice sera plus utile. Je ferai une annonce à ce sujet prochainement.
Merci à tous ceux qui auront pris le temps de me lire.

13 mars 2025

Jak Umbdenstock

Kuzmanovic Georges

- 13/3/2025 - L'Assemblée nationale a donc voté une résolution (et non une loi) pour saisir les avoirs russes afin de financer l'effort de guerre de l'Ukraine. On parle de 210 milliards d'euros.
C'est d'une stupidité sans limites et un danger pour la France et la zone euro.
1. C'est illégal au regard du droit international.
On pourrait dire "passons", nous n'en sommes plus à ça près...
2. Cela rompt la confiance de tous les pays qui détiennent des réserves en euros, achètent de la dette souveraine (française en l'occurrence) ou investissent en France : ils ne peuvent plus faire confiance à la France ni à l'Europe. Demain, ils pourraient être menacés à leur tour et donc déplaceront leurs fonds et leurs investissements là où ils ne risquent pas de se les faire confisquer.
J’alerte sur ce point spécifique : ce serait une catastrophe colossale, dont on n'explique pas assez les conséquences aux Français et que nombre de nos politiciens ne semblent pas comprendre.
3. En 2021, avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, les investissements directs de l'UE en Russie étaient estimés à environ 311 milliards d'euros, selon la Banque centrale européenne.
Depuis 2008, près de 75 % des investissements directs étrangers (IDE) en Russie provenaient de l'UE, principalement d'Allemagne et de France (qui était le premier employeur privé étranger).
Cela signifie que la Russie peut saisir des biens européens, et en l’occurrence français, pour compenser les pertes qu'elle pourrait subir.
Ajoutons à cela un fait que nos dirigeants évitent d’ébruiter : l'UE a payé plus en gaz et en pétrole russes depuis l'embargo qu'elle n'a financé l'Ukraine – une absurdité sans nom...
4. La saisie de ces milliards ne change rien au problème de fond : le manque de production industrielle militaire maintenant dans l'UE. Lancer des liasses de billets contre des casques ne sert à rien.
Par ailleurs, il a été clairement posé à l'Assemblée nationale que cela ne peut pas servir à l'achat d'armes pour l'Ukraine au regard du droit international, mais seulement à sa reconstruction.
Oui mais voilà... Le dégel des avoirs russes et leur restitution (avec les intérêts) font partie des clauses de paix exigées par la Russie, laquelle... est en train de gagner cette guerre.
La plus grande partie des destructions se trouve dans les villes, villages, usines et terres désormais contrôlés par la Russie. Dès lors, si les avoirs russes sont saisis, seront-ils renvoyés à la Russie pour reconstruire les zones détruites qu'elle aura conquises ? Ironiquement, le Kremlin a déclaré qu'il serait d'accord avec cela.
Cela en dit long sur le fantasme géopolitique dans lequel baignent Bruxelles et la plupart des dirigeants européens, persuadés que la Russie va restituer à l’Ukraine les territoires qu’elle occupe.
C’est l’incapacité de voir quel camp gagne la guerre et d’adopter une attitude pragmatique en conséquence.
5. Toute cette agitation stérile des pays de l'UE ne fait que compromettre les chances d’un arrêt des combats.
Les Russes, en effet, n’accepteront aucun terme américain s’ils ne sont pas certains d’un alignement total des pays de l’UE sur Washington.
Enfin, n’étant plus souverains en rien, ce vote ne sert pas à grand-chose puisque, in fine... la saisie ou non des avoirs russes dépendra des juges belges.
Zéro souveraineté et pouvoir des juges sur le politique : voilà ce qu’est, entre autres, l’UE.
Précision, la résolution a été adoptée par une courte majorité de de 288 voix pour et 54 contre (LFI et député communistes ont voté contre), le RN s'est abstenu.

Christian Dubuis Santini

- 13/3/2025 - Ne pas confondre l’Europe dont la Russie est une composante historique (et pas des moindres) avec l’Union Européenne qui est une machinerie bureautechnocratique au service d’intérêts privés – essentiellement américains – visant à l’exploitation des ressources européennes.

