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19 juin 2025

DÉFAITE À CRÉDIT

Jean-Claude Delhez

-19/6/2025- Une information passée sous silence par beaucoup de médias occidentaux, une de plus, et on comprend pourquoi : fin mai, l'Ukraine a fait défaut sur une partie de sa dette. Kiev devait rembourser 665 millions à des créanciers de l'État ukrainien. C'est une partie d'un prêt de 3,3 milliards de dollars. Malgré des négociations entre les parties, l'Ukraine n'a pas remboursé la somme due à l'échéance prévue. Parce que l'Ukraine n'a plus d'argent et ne peut donc payer ses créanciers. En conséquence, le 3 juin, l'agence de notation américaine Standard and Poor's a dégradé la note de confiance de l'Ukraine de CC à D. La notation D est la plus basse qui existe ; elle signale aux créanciers que les risques qu'ils courent à ne pas être remboursés sont les plus élevés.
La dette de l'État ukrainien a doublé depuis le début de la guerre avec la Russie, approchant les 100% du PIB. Cela malgré les transferts de fonds massifs en provenance de l'Occident : près de 300 milliards d'euros sont venus d'Europe et des USA depuis 2022.
Pour comprendre la situation financière ukrainienne, il faut s'intéresser au déficit public du pays. À titre de comparaison, dans la zone euro, le déficit de l'État ne doit pas dépasser les 3% du PIB ; d'où la situation inquiétante de la France qui atteint les 5 à 6% (au point que certains envisagent même une mise sous tutelle du FMI, comme ce fut le cas pour la Grèce ou l'Argentine). En Ukraine, rien de comparable. Le déficit varie, chaque année depuis l'invasion russe, à des taux compris entre 15 et 20%. L'État ukrainien n'a pas les moyens de sa politique. Dès lors, pour financer son budget, il s'endette, année après année. Et sa dette est désormais hors de contrôle. On estime qu'elle grimpera à 120% l'an prochain. Comme l'État est en déficit permanent, c'est-à-dire que ses recettes sont très inférieures à ses dépenses, maintenant, il ne parvient plus à rembourser la portion de cette dette qui vient à échéance régulièrement. D'où le premier défaut acté il y a quelques jours au détriment de ses créanciers.
L'usage du défaut sur la dette pose la question de savoir qui prête de l'argent à l'Ukraine. C'est-à-dire qui risque de ne jamais être remboursé. On comprend que cet argent ne vient pas de la Russie ou des pays des BRICS. C'est l'Union européenne qui prête à Kiev, ainsi que les institutions internationales. Ce seront donc ceux-là qui devront éponger les défauts de paiement.
A cela, il faut ajouter le coût de la reconstruction du pays. Il faut savoir que le programme de reconstruction est déjà en cours depuis des mois. C'est-à-dire qu'on construit en Ukraine au moment même où des projectiles russes s'abattent tous les soirs sur le pays et y détruisent quantité d'infrastructures. Qui finance cette reconstruction ? Théoriquement, c'est l'Ukraine. Mais comme Kiev n'a pas les moyens, c'est l'Union européenne qui emprunte pour financer les contrats de construction, en espérant être remboursée un jour. Autant dire que cet espoir est vain.
La guerre en Ukraine est un gouffre financier qui conduit Kiev à la faillite et, par contre-coup, endette le continent européen, qui est déjà lui-même surendetté. Histoire d'en rajouter une couche dans la fuite en avant financière, ce conflit justifie le programme de réarmement massif que nous vendent, depuis quelques mois, tous les politiciens européens, dont les 800 milliards (de futures dettes) annoncés par Ursula von der Leyen. Le cas français permet de se faire une idée de l'état consternant des finances militaires. L'an dernier, faute de moyens, l'État français n'a pas été capable de payer pour 8 milliards de factures militaires. Que fait-il alors ? Il demande un délai à ses créanciers, en sorte de reporter le paiement à plus tard. Mais il lui faut dès lors payer des intérêts de retard, des intérêts moratoires ; intérêts qui lui valent un surcoût de plusieurs dizaines de millions.
Les politiciens européens sont acharnés à faire durer la guerre en Ukraine le plus longtemps possible. Or, pour ne s'en tenir qu'aux seules considérations financières, plus cette guerre dure, plus l'Ukraine s'enfonce dans la faillite et plus l'Europe s'endette. On se souvient de ces politiciens français annonçant l'effondrement prochain de l'économie russe. Il faut leur accorder une chose : une économie va bel et bien s'effondrer, mais ce ne sera pas la russe.