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16 février 2024

L’article 4 signe la fin de la démocratie

Gilles La Carbona


« L’idéologie ! C’est elle qui donne au crime sa justification et au scélérat la fermeté durable dont il a besoin. Elle lui fournit la théorie qui lui permet de blanchir ses actes à ses propres yeux comme à ceux des autres et de recueillir, au lieu de reproches et de malédictions, louanges et témoignages de respect. Ainsi a-t-on vu les inquisiteurs s’appuyer sur le christianisme, les conquérants sur la grandeur de leur patrie, les colonisateurs sur l’idée de civilisation, les nazis sur la race, les Jacobins et les bolchéviks sur l’égalité, la fraternité et le bonheur des générations futures ». A. Soljenitsyne, l’Archipel du goulag.

Hier par manque de députés, la macronie irritée du premier vote défavorable de l’article 4 de sa loi sur les dérives sectaires, à enlevé une virgule ici, remplacé un mot par son synonyme là et en seconde lecture a trouvé une majorité aveuglée par l’argutie, pour le rétablir. La démocratie a une fois de plus chancelé sous les coups répétés et ignobles de ce pouvoir qui n’hésite plus à détruire tout ce qui peut le mettre en difficulté. Le débat contradictoire est dangereux pour lui, il l’évite, le contourne et face à ses mensonges n’a d’autre alternative pour s’en sortir que de l’interdire, non sans se gausser de quelques insultes et ostracisations au passage. On ne peut supprimer les idées, alors on les rend illicites et leur énoncé devient un délit. A l’heure où ces hypocrites vont se rassembler pour un vibrant hommage à Badinter, incarnation de la justice, les mêmes s’autorisent à piétiner le principe de liberté d’expression, au nom d’un scientisme idéologique des plus nauséeux. La forfaiture est d’autant plus douce à leurs yeux qu’elle se vautre dans la fraude sémantique, l’amoralité la plus abjecte.

L’imposture est de taille, elle est la marque des pires individus, ceux qui se réclament d’une exemplaire loyauté pour sauver la liberté et qui agissent contre le précepte même, qu’ils prétendent défendre. Ce sont des pervers narcissiques, jouant sur l’emprise des contraires pour désorienter et influencer les esprits, au point de faire adorer ce que le bon sens hier honnissait à raison. L’article 4 n’est rien d’autre que l’arbitraire, autorisé pour mettre en prison des médecins qui ne penseront pas comme le pouvoir exige qu’ils le fassent, ou réfuteront les traitements qui auront été décrétés comme seuls valides. Mais c’est Poutine l’ignoble dictateur, Trump l’infâme extrémiste, Marine Le Pen la menace pour notre nation ! Ceux qui ont voté cet article, conscients des avis du Conseil d’État sur sa non-constitutionnalité, ont commis un crime. Le terme n’est pas plus exagéré que n’est l’idée de pouvoir emprisonner toute personne qui aura le malheur de ne pas penser comme les liberticides macronistes. Comme toujours, la critique qu’ils ne supportent pas est mise à l’index, déclarée subversive parce que gênante.

Que direz-vous à vos enfants lorsqu’ils se rendront compte qu’exprimer une opinion peut les conduire en prison et que c’est vous, leur parent, qui en êtes à l’origine ? Est-ce le visage d’un pays libre, mieux, d’une science ouverte et prospère ? Bâillonner des Raoult ou des Peronne, sous le seul prétexte que leur discours vous dérange, comme l’explique Véran, ne protège personne. Aujourd’hui vous vous en prenez à la médecine, et demain, quel sera l’autre thème pour lequel vous jugerez que tout débat doit être prohibé car proclamé par vos soins comme déviant ? En rétablissant cet article vous vous inscrivez dans la lignée des dictatures les plus infâmes, de celles qui ont brûlé les livres. Aucun esprit libre ne peut accepter ces relents de goulag, aux faux accents de justice et de vérité. Vous n’avez pas œuvré pour protéger la liberté de pensée, vous lui avez sectionné les ailes. Il y a des principes que l’on défend et qui grandissent les hommes, et des actes qui les salissent. Celui d’avoir voté l’article 4 entre dans la seconde catégorie.

Ceux qui n’étaient pas là, jugeant que l’important était ailleurs, ont failli. Leur désintérêt pour le sujet a mis en péril l’équilibre précaire qui fait tenir debout une démocratie. L’heure est très grave. Une telle loi est digne des pires dictatures, de celles qui menèrent au Goulag des écrivains pour avoir contesté un pouvoir, affiché des idées contraires à celles martelée comme bonnes. Il ne restera plus qu’à attendre le jugement du Conseil constitutionnel, en espérant qu’il suive les conclusions de ses collègues du Conseil d’État. Le Sénat retirera sans doute une fois de plus l’article incriminé, et la Commission Mixte Paritaire échouera. Le gouvernement donnera le dernier mot à l’Assemblée nationale et il ne restera qu’une motion de censure pour faire tomber le gouvernement : peu probable. Seul le Conseil constitutionnel devra trancher. On peut donc craindre le pire, mais on attendra avec impatience les arguments qu’il avancera pour aller contre l’avis étayé du Conseil d’État. Pour l’heure les députés ont failli, une fois de plus. Grâce soit rendue à ceux qui se sont battus contre cet article, honte aux autres. On a vu les artistes se répandre en tribune pour dénoncer la loi immigration, vont-ils se mobiliser avec la même fougue pour la liberté d’expression, ou ce sujet-là ne les intéresse-t-il pas ?