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3 février 2023

La discrète et coûteuse quasi-nationalisation d’Orpea

H16

La nouvelle ne surprendra que les plus naïfs : la Caisse des Dépôts et Consignations va devenir l’actionnaire majoritaire du groupe Orpea, qui s’occupe de maisons de retraite et connaît d’importantes difficultés financières depuis plus d’un an. Sapristi ! Une quasi-nationalisation discrète, et personne ne semble ni s’en émouvoir, ni s’en féliciter…

Pourtant, les montants qu’on évoque ne sont pas anodins : une dette de 9,5 milliards d’euros, un effacement de 3,5 milliards et une injection de capitaux à hauteur de 1,55 milliards, voilà qui commence à faire des montants dodus qui pourraient faire jazzer.


Malgré cela, l’opération semble n’intéresser personne et le sort final du leader mondial des EHPAD (72.000 salariés, 255.000 patients et résidents dans ses établissements) ne déclenche guère que quelques articles dans une presse tournée vers d’autres préoccupations, depuis les mésaventures des cyclopathes français jusqu’aux prix des péages inévitablement en hausse (la guerre contre les automobilistes continuant de faire rage).

Orpea, c’est ce groupe qui avait fait parler de lui il y a tout juste un an, à la sortie du livre “Les Fossoyeurs” de Victor Castanet, consacré à la gestion de ce groupe et aux traitements légèrement sous-optimaux des résidents : les révélations qu’on pouvait y lire avaient mis en avant de gros problèmes institutionnels qui avaient entraînés des procédures judiciaires de l’État. Le groupe est maintenant en pleine restructuration et s’approche dangereusement d’une faillite retentissante, alors que la hausse des coûts alimentaires et énergétiques pousse un manque de liquidités au premier trimestre 2023.

L’annonce de l’intervention massive de la CDC permet ici de sauver les meubles, au moins dans l’immédiat. La nouvelle équipe dirigeante se félicite au passage de l’arrivée de la “puissance publique” dans ce groupe, ce qui “réduira les exigences de rentabilité du groupe”. Réduire la rentabilité du groupe, voilà qui laisse augurer du meilleur pour la dette restante.


Autrement dit, tout se passe comme d’habitude au pays du miel en retraite et du lait pensionné : en lieu et place d’une solide faillite avec à la clé quelques incarcérations de dirigeants incompétents qui auraient rappelé à tous les concernés leur responsabilité dans cette déroute, l’exfiltration des responsables s’est faite dans la plus grande discrétion et l’État intervient pour corriger tout cela dans la dentelle et le silence ouaté des folliculaires officiels… Et avec le pognon du contribuable, ne l’oublions pas.

Chose intéressante : les Français vont donc payer pour rétablir la bonne santé financière de ces établissements dans lesquels la plupart d’entre eux ne pourront même pas aller une fois leur heure venue, l’actuelle retraite étant destinée au même type de déroute que ces établissements. Sauf que l’État n’y pourra plus rien faire à ce moment.

De façon plus symptomatique, ces établissements profitent directement des retraites versées à leur pensionnaires, qui ne suffisent semble-t-il pas à couvrir leurs frais (d’où l’hippopodette accumulée). Or, coquin de sort, c’est le même État, sauveur du groupe, qui est aussi responsable de la gestion de ces retraites, de plus en plus compliquées à verser sans faire pleurer les cotisants. Intéressante perspective qui n’est pas prête de s’améliorer quand on voit le monde dans la rue pour conserver le système tel quel, aussi pourri soit-il.

Autrement dit, les mêmes causes produisant résolument les mêmes effets, il est raisonnable d’imaginer que la situation d’Orpea va suivre celle des retraites par répartition en France, pour des raisons globalement similaire de gestion à la Va Comme Je Te Pousse Mémé Dans Les Orties, C’est Là Qu’elle Coûte Le Moins Cher.