L'AVANT-GUERRE

Gabriel Nerciat

- 13/3/2025 - D'après le directeur des services du renseignement de la principauté de Monaco, dont l'expertise en matière d'espionnage est reconnue dans le monde entier, la Russie s'apprêterait à envahir le rocher des Grimaldi avant la fin de la décennie.
Vladimir Poutine, en effet, qui est très joueur et d'un nihilisme consommé, veut s'emparer du casino de Monte-Carlo pour pouvoir y jouer à la roulette russe avec son homologue français en toute sécurité, sans craindre d'endommager les rideaux et le tapis.
Il veut aussi récupérer les milliards de certains oligarques et brigands ukrainiens que la principauté est heureuse d'accueillir, en toute discrétion, depuis trente ans, afin d'indemniser les avoirs de la Banque centrale russe que la Commission de Bruxelles rêve de lui dérober afin de les envoyer à Kiev.
Ce soir, le prince Albert II va s'adresser à ses sujets, pour leur dire que l'heure est grave et que l'intégrité de leur casino devra être défendue quoi qu'il en coûte.
Il va également annoncer qu'il commencera dès la semaine prochaine un régime alimentaire afin d'être en mesure de rentrer dans son uniforme de capitaine de corvette avant le début des opérations.
Son épouse, la princesse Charlène, pour plus de sécurité, a préféré s'éloigner du palais et prendre ses quartiers dans un palace de Dubaï.
L'émir s'est déclaré très heureux de l'accueillir. Sa capitale manque de femmes blondes, estime-t-il, dès lors qu'on y lève les voiles.

Marc Amblard
13/3/2025
Anne-Sophie Mercier / Le Canard enchaîné
9/3/2025

12 mars 2025

Ixène

Régis de Castelnau

Rubrique : shame on you

« Camarade Sergueï Viktorovitch Lavrov, nous avons un appel du secrétaire d’État américain Marco Rubio.
– Je vais le prendre, passez-le-moi.
– Bonjour Monsieur le ministre, je vous appelle après la négociation que nous avons menée à Djeddah avec la délégation ukrainienne. Nous nous sommes mis d’accord avec eux pour faire à la Russie la proposition suivante : vous acceptez un cessez-le-feu, une trêve quoi, sur l’ensemble de la ligne de front pour un mois. Nous reprenons toutes les livraisons militaires à l’Ukraine et rétablissons leur accès aux systèmes électroniques satellitaires, d’ISR et de ciblage de leurs frappes. Et dans un mois, on commence les vraies négociations sur un traité de paix.
– Si je comprends bien, cher Monsieur Rubio, alors que nous sommes en train d’écraser l’armée ukrainienne, vous nous proposez de lui donner un répit pour qu’elle puisse souffler, se rééquiper, se réorganiser et être, avec votre soutien, à nouveau d’attaque dans un mois. Vous ne prenez aucun engagement aujourd’hui sur le contenu des négociations et en particulier sur les propositions régulièrement rappelées par Vladimir Poutine. Donc cette proposition de trêve n’engage ni les États-Unis, ni l’Ukraine sur la suite du conflit. Vous connaissez Monsieur le secrétaire d’État, mon souhait de toujours respecter les usages en gardant aux rapports diplomatiques la courtoisie nécessaire. Mais là, je vais me permettre une familiarité en vous demandant si vous n’êtes pas en train de vous foutre de ma gueule ?
–  Ah oui mais non, pas du tout ! C’est bien une proposition de paix que nous formulons. Il ne s’agit pas dans notre esprit de permettre à l’Ukraine de récupérer pour éventuellement reprendre les hostilités. J’ai l’impression que vous n’avez pas confiance. En tout cas, désormais dans le processus de paix que nous avons initié, « la balle est dans votre camp ».
– « La balle est dans votre camp », pour une offre de cessez-le-feu c’est amusant. Permettez-moi cependant de vous rappeler que dans notre arsenal nous avons autre chose que des balles. Malheureusement je regrette, mais votre proposition n’en est pas une. Tout d’abord le fait que tous les excités bellicistes européens qui nous déclarent la guerre à longueur de communiqué, d’émissions et des colonnes, la reprennent mot pour mot, vous en conviendrez, n’est pas très bon signe. Ensuite, vous parlez de confiance. Bizarrement, Monsieur le secrétaire d’État, nous ne vous en faisons aucune. (...).