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19 décembre 2025

LE SPLEEN NOCTURNE DES EUROPÉISTES

Gabriel Nerciat
19/12/2025


Ce devait être le moment historique de l'avènement de l'Europe-puissance, la date fatale - 19 décembre 2025 - où l'union de plus en plus contraignante et triomphale des peuples d'Europe fédérés au nom du libéralisme kantien, aujourd'hui menacé par le national-populisme américain et le souverainisme traditionaliste grand-russe, allait imposer de façon souveraine son Nomos impérial à ses ennemis désemparés, en volant superbement à la Banque centrale russe les 210 milliards d'euros de bons du Trésor détenus en son nom par la firme belge Euroclear (plus deux autres banques françaises dont le nom n'a pas été ébruité dans la presse) afin d'éviter la banqueroute de l'entité kiévienne.
Et puis, patatras ! Tout s'est écroulé - milliards, veaux, vaches, cochons, aigle à dix têtes - en l'espace d'une nuit.
Pourtant, dès avant la tenue du sommet, les chances de succès étaient minces : même la BCE avait émis une désapprobation catégorique, relayée par plusieurs chefs de gouvernement - dont la soi-disant très pro-ukrainienne Giorgia Meloni (qui d'entrée de jeu a bloqué avec Viktor Orban toute perspective d'accord).
Le prix à payer et les risques consécutifs d'une crise obligataire de la zone euro étaient beaucoup trop lourds pour qu'on s'aventurât à jouer aux dés dans ce contexte, alors même que les finances de la France ou de l'Italie sont en roue libre et que l'armée russe vient de faire tomber les deux bastions stratégiques de Pokrovsk et de Seversk.
Mais ce n'est pas grave : ils y croyaient tant, les clercs européistes ! Ursula la Grande Hyène de Bruxelles le leur avait promis : "Nous ne reculerons pas ! La dignité de l'Europe et l'avenir de la liberté du monde sont en jeu. Périsse le droit international, pour que vive l'Europe impériale des états de droit."
Ce soir, le rêve impérial est brisé : Jean Quatremer a envie de vomir, Brice Couturier veut se tondre les cheveux, Nicolas Tenzer pense au suicide, BHL a perdu l'appétit, Raphaël Glucksmann commence une grève de la faim, Christine Angot veut émasculer tous les banquiers belges, Caroline Fourest propose de sauter en parachute sur le toit de Euroclear, Alain Souchon part en Suisse, David di Nota fait semblant de boxer contre des soldats russes imaginaires dans les rues de Kiev, Macha Méril pleure, Benjamin Biolay ne chante plus (ouf), Mathieu Kassovitz au Fouquet's hurle qu'il a la haine, Marion van Renterghem éberluée à côté de lui répète sans cesse les mêmes mots, en vidant sans discontinuer des coupes de champagne : "Ce n'est pas possible, ce n'est pas possible, ce n'est pas possible...".
Le plus douloureux en amour n'est pas de découvrir qu'on est trompé ou quitté ; c'est de comprendre qu'on n'aimait pas celui ou celle qu'on croyait aimer, mais un autre être, entr'aperçu dans le halo de la conscience, et sur lequel on projetait par commodité les traits du premier.
Voilà le drame que vivent depuis ce matin les européistes, en France ou ailleurs : ils découvrent que le Léviathan technocratique légué par Jean Monnet n'est pas et ne sera jamais la puissance cosmopolitique redoutable qu'ils croyaient voir en lui.
On devrait les plaindre, mais on s'en gardera bien.
Leur douleur est saine : elle rabroue les fats et constitue le revers douillet de notre joie.