L’état général de ces établissements, les frémissements sociaux actuels et les gesticulations grotesques du gouvernement se rejoignent admirablement à ce sujet pour nous garantir une fin misérable à base d’Inspecteur Derrick en boucle, de nouilles froides au dîner à 18h30 et d’extinction des feux obligatoire à 20h45 après l’homélie de Claire Chazal.

Eh oui : les Français, abrutis par des années de socialisme et de syndicalisme marxiste, d’éducation au rabais qui ne permet plus au citoyen lambda de faire une règle de trois (et encore moins de comprendre le principe pourtant fondamental des intérêts composés), ne saisissent pas toute l’arnaque que constitue l’actuel schéma de Ponzi des retraites par répartition et s’accrochent donc à ce système en refusant d’envisager la capitalisation, pourtant seul moyen réellement fiable d’assurer de vieux jours confortables, quel que soit le profil socio-professionnel.

Tentant obstinément de faire rentrer de gros parallélépipèdes collectivistes dans de petits trous circulaires de l’âpre réalité, ils ne comprennent donc pas comment triturer taille et durée des cotisations, âge de départ et montant des pensions versées pour parvenir à distribuer à tous des retraites vaguement décentes dans un avenir proche.


Et ce, alors même que la base de ceux qui payent s’amenuise d’année en année.

Manque de bol, les gains de productivité – sur lesquels les néo-communistes et autres turbo-socialistes d’opérette harpent à longueur de débat – ont été largement engloutis dans les fromages de la République, toujours plus nombreux et dans l’arrosage massif d’argent public dans l’aide sociale, mais pas dans les retraites.

À la question « Où sont parties les cotisations ? », peu de Français comprennent que la réponse est à chercher dans la multiplication des strates administratives, des personnels bureaucratiques, des errements de l’État dans tous ses milliers de plans grotesques (vous reprendrez bien une éolienne ou deux, non ?) et autres subventions directes, indirectes et cachées, dans le sauvetage de tous les canards boiteux dans lesquels copains et coquins se sont vautrés, ainsi que dans le maintien d’une paix sociale de plus en plus exorbitante.

Paix sociale tellement exorbitante que le différentiel (colossal) avec ces gains de productivité alimente une dette de 3000 milliards d’euros maintenant. Le moindre incident de parcours, et – pouf ! – cette paix va voler en éclats petits et pointus…

Or, vu la conjoncture, la démographie, les cadors au pouvoir et dans les “oppositions” en carton, le problème n’ira qu’en augmentant.

Avec des Français qui passent déjà 25 années à la retraite, l’avalanche de mauvaises nouvelles (augmentation des cotisations ET rallongement du temps de cotisation ET baisse des retraites) n’a pas fini.

À côté, rappelons que grâce à la puissance des intérêts composés, une capitalisation de 300€ par mois pendant 42 ans à 5% (ce qui est peu quand on se rappelle des volumes dont il est question ici sur les marchés financiers mondiaux), cela permet d’aboutir à 500.000€ en fin de carrière qui peuvent ensuite en rapporter 25.000 par an (soit 2000€/mois) sans toucher au capital.

Et comme le prouvent de nombreuses études (et ce livre, par exemple, où les auteurs montrent comment et pourquoi un travailleur moyen peut, par la capitalisation, disposer pendant sa retraite d’une pension supérieure à son dernier salaire), non, les aléas de la bourse n’y changent rien : même en cas de grosses crises, même en cas de guerres, la capitalisation reste un bien meilleur système que la répartition, vol pur et simple sur le dos des générations futures.

Mais voilà : il n’y aura pas de remise en question, ni des principes de la retraite, ni de ceux qui permettent à des établissements, en toute intégration avec le système actuel, de profiter sans vergogne de ces pensions, ni même du fait que l’État puisse devenir ainsi actionnaire d’un groupe en quasi-faillite.

Depuis ceux qui sortent dans la rue jusqu’à ceux qui gesticulent dans les couloirs républicains, tout le monde réclame que tout ceci perdure.

Ceci perdurera donc.