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9 janvier 2023

La constitution dévoyée…

Gilles La Carbona

Au vu du fonctionnement de notre pays, on peut se demander si nos institutions sont encore adaptées à une démocratie moderne. Avant toute chose, il faut bien comprendre qu’étymologiquement parlant, démocratie veut dire que le peuple gouverne, du moins qu’il prend part activement, aux décisions de la cité. Les démocraties modernes se sont complexifiées et pour contourner cette difficulté nous élisons des spécialistes, ou vendus comme tels, pour œuvrer à notre place. Enfin pour sécuriser le tout, les pays se sont dotés de constitutions, afin de donner un cadre juridique à l’ensemble et surtout d’établir la séparation des pouvoirs, socle d’une constitution.

Le problème en France c’est que nous assistons depuis plusieurs années à une confusion des genres. Le fameux régime mi-présidentiel, mi-parlementaire ne convainc plus. Taillées sur mesure pour le général de Gaulle, ces institutions ont depuis été plus que malmenées. Elles étaient basées sur l’indépendance et la probité de son arbitre, or il y a belle lurette que l’arbitre ne voit les fautes que dans un sens, et qu’il s’est empressé de cadenasser les fameux contre-pouvoirs. Macron a verrouillé le système judiciaire, notamment le Conseil d’État et surtout le Conseil Constitutionnel, s’est assuré, par la corruption, que la presse serait l’écho docile de sa vérité, et pour ce qui est du parlement, il s’en est de fait affranchi. Dans son premier quinquennat en ayant des députés à ses ordres, et aujourd’hui en laissant les oppositions faire semblant de se déchirer. Pendant ce temps, il débloque seul 30 millions d’euros pour aider ses amis milliardaires, détenteurs de la presse écrite, ou livre du matériel de guerre, pour le moment conventionnel à l’Ukraine, mais après tout, pourquoi ne décidera-t-il pas un jour de donner un sous-marin nucléaire, qui l’en empêcherait ? Il fait voter ses réformes en utilisant le 49.3, sans s’encombrer de débats compliqués, ou d’amendements contraires à ses objectifs, bref il gouverne seul. Mais en quoi cela est-il blâmable ? Montesquieu l’a martelé : « Tout homme qui a le pouvoir est poussé à en abuser ». C’est pour cette raison qu’il avait imaginé dans l’esprit des lois la séparation obligatoire des pouvoirs, exécutif, législatif, judiciaire. On a vu comment Macron les a neutralisés et ceux qui viendront prétendre qu’il n’en est rien, seraient bien inspirés de reprendre l’historique des faits et d’avoir à l’esprit que ce n’est pas parce qu’une décision est rendue au nom de la République, qu’elle est juste, ou absente de collusion avec le pouvoir qui a nommé ses membres. Le droit n’est pas une garantie de justice, il reflète simplement la pensée de celui qui édicte la règle ou la fait appliquer en interprétant les textes à sa guise. Mais encore une fois, Macron joue son jeu. Bien entendu les puristes défenseurs d’une idée virginale de la démocratie défendront le contraire. Ils auront raison, mais Macron aussi, il n’est qu’un humain porté à abuser de son pouvoir. Personne ne conteste aujourd’hui le fait qu’il n’a pas été élu pour sauver la France, ou les intérêts de notre pays, mais bien pour suivre le plan de la bande à Davos. Ses récentes saillies humoristiques lors de la galette des rois n’infirmeront pas cette vision. Il est dans son élément, celui du cynisme et de la provocation. Le plus dramatique ne vient pas de lui, mais bel et bien du pouvoir législatif qui ne remplit pas son rôle.

Force est de constater que Macron n’y est pour rien, enfin pas totalement, ne soyons pas naïfs à ce point. Si cette façon de gouverner est si déplaisante au peuple, elle ne l’est pas pour nos oppositions qui laissent faire. Il ne tiendrait qu’à elles de rétablir la séparation des pouvoirs et de faire en sorte que le législatif fasse les lois, et que l’exécutif se contente de les mettre en application. Hélas il n’en est rien, les pseudo représentants du peuple sont comme Macron, ils ne sont pas là pour défendre leurs électeurs et leurs désirs, mais pour conserver pendant cinq ans leurs privilèges, donc ils laissent faire. Ils s’abritent derrière les habituels couplets : « On ne peut pas voter avec la Nupes », ou dans l’autre sens : « On ne peut pas voter comme le RN ». Et si le peuple ose dire, comme le mendiant à Talleyrand « Monseigneur, il faut bien que je vive », il reçoit la même réponse : « Je n’en vois pas la nécessité ». Les boulangers, les restaurateurs et bien d’autres professions devraient garder en mémoire cette citation, car là est leur devenir.

Nous vivons dans l’illusion permanente et ce, à tous les niveaux. Celle d’être dans une démocratie respectueuse des droits et libertés, celle d’être dans un pays industriel aux ressources solides, celle d’être dans un système monétaire fort et stable, celle de posséder des services publics performants et suffisants. Mais tout ne tient que par un savant mélange de bonnes volontés et d’un miracle permanent, pour autant, la réalité va finir par rattraper tous ces acteurs endormis et le réveil sera brutal.

Le constat est sans appel, nos institutions ne sont effectivement plus adaptées au besoin de transparence et de justice que demande le peuple. Tant qu’un parti, mais peut-on encore croire en eux, n’aura pas dans son programme la refonte totale de ces dernières, nous subirons la loi du plus fort ou du plus rusé. L’exécutif est en roue libre et personne ne semble en capacité de l’arrêter, nous devrons donc boire la coupe jusqu’à la lie. « On ne refera pas la France par les élites, on les refera par la base », disait Bernanos… hélas cette prophétie ne s’est jamais réalisée il est à craindre qu’elle ne reste qu’un vœu pieu. Nous sommes condamnés à voir notre pays s’écrouler sous les jérémiades insupportables et répugnantes des oppositions, qui ne suscitent plus que le mépris. Le peuple de France est livré à lui-même.