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15 février 2023

Retraites : vers une manœuvre institutionnelle ?

Gilles La Carbona

L’urgence pour l’opposition est à l’intelligence. En est-elle capable ? Rien n’est moins certain. Quand on voit les occasions manquées qu’elle s’est ingéniée à cumuler depuis le début du second quinquennat de Macron. Et plus récemment avec la réforme des retraites, on ne peut que craindre le pire. S’il n’y avait pas eu de consensus idéologique pour refuser de voter la motion référendaire du RN, concernant les retraites, nous n’en serions pas là aujourd’hui. Là, c’est-à-dire au bord du gouffre. Il faut dire que Macron a bien attiré tous les députés, et notamment ceux de la NUPES, dans son piège.

Il était évident qu’il n’utiliserait pas le 49.3, il lui fallait simplement laisser l’obstruction des députés faire son œuvre, sans s’affoler, sans même s’offusquer, pour doucement glisser la loi au Sénat et à son ami Larcher qui n’attend qu’une chose : la voter. Ce gros homme nanti, ne semble pas sensible à ceux qui pourraient, au même âge que lui, souffrir dans leur chair au travail.

Nous avions au RPF, déjà signalé cette stratégie au mois de janvier, ce n’est hélas pas pour autant que nous avons été écoutés. La loi sera donc envoyée au sénat le 17 février, où elle devrait passer. L’opposition pourra alors se lamenter et verser toutes les larmes de son corps, la messe sera dite. Sauf si, à l’instar de ce qui s’est passé avec la loi sur EDF, elle décide enfin de s’unir et de voter contre cette loi. Mais pour cela il faudrait qu’elle retire immédiatement tous les amendements qui empêchent le vote aujourd’hui. C’est un risque, bien entendu, mais comparé à ce qui se passera si, sans vote, le texte est envoyé au Sénat, ce n’est rien du tout.

Unie, l’opposition fait reculer le gouvernement, elle vient de le montrer avec le vote concernant EDF. Il est temps de savoir de quel côté l’opposition se situe. Veut-elle réellement faire échouer cette réforme, ou se cache-t-elle derrière les sénateurs pour s’absoudre d’avoir à prendre part à un vote que finalement, elle ne veut pas ? Car la question peut se poser en ces termes, et ne manquera pas de leur sauter au visage une fois que ces braves sénateurs, qui se sont entendus avec Macron depuis cet été, auront fait passer la loi, contribuant au passage à vendre notre système social aux fonds de pensions US, accélérant un peu plus la dépendance de la France aux USA, tout en certifiant avoir sauvé un système qui se porte très bien tout seul. Les sénateurs seront complices, mais que leur importe de trahir puisqu’ils ne sont pas élus par le peuple ? Qu’ont-ils à faire des millions de manifestants dans la rue, eux qui n’ont pas de compte à rendre aux électeurs ?

Il est néanmoins encore possible de couper l’herbe sous le pied de Macron, en forçant le vote à l'Assemblée nationale, en souhaitant aussi, qu’il soit majoritairement contre, ainsi, le sénat n’aura pas le dernier mot. Et cela donnera le temps aux syndicats de peser et d’organiser une vraie riposte. Ces mêmes syndicats qui ont d’ailleurs demandé à la NUPES de retirer suffisamment d’amendements, pour que l’article sur les 64 ans puisse être voté, mais n’ont pas encore été entendus, eux non plus. Il y a une vraie urgence et la balle est dans le camp de la NUPES. Que va-t-elle faire, allons-nous assister au réveil de la clairvoyance en politique, ou assister une fois de plus médusés et écœurés, à l’effondrement de tous nos espoirs ? Il reste quelques jours pour avoir la réponse.
14/2/2023