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16 février 2024

Radu Portocala

Je regarde très rarement CNews, et toujours à petites doses. Mais cela, bien entendu, n’a aucune importance. Ce qui est important, c’est que Reporters sans Frontières, organisation autrefois respectable, ait saisi le Conseil d’État au sujet des émissions diffusées par cette chaîne, et de ce que les délateurs considèrent être une absence de « pluralisme » et de « diversité des courants de pensée » tant chez les modérateurs que chez les invités. Le Conseil d’État, ayant trouvé que la délation était opportune, a demandé à l’ARCOM de faire le nécessaire.
Il faut se demander, d’abord, qu’entend-on par pluralisme d’une chaîne d’information. Faut-il, avant de les embaucher, vérifier les sympathies politiques des journalistes et organiser des rédactions bigarrées - qui, par la force des choses, se trouveraient dans un blocage permanent ? Faut-il, en préparant une émission, prendre soin d’avoir sur le plateau un représentant de chaque mouvement politique et faire signer à ces gens, auparavant, une déclaration sur l’honneur ? Faut-il compter, à la seconde près, leur temps de parole, afin que l’équilibre soit parfait ? Ou faut-il, tout simplement, pour être acceptable, n’avoir que des journalistes de gauche et des invités de gauche, qui débattent exclusivement des bienfaits de la politique de gauche ?
De vastes opérations de censure se mettent en place - et pas seulement en France, mais dans tout le monde occidental. La bien-pensance totalitaire est sur le point de s’installer dans nos sociétés, et rien, ou presque rien, ne s’y oppose. Des écrivains - et non des moindres - ont été interdits de publication et doivent se contenter de « samizdats » comme dans l’URSS de Brejnev. Des journalistes n’ont plus leur place dans aucune publication. Des conférences sont interdites par les révolutionnaires. Des journaux sont punis par le retrait des réclames. On finira bien par museler ou interdire une chaîne de télévision.
Et on se contentera de rouspéter un temps, puis on oubliera. On oubliera même qu’une époque fut où il était possible de dire et d’écrire ce que l’on pensait. Et quand on sera tous muets - et, finalement, contents de l’être - ILS ne seront plus embêtés pas qui que ce soit et ILS pourront laisser ouvertes les portes de la prison. Parce que l’envie ou les raisons d’en sortir auront été étouffées par le grand, le sinistre silence de l’orde nouveau.