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15 septembre 2025

Les chiens de garde 2.0 : l’affaire Legrand/Cohen ou le service public au service de l’ultra-centre

Kuzmanovic Georges
15/9/2025

Il y a des scandales qui révèlent tout un système. L’affaire Legrand/Cohen est une déflagration politique et médiatique, pourtant elle n’a rien de surprenant. Le voile s’est simplement levé sur la réalité des choses. Ne sont surpris que les naïfs puisque les exemples de connivences entre médias et politiques sont légion. C’est la démonstration, brutale et limpide, de ce que Serge Halimi appelait déjà dans "Les Nouveaux chiens de garde" la fusion entre élites politiques, économiques et médiatiques au service d’un même ordre social.
Thomas Legrand / Patrick Cohen, prétendus chevaliers blancs du journalisme, jurent, la main sur le cœur, ne faire que servir « l’intérêt général ». À voir.
Certains les croyaient bardés de principes, la réalité est celles de l’entre-soi et des connivences politiques, et même de classe. Car enfin, de quoi s’agit-il ? Pas d’une conversation de comptoir, pas d’un café pris entre amis (même si Legrand voudrait nous le faire croire avec sa candeur de faux naïf), mais bien de deux journalistes du service public rendant des comptes à des élus, promettant de saboter la campagne d’une candidate, en l’occurrence celle de Madame Rachida Dati, et de favoriser l’élection d’un autre à la présidentielle de 2027, Raphaël Glucksmann pour ne pas le nommer.
La vérité crue est que cela est de la manipulation électorale, ou au moins une volonté de manipulation électorale – et sûrement pas la première, on se rappellera, par exemple leurs éditos enamourés envers le candidat Emmanuel Macron, « Jupiter », « Mozart de la finance », « révolutionnaire », etc. Il ne s’agit ni plus ni moins que de trahison du contrat moral entre service public et citoyens.
À ces critiques, la réaction de la caste médiatique a été fascinante : Mediapart crie au coup monté de l’extrême droite, Le Point se demande ingénument si « les journalistes n’auraient plus le droit d’avoir des conversations de bistrot », le HuffPost s’inquiète seulement de la « bronca opportuniste »… Tous rivalisent pour défendre les deux compères. Comme le disait déjà Serge Halimi dans Les Nouveaux chiens de garde : la presse dominante n’est jamais autant soudée que lorsqu’il s’agit de protéger ses propres privilèges.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : une caste. Une bourgeoisie médiatique, bobo, européiste, atlantiste, économiquement néolibérale, mais qui aime à se donner des airs de gauche, mais seulement lorsqu’il s’agit de questions sociétales et qui a surtout l’immense pouvoir de décréter ce qui est le « Bien » et ce qui est le « Mal », sans jamais avoir à s’en justifier – du bushisme médiatique. Jean-Claude Michéa l’avait parfaitement vu : ce progressisme de façade masque mal une soumission totale au capitalisme mondialisé. Dans L’Empire du moindre mal ou Notre ennemi, le capital, il rappelle que l’alliance historique entre la gauche libérale-libertaire et le capitalisme néolibéral repose sur un accord tacite : laisser libre cours aux revendications sociétales (mariage, minorités, libertés individuelles) tout en sacralisant l’économie de marché et la libre circulation des capitaux. C’est exactement la matrice idéologique de Cohen, Legrand, Salamé et compagnie : se dire « de gauche » parce qu’on coche les cases progressistes, tout en soutenant la mondialisation et le néolibéralisme qui détruisent les classes populaires.

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L'article sur Thomas Legrand et Patrick Cohen :