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17 décembre 2022

Corrompus et corrupteurs

Jacques COTTA

La coupe du monde de foot, coupe du monde de la honte, se ter­mine de façon bien morose. Sur le simple plan foot­bal­lis­ti­que, la fête pro­mise n’a pas eu lieu. Les vedet­tes du ballon rond, trans­for­mées en mar­chan­di­ses, apa­tri­des mil­lion­nai­res dis­per­sés aux quatre coins de la pla­nète, n’ont pas été capa­bles de donner à leur équipe natio­nale, virées très vite de la com­pé­ti­tion, le succès escompté. Sur le plan popu­laire, l’engoue­ment appelé de toute leur force par les com­men­ta­teurs de tout bord n’a pas été au rendez vous, les ras­sem­ble­ments notam­ment sur les champs-Elysées pour l’équipe de France n’ayant pas grand chose de commun avec ceux qui accom­pa­gnaient la vic­toire de 1998.

Point de vue spor­tif donc, et poli­ti­que pour l’usage qui devait en être fait, cette coupe du monde n’est pas au rendez-vous.

Mais il y a plus !

Alors que le scé­na­rio écrit devait atti­rer tous les regards vers Doha, lieu sou­dain pré­senté comme "festif", "ouvert", "démo­cra­ti­que", c’est vers Bruxelles que les regards se sont diri­gés.

Eva Kaili, député grec­que, vice pré­si­dente du par­le­ment euro­péen, a été inculpées et écrouées, diman­che 11 décem­bre, dans une enquête por­tant sur des soup­çons de cor­rup­tion en lien avec le Qatar, pour « appar­te­nance à une orga­ni­sa­tion cri­mi­nelle, blan­chi­ment d’argent et cor­rup­tion ».

A l’issue d’une quin­zaine de per­qui­si­tions à Bruxelles, six autres sus­pects ont été également inter­pel­lés dont l’ex-euro­dé­puté ita­lien Pier-Antonio Panzeri et le secré­taire géné­ral de la Confédération syn­di­cale inter­na­tio­nale Luca Visentini. Selon la presse belge, le propre père d’Eva Kaili a été inquiété dans l’enquête, sur­pris en train de trans­por­ter des paquets de billets « dans une valise ».

La séquence est digne des films de gang­sters de série B.

Des cen­tai­nes de mil­liers d’euros en liquide trans­por­tés dans des sacs ont été saisis. Députés euro­péens d’une part, émirat du Qatar de l’autre sont donc les prin­ci­paux pro­ta­go­nis­tes de cette aven­ture qui a éclaté à la veille des demi-fina­les de foot, venant donner un nouvel éclairage de la fête Qatarie.

Mais pour­quoi donc une telle débau­che d’énergie finan­cière ?

Le Qatar dési­rait avec l’orga­ni­sa­tion de la coupe du monde affi­cher une image de res­pec­ta­bi­lité, de faste, de luxe, de pou­voir. Il vou­lait ainsi gommer ses rela­tions inces­tueu­ses avec des grou­pes ter­ro­ris­tes notam­ment. Il avait l’ambi­tion d’étendre ses rela­tions dans des buts poli­ti­ques, mais également finan­ciers, notam­ment avec l’Europe où l’Emir, sa famille et son entou­rage pos­sè­dent des parts de plus en plus impor­tan­tes du patri­moine immo­bi­lier et indus­triel, comme cela est le cas en France où les avoirs Qataris se sont mul­ti­pliés depuis la pré­si­dence Sarkozy.

Mais la coupe du monde ne suf­fi­sait pas.

Avec la cor­rup­tion ins­tal­lée au sein des ins­ti­tu­tions euro­péen­nes, le Qatar dési­rait s’assu­rer la bien­veillance des élus euro­péens, dont la vice pré­si­dente du par­le­ment qui début novem­bre s’était rendue à Doha où elle avait salué en pré­sence du minis­tre Qatari du Travail « les réfor­mes de l’émirat dans ce sec­teur ».

« Le Qatar est un chef de file en matière de droits du tra­vail », avait ainsi affirmé Eva Kaili le 22 novem­bre à la tri­bune du Parlement euro­péen, pas­sant par pertes et pro­fits la vie de plus de 6000 ouvriers morts dans la cons­truc­tion de stades réfri­gé­rés en plein désert. Des paro­les qui n’avaient pas sus­cité de levée par­ti­cu­lière de bou­cliers.

Il s’agis­sait en réa­lité pour ces élus euro­péens non seu­le­ment de camou­fler les condi­tions d’escla­vage dans les­quel­les la coupe du monde a été montée avec l’assen­ti­ment géné­ral, mais d’affir­mer que tout compte fait les rela­tions socia­les au Qatar pou­vaient être un modèle. Ni plus, ni moins !

Des dépu­tés euro­péens au plus haut niveau ont donc mon­trés qu’ils étaient cor­rom­pus. Certains sont donc incar­cé­rés.

Mais qu’en est-il des cor­rup­teurs ?

Ce sont les auto­ri­tés Qataries qui en toute logi­que devraient être mises au ban de la société. À défaut, la réac­tion judi­ciaire risque de n’être qu’un leurre qui vise à éteindre l’incen­die avant qu’il n’embrase l’ensem­ble de la com­mu­nauté poli­ti­que inter­na­tio­nale.

Enfin, qui dit cor­rom­pus et cor­rup­teur doit s’inter­ro­ger sur les com­pli­ci­tés qui per­met­tent à un tel pacte de cor­rup­tion de voir le jour…

Les com­pli­ci­tés ?

La liste est sans doute longue, et en tout bien tout hon­neur. Il serait bon de balayer devant notre porte ...