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25 février 2023

Enrôlés de force

Anne-Sophie Chazaud

Voilà donc un an que nous nous trouvons enrôlés de force dans un conflit à la fois local/fratricide qui ne nous concerne pas et à la fois sorte de guerre par procuration (de moins en moins indirecte) de type proxy que se livrent les USA et la Russie sur le dos de l’imbécile Union européenne.
Un an que nous sommes sommés à grands sons de trompe de prendre à toute force position pour les belligérants sous peine d’excommunication, de menaces plus ou moins violentes, de points Godwin en pagaille, d’insultes, et d’appels à faire la guerre depuis son salon tv, plateau tv et ordinateur, mais toujours avec le sang des autres. Le sang des enfants des autres, et je me permets d’insister personnellement sur ce point, ce qui me donne une certaine légitimité pour m’exprimer. Car si le conflit venait à s’envenimer, ce ne sont pas les enfants de BHL, de Gluscksman, d’Enthoven ou de je ne sais qui, qui paieraient de leur sang cette folie d’aller mourir pour le Donbass, mais le mien.
Un an que, le pistolet sur la tempe, nous sommes contraints de porter haut les couleurs d’un patriotisme étranger par ceux-là mêmes qui, depuis des décennies, nous interdisent de porter notre propre patriotisme. Nous obligent à considérer que le nazisme ukrainien est fréquentable quand la moindre de nos prises de position de simple bon sens ici, chez nous, est systématiquement disqualifiée sous prétexte de fascisme rampant.
Un an que nous sommes tenus de sauver un pays d’une invasion étrangère quand le nôtre s’enfonce chaque jour dans la barbarie, la sauvagerie et la psychose d’un passage à l’acte à base de couteaux volants et de voitures folles devenues la norme et contre lesquelles aucune guerre d’envergure, la seule qui devrait nous concerner, n’est menée.
Un an qu’il est devenu impossible de raisonner de manière équilibrée et dialectique. Un an que l´on subit une propagande sans limites dans laquelle à peu près toute la presse hexagonale s’est grotesquement déconsidérée, au point que le mot-même de «paix» est devenu le synonyme de quelque bassesse munichoise puisque cela fait également un an que des historiens de supermarché comparent historiquement tout ce qui ne peut pas être comparable, aucune comparaison historique n’étant de toute manière jamais fondée méthodologiquement.
Un an qu’il est impossible d’avoir un point de vue tempéré et non hystérique sur ce conflit. Impossible de dire que oui nous devons venir en aide aux populations victimes d’une invasion, mais tout comme nous devions venir en aide depuis des années aux populations du Donbass victimes de la sauvagerie ukrainienne à leur encontre, ou encore à nos amis Arméniens persécutés, à nos frères chrétiens d’Orient persécutés, ou encore aux pauvres Yéménites persécutés, et à toutes les populations victimes des guerres américaines, notamment aux Proche et Moyen Orient ces dernières années, lesquelles ont délibérément et sur des bases mensongères, saccagé des régions entières du monde sans jamais qu’on leur en ait a posteriori demandé des comptes, allant plutôt jusqu’à embastiller ceux qui, comme Julian Assange, révélèrent la vérité.
Un an que nous sommes sommés de choisir entre un autocrate un peu parano et qui a commis une invasion stupide et un comique pénien cocaïnomane qui, lui au moins contrairement à ses pauvres compatriotes, ressortira de cette petite affaire avec plus d’argent qu’il n’en avait au départ.
Un an que nous devons supporter la stupidité des commentateurs et politiciens de tout poil, rêvant de démanteler la grande Russie et frappant à présent de leurs petits poings et lançant de petits coups de menton parfaitement grotesques en direction de la grande Chine.
Pauvres incultes…
Un an que nous devons supporter de devoir choisir entre les incontestables crimes commis par Wagner et l‘ukronazisme qui, comme le martèle courageusement Arno Klarsfeld, n’a pas fait son examen de conscience.
Un an que nous devons supporter la russophobie la plus inculte et la plus abjecte, les autodafés, les commentaires les plus stupides, le révisionnisme le plus immonde, la relativisation effective de la Shoah et de la part majeure prise par la Russie dans la victoire contre le nazisme.
Un an aussi que l´on ne fait qu’opposer une propagande à une autre dans une logomachie hystérique et stupide : on ne peut être, bien sûr, qu’un valet de Poutine, un laquais de l’Empire américain, une pu… de l’Otan. On ne peut qu’être un partisan du wokisme ou un serviteur des régimes autoritaires.
Aucune voie médiane n’est autorisée. Aucune mesure. Aucune tempérance. Aucun recul.
Permettez pourtant que l’on en revienne à une ligne gaullienne qui, considérant que les pays n’ont pas d’amis mais uniquement des intérêts, je considère en premier lieu ce qui est bon pour mon pays.
Que je ne cède à l’hystérie belliqueuse ni des uns ni des autres, que je ne me réjouisse des crimes de guerre de personne (crimes incontestables, et dans les 2 camps et étant évidemment admis que je ne mets pas dans cette balance sur un même plateau l’agresseur et l’agressé).
Permettez que je ne choisisse pas entre la folie impérialiste culturelle d’un wokisme dégénéré et les régimes autoritaires russes ou chinois qui, toutefois, ont le mérite d’opposer un contrepoids dans le rapport de force aux États-Unis.
Permettez que je ne choisisse pas entre un autocrate qui a pris des décisions stupides dans lesquelles il est désormais embourbé comme ses troupes, et un vieillard sénile marmonnant n’importe quoi entre 2 chutes d’avion.
Permettez que je n’accepte ni l’invasion objective d’un pays souverain (et quoi qu’on pense de celui-ci) ni le mensonge, la trahison, la tromperie, la duplicité permanente et la cupidité comme par exemple le sabotage américain de NordStream qui nuit directement aux intérêts de MON pays, ce qui m’importe en premier lieu.
Permettez que je prenne un peu de hauteur et que je fasse observer que les 3/4 de la planète n’en ont strictement rien à faire de cette histoire de chrétiens d’obédiences diverses qui s’entretuent dans un grand moment de vive intelligence.
Un an au terme duquel je n’attends qu’une seule chose donc, c’est qu’une paix dont personne ne ressorte humilié soit trouvée, voire imposée.
La Chine, la Turquie poussent en ce sens et l’Europe serait bien inspirée d’en faire autant.
Espérons par conséquent que l’année à venir soit plus utile sur tous ces points que la précédente, en particulier sur le plan de l’intelligence collective manifestement disparue